• Aucun résultat trouvé

Les règles applicables après 1994

Section II. La rupture du concubinage

Paragraphe 2. Les règles applicables après 1994

388. De nos jours, la notion de « mariage de fait » tend à disparaître sur la scène

juridique. En conséquence, toutes les unions de fait sans enregistrement au bureau des affaires civiles au titre du mariage, en aucun cas, ne peuvent se référer aux dispositions du divorce.

En parallèle, la demande de la rupture du concubinage reste irrecevable sauf en cas de concubinage de la personne mariée avec un tiers324. Malgré tout, en vue de résoudre

les problèmes issus du concubinage, l’alinéa 2 de l’article 1 de l’« Interprétation » de 2001 précise que la requête est recevable lorsqu’il s’agit des biens ou des enfants. En l’absence de nouveaux dispositifs après la disparition du « mariage de fait », l’« Interprétation» de novembre 1989 est toujours appliquée.

389. En dépit du silence de la législation sur la notion des dommages-intérêts pour

réparer le préjudice subi par un des concubins, en cas de rupture abusive, par exemple, la faute pourra être, malgré tout, prise en compte par le juge au moment de la division du patrimoine des couples en vertu de l’article 8 de cette « Interprétation ». En revanche, il n’existe pas de dispositifs permettant de fournir plus d’explications. Par exemple, les fautes susceptibles d’être invoquées en faveur de la victime restent ambiguës. À défaut de précisions, le juge apprécie souverainement chaque demande.

390. En outre, une sorte d’allocation est prévue en cas de maladie de l’un des

partenaires. Le juge peut diviser les biens communs en sa faveur ou demander à l’autre partie de l’aider au niveau économique en une seule fois. Il faut souligner que la maladie doit être grave et incurable. Concernant le montant de l’attribution, il appartient au juge de prendre la décision au regard des différentes situations.

-189- Cette aide se différencie des dommages-intérêts ou des prestations compensatoires dans le cadre du divorce, parce qu’aucun préjudice subi ni aucune difficulté financière n’est exigé. On se demande quelle est la nature de ce type de compensation. Nous constatons qu’une union de fait ne produit aucun devoir de secours ou d’assistance aux couples. Ainsi, nous pensons que ce type de compensation s’assimile plutôt à une aide humanitaire.

Toutefois, si le juge prononce le versement de l’aide économique en cas de maladie grave d’un concubin, l’autre n’a pas de droit de la refuser. Cette exigence nous permet de déduire que cette solution est assortie d’une exécution obligatoire. À notre avis, la possibilité de l’allocation, après la rupture du concubinage, n’est pas compatible avec le régime de non-droit de l’union libre. Il serait préférable de prévoir un régime plus flexible. Par exemple, le juge pourra proposer à l’un des concubins d’aider son ex- compagnon, mais il appartiendrait à ce dernier de suivre ou non cette suggestion.

391. En comparant les régimes d’application dans les deux pays, lors de la rupture du

concubinage, nous observons que celui de la Chine présente un système quelque peu défaillant.

Le législateur chinois laisse un régime très contrasté au concubinage : d’une part, il n’en admet pas du concubinage, laissant une totale liberté à cette situation de fait; d’autre part, une sanction pécuniaire au moment de la rupture peut être prononcée.

L’aptitude du législateur chinois vise en effet à protéger les parties faibles, surtout les femmes, lors de la rupture unilatérale. Or, le fait que le juge impose des sanctions à l’auteur de la rupture sans éclaircir son fondement justifié, dénature le principe de la situation de fait : on est libre de former un concubinage sans se soumettre à aucune condition de fond ou de forme. Naturellement, on est aussi libre de rompre une telle union sans subir les incidences tirées de la rupture.

En outre, si un concubin rompt la vie commune pour se marier avec un tiers, la condamnation à des dommages-intérêts lors de la rupture risque, en quelque sorte, de nuire à la liberté du mariage.

Au regard des inconvénients tirées du régime contrarié du concubinage en Chine, le législateur doit bien réfléchir afin d’établir un équilibre entre la nature libérale de

-190- l’union de fait et les conséquences de la rupture. À notre avis, la restitution de l’autonomie aux concubins eux-mêmes semble être une solution convenable.

-191-

Seconde partie. La filiation

392. La filiation est le lien juridique qui unit un enfant à sa mère et à son père. Il y a

deux modes de filiation: la filiation par procréation (Sous-partie I) et la filiation par adoption (Sous-partie II)

Grâce aux évolutions de la technique médicale, la filiation par procréation peut varier. Hormis la procréation traditionnelle, la procréation médicalement assistée est envisageable. L’apparition de ces techniques, d’un côté, aide les couples infertiles à avoir un enfant biologique ; de l’autre côté, elle bouleverse morale sociale et l’ordre juridique.

