• Aucun résultat trouvé

Section I. La famille établie par le mariage

Paragraphe 2. La remise en cause du mariage à célébrer et du mariage validé

B. La remise en cause du mariage après la célébration : la nullité

2. La nullité du mariage en France

148. En France, le Code civil consacre un chapitre entier à la nullité du mariage137.

Celle-ci peut être absolue ou relative.

149. Les cas de nullité absolue sont attentivement encadrés. Concernant

l’inobservation des conditions de fond, il s’agit du défaut total du consentement, de l’absence de puberté, de la bigamie, de l’inceste, de la non-comparution d’un Français lors de son mariage, même à l’étranger. Quant à l’inobservation des conditions de forme, elles sont deux: la clandestine de la célébration et l’incompétence de l’officier d’état civil.

150. Les cas de nullité relative sont aussi au nombre de deux: le vice du consentement

de l’un des époux ou des deux (erreur ou violence). Pour lutter contre le mariage forcé, la loi du 4 avril 2006 a complété l’article 180, ayant ajouté: « L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'entre eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage »; figure aussi: le défaut de consentement familial.

151. Les délais de prescription de l’action en nullité du mariage sont différents. En

principe, après la réforme du 17 juin 2008138, ce délai est passé de 30 ans à 5 ans139. Pourtant, à titre exceptionnel, le délai de trente ans est conservé pour les actions en nullité absolue. D’après Pierre MURAT, « cette dérogation […] s’explique facilement par l’évolution de la conception du mariage. Loin de préserver une stabilité du mariage […] la volonté du législateur semble s’être focalisée sur deux objectifs. La qualité des unions célébrées semble tout d’abord vouloir être protégée. L’accent est mis sur la réalité du consentement du mariage » 140 .

137 Chapitre IV du Code civil.

138 L. n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

139 C.civ., art. 2224.

-84-

b. La comparaison des deux systèmes de l’action en nullité

152. En comparant ces deux systèmes, l’une des différences est fondée sur la voie de

la demande.

Si en France, le juge est seul à avoir la compétence pour prononcer la nullité du mariage, en Chine, en plus de celui-ci, l’officier du bureau des affaires civiles peut également être saisi pour trancher la demande de révocation du mariage sur le fondement de l’article 11 du droit du mariage.

Cette mission de l’officier provoque certains inconvénients en Chine. Tout d’abord, celui qui appartient au bureau des affaires civiles ne fait pas partie du système juridique. Naturellement, il ne dispose pas du droit d’arbitrage. Ainsi, cette possibilité est contraire à l’idée d’indépendance du système juridique.

De plus, la décision de l’agent du bureau des affaires civiles ne s’avère pas assez fiable par manque de moyens pour l’enquête et de base de connaissances sur les dispositifs juridiques. À la différence de la procédure judiciaire, aucun témoin et aucune preuve ne sont nécessaires. Il peut arriver que des époux qui se sont mariés dans le seul but d’acquérir un avantage, après avoir pris ce qu’ils voulaient, pour ne pas laisser de trace sur l’existence du mariage ou pour rapidement retrouver un statut de célibat, utilisent cette procédure administrative.

Du fait de la gravité des conséquences à propos de la nullité du mariage ainsi que des inconvénients liés à la procédure administrative de la révocation du mariage, il serait convenable de donner la seule compétence au juge en retirant celle de l’officier du bureau des affaires civiles.

153. Par ailleurs, à l’égard des effets de la nullité, les dispositions de ces deux pays

sont en désaccord. En droit chinois, la nullité et la révocation du mariage sont rétroactives sauf s’il y a des enfants issus d’un mariage annulé141. Ce principe est contraire à la stipulation française qui protège spécialement la partie de bonne foi en produisant les effets, même après la déclaration de la nullité. D’après Alain BENABENT, le droit français « a toujours reconnu à la nullité du mariage un effet

-85- rétroactif de principe. Mais ce principe a été tempéré progressivement de telle sorte qu’aujourd’hui, tout en demeurant affiché comme tel, il n’agit plus effectivement qu’au seul détriment de l’époux de mauvaise foi »142. Ainsi, un mariage annulé peut être

qualifié de mariage putatif, en France, qui permet de rapprocher la nullité du mariage du divorce, de sorte que les époux de bonne foi ou l’un des époux de bonne foi puisse accéder à un champ plus favorable, l’époux de mauvaise foi devant être condamné au versement de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

Quoi qu’il en soit, le mariage produit de nombreux effets qui ne peuvent être totalement effacés après la nullité, parce qu’ « il est impossible de faire totalement abstraction de ce qui a existé » 143. Le législateur chinois doit penser à cela d’une

manière plus humaine, notamment pour protéger l’époux de bonne foi.

