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La réactivation des coopérations bilatérales et l’ajustement des instruments de l’aide l’aide

L’aide internationale au Vietnam et l’ancrage de la coopération urbaine à Hanoi

2.1 De l’acteur au secteur, les mouvements de recomposition de la coopération

2.1.1 La réactivation des coopérations bilatérales et l’ajustement des instruments de l’aide l’aide

Avec le retrait de l’armée vietnamienne du Cambodge en 1989, la progressive ouverture économique et le réchauffement des relations diplomatiques, de nombreux pays ont relancé leur coopération avec le régime de Hanoi. Depuis, le Vietnam compte près de vingt-huit relations de coopération bilatérales actives. La plupart de ces relations, pour lesquelles nous pouvons dater leur engagement initial (tableau 2.1), ont été suspendues à la fin des années 1970 puis ont redémarré à la charnière des années 1980-1990. Dans ce jeu diplomatique, nous insistons particulièrement sur les conditions dans lesquelles ont été réactivés les liens avec le Japon et la France, puisque ces deux nations ont en fait été les principaux artisans de la réhabilitation du Vietnam sur la scène internationale (Delalande, 2007).

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Concernant la quantification des flux de l’aide publique au développement, une clarification sur les thèmes employés est nécessaire : l’aide « engagée » constitue une aide proposée par les banques et agences de développement à un partenaire ; l’aide « signée » porte sur le montant des crédits officiellement approuvé par le donateur et le pays client ; enfin, l’aide « décaissée » représente les montants effectivement transférer au pays bénéficiaire dans le cadre d’une aide par projet ou par programme.

Dès 1972, le Japon a tissé secrètement des liens avec le Nord-Vietnam ; cette relation s’était officialisée en 1973 après la signature des accords de Paris. Par la suite, la présence de l’armée vietnamienne au Cambodge entraina le gel de l’aide nipponne. Malgré tout, le Japon est resté attentif au processus d’ouverture économique du Vietnam et le rapprochement des deux pays s’est opéré en 1989, après le retrait de l’armée vietnamienne du Cambodge, avant d’être officialisé en 1991. La restauration des relations diplomatiques a permis au Vietnam de devenir l’un des centres d’intérêt de la politique étrangère du gouvernement japonais ; celui-ci a eu tout de suite pour priorité et comme logique de coopération « d’accorder de l’importance au Vietnam » (Yoshiharu, 1999). Ce rapprochement a été marqué par l’activation de liens de coopération économique concrétisés par l’attribution d’un premier prêt concessionnel93 accordé en 1992. Le retour de la coopération japonaise était certes un atout pour le développement économique vietnamien, mais le Japon a surtout permis durant cette période de dégel, de créer sur la scène de la diplomatie internationale des liens entre le Vietnam et la Chine et entre le Vietnam et les Etats-Unis (ibid., 1999).

Coopération bilatérale active en 2010 Année officielle d'ouverture des relations diplomatiques Coopération bilatérale active en 2010 Année officielle d'ouverture des relations diplomatiques

Chine 1950 Grande Bretagne 1973

Hongrie 1950 Italie 1973

Pologne 1950 Japon 1973

République Tchèque 1950 Luxembourg 1973

Suède 1969 Pays-Bas 1973

Danemark 1971 Singapour 1973

Norvège 1971 Allemagne 1975

Suisse 1971 Nouvelle Zélande 1975

Autriche 1972 Koweït 1976

Australie 1973 Thaïlande 1976

Belgique 1973 Espagne 1977

Canada 1973 Corée du Sud 1992

Finlande 1973 Etats-Unis 1995

France 1973 Irlande 1996

Les conditions de la reprise de la coopération bilatérale avec la France furent particulières. Outre les liens historiques qui unissaient ces deux pays, la France a joué un rôle actif dans la réhabilitation

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Parmi les outils financiers de l’aide publique au développement, un prêt dit « concessionnel » est un prêt qui associe un « élément don », c’est-à-dire une somme non remboursable, supérieure ou égale à 25% du montant octroyé. Dans le cas du premier crédit accordé par le Japon, son montant était d’environ 380 millions USD, avec un taux d’intérêt de 1% et une période de grâce de 10 ans.

