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Section I. La famille établie par le mariage

Paragraphe 1. Les conditions de fond

B. Les autres conditions de fond

2. L’état de santé

62. Concernant l’état de santé, les deux systèmes juridiques ne partagent pas le même

principe.

En France, en aucun cas, l’état de santé ne peut constituer une entrave au mariage. Comme Alain BENABENT l’énonce, « le droit français a choisi une voie plus libérale en donnant plus d’importance à la responsabilité individuelle»66.

En droit chinois, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 7 du droit du mariage, il est « interdit de se marier, lorsque l’un des époux souffre d’une maladie qui rend la personne inapte au mariage, après avis médical ». La liste des maladies n’est pas fixée et

-50- elle a tendance à changer au fil du temps. Selon certaines normes67, on distingue deux

catégories de maladie qui sont exclues du mariage : les maladies mentales graves (comme par exemple : Schizophrénie) et les tares héréditaires ou contagieuses (spécialement les maladies vénériennes, le SIDA, etc.).

En pratique, le champ d’application de l’alinéa 2 de l’article 7 demeure vague, à défaut de précision. Aucune explication ne vient spécifier comment examiner une maladie pour savoir si elle est bien visée par l’article 7. En conséquence, afin de respecter cet article relativement vague, il arrive que certains mariages soient malheureusement refusés. Une telle situation s’avère inquiétante. L’intervention du législateur est alors nécessaire pour compléter cette lacune.

De plus, d’une part, cette condition viole, en quelque sorte, le principe de la liberté du mariage, puisqu’un mariage demandé par un époux ayant la volonté de se marier avec une personne malade peut être refusé. D’autre part, cette condition est, en effet, incompatible avec le principe de l’autonomie des époux issu du règlement d’application de l’enregistrement de 2003. À notre avis, il serait préférable d’abroger la condition sur l’état de santé des époux en leur laissant une totale liberté, sous réserve de l’existence du consentement intégral et de la connaissance de la maladie de leur conjoint.

63. En ce qui concerne les personnes majeures sous tutelle ou sous curatelle, le droit

du mariage en Chine reste muet. Néanmoins, nous pouvons déduire la possibilité, pour les incapables majeurs, de se marier du règlement d’application de l’enregistrement dont l’article 12 prévoit qu’ « il est interdit aux individus majeurs sous tutelle ou sous curatelle de divorcer par voie administrative ».

Le 26 octobre 2011, dans un arrêt du tribunal du peuple intermédiaire de Ningbo68, le juge a affirmé cette supposition en reprochant au bureau des affaires civiles de mal appliquer le fondement judiciaire en vue de refuser d’enregistrer le mariage d’une personne majeure sous curatelle. Il a conclu, à la fin, que « les incapables majeurs

67 La loi sur la protection de la santé de la mère et du bébé (中华人民共和国母婴保健法), 1er juin 1995 ; la

règlementation sur la mise en œuvre de la loi sur la protection de la santé de mère et du bébé (母婴保健法实施办),

20 juin, 2001 ; la loi sur la prévention des maladies contagieuses (中华人民共和国传染法), 1er sept. 1989, modifiée

le 28 août 2004.

-51- peuvent se marier, sous réserve de l’assistance du curateur ou du tuteur dans la procédure du mariage. Ce dernier se charge également de protéger les intérêts de l’incapable majeur en l’informant des devoirs et des droits issus du mariage ».

En France, le législateur envisage ces hypothèses. Sur le fondement de l’article 469 du Code civil modifié par la loi du 5 mars 2007, la célébration du mariage d’une personne sous curatelle est subordonnée à l’autorisation préalable du curateur ou, à défaut, à celle du juge. Pour les personnes sous tutelle qui souffrent d’altérations graves de leurs facultés personnelles, à savoir d’une incapacité générale d’exercice, leur mariage n’est permis qu’avec l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille après l’audition des futurs conjoints et, le cas échéant, l'avis des parents et de leur entourage.

64. À cet égard, une contradiction se manifeste dans la loi chinoise : comment est-il

possible de diagnostiquer une maladie peu flagrante après avoir supprimé le certificat médical prénuptial au moment du mariage ? En Chine, en 1995, « la loi sur la protection de la santé de la mère et du bébé » exigeait un examen médical à l’issue duquel était délivré un certificat. Cette condition avait été énoncée dans le règlement d’application de l’enregistrement du mariage de 1994. Or, cette obligation a été supprimée avec le nouveau règlement de 2003.

En ce qui concerne le certificat médical prénuptial en France, son évolution est relativement similaire. La loi du 16 décembre 1942, reprise par l’ordonnance du 2 novembre 1945 et insérée dans l’article 63 du Code civil, imposait un examen médical datant de moins de deux mois avant le jour fixé pour le mariage. Les résultats ne devaient pas forcément d’être communiqués à l’autre époux, mais l’intéressé était placé seul devant sa responsabilité. Cette exigence a finalement été supprimée par une loi du 20 décembre 2007, en raison du déficit de la Sécurité sociale qui prenait en charge cet examen.

En France, l’examen médial est apparu peu efficace en raison de sa pratique, car les futurs époux étaient tenus de se faire examiner sans qu’il leur soit imposé d’informer leur futur conjoint des résultats.

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65. Quoi qu’il en soit, selon Francis CABALLERO, l’abrogation d’une telle

obligation « constitue un sérieux recul pour la sécurité sexuelle de l’union conjugale »69,

l’examen prénuptial étant une prévention en faveur de la procréation et de la sécurité sociale. Plus particulièrement, l’état de santé, en Chine, est pris en compte comme une condition de fond du mariage. Nous nous demandons dans quelle mesure l’agent du bureau des affaires civiles est capable de l’estimer visuellement et comment il peut savoir si l’un des futurs époux a contracté une des maladies visées par l’article 7 alinéa 2 du droit du mariage. Par conséquent, cet article se trouverait sans effet si les maladies étaient « cachées ».

66. En résumé, le certificat médical prénuptial semble nécessaire dans le cadre du

mariage en Chine, parce que son exigence contribue à mettre en lumière le bon respect de la condition de l’état de santé des époux, alors que le droit français laisse une totale liberté aux futurs conjoints sur cette condition. Cependant, nous ne devons pas négliger le fait qu’imposer aux époux un tel examen risque de nuire à la vie privée des conjoints, et que la formation du mariage peut s’en trouver plus restreinte.

En outre, la disparition de l’examen médial dans les deux pays prouve la confiance et la fidélité que se doivent les époux. Dans le cas où l’un d’entre eux n’a pas révélé son éventuel trouble mental, l’autre pourra toujours demander la nullité du mariage.

Le rétablissement ou non du certificat médical prénuptial est une question très délicate. Le législateur se doit de faire le meilleur choix en arbitrant les intérêts (la mise au clair de l’état de santé du futur couple) ainsi que les dommages (l’atteinte à la vie privée).

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b. La condition de sexe et l’empêchement à mariage

67. La loi française de 2013 a réformé les conditions du mariage. Désormais, deux

personnes du même sexe ont le droit de s’unir, tandis qu’en Chine, le mariage se borne aux personnes de sexe opposé (1)

De plus, pour des raisons éthiques et eugéniques, il existe des empêchements au mariage (2).