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Un régime à améliorer en Chine

Section I. Le divorce

Paragraphe 1. La prestation compensatoire

B. La mise en œuvre de la prestation compensatoire

2. Un régime à améliorer en Chine

314. À la différence de l’objet principal de la prestation compensatoire en droit

français, centré sur l’idée de vouloir rééquilibrer la vie après la dissolution du mariage,

267 Néanmoins, dans tous les cas où le testateur aura expressément déclaré qu'il entend que tel legs soit acquitté de

préférence aux autres, cette préférence aura lieu ; et le legs qui en sera l'objet ne sera réduit qu'autant que la valeur des autres ne remplirait pas la réserve légale.

268 C.civ., art. 280, al. 1er.

-157- en droit chinois, le régime de la prestation compensatoire repose sur deux arguments : 1) l’un repose sur la nécessité de compenser l’un des époux qui consacre plus de temps que l’autre à s’occuper des enfants et des ascendants ; 2) l’autre se fonde sur le besoin d’aider l’un des époux qui se trouve en difficulté financière à maintenir une vie normale après le divorce.

315. En ce qui concerne le premier objet, nous pouvons trouver son fondement dans

l’article 40 du droit du mariage. La prestation compensatoire a été consacrée par l‘amendement du droit du mariage en 2001. Pourtant, son champ d’application est limité par une condition supplémentaire : en vue d’en profiter, une convention conclue par les époux est indispensable, laquelle doit mentionner que tous les biens acquis pendant le mariage n’entrent pas dans les biens communs. Plus précisément, un régime séparatiste doit impérativement être présenté.

L’existence de cette condition constitue, en réalité, une entrave à son application. Bien que l’article 19 du droit du mariage dispose clairement que les époux sont libres de choisir leur régime matrimonial par la convention du mariage, en Chine, il est vraiment rare que ces derniers se soumettent au régime séparatiste pendant le mariage. Il en résulte que de nombreuses femmes, le plus souvent, se trouvent en dehors de l’application de l’article 40 du droit du mariage.

D’après MENG Dehua270, l’existence d’une telle condition est nécessaire; si le

régime commun s’applique à la vie matrimoniale, la division des biens communs au moment du divorce traduit un moyen raisonnable afin de valoriser le travail effectif. En effet, s’occuper des membres de la famille leur apporte également un bénéfice économique, même si les femmes ne font pas entrer d’argent dans le foyer. Le point de vue de MENG Dehua est également conforme à la motivation du législateur chinois.

Néanmoins, tous les auteurs n’approuvent pas cette opinion. LI Hongxiang indique que « le régime de séparation des biens des époux pendant le mariage n’est pas le résultat de la prestation compensatoire ; à l’inverse, le régime commun ne peut pas

270 En ce sens, V. MENG Dehua, Le développement et l’amélioration de la prestation compensatoire en Chine, le

-158- naturellement faire exclure la prestation compensatoire»271. Selon lui, aujourd’hui, de

nombreuses femmes doivent en même temps travailler et s’occuper de leur foyer. Par rapport à leur mari, elles contribuent davantage à la vie quotidienne. Le fait de diviser les biens d’une manière égale ne suffit donc pas pour compenser le sacrifice des femmes. Il s’agit uniquement de respecter le principe de l’égalité devant la loi ; c’est une égalité de façade. Ainsi, il est temps d’établir une égalité réelle : l’un des époux, notamment la femme, mérite d’obtenir plus au moment du partage du patrimoine.

316. Concernant la deuxième facette de la prestation compensatoire, l’article 42 du

droit du mariage prévoit qu’« en cas de divorce, si une partie est en difficulté financière, l'autre doit lui accorder une aide adéquate en recourant à ses propres biens, y compris le logement. Le moyen doit être décidé par les deux parties par consentement mutuel ; en cas d'échec, il appartient au juge d’estimer la situation ».

Tout d’abord, nous nous demandons comment déterminer le fait que l’un des époux se trouve en difficulté. La 1ère « Interprétation » de 2001 sur le droit de mariage272

précise que « l’un des époux ne peut maintenir une vie normale au regard du niveau de la vie moyenne de la ville où il habite par ses propres biens et ceux acquis au moment du divorce ou que l’un des époux ne dispose pas de logement après le divorce ».

317. Ensuite, nous voudrions savoir s’il existe une relation entre la prestation

compensatoire et le devoir de secours en Chine ? En France, il est facile de trouver la réponse dans le Code civil : « le divorce met fin au devoir de secours entre époux»273; la prestation compensatoire est donc une mesure de secours supplémentaire à l’issue de la rupture du mariage.

