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Les activités littéraires du groupe progressiste (Les réunions des progressistes et la revue Saverā) (1950-51)

Chapitre IV : Les activités des marxistes (1947-1959)

4.1 Les activités du pôle marxiste en faveur du panjabi entre 1947 et 1955 .1 Activités du groupe progressiste

4.1.1.3. Les activités littéraires du groupe progressiste (Les réunions des progressistes et la revue Saverā) (1950-51)

La recommandation d’écrire dans les langues régionales et de s’adresser au peuple dans sa langue, qui figurait dans le manifeste des progressistes lu pendant la conférence, est réitérée un mois après la conférence dans un communiqué publié à la page 245 du numéro 7/8 (1950) de Saverā :

Badqismatī se taraqqī-pasand adab kī teḥrīk abhī tak zyādatar urdu likhne vāloṃ tak meḥdūd rahī hai. Go Pākistān ke taraqqī-pasand adīboṃ kī bahut baṛī akṡariyat kī

sāxt aur uske qavā’id meṃ bāhamī munāsbat aur qarībī t‘alluq hai, unke alfāẕ kā żaxīra bahut ḥad tak muštarak hai aur Panjāb meṃ urdu kī rivāyat ṣadyoṃ se vahāṃ kī tehżībī zindagī kā ek juz ban cukī hai. Isliye Panjāb mein panjābī ke furūġ ke m‘anī urdu ke xātme ke hargiz nahīṃ haiṃ.

« Il n’y a pas de doute que lorsque le peuple sera au pouvoir le Panjabi recevra davantage de promotion. Et il serait faux de dire que l’ourdou est au Panjab une langue étrangère ou extérieure. Des similitudes au niveau de la syntaxe de base et de la grammaire rapprochent l’ourdou et le panjabi, leur vocabulaire est jusqu’à un certain point voisin et la tradition de l’ourdou fait partie depuis des siècles de la vie culturelle du Panjab. C’est la raison pour laquelle la promotion du panjabi au Panjab ne devrait pas signifier la fin de l’ourdou (Zahir 1956 : 303-304). »

Le soutien de Sajjad Zahir au Panjabi a donc des limites : Si le rôle du Panjabi va naturellement s’accroître, il n’est pas question que son progrès entraîne l’abandon de l’ourdou. Encore moins qu’il vienne à le remplacer.

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mādrī zubān panjābī, pašto, bangalī yā sindhī hai, lekin vo un zubānoṃ meṃ likhnā ‘ār samajhte haiṃ (…) Urdu meṃ xūb likhiye, isko furūġ dene kī pūrī košiš kijiye lekin sāth hī ye samajh lijiye kī jab tak āp apnī qaumī zubānoṃ meṃ na likheṃge āpkī teḥrīk šehrī ḥalqoṃ tak meḥdūd rahegī. ‘Avām meṃ jaṛ nahīṃ pakaṛ sakegī (…) Apnī qaumī zubān meṃ na likhkar āp apne ‘avām ko inqilābī xiyālāt se meḥrūm hī nahīṃ karte, unkī apnī adabī ṣalāḥyatoṃ ko ubharne aur camakne kā mauq‘a baham nahīṃ pahūṃcāte (…) Agar qaumī zubān meṃ likhne kī muhim calā’ī jā’e to bahut se kisān aur mazdūr likhne vāle hamārī ṣaf meṃ šāmil hoṃge. Jab tak āp is tajvīz par ‘amal nahīṃ karte āpkī teḥrīk mutavassiṯ ṯabqe tak meḥdūd rahegī. Āpkī bahut si mufīd bātoṃ ko bhī ‘avām samajhne se qāṣir raheṃge aur āp apnī teḥrīk ko ‘avāmī jadd-o jehd kā juz banāne meṃ pūrī ṯaraḥ kāmyāb na hoṃge.

