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Planification des transports : l’expertise internationale imprime sa marque

5.1 Des stratégies de développement fondatrices

5.1.1 Le « plan 108 » fixe les grandes orientations

5.1.1.2 Les principes fondateurs en matière de déplacement

Le plan 108 pose les bases de la stratégie de développement du secteur des infrastructures de transport actuelle. Dans ce document, les principales composantes des méga-projets à l’étude ou en cours de réalisation en 2012 sont exposées. Le canevas des infrastructures de transport repose sur deux orientations d’aménagement. La première suggère la création de villes satellites220 dans les provinces adjacentes à Hanoi. La seconde orientation prévoit la réunion des deux rives du fleuve Rouge. Jusqu’ici, le développement s’effectuait de manière désarticulée conférant au fleuve un rôle de césure naturelle. Ces axes de développement pointent la nécessité de disposer de nouveaux moyens de franchissement du fleuve et d’un système routier étendu pour desservir les centres urbains projetés.

Le réseau routier

Concernant les infrastructures routières, le plan suggère de lier les villes satellites aux arrondissements par des autoroutes. Les routes nationales n°1, 2, 5, 6, 18 et 32 sont transformées en voies expresses et l’autoroute Láng-Hòa Lạc est planifiée. Se dessine aussi la volonté de réaliser trois rocades périphériques, de mettre à l’étude un 4ème anneau et d’ériger cinq nouveaux ponts sur le fleuve Rouge

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Les villes satellites pressenties à l’époque sont celles de Việt Trì dans la province de Phú Thọ, celles de Sơn Tây, Hòa Lạc et Xuân Mai dans la province de Hà Tây.

(figure 5.1). Par ailleurs, le plan prévoit pour la zone la plus dense de Hanoi221 l’aménagement de carrefours considérés comme des « points noirs » pour le trafic routier. Ces dispositions suivent les orientations des plans précédents et intègrent des éléments proposés par l’étude japonaise (notamment le traitement des intersections, l’élargissement de certaines voies et la construction des nouveaux ponts). Enfin, du côté des intentions, il est indiqué la construction d’espaces de stationnement connectés aux principales stations d’autobus, introduisant ainsi la question de l’intermodalité.

Le dispositif technique proposé vise à répondre en priorité à la réduction des embouteillages, à la fluidification de la circulation, à l’amélioration des liens entre le cœur historique et les espaces ruraux et à accroitre le ratio de la surface dédiée aux transports urbains, en particulier à la voirie. En 1998, près de 5% de la superficie totale de la municipalité était en effet attribuée à la fonction transport. L’objectif affiché par ce plan est d’atteindre 25% de la surface totale de l’agglomération pour les transports d’ici 2020 (MOC, 1999). En outre, par cette approche technicienne, le développement des

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C’est-à-dire les arrondissements centraux de Hoàn Kiếm, Ba Ðình, Ðống Ða et Hai Bà Trưng.

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Figure 5.1 : Structure spatiale de Hanoi pour 2020 Zone urbaine existante

Direction de l’expansion urbaine Rocade périphérique

Source : Mizuno et Kitano, 2000.

infrastructures routières est mis au service du développement socio-économique de la capitale. La modernisation du réseau viaire est ainsi présentée comme une condition préalable à l’arrivée d’investissements étrangers et à la stimulation du développement de l’économie urbaine.

Le réseau de transport en commun

En matière de transport en commun, en particulier de transport ferroviaire urbain, le plan 108 reprend les recommandations de l’étude japonaise de 1997 et ses suggestions. Dans ce domaine, il propose six projets, trois lignes principales et trois lignes secondaires, dont les tracés reprennent peu ou prou ceux de l’ancien tramway démantelé au début des années 1990. Le plan prévoit que les premières lignes à installer soient équipées de tramways, ou de métro, et que les secondes soient destinées à l’exploitation de monorails (figure 5.2).

Gare de Hanoi

Figure 5.2 : Canevas du réseau de transport urbain ferré proposé par le plan 108

Parmi les objectifs à atteindre, le plan pose que la part du transport collectif représente 50 à 60% des déplacements urbains à l’horizon de 2020. L’objectif visé pour 2010 est que cette part atteigne près de 30%. Pour cette étape intermédiaire, le plan prescrit l’amélioration du réseau de bus conventionnel, mais également l’achèvement des trois lignes de transport urbain ferré principales. Dans cette configuration, la gare de Hanoi devient un « hub » sur lequel convergent les lignes du réseau ferré urbain, celles du réseau national et international. Avec ces projets, le plan 108 se démarque de celui de 1992 en s’affranchissant de l’incertitude relative à la croissance économique, il reprend également à son compte un grand nombre des propositions formulées par l’expertise japonaise.

Le plan 108, un témoignage des effets de la transition économique sur la planification de la capitale

En dépit des influences extérieures, les méthodes employées pour l’élaboration de ce schéma restent celles pratiquées durant la période d’économie administrée. Par conséquent, ce plan constitue comme par le passé une réponse « idéale » pour une ville où siègent les instances dirigeantes du pays jusqu’ici accoutumées à la culture du « rêve » à travers la production des schémas directeurs (Geertman, 2007, p.103). En outre, la déconnexion avec la réalité économique persiste. Sous la période de l’économie planifiée, les villes étaient considérées et gérées comme des centres de production sans se préoccuper des impacts secondaires (en particulier environnementaux et sociaux) de la construction des éléments prescrits par le plan. En somme, la stratégie de développement urbain se résumait à une liste de projets validés par le gouvernement, dont l’investissement était géré par le Ministère du Plan et d’Investissement (Coulthart et al., 2006, p.2).