393. L’histoire de la filiation dans ces deux pays est aussi une matière qui a connu de

nombreux changements.

Dans l’Antiquité, en Chine, la notion de filiation était plus large qu’aujourd’hui. Au regard de l’ancienne filiation, elle était divisée en plusieurs catégories dites « trois pères huit mères »325, à part les parents biologiques.

Selon Yuan Dian Zhang326, les trois pères renvoient à trois types de beau-père: 1) celui qui cohabite avec les enfants; 2) celui qui ne cohabite pas avec les enfants et 3) celui qui se marie avec la belle-mère de l’enfant.

Les huit mères sont ainsi décrites : 1) Di Mu (l’appellation de la « première épouse » du père des enfants des « concubines ») ; 2) Ci Mu (après le décès de la femme biologique, l’appellation des « concubines » qui élèvent les enfants de la « première épouse ») ; 3) Shu Mu (l’appellation des « concubines » du père des enfants de la « première épouse ») ; 4) belle-mère ; 5) mère remariée ; 6) mère répudiée; 7) nourrice; 8) mère adoptive. Parmi elles, Di Mu, belle-mère, mère adoptive et Ci Mu profitent du même statut que la mère biologique.

S’agissant des descendants, les catégories ne semblent pas moins riches : 1) Di Zi (les enfants biologiques de la « première épouse »; 2) Shu Zi (les enfants biologiques

325 三父八母.

-192- des « concubines » ; 3) les enfants adultérins ; 4) les enfants de la domestique avec son maître, 5) l’enfant adopté et 6) Si Zi (les enfants adoptés en vue d’une donation pour héritage). Il faut souligner qu’il existe une hiérarchie dans ces différentes catégories de descendants, Di Zi se trouvant au sommet de la « pyramide ». Il est amené à devenir le grand gagnant après le décès du père biologique.

394. En France, l’évolution de la filiation n’est pas moins compliquée. Comme en

Chine, il existait auparavant une hiérarchie au regard des différents statuts des enfants. Il faut remarquer que cette différence se fondait notamment sur la distinction entre les enfants légitimes et les enfants naturels.

Concernant les premiers, ils disposaient d’une filiation légitime issue d’un mariage. Parallèlement, ils bénéficiaient de nombreux droits accordés par la loi. Quant aux enfants naturels, ils avaient été conçus hors mariage. Malgré l’existence du lien juridique avec le géniteur, les enfants naturels ne gardaient aucun lien familial avec ce dernier. Autrement dit, la famille ne contenait que des enfants légitimes. De plus, la filiation naturelle ne produisait aucun effet à l’égard du père biologique. Ces enfants étaient nommés « bâtards » et ne profitaient que du droit alimentaire à titre humanitaire. Selon Jean HAUSER, « la conception de filiation alimentaire, sans doute abusive dans ses termes, mais qui permet, sans rattacher l’enfant naturel à ses auteurs, de lui donner au moins des droits alimentaires, à l’exclusion, c’était l’essentiel à l’époque, des droits successoraux »327 .

395. Au regard du classement des filiations tant en Chine qu’en France sous l’Ancien

Régime, nous trouvons que leur inégalité se manifestait plus profondément en France, car, dans l’Antiquité de la Chine, le mari pouvait épouser plusieurs concubines. Si une femme avait eu un enfant avec cet homme, il pouvait se marier avec elle; ainsi, la plupart des enfants étaient issus du mariage. Dans le cas où le père se trouvait dans l’impossibilité d’épouser la mère de l’enfant à cause de l’opposition des parents, cela n’empêchait pas cet homme de le reconnaître, de sorte que l’enfant pouvait porter le même nom que son père en entrant dans sa famille. S’il existait une inégalité, elle portait plutôt sur le traitement différent entre les enfants de la première épouse et ceux

-193- des concubines. Néanmoins, dans l’ancien droit français, le père ne pouvait pas faire entrer son propre enfant dans sa famille s’il ne se mariait pas avec la mère de cet enfant.

396. La distinction entre les enfants légitimes et les enfants naturels en France s’est

progressivement effacée au XXe siècle, « sous la double pression de la réalité sociale (plus de 50% des naissances se produisent hors mariage) et des valeurs contemporaines »328.

Parmi de nombreuses lois qui tentaient d’apaiser la distinction discriminatoire : celle du 16 novembre 1912 a ouvert la recherche en justice de la paternité naturelle dans des cas limitativement énumérés. Par la suite, la loi du 15 juillet 1955 a modifié l’article 134 du Code civil et apaisé le particularisme du droit de la filiation naturelle.

