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Une coopération urbaine, des logiques d’action

3.3 Les coopérations « novatrices » se démarquent

3.3.1.1 La complémentarité des niveaux de coopération français

L’AFD et la coopération décentralisée de la Région Île-de-France, par l’intermédiaire de l’IMV, poursuivent sur le terrain à Hanoi chacune leurs activités de manière indépendante. Mais ces deux entités ont, avec le temps, tissé des liens informels solides. Ces derniers se sont concrétisés en 2007 par la signature d’un accord afin de promouvoir la réalisation de leurs objectifs communs et renforcer la complémentarité de leurs interventions.

Bien que l’activité de l’AFD au Vietnam ait débuté en 1994, sa participation est récente sur la scène de la coopération urbaine à Hanoi. La première action d’envergure fut engagée en 2006 avec son implication dans le financement d’un projet de ligne de métro. Pourtant, à l’échelle nationale, l’AFD a auparavant conduit plusieurs actions : elle entreprit le financement de travaux d’assainissement et d’adduction d’eau potable dans des villes moyennes du sud du pays au début des années 2000 ; elle engagea ses crédits dans un projet de construction de logements et d’infrastructures dans le delta du Mékong ; et elle s’associa au fonds d’investissement urbain d’Hô Chi Minh-Ville en accordant une ligne de crédit de 30 millions d’euros pour le financement d’équipements publics et sociaux.

Initiée en 1989, la coopération entre la Région Île-de-France et le Comité Populaire de Hanoi a été orientée prioritairement, à partir de 1999, vers les questions de développement urbain172. L’engagement de l’Île-de-France s’est matérialisé en 2001 par la création d’une plateforme de coopération, l’IMV. Installé au sein de la municipalité de Hanoi173, cet institut constitue un pôle de formation, d’échanges d’expériences et d’expériences partagées, il a comme vocation première de renforcer les compétences scientifiques et techniques des services urbains de la municipalité. Durant une première période, l’activité de l’IMV fut centrée sur l’organisation d’ateliers de formation, aux contenus aussi bien théoriques qu’opérationnels, répondant à des besoins formulés par son partenaire. Ces ateliers, contextualisés à partir de cas d’études vietnamiens, étaient animés par des experts de la

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L’engagement de la Région Île-de-France dans le champ du développement urbain s’est matérialisé en 1992 par la participation de l’IAURIF (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Île-de-France) dans l’élaboration du schéma directeur de Hanoi (Palisse et Etteinger, 1993). L’institut d’aménagement francilien est intervenu dans le sillage de la coopération décentralisée en partenariat avec l’Institut National de la Planification Urbaine et Rurale appartenant au Ministère de la Construction (depuis 2007, cet institut a été renommé, il s’agit désormais du Vietnam Institute of Architecture, Urban and Rural Planning, VIAP).

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L’Institut des Métiers de la Ville de Hanoi est codirigé par un représentant de la Région Île-de-France en poste dans la capitale vietnamienne et par un fonctionnaire local appartenant au département des relations internationales du Comité Populaire. Au sein du Comité Populaire de Hanoi, il est rattaché à ce département.

Région Île-de-France. L’IMV joue également pleinement son rôle de plateforme en favorisant la mise à disposition, durant des périodes définies, d’experts pour la réalisation d’études et de travaux d’expertise, en particulier dans le domaine de la planification urbaine. Parallèlement, et au gré des opportunités de financement et de ses collaborations, tant avec les partenaires locaux, français, qu’étrangers, la nature de l’action de l’IMV s’est diversifiée. Cet institut s’est ainsi engagé dans la réalisation de projets pilotes, en particulier dans le secteur du transport public.

De 2002 à 2008, le Comité populaire de Hanoi et la Région Île-de-France se sont associés pour solliciter des financements de la Commission européenne, via les programmes communautaires Asia Urbs et Asia ProEco. Le projet Asiatrans (2002-2005) a été réalisé avec le partenariat de la Région Bruxelles-Capitale, puis le projet Ecotrans (2006-2008) a reçu le soutien de la Ville de Hanovre. Avec l’objectif d’assister la municipalité de Hanoi dans l’amélioration de son réseau d’autobus public, une équipe internationale d’experts français et allemands fut alors constituée au sein du Centre de gestion et de régulation du transport public de Hanoi (Tramoc). Cette présence permanente a facilité la mise en œuvre de nombreuses actions : réalisation d’enquêtes statistiques et de plans du réseau, livraison de 50 bus par la RATP, équipement d’un dépôt de maintenance, introduction d’une carte d’abonnement électronique, construction de deux pôles d’échanges (Cau Giay et Long Biên), formation de conducteurs de bus, grâce au partenariat associé de la RATP, et formation du personnel du Tramoc par les experts étrangers prenant part à ces projets. Depuis 2009, sur ses financements propres, la Région Île-de-France poursuit son partenariat auprès du Tramoc et a impulsé la réalisation de nouveaux projets pilotes, notamment la construction d’un nouveau pôle d’échange de bus et la réalisation d’une ligne de voie de bus en site propre.