« Malheureusement le mouvement progressiste a été jusque là avant tout limité à des écrivains d’ourdou. Alors que la grande majorité des langues maternelles des écrivains progressistes sont le panjabi, le pachto, le bengali ou le sindhi, ils hésitent à écrire dans ces langues (…) Ecrivez en ourdou autant que vous voulez, essayez de donner à l’ourdou autant d’essor que vous pouvez, mais rappelez vous que tant que vous n’écrirez pas dans les langues des peuples du Pakistan votre mouvement restera limité aux villes. Il ne pourra pas s’implanter dans le peuple. En n’écrivant pas dans les langues des peuples (langues nationales) vous ne privez pas seulement le peuple d’idées révolutionnaires, vous ne lui permettez pas de développer ses dons (talents) littéraires. (…) Si nous lançons un mouvement en faveur de l’écriture dans les langues des peuples alors nous pourrons être rejoints par un grand nombre d’écrivains paysans et ouvriers. Tant que vous ne suivrez pas ces directives votre mouvement restera limité à la classe moyenne. Le peuple ne pourra pas comprendre nombre de vos idées qui pourraient lui être utiles et vous ne réussirez pas à faire de votre mouvement un élément de la lutte des classes. »

Ce programme sera immédiatement appliqué par les progressistes de Lahore.

Après la conférence, chaque mois un texte panjabi sera lu et commenté pendant la réunion hebdomadaire de la branche lahorie du mouvement progressiste. Ces réunions avaient lieu régulièrement depuis 1948 au hall du YMCA, au Dyal Singh College, puis à la résidence de Tahira Mazhar Ali Khan371.

Pendant ces réunions des œuvres littéraires étaient présentées et critiquées, suivant un format que le Ḥalqa-e arbāb-e

żauq – première organisation de ce type à Lahore – avait

popularisé : habituellement, les poètes récitaient un poème, suivi de la lecture d'une nouvelle ou d'un essai critique. Puis les participants commentaient les textes présentés. Une personnalité intellectuelle (écrivain, journaliste etc) présidait ces réunions372.

Abid Hassan Minto raconte cette introduction du panjabi dans les réunions :

Ye mujhe yād hai ki kuch ‘arṣe ke liye hamārī anjuman-e taraqqī-pasand muṣannifīn ne…anjuman kī jo weekly meeting hotī thī (…) usmeṃ ye faiṣla bhī hu’ā ki mahīne meṃ ek martaba panjābī kī koī cīz paṛhī jā’egī. Lekin mujhe yād nahīṃ hai ki vo kitne din calā kitne din nahīṃ calā. Panjābī likhne vāle itne available nahīṃ hote the jo panjābī meṃ likhte the aur progressive the (…) Anjuman kī jo hamārī weekly meeting thī ismeṃ Aḥmad Rāhī baṛe baqā’ida āte the, aur urdu aur panjabi donoṃ meṃ apnī naẕmeṃ peš karte the. Ek mauq‘e ke ūpar Aḥmad Rāhī kī ek naẕm panjābī kī unhoṃne peš karnī thī (…) pehlī martaba Rāhī ṣāḥab se dūbadū mulāqāt huī. Unhoṃne apnī naẕm paṛhī, maiṃ ne sunī, uspar jo beḥṡ huī vo sārī panjābī meṃ huī.

« Je me souviens que lors de notre réunion hebdomadaire des écrivains progressistes (…) eh bien nous avions décidé que chaque mois on lirait quelque

371Usmani 2016 : 253.

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chose en panjabi. Mais je ne me souviens pas combien de temps cette pratique a duré. Il n’y avait pas tant d’écrivains qui écrivaient en panjabi et qui étaient progressistes (…) Ahmad Rahi venait avec régularité à notre réunion hebdomadaire de l’association des écrivains progressistes, et présentait ses poèmes en ourdou et en panjabi. Je me souviens d’une fois où il devait présenter un poème en panjabi (…) c’était la première fois que je le rencontrais en personne, il avait lu son poème, j’avais écouté et la discussion qui avait suivi s'était déroulée en panjabi »373.

Abdul Rauf Malik, autre vétéran marxiste, se souvient lui aussi parfaitement de ces réunions en panjabi, et déclare qu’il avait lui aussi entendu Ahmad Rahi pour la première fois dans une de ces réunions374.