Mais c’est la loi du 3 janvier 1972329 sur la filiation qui s’est avérée la plus

complète et la plus réussie. Son article 334 déclarait de façon déterminante que l’enfant naturel avait, en général, les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère, et entrait dans la famille de celui qui l’avait conçu. Dans la section VI de cette loi, un droit successoral était également réservé aux enfants naturels à condition que la filiation fût légalement établie. De plus, cette loi manifestait une égalité satisfaisante par rapport aux différents statuts des enfants. Toutefois, en raison de sa fragilité, « le droit était encore inégalitaire et complexe aux fondements incertains »330.

Ainsi, après la loi du 3 janvier 1972, d’autres droits se sont succédés progressivement dans le but de consolider et d’améliorer l’égalité d’une manière plus efficace. À titre d’exemple, la loi du 25 juin 1982331 a autorisé l’établissement de la filiation naturelle par la possession d’état ou par l’effet d’un jugement. La loi du 8 janvier 1993332 a supprimé, quant à celle, les cas d’ouverture à la recherche de paternité, ayant modifié l’article 340-3 du Code civil.

328 François TERRE et Dominique FENOUILLET, Droit civil : La famille, Dalloz, 8e éd., 2011, p.336, n°381.

329 L. n°72-3 du 3 janv. 1972 sur la filiation.

330 Vincent Bonnet, Le droit de la filiation, L'Harmattan, 2006, p.9.

331 L. n°82-536 du 25 juin 1982 relative à l’établissement de la filiation naturelle.

332 L. n°93-22 du 8 janv. 1993 modifiant le Code civil relatif à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant et

-194- Par la suite, la loi du 3 décembre 2001 et enfin l’Ordonnance du 4 juillet 2005 (ratifiée par la loi du 16 janvier 2009) se sont, l’une et l’autre, efforcées d’amener la filiation en France vers une application plus efficace. Plus particulièrement, cette dernière a harmonisé le régime procédural de l’établissement judiciaire de la filiation.

397. Dès l’établissement de la RPC en 1949, une série de droits sur le sujet ont été mis

en œuvre pour abroger radicalement le régime discriminatoire à propos des différents statuts des enfants.

Dans le premier droit du mariage de 1950, sur le fondement de son article 15, il figurait clairement que les enfants hors mariage et les enfants légitimes profitaient du même régime. D’ailleurs, tous les préjudices ou discriminations affectant les enfants naturels étaient prohibés. L’égalité de tous les enfants a également été rappelée dans le droit du mariage de 1980 ainsi que dans l’amendement de 2001.

398. Nous observons qu’en Chine, comme en France, l’évolution de la filiation peut

être divisée en deux périodes. L’une est caractérisée par la discrimination: en droit français, le statut des enfants légitimes était plus favorable que celui des enfants naturels; en droit chinois, les enfants de la première épouse profitaient de plus d’avantages que ceux des concubines. L’autre s’est traduite par l’effort du législateur des deux pays dans le but d’abroger les différents traitements des enfants. Grâce au droit du mariage chinois de 1950 et à de nombreuses lois françaises, la discrimination de certaines catégories d’enfants a été abandonné. L’égalité de tous est devenue le noyau des dispositions relatives. Comme le dit WANG Aijun, « en suivant l’évolution du droit français et du droit chinois, le principe de la filiation de nos jours, porte sur les intérêts des enfants et non sur ceux des parents, en particulier du père sous l’Ancien Régime »333.

Pourtant, nous nous apercevons que, par rapport aux multiples lois qui ont été rédigées au sujet de la filiation en France, les lois chinoises sont peu nombreuses. Cette différence conduit directement à un régime relatif à la filiation plus lacunaire en Chine.

333 WANG Aijun, Comparaison de la filiation sous l’ancien droit romain et l’ancien droit chinois, Journal de

-195-

S

OUS

-

PARTIE

I.L

A FILIATION PAR LE SANG

399. La filiation par procréation vise tous les enfants nés d’une union charnelle. Mais,

avec le développement des techniques, il existe d’autres voies pour ainsi, donner naissance. Pour cette raison, il est convenable de distinguer cette sous-partie en deux: d’une part, la filiation par procréation au sens traditionnel (Chapitre I). Nous nous pencherons sur une étude comparative par rapport aux modes d’établissement de la filiation et aux actions relatives dans les deux pays; d’autre part, la filiation par procréation issue de la technique scientifique, plus précisément, la filiation par procréation médicalement assistée (Chapitre II). Dans cette partie, nous verrons quelles sont les techniques reconnues et interdites aussi bien en Chine qu’en France ainsi que sont les conséquences sur la filiation?

Chapitre I. Les régimes généraux de la filiation par procréation dans les deux pays 400. En France, d’un point de vue général, il existe deux modes pour établir une

filiation: l’établissement d’une filiation non contentieuse et l’établissement d’une filiation par action, tandis qu’en Chine, le législateur ne prévoit que la modalité d’établissement d’une filiation par action.