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Les causes de la séparation de fait

Section II. Le relâchement du lien matrimonial

Paragraphe 1. Les causes de la séparation de fait

332. En Chine comme en France, il existe différents motifs pour introduire la

séparation de fait. Mais, par rapport à la situation française (A), la catégorie de la séparation de fait en Chine semble moins riche (B).

A. Les cas de la séparation de fait en France

333. Les cas de la séparation de fait sont variables. Nous pouvons les diviser entre : la

séparation de fait par la décision des époux, d’une part (a) et la séparation de fait judiciaire, d’autre part (b).

a. La séparation de fait par la décision des époux

334. Les époux peuvent instaurer eux-mêmes la séparation de fait par un accord

commun. Sinon, elle peut être organisée par un seul conjoint.

Dans le cadre d’une séparation de fait par la décision des époux, quelle que soit sa forme, elle est caractérisée par deux principes : l’absence d’élément matériel et l’existence d’élément intentionnel de la séparation. Autrement dit, les deux époux ou un d’entre eux doivent avoir la volonté de mener une vie séparée. Ceci explique que ni le déplacement ni l’hospitalisation286 ne peut être qualifié de séparation de fait.

335. S’agissant de la séparation de fait par accord bilatéral, elle est fréquente dans la

mesure où la procédure de divorce est longue et coûteuse. Lors de la dégradation du mariage, les époux préfèrent choisir tout d’abord de ne plus vivre sous le même toit avant d’introduire le divorce, car il est très rare que les époux puissent vivre ensemble tranquillement, malgré la rupture du lien affectif.

Dans certains cas, les époux vont conclure un pacte de séparation amiable pour organiser les conséquences de leur séparation. Il est à noter qu’un tel pacte n’a aucune valeur juridique. À défaut de sa force obligatoire, l’un des époux pourra toujours demander de reprendre la cohabitation en dépit du pacte passé. C’est pourquoi, nous le

286 Cass. soc., 15 déc. 1981 : Bull. civ. 1981, V, n° 965. – Cass. soc., 24 sept. 1992, n°90-21.119. – Cass. soc., 27

-168- prenons souvent comme un pacte provisoire. Cependant, la loi du 4 mars 2002287 lui a

ajouté un élément : en vertu de l’article 373-2-11 du Code civil, le pacte rédigé par les époux peut être pris en compte sur la décision de la modalité de l’exercice de l'autorité parentale.

336. S’agissant de l’accord unilatéral de la séparation de fait, elle est souvent

provoquée par le départ du domicile d’un époux. Le plus souvent, cette décision peut lui coûter cher, puisqu’au moment du divorce, il risque d’être accusé par son conjoint de verser des dommages-intérêts, ayant dérogé au devoir de la communauté de vie ou de fidélité s’il est parti pour vivre en concubinage avec un tiers.

b. La séparation de fait judiciaire

337. La séparation de fait peut être désignée par le juge dans certaines situations

spécifiques en France.

D’une part, l’article 258 du Code civil provenant de la loi de 1975 permet au juge, en cas de rejet définitif de demande en divorce, d’organiser la séparation de fait en statuant sur « la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ». En effet, il s’agit d’un choix alternatif, parce qu’un tel article n’impose pas d’obligation au juge. Suite à la réforme de la loi de 2004, le législateur français a instauré un véritable droit au divorce en favorisant les accords entre époux. Ces principes « rendent inutile le recours à l’article 258 du Code civil pour organiser une séparation de fait »288, d’une certaine façon.

D’autre part, l’article 515-11 du Code civil émanant de la loi de 2010 autorise également le juge à organiser une séparation de fait en tranchant les questions sur la résidence séparée des époux tout en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal, ainsi que les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement, dans le but de lutter contre la violence conjugale La jouissance de ce logement est souvent attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences, sauf circonstances particulières. Dans ce cas, la séparation de fait dure un maximum de

287 L. n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.

-169- quatre mois. Ce délai peut être prolongé au-delà si, entre-temps, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée289.

B. Les cas de la séparation de fait en Chine

338. En Chine comme en France, la séparation de fait peut être sollicitée par l’un des

époux ou par les deux.

Concernant la première hypothèse, il existe deux motifs différents. Tout d’abord, en cas d’un refus de divorce par demande unilatérale, le demandeur ne peut plus partager la vie commune avec son époux. Il en résulte que celui-ci choisit, en général, de cesser la communauté de vie avec le défendeur et d’habiter ailleurs pendant six mois, car le droit chinois impose qu’une deuxième demande de divorce ne soit être introduite par l’époux ayant pris l’initiative de déposer la requête que six mois à compter du jour de la première décision, sauf si un nouveau fait survient290.

D’autre part, par manque de cause justifiée du divorce, l’un des époux peut choisir unilatéralement la séparation de fait pendant deux ans pour avoir un motif, car le mode de vie séparée des conjoints pendant deux ans peut être considéré comme la rupture du lien affectif, le divorce pouvant alors être prononcé sur le fondement de l’article 32-4 du droit du mariage.

En ce qui concerne le deuxième cas, il est fréquent, lorsque le cas où les époux ne s’entendent pas sur les conséquences du divorce, même s’ils ont l’intention de dissoudre le mariage. En vue de profiter de la simple procédure administrative du divorce, ils organisent la séparation de fait avant de se mettre d’accord sur l’ensemble des conséquences.

339. Nous observons, bien qu’existent deux catégories de séparation de fait (la

séparation bilatérale et la séparation unilatérale) dans les deux pays, que leurs causes sont divergentes.

289 C.civ., art. 515-2.

-170- Tout d’abord, à propos de l’accord conjoint, la diversité des motifs provient des procédures différentes du divorce par consentement mutuel, en France et en Chine. Bien qu’en droit français il existe des mesures provisoires pour organiser certaines questions, comme la résidence séparée des époux pour organiser leur vie pendant l’instance, encadrées par le Code civil, ces mesures n’interviennent qu’après l’échec de la conciliation. Mais dès que les époux décident de divorcer jusqu’à la mise en œuvre des mesures provisoires, il faut compter quelques mois : trouver un avocat, se renseigner, déposer la requête en divorce, passer l’audience pour la conciliation. Par conséquent, les époux préfèrent avant tout résilier la communauté de vie avant d’entamer la procédure de divorce. De ce fait, la séparation de fait, ici, vise à préparer une longue procédure. Au contraire, elle apparaît comme une période de réflexion en Chine, car son existence permet aux couples de négocier tranquillement les conséquences du divorce en vue de profiter postérieurement d’une procédure simplifiée. Une fois qu’ils se sont mis d’accord sur certaines questions, la procédure est rapidement introduite par le couple et le processus ne dure qu’une journée.

Ensuite, en aucun cas une séparation de fait en Chine ne peut être organisée par le juge. Lors de violences conjugales, le comité de résidence ou les polices interviennent à la demande de la victime pour empêcher le fait de l’auteur en application de l’article 43 du droit du mariage. Le cas échéant, une sanction administrative peut être prononcée : 10-15 jours de détention et une amende de 500-1000 yuans ou 5-10 jours de détention et une amende de 200-500 yuans selon la gravité du fait291. Néanmoins, lors de

violences au sein du couple, le plus important, à notre avis, est de protéger la personne en danger et non de sanctionner l’auteur. Il serait donc nécessaire de faire venir une personne compétente qui puisse organiser la vie normale des époux, comme c’est le cas en France.

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