En Chine, le débat reste ouvert. Plusieurs juristes chinois expriment leur avis sur le sujet : « la nature de la prestation compensatoire repose sur la continuation de droit de secours»274 ; « la prestation compensatoire issue de la rupture du mariage ne fait pas

271 LI Hongxiang, Réorganisation du régime de la prestation compensatoire, Le droit contemporain, vol. 19, No.6,

nov. 2005.

272 1ère « Interprétation judiciaire » sur le droit du mariage, art. 27.

273 C.civ., art. 270, al. 1er.

274 PAN Jia, et BAO JiaZhi, L’analyse du régime de la prestation compensatoire après divorce, Journal de l’institut

-159- partie du droit de secours […] puisque le droit de secours se réalise généralement pendant la vie matrimoniale »275.

Mais, si nous affirmons que la prestation compensatoire n’est pas un droit de secours, la question qui se pose par la suite est la suivante : quelle est sa nature juridique ? D’après YANG Dawen, « c’est un devoir d’ordre moral »276. De ce point de

vue, la prestation compensatoire ne dispose pas de force obligatoire et la volonté des conjoints l’emporte. Aux termes de l’article 42 du droit du mariage, en cas de divorce, si l’un des époux se trouve en difficulté, l’autre doit l’aider d’une manière appropriée. En analysant les termes employés dans cet article, si « une aide appropriée » consolide l’opinion de YANG Dawen, le verbe « devoir » montre son caractère impératif, lorsque l’un des époux ne peut maintenir une vie normale.

318. En comparant les régimes de la prestation compensatoire dans les deux pays,

nous avons conscience que, s’agissant des deux utilités de la prestation compensatoire en Chine, aucune n’est prévue pour aider l’époux à long terme. En réalité, la difficulté n’apparaît pas au moment du divorce car, après la division des biens matrimoniaux, la partie faible peut encore maintenir une vie normale pendant un certain temps. Cependant, sur le long terme, personne ne peut garantir qu’elle n’aura pas de difficulté. Il arrive souvent qu’une femme au foyer, après avoir quitté la vie sociale durant un certain temps, ne puisse retrouver un travail, ou encore, en raison de l’état de santé et de l’âge, elle ne soit plus capable de travailler. Le fait que le juge se borne à analyser la situation des époux au moment du divorce ne correspond pas à l’esprit de la prestation compensatoire. Ainsi, certains juristes277 soutiennent qu’elle doit être fixée selon les besoins de l'époux en tenant compte de la situation au moment du divorce et de son évolution dans un avenir prévisible.

Par ailleurs, il serait préférable de préciser des éléments auxquels le montant et la forme de la prestation compensatoire peuvent se référer, à l’instar de l’article 271 du

275 YAN Jiangfeng, La fin du droit de secours entre époux après le divorce. La communauté, juill. 2012, p.49.

276 YANG Dawen, Le droit de la filiation, édition du droit, 2003, p.891.

277 En ce sens, V. WANG Dibo, Recherches sur les questions de la prestation compensatoire après le divorce,

Gansu Science sociologique, No. 6, 2004; JIANG Xianwen, Réflexions sur le régime de la prestation

compensatoire, Le journal de l’institut du Hubei (édition de la science sociologique et de la philosophie), No.2,

-160- Code civil français, car un critère juridique harmonieux obligerait le juge à réfléchir sur la situation des époux d’une manière plus globale et objective au moment de la fixation de la prestation compensatoire, comme l’âge ou la durée du mariage. Parallèlement, des éléments tels que, par exemple, la situation prévisible des époux sur leur choix professionnel, pourrait donner une vision prolongée à la prestation compensatoire pour empêcher le juge de s’obstiner à estimer seulement la situation au moment du divorce. De plus, ces éléments justifieraient l’existence de la rente viagère en droit chinois, parce que le juge serait tenu de prendre en compte la situation prévisible des deux époux. Ainsi, lorsqu’un d’entre eux ne sera plus capable de gagner sa vie en raison de son état de santé, le versement d’une telle rente sera nécessaire.

En résumé, il semble que la prestation compensatoire en Chine se situe seulement à un stade encore inachevé. L’ambiguïté et le caractère incomplet sont ses points faibles conduisant, dans certains cas, à l’inapplication de ce régime. Par ailleurs, au motif de l’incertitude de la nature juridique de la prestation compensatoire, elle ne peut malheureusement être profitable à tous les demandeurs. Ainsi, il importe d’élargir son champ d’application et de permettre à une partie faible d’en bénéficier à plus long terme.