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La réparation au moment du divorce dans les deux pays

Section I. Le divorce

Paragraphe 2. Les dommages-intérêts

A. La réparation au moment du divorce dans les deux pays

320. Les dommages-intérêts en France sont plus anciens qu’en Chine. Leur origine

remonte à une loi du 2 avril 1941, validée ensuite par l’ordonnance du 12 avril 1945278. Ils ont été conservés par la loi du 11 juillet 1975. L’objet était de « réparer le préjudice

-161- matériel ou moral que la dissolution du mariage faisait subir au conjoint innocent en cas de divorce prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux »279. Ainsi, la relation entre

les dommages-intérêts et le tort exclusif de l’un des époux était étroite.

Ce n’est que récemment que les dommages-intérêts ont vu le jour en Chine. Ce point était une lacune dans le droit du mariage, la victime avait du mal à demander réparation lors de la procédure de divorce. En tenant compte de l’accroissement de certains faits, tels que la violence conjugale et le concubinage d’une personne mariée avec un tiers, le législateur ne s’est pas contenté de prévoir le prononcé du divorce afin de libérer la victime d’une vie matrimoniale malheureuse ; il avait également la volonté de l’indemniser pour réparer les dommages qu’elle avait subis.

a. Les dommages-intérêts en France

321. La loi du 26 mai 2004 porte une réforme sur le principe des dommages-intérêts,

lesquels ne se fondent plus sur la réparation d’un préjudice en cas de tort exclusif de l’un des époux. Le principe des dommages-intérêts est de réparer les conséquences d’un fait grave lié à la dissolution du mariage.

Aujourd’hui, on constate que l’attention du législateur français concernant les dommages-intérêts porte sur le divorce lui-même et non sur les torts. Ce changement amplifie directement le champ du bénéficiaire : aux termes de l’article 266 du Code civil, « des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux […] soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'avait lui-même formé aucune demande de divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint ». En revanche, la demande de dommages-intérêts ne peut être formulée en cas de divorce par consentement mutuel et de divorce par acceptation.

Il est compréhensible que les dommages-intérêts s’ouvrent au divorce prononcé aux torts exclusifs, car ce principe reprend l’idée de la loi précédente. Cependant, l’idée s’appuie sur la réparation du préjudice et non sur la sanction d’un fait fautif. Concernant le divorce prononcé pour altération définitive, sa conception enrichit le contenu des

-162- dommages-intérêts. Même si aucune faute ne peut être imputée au débiteur, en tant qu’auteur de la « séparation-répudiation » 280, il est tenu de payer pour sa demande.

322. Par ailleurs, la loi précise dans l’article 266 du Code civil sans préjudice de

l’application de l’article 270 du même code qui confirme l’autonomie des dommages- intérêts par rapport aux prestations compensatoires. Il en résulte que le cumule éventuel de ces deux dispositifs autorise l’un des conjoints à obtenir des bénéfices considérables.

323. À travers le droit commun en France, les dommages-intérêts se présentent aussi à

l’article 1382 du Code civil : « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.» La question qui se pose naturellement est la suivante : quels sont les champs d’application des articles1382 et 266? Le premier peut-il compléter l’application du second ou existe-t-il des conflits au moment de leur mise en œuvre?

Sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 266, la demande visée ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. Par ailleurs, seules deux formes de divorce, à savoir le divorce pour faute et le divorce pour altération définitive du lien conjugal, sont prévues, alors que l’article 1382 s’applique à tous les types de divorce ; une fois que le préjudice est qualifié, il peut être invoqué, peu importe la forme du divorce et le statut du demandeur. Plus précisément, « [l’article 266] autoris[e] celle du dommage matériel ou moral né de la dissolution du mariage et [l’article 1382 permet] l'indemnisation d'un préjudice distinct résultant de fautes commises par le conjoint pendant le mariage.»281

Par conséquent, les autres formes de divorce qui ne sont pas prévues par l’article 266, peuvent invoquer la responsabilité civile du droit commun prévu à l’article 1382 du Code civil. En outre, cet article répare également un préjudice distinct de celui né de la dissolution du mariage. Selon l’arrêt de la Cour de cassation du 1er janvier 2009282, en l’espèce, une femme a démontré qu’elle avait souffert de ne pas voir ses enfants au cours de la procédure, en se référant aux articles 266 et 1382. La Cour a jugé que « la privation de ses enfants, que lui avait infligée son mari, avait causé à la femme un

280 Alain BENABENT, op.cit., p. 258, n°561.

-163- préjudice distinct de celui né de la dissolution du mariage ». Ainsi, les dommages- intérêts étaient dus par le mari sur le fondement de l’article 1382.

Il n’existe donc pas de conflit entre ces deux articles. En revanche, l’article 1382 consolide le champ de protection, en quelque sorte.

b. Une nouveauté issue de l’amendement de 2001 en Chine

324. Aux termes de l’article 46 du droit du mariage, les dommages-intérêts peuvent

être invoqués dans un des quatre cas suivants : 1) la bigamie ; 2) si l’un des deux conjoints cohabite avec autrui ; 3) l'usage de la violence familiale ; 4) la maltraitance et l'abandon de membres de la famille; si un tel fait conduit directement à l’échec du mariage.

325. Dans ce texte, certains éléments constitutifs doivent être soulignés pour connaître

dans quels cas, la demande de dommages-intérêts sera recevable.

En premier lieu, l’un des actes indiqués à l’article 46 doit être présent. Naturellement, un fait non énuméré par cet article ne peut être invoqué pour demander des réparations.

En second lieu, le préjudice doit être qualifié. Avant, le débat à ce sujet était vif sur la question de savoir si le dommage moral était dans la sphère de l’article 46, hormis le dommage physique. La 1ère « Interprétation » de 2001 a mis fin à ce débat. Aux

termes de l’article 28 de la même « Interprétation », « les dommages-intérêts prévus par l’article 46 du droit du mariage affectent le préjudice tant matériel que psychologique ». En troisième lieu, il est nécessaire de prouver la causalité entre les dommages- intérêts et le divorce. Plus précisément, les dommages-intérêts de l’article 46 ne peuvent pas être invoqués pendant la vie matrimoniale. Si la demande de divorce est rejetée, ils ne peuvent pas non plus être appliqués. De plus, une telle faute invoquée par la victime pour demander des dommages et intérêts doit constituer un motif essentiel du divorce.

-164- La preuve de causalité entre la faute imputable et la rupture du mariage est à la charge de la victime.

Enfin, l’un des époux doit avoir l'intention de déroger à l’un des quatre cas prévus à l’article 46. Dans le cas contraire, si son acte n’est pas intentionnel, les dommages- intérêts sont exclus.