154. Enfin, les titulaires de la demande ne sont pas identiques. En Chine, à part les

conjoints, certains intéressés ont la faculté d’agir en justice sur le fondement de l’article 7 de la 1ère « Interprétation » de 2001.

Concernant l’action en nullité au motif de la puberté et de l’inceste, les proches de la partie pubertaire144 peuvent former une requête.

Lorsque le motif de l’action se fonde sur la bigamie, les proches et les organisations principales145 peuvent réagir. Il faut remarquer que l’action en nullité

demandée par ces dernières est, en pratique, rare.

Quant à la nullité du mariage en raison d’une des maladies exclue du mariage, si elle n’est pas guérie après celui-ci, les proches vivant avec le patient peuvent en faire la demande devant le tribunal. Au sujet des « proches », l’« Interprétation judiciaire » sur

141 Droit du mariage, art. 12.

142 Alain BENABENT, op.cit., p. 87, n°241.

143 Pierre MURAT, op.cit., p. 154, n°115.211.

144 T. peuple de base du comité YuanLing dans la province de Hunan, 9 oct. 2012, (2012) 沅民一初字第64号.

-86- le Code civil de la RPC de 1988 précise que ceux-ci « visent le conjoint, les parents, les enfants, les sœurs, les frères, les grands-parents et les petits-enfants »146.

155. En France, s’agissant de la nullité absolue, la demande peut être faite par les

époux eux-mêmes, soit par ceux qui y trouvent un intérêt, soit par le ministère public147.

Afin de préciser « ceux qui y trouvent un intérêt », l’article 187 du Code civil dispose que l’action ne peut être formée « par les parents collatéraux, ou par les enfants nés d'un autre mariage, du vivant des deux époux, mais seulement lorsqu'ils y ont un intérêt né et actuel ».

Pour ce qui est de la nullité relative, « si le mariage a été contracté sans consentement libre des deux époux, ou de l'un d'entre eux, il ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public »148. Si en cas de défaut de consentement familial, le mariage ne peut

être attaqué que par « ceux dont le consentement était requis, ou par celui des deux époux qui avait besoin de ce consentement »149.

156. Compte tenu des titulaires de la nullité, nous trouvons que la liste des titulaires

en Chine comporte certains défauts. Tout d’abord, l’action en nullité du mariage en raison de la maladie de l’un des époux est ouverte à leurs proches. Cette faculté attribuée à ces dernières peut en effet violer le principe du devoir d’assistance et du mariage libre, car il peut arriver qu’un couple se marie après avoir pris connaissance de la maladie. Donc, si la demande a été faite par les proches de la partie saine, cette action risque de porter atteinte à la liberté du mariage ou de troubler la paix familiale du couple.

En revanche, en France, la dissimulation de la maladie peut être considérée comme une erreur sur les qualités de la personne afin d’invoquer la nullité relative, de sorte que seuls les époux ou l’un d’eux ont le droit de former une telle action, hormis le ministère public. La mission de ce denier porte notamment sur le fait de veiller à la prohibition du

146 « Interprétation judiciaire » sur le Code civil de RPC de 1988, art. 12.

147 C.civ., art. 184.

148 C.civ., art. 180, al.1er.

-87- mariage forcé ou simulé. En pratique, s’il s’agit d’une action en nullité relative en raison de la maladie dissimulée, il appartient à l’un des époux de formuler la demande.

En conséquence, la loi française laisse la liberté au couple de décider d’annuler un mariage, sans craindre que sa stabilité puisse être bousculée par les proches. En outre, la dissimulation de la maladie ne nuit pas à l’ordre public ; c’est plutôt l’affaire du couple : il est raisonnable d’accorder aux seuls époux un droit d’action.