Tableau 2.1 : Les pays donateurs actifs au Vietnam en 2010

Sources : Ministry of Planning and Investment (document non publié, Overview of ODA mobilization and

usage in Vietnam, 1993-2007) et Ministry of Foreign Affairs (www. mofa.gov.vn)

Indications : Dans ce tableau, nous avons fait figurer « en gras » les pays donateurs du Comité d’Aide au Développement afin de distinguer la présence d’autres bailleurs bilatéraux influents au Vietnam tels que la Chine, Singapour, la Thaïlande ou le Koweït.

internationale du Vietnam. Si les réformes économiques et la disparition de l’aide soviétique sont bien deux facteurs qui ont conduit à la recomposition des dispositifs de coopération, l’intervention de la France auprès des institutions de Bretton Woods a accéléré le retour du Vietnam sur la scène politique et financière mondiale. La France a conduit une âpre bataille au sein du Fonds Monétaire International (FMI) afin d’alléger la dette du Vietnam, condition préalable pour que le pays soit à nouveau éligible aux prêts des bailleurs de fonds (Dahm, 1999, p.44). A la fin des années 1980, alors que les Etats-Unis faisaient barrage à la proposition française, le refinancement de la dette vietnamienne a été accepté à condition que le Vietnam s’acquitte de ses arriérés auprès du FMI de la Banque mondiale et de la Banque Asiatique de Développement.

Le refinancement de la dette vietnamienne s’est concrétisé grâce à la participation de plusieurs donateurs : la France, le Japon, la Suède, mais également le Canada, la Belgique, l’Italie et la Finlande ont contribué à hauteur de 50 millions USD à l’effacement de la dette auprès du FMI (Faure et Schwab, 2008). Sur cette lancée, le Vietnam s’est acquitté d’autres dettes qui couraient depuis les années 1970, notamment auprès de la Banque Asiatique de Développement. Cet effort lui a permis de renouer ses liens avec les principales organisations financières internationales et de bénéficier à nouveau de leurs prêts. La levée de l’embargo américain en 1994 a effacé les dernières barrières politiques au déploiement de son commerce extérieur tandis que son entrée à l’ASEAN en 1995, puis à l’Organisation Mondiale du Commerce en 2007, soulignait la volonté de prendre enfin sa place sur la scène internationale (Gironde et al., 2004, p.82).

Une adaptation des instruments du pilotage de l’aide au service de l’investissement local

Les vingt-huit coopérations bilatérales qu’entretient le Vietnam sont encadrées et entérinées dans des accords internationaux de coopération. Le contenu de ces accords précise la nature des relations nouées entre le Vietnam et ses partenaires (investissements, échanges commerciaux), ainsi que les champs dans lesquels sera dirigée l’aide pour le développement du pays. La gestion et l’utilisation de l’aide par le Vietnam sont pour leur part régies par un cadre réglementaire dont la première mouture fut élaborée en 1994. Depuis, les considérations du gouvernement vietnamien à l’égard de l’aide internationale ont peu évolué94.

Pour le gouvernement vietnamien, l’aide des bailleurs bilatéraux, mais également multilatéraux, est considérée comme un apport extérieur (technique et surtout financier) destiné à servir le développement du pays. Pour le gouvernement vietnamien, l’aide se classe en deux catégories : d’abord une « aide non remboursable » [viện trợ không hoàn lại] et ensuite une aide qui prend la forme de « crédits mixtes » [tín dụng hỗn hợp]. Le cadre opératoire de la coopération internationale se calque sur la planification gouvernementale et en particulier sur les plans socioéconomiques élaborés par le Ministère du Plan et d’Investissement. En d’autres termes, l’aide publique au développement est

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Il s’agissait du décret n°20/CP du 15 mars 1994 (Decree No.20 Of The Government Dated 15/03/94

Promulgating The Regulations On Official Development Aids Management And Utilisation). Depuis le texte de

1994, le gouvernement vietnamien a promulgué trois autres décrets (87/CP de 1997 ; 17/2001/ND-CP de 2001 ; 131/2006/ND-CP de 2006) et plusieurs décisions. Un nouveau décret est en préparation depuis que le Vietnam est entré dans la catégorie basse des « pays à revenus intermédiaires » (MPI, 2011).

utilisée pour financer les projets inscrits dans les plans de développement préparés par les ministères et les provinces vietnamiennes. En ce sens, pour les partenaires vietnamiens, l’aide financière extérieure constitue une forme d’investissement. Cette logique s’applique à toutes les formes que revêt la coopération. Ainsi, lorsqu’il est question de coopération dans le secteur du développement urbain, les besoins que formulent le gouvernement auprès de ses donateurs s’appuient sur le contenu des schémas d’aménagement dressés par le Ministère de la Construction, et de façon sous-sectorielle, concernant les infrastructures de transport, sur les plans élaborés par le Ministère des Transports.

Depuis que le Vietnam et ses donateurs se sont engagés sur le chemin de l’harmonisation de l’aide à travers leur souscription à la déclaration de Paris en 2005, le Ministère du Plan et de l’Investissement s’est doté d’un nouvel outil, un « cadre stratégique de l’aide publique au développement » [Official

Development Assistance strategic framework]. Cet instrument de pilotage de l’aide a pour objectif

général d’accroître son efficacité, mais plus concrètement de fournir une plus grande visibilité entre les demandes vietnamiennes en matière d’assistance et l’offre de ses donateurs, afin d’atteindre les objectifs des plans étatiques de développement socioéconomique.

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