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L’aide internationale au Vietnam et l’ancrage de la coopération urbaine à Hanoi

2.1 De l’acteur au secteur, les mouvements de recomposition de la coopération

2.1.3 La distribution de l’aide publique au développement depuis 1993

2.1.3.3 La répartition sectorielle des flux d’aide

Au regard des volumes engagés par les trois principales sources d’aide au développement que représentent la Banque mondiale, l’aide japonaise et la Banque Asiatique de Développement, la ventilation de leurs crédits converge distinctement vers deux secteurs : l’énergie et les transports.

En 2011, l’engagement des financements du groupe Banque mondiale se répartissaient comme suit : énergie (22%), transport (20%), développement urbain (20%), agriculture et développement rural (14%), éducation (6%), santé (6%), réforme administrative (6%), télécommunication (1%) et autres secteurs (2%) (MPI, 2011). Depuis 1993, les financements de la Banque asiatique privilégient à plus de 30% le secteur des transports et des communications et à 22% celui de l’énergie116. Sur la même période, la coopération bilatérale japonaise a également majoritairement assuré le financement du secteur des transports (avec 41,45% de son aide dirigé vers ce secteur entre 1993 et 2008) et l’énergie (avec 31,72%). Au regard de la distribution sectorielle des flux d’aide des principaux donateurs, se

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Source: ADB (2011a).

Tableau 2.3 : Les principaux donateurs du Vietnam en 2009 et leurs engagements financiers

Source : Aid Effectiveness Forum, Consultative Group Meeting (CG), Hanoi, Vietnam (dec. 2009).

Indications : ce graphique représente les montants d’aide publique au développement engagés pour 2009. Au total, ce sont plus de 8 milliards USD qui ont été engagé par les bailleurs de fonds au Vietnam pour cette année. Si l’indicateur choisi avait été les volumes de décaissement enregistrés par le Comité d’Aide au Développement de l’OCDE, pour la même année, le classement aurait été établi selon cet ordre : 1/ Japon, 2/ Banque mondiale, 3/ Banque Asiatique de Développement, 4/ France, 5/ Allemagne, 6/ Australie.

Principaux donateurs bilatéraux

Fonds engagés (en millions USD) Japon 1640 France 378,26 Corée du Sud 270 Etats-Unis 138,18 Allemagne 137,89 Autriche 123,57 Australie 98,58 Royaume-Uni 82,85 Espagne 81,38 Danemark 67,9 Finlande 49,58 Pays-Bas 31,65 Hongrie 30,37 Canada 26,46 Belgique 26,37 Suisse 21,43 Suède 20,62 Principaux donateurs multilatéraux

Fonds engagés (en millions USD) Banque mondiale 2498 Banque Asiatique de Développement 1479 Commission Européenne 331,92 Organisations Non Gouvernementale 250 Agence des

dessinent donc les contours de l’assistance extérieure dont bénéficie le Vietnam et qui se concentre sur les secteurs de l’énergie et du transport. Mais, comme le révèle la ventilation des prêts de la Banque mondiale en 2011, désormais une part plus large est attribuée au développement urbain.

Cette tendance semble corroborer le décompte de l’aide que tient le Ministère du Plan et de l’Investissement sur la base des informations transmises par les autres institutions (ministères, agences gouvernementales, provinces, etc.) associés aux projets financés par l’aide internationale117. Au-delà des engagements de principe affichés par les bailleurs, le tableau 2.4 rend compte des aides « signées » et « décaissées » au Vietnam depuis le début des années 2000 et de leur distribution sectorielle.

Entre 2001 et 2005, l’aide internationale a financé à hauteur de 2,5 milliards USD le secteur des infrastructures de transport, des télécommunications, de l’assainissement et du développement urbain. Lors de la signature du plan de développement stratégique de l’aide publique au développement, en concertation avec les principaux donateurs du Vietnam, plus de 7 milliards USD ont été signés en 2006118. Fin 2009, le MPI avait déjà enregistré plusieurs accords d’investissement dont plus de 6 milliards USD étaient dirigés vers le secteur des infrastructures, alors que moins de 3 milliards USD étaient affectés au secteur agricole. Même si le développement rural perçoit moins de crédits, plus de la moitié des bailleurs multi et bilatéraux conduisent des actions dans ce secteur119. Cette situation atteste donc de la résorption du biais « antiurbain » (Prud’homme, 2010) qui a durant des décennies marqué la conduite des politiques de la coopération internationale. En outre, les données diffusées par le Ministère du Plan et de l’Investissement montrent clairement qu’il existe désormais au Vietnam un tropisme de l’aide internationale vers le secteur des infrastructures qui regroupe les actions conduites dans le développement urbain. Le secteur des infrastructures en général (associant les transports et l’énergie) et la coopération dans le domaine de l’urbanisme constituent dorénavant les principaux points d’ancrage des flux de l’aide internationale au Vietnam.