Dans l’ère post-đổi mới, pour les autorités, la ville est devenue un moteur du développement économique. A ce titre, bien que l’effet de liste de projets demeure afin d’alimenter la planification, les opérations projetées sont dorénavant tenues d’être attrayantes pour susciter l’intérêt d’éventuels investisseurs locaux222 et étrangers. Dans ce contexte, l’Etat n’est plus le garant de l’investissement ni même le seul initiateur dans la construction des infrastructures. Les méga-projets d’équipement, les zones industrielles ou résidentielles sont autant d’opérations de grande envergure qui ont pour but d’attirer les capitaux étrangers. Le passage d’une économie administrée au profit d’une économie de marché « à orientation socialiste » a brouillé le rôle endossé par les pouvoirs publics vietnamiens.

A ce propos, l’expert japonais, le Docteur Iwata, propose une explication223. Selon lui, à la suite des réformes économiques, l’Etat est passé du rôle de « fournisseur » à celui de « facilitateur ». Dans ce nouveau contexte, les autorités ne disposent plus des ressources financières suffisantes pour tenir leur rôle de « fournisseur ». Par conséquent, leur fonction évolue, elles sont dorénavant chargées de produire de nouvelles règles du jeu pour assurer le passage de la planification à la réalisation des infrastructures. En d’autres termes, elles œuvrent désormais principalement à la modernisation du cadre légal afin de faciliter la participation d’entreprises privées, locales et étrangères dans la production des infrastructures urbaines. Dans ce secteur l’aide internationale occupe une place de

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Les entreprises étatiques actionarisées constituent des investisseurs potentiels au même titre que les nouveaux investisseurs privés tels Him Lam ou Nam Cuong qui officient dans le secteur des travaux publics. 223

premier choix. Que ce soit dans la réforme de l’administration publique (Vasavakul, 2008), dans la mise en place de politiques de décentralisation (Fritzen, 2006) ou encore dans la modernisation des textes de loi pour assurer la compatibilité des modes d’investissement locaux avec les principes de l’économie de marché (Mellac et al. 2010), les donateurs bilatéraux et multilatéraux sont actifs. Cependant, les autorités sont loin d’avoir apporté les preuves suffisantes concernant leurs capacités à respecter et à faire respecter ces nouvelles règles.

Dans la période de transition que connait le Vietnam, l’élaboration du plan 108 montre que la préparation des schémas directeurs, et d’une manière plus large les études relatives à l’aménagement de la capitale, constitue désormais des « moments » au cours desquels les visions des différentes expertises étrangères se confrontent et s’affirment. Par exemple, en raison d’un contexte d’instabilité économique, la prudence suggérée par l’expertise française dans ses propositions techniques de 1992 contraste avec l’audace japonaise de l’étude sectorielle de 1997. Cette différence s’explique aisément par l’attitude des experts japonais qui ont rapidement évacué la question de la faisabilité financière.

Par ailleurs, au sujet des propositions techniques, en particulier à propos du transport ferré urbain, deux considérations ont coexisté à Hanoi à la fin des années 1990. D’un côté, les travaux de l’expertise japonaise faisaient preuve d’un réel optimiste ; l’étude de 1997 suggérait la réalisation de plusieurs lignes de métro pour la métropole. A l’opposé, dans la conclusion d’un de ses rapports, l’expertise allemande a laissé planer l’expression du doute. En 1999, dans la conclusion d’une étude financée par la banque de développement allemande224, la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KFW), les auteurs ont émis une réserve quant à l’opportunité d’installer un métro. En guise d’alternative, ils ont recommandé un projet plus mesuré et moins couteux, celui de la construction d’une ligne d’autobus en site propre.

Le cours des événements a donné raison aux propositions avancées par la coopération japonaise, lui permettant ainsi d’accentuer son influence auprès des autorités vietnamiennes. En 1998, le gouvernement nippon a accordé un prêt pour la construction de plusieurs équipements de transport urbain (autoponts, tunnel, travaux d’élargissement de voirie)225. Après avoir engagé des financements dans l’amélioration de nombreuses routes et dans la construction de ponts, à la fin des années 2000, le gouvernement japonais a octroyé de nouveaux crédits pour la réalisation de deux lignes de métro.

Entre ces phases de réalisation technique, au début des années 2000, l’expertise japonaise a été sollicitée pour conduire une réflexion stratégique sur l’aménagement de la capitale vietnamienne. A la demande du gouvernement vietnamien, dans le cadre du « Hanoi Integrated Development and Environmental Program » (HAIDEP), le gouvernement japonais a financé l’élaboration d’un nouveau schéma directeur pour la capitale vietnamienne faisant lieu de révision du plan 108. Sous l’égide de la JICA, plusieurs groupes de consultants ont participé à cette commande. L’expertise japonaise a pu une nouvelle fois avancer sa vision quant au développement de Hanoi et démontrer et promouvoir son savoir-faire en matière de planification urbaine.

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La “Hanoi urban railway feasibility study”réalisée par le consultant allemand Dorsch (1999) 225

Il s’agit en l’occurrence de l’Urban Infrastructure Development Project, projet financé par l’Overseas Economic Cooperation Fund (OECF) japonais et piloté par la JICA.

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