Présenter un texte en panjabi et le commenter dans cette langue au cours d’une réunion, est une véritable révolution dans le milieu littéraire de Lahore. En effet, aucune des organisations littéraires de Lahore telles que le Ḥalqa-e arbāb-e żauqne permettait qu'on y lise des textes en panjabi. Les discussions critiques avaient lieu toujours en ourdou, même si les personnes qui prenaient part à la discussion étaient panjabiphones et avaient l’habitude, en dehors des réunions, de se parler en Panjabi375.

Mais contrairement au Ḥalqa-e arbāb-e żauq, dont le secrétaire consigne les discussions qui ont lieu pendant les réunions, les progressistes n’ont rien consigné376. Nous ne savons donc pas quels textes ont été lus pendant ces réunions (ni quels ont été les commentaires des participants), mais Abdul Rauf Malik a indiqué que les textes lus pendant ces réunions ont été plus tard publiés dans les numéros de la revue Saverā, revue officielle du mouvement progressiste, qui, pour les accueillir, a créé une chronique spéciale en panjabi appellée Panjāb rang « Couleur du Panjab »377.

Les progressistes mettent ainsi au service du panjabi non seulement leur organisation mais aussi leur revue officielle. Le numéro 9 (1951) de Saverā contient dont 5 poèmes panjabis écrits par les poètes Amrita Pritam, Sharif Kunjahi, Tanvir Naqvi, Afzal Parvez et Ahmad Rahi378, le Numéro 10/11 (1951) 4 poèmes panjabis par Amrita Pritam, Abdul Majid Bhatti, Sharif Kunjahi et Ahmad Rahi379 et le numéro 12 (1952) 5 poèmes panjabis par Amrita Pritam Abdul Majid Bhatti, Sharif Kunjahi, Tanvir Naqvi et Ahmad Rahi380. La publication de textes en panjabi dans Saverā cessera après le numéro 12. En tout 11 poèmes d’auteurs progressistes pakistanais ont été publiés dans Saverā entre 1951 et

373Entretien avec Abid Hassan Minto, Lahore, 14 mars 2018.

374Entretien avec Abdul Rauf Malik, Lahore 16 mars 2018.

375Everyone spoke in Punjabi but wrote in Urdu. To take this irrationality one step further, he spoke Urdu at the halqa, though he continued the discussion on the same subject in the coffee house or tea house in punjlish (Azeez, K.K. 2007 : 266)

376Fait confirmé par Abdul Rauf Malik (Entretien avec Abdul Rauf Malik, Lahore 27.juillet 2018). Dans le cours de notre recherche nous avons trouvé seulement un témoignage détaillé sur les discussions qui avaient lieu pendant les réunions de l’association des progressistes : Il s’agit de la réunion du 11 décembre 1948 (citée dans Ali Kamran Asdar 2015 : 137-140) qui avait été reproduite dans un numéro de Nuqūš de janvier 1949 (p.179-185).

377Entretien avec Abdul Rauf Malik, Lahore, 27 juillet 2018.

378Kaṇkāṃ de gīt « Chansons des blés » d’Amrita Pritam, Idhar odhar « Ici et là » de Tanvir Naqvi, Sac ka’o pare be’o « Dis la vérité et écarte toi ! » de Sharif Kunjahi, Jaṭṭā pagṛī sambhāl « Paysan, ne laisse pas tomber ton turban » d’Afzal Parvez, Canān ve terī cannī « Mon amour je suis ton clair de lune » d’Ahmad Rahi

379 Iqrārāṃ vālī rāt « La nuit des aveux » d’Amrita Pritam, Kaṇkāṃ te chankāṃ « Blés et tintements » d’Abdul Majid Bhatti, Lamyāṃ syālī rātāṃ « Les longues nuits d’hiver » de Sharif Kunjahi et Navāṃ navāṃ bor « Les nouveaux bourgeons » d’Ahmad Rahi

380Akhyāṃ « Les yeux » d’Amrita Pritam, Lehriye dūpaṭṭe « Echarpe ondulée » d’Abdul Majīd Bhatti mahīt de Sharif Kunjahi Gīt « Chanson » de Tanvir Naqvi, Dilāṃ de saude « Les ventes des cœurs » d’Ahmad Rahi

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1952. On peut donc penser qu’une grande partie des textes lus lors de la réunion mensuelle des progressistes consacrée au panjabi en 1951 et 1952 ont paru dans cette revue.

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