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Le MPI est l’institution de référence qui est chargée de coordonner, gérer et utiliser les crédits de l’aide internationale. Le Ministère des Finances (MOF) surveille la gestion financière des flux d’aide et s’occupe des remboursements auprès des donateurs, alors que les autres ministères (Affaires Etrangères, Justice…) et la Banque d’Etat sont impliqués dans la gestion des crédits en fonction de leurs compétences spécifiques. Sur le terrain, la gestion et la réalisation des projets sont mises en place de manière verticale et descendante, c’est-à-dire des institutions centrales (ministères et agences gouvernementales) vers les structures locales que sont les Comités Populaires provinciaux. Pour la gestion des flux d’aide, les Ministères et les provinces ont rang de structure responsable de la gestion et de la mise en œuvre des opérations. Dans le vocable anglo-saxon utilisé communément, ces structures sont identifiées comme line agency (il s’agit en fait de la personne morale qui prend les décisions dans le pilotage de l’investissement ou de la personne morale qui donne son approbation aux projets d'assistance technique). Ces entités délèguent à des maitres d’ouvrage (ou project owner) la gestion de l’utilisation du crédit. Enfin, ces structures s’appuient sur des Project Management Unit (PMU) pour assurer la gestion sur le terrain des projets de l’aide internationale. La décision n°803/2007/QD-BKH de juillet 2007 du MPI détaille le rôle de chaque institution vietnamienne dans l’utilisation l’APD.

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Voir la décision du Premier Ministre 290/2006/QD-TTg du 29/12/2009 sur l’approbation du plan de développement stratégique de l’APD. Ce plan a été élaboré de façon à ce que ses objectifs contribuent à atteindre ceux du plan de développement socioéconomique pour 2006-2010. Le Parti et le gouvernement exhortent à mobiliser toutes les sources de financement (internes et externes) pour financer le plan quinquennal.

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Depuis l’adoption des politiques du đổi mới et la dissolution du Comecon, la scène de la coopération au Vietnam a été particulièrement animée. Une recomposition des acteurs s’est opérée. Certains, comme la Banque mondiale, la coopération bilatérale japonaise et la Banque Asiatique de Développement, se sont même imposés comme les chefs de file dans la conduite des politiques d’aide, en partie grâce aux volumes des prêts qu’ils octroient. En profitant de cette nouvelle configuration du système d’aide, le Vietnam a également acquis un statut original à l’échelle internationale, puisqu’il est depuis 2005 l’un des principaux bénéficiaires des politiques d’aide publique au développement. En cela, ce pays est dorénavant un acteur majeur dans le système mondial de coopération. En outre, ce terrain de coopération qu’est devenu le Vietnam présente une caractéristique supplémentaire. En raison de la reprise du processus d’urbanisation au milieu des années 1980, et du réamorçage des modes de production des infrastructures urbaines qui prend place dans un système économique en transition, le champ du développement urbain constitue depuis le début des années 2000 une catégorie de prédilection dans laquelle abonde l’aide internationale.

Or cette dimension de l’aide internationale dans le champ du développement urbain reste obscure. Elle est en effet érigée en catégorie, mais se fond dans les délimitations sectorielles souvent mouvantes des activités des bailleurs. Au regard des volumes financiers décaissés, la coopération liée au développement urbain pèse sur le total de l’aide engagée au Vietnam ; plus d’un tiers des crédits

APD signés entre 2001 et 2005 APD Décaissés entre 2001 et 2005

APD signés entre 2006 et 2010 (sur la base du plan de développement stratégique de l'APD) APD signés et accordés entre 2006 et 2009

Secteur Total % Total % Total % Total %

Agriculture, développement rural et forestier, réduction de la pauvreté en milieu rural 1 818 16% 1 641 21% 4 625 21% 2 890 17% Energie et Industrie 1 802 16% 1 375 17% 3 305 15% 3 360 19% Transport, télécommunication, assainissement et eau potable, développement urbain 3 801 34% 2 559 32% 7 280 33% 6 620 38% Santé, éducation, formation et renforcement des capacités institutionnelles et légales 3 785 34% 2 332 30% 6 840 31% 4 400 25%

Total (en million

USD) 11 206 100% 7 907 100% 22 050 100% 17 270 100%

Tableau 2.4 : Evolution de la distribution de l’aide publique au développement par secteur de 2001 à 2005 et de 2006 à 2009.

Source : d’après la décision du Premier Ministre 290/2006/QD-TTg du 29/12/2009 sur l’approbation du plan de développement stratégique de l’aide publique au développement ; Quang Minh Ho (2010).

décaissés sont dirigés vers le vaste secteur des infrastructures économiques auquel est aggloméré le champ du développement urbain. L’assistance extérieure joue alors un rôle de première importance dans la production urbaine de ce pays en transition. A ce titre, de façon privilégiée, la capitale vietnamienne constitue légitimement le réceptacle de ces flux d’aide. Toutefois, des zones d’ombres demeurent sur ce que recouvre l’aide dans le champ du développement urbain à Hanoi.

2.2 Le secteur du transport urbain ou l’émergence d’un domaine de prédilection

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