En marge de leurs actions respectives, la meilleure illustration de la complémentarité du niveau de coopération bilatérale avec le niveau décentralisée nous renvoie à la genèse du projet de métro actuellement piloté par l’AFD. La municipalité de Hanoi envisageait dès 2001 la création d’un système de transport public plus capacitaire que l’autobus et demanda alors à l’IMV de réaliser une étude de ligne expérimentale de tramway. La Région Île-de-France et l’IMV ont porté cette initiative et mobilisé le consultant Transdev pour la réalisation d’une étude technique. La proposition qui émergea reprenait peu ou prou le tracé d’une ancienne ligne de tramway, qui avait été exploitée durant la période coloniale avant d’être démantelée il y a plus de vingt ans, et proposait de relier le centre historique de la capitale à sa périphérie ouest. Après discussion avec les autorités de Hanoi, et à la demande du gouvernement vietnamien, le projet a évolué vers la réalisation d’une ligne de métro pilote. Cette opération a réellement changé de tournure et pris une dimension nationale lorsque le Président Chirac, lors d’une visite officielle dans la capitale vietnamienne en 2004, a annoncé que la France financerait, par son Fonds d’études et d’Aide au SEcteur Privé (FASEP)174, l’étude de

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Géré par le ministère chargé de l’économie et des finances, ce fonds sert, entre autres, à financer des études réalisées par des entreprises françaises à l’étranger. Ce financement répond à une demande d’un bénéficiaire local (Etat, collectivité locale) en vue de la réalisation d’un projet de développement susceptible de faire appel au savoir-faire des entreprises françaises (ingénierie, équipementiers, exploitants).

faisabilité de la ligne et proposerait un emprunt concessionnel pour la construction du métro175. Toutefois, en raison du coût estimé de l’infrastructure, d’autres bailleurs ont été sollicités. C’est pour cette raison que la Banque Européenne d’Investissement et la Banque Asiatique de Développement se sont greffées à ce projet. Grâce à ses liens privilégiés avec les autorités locales et à ses actions en matière d’assistance auprès de la municipalité de Hanoi, la coopération de la Région Île-de-France a donc été à l’initiative de ce méga-projet, désormais porté par les acteurs bilatéraux de la coopération française.

La complémentarité de ces deux niveaux de coopération s’illustre également sur le terrain de l’aide conceptuelle. En 2005, à la demande du Ministère de la Construction et de la ville de Hanoi, l’IMV a organisé la venue de deux experts français pour effectuer auprès de l’Institut National de Planification Urbaine et Rurale du Ministère de la Construction une mission d’assistance concernant l’élaboration du schéma directeur de la région de Hanoi. Cette mission portée par la coopération de la Région Île-de-France reçut également l’appui de l’ambassade de France à Hanoi. Plus récemment, depuis 2011, l’IMV et l’AFD travaillent de manière rapprochée sur des éléments connexes au projet de métro, en particulier sur les questions d’intégration physique et institutionnelle de la future ligne au réseau de transport public existant. En collaboration avec l’AFD, l’IMV fournirait une assistance technique au Comité populaire de Hanoi pour favoriser la mise en œuvre du projet de métro. Plus précisément, la Région Île-de-France et l’IMV apporteraient un soutien dans la réflexion de l’aménagement et l’intégration de deux stations. L’apport de l’expertise de l’Île-de-France viserait à travailler sur l’intégration physique des lignes de bus aux stations de métro. Dans ce contexte, le rapprochement entre l’IMV et l’AFD permet l’échange d’informations et surtout de partager des études et des réflexions liminaires que les uns et les autres conduisent. Ainsi, l’IMV a déjà apporté sa contribution à travers la réalisation d’une étude concernant l’aménagement du terminus ouest de la ligne en un véritable pôle intermodal176. Enfin, puisque l’IMV travaille en partenariat avec le centre de gestion des transports publics de Hanoi sur les questions institutionnelles d’organisation et de régulation du transport public, l’institut est associé depuis 2011 aux rencontres informelles traitant de cette question et réunissant les bailleurs impliqués dans la construction des méga-projets de transport dans la capitale.

Cette complémentarité entre les différents niveaux de coopération est aussi bien originale que fructueuse. Originale car aucune autre coopération urbaine impliquée dans le secteur du transport ne dispose d’un tel réseau d’acteurs et de ramifications aussi solides et institutionnalisées avec l’administration du Comité Populaire de Hanoi. Fructueuse, car elle a d’un côté permis à la coopération bilatérale française d’engager le financement d’une méga-infrastructure et ainsi enclenché

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Ce projet engagé officiellement en 2006 est financé par le biais des crédits de la Réserve Pays Emergents (RPE) du ministère de l’économie et des finances et par un financement additionnel émis par l’AFD. La RPE est une aide « liée », ce prêt est octroyé pour financer des biens et des services d’origine français, il est négocié au cas par cas entre la DGTPE (Direction Générale du Trésor et de la Politique Economique) et le ministère des finances du pays bénéficiaire. Le second financement français est assuré par l’AFD sous la forme d’un prêt « délié », l’agence a également apporté une contribution financière supplémentaire sous la forme d’une subvention et provenant du Fonds Français pour l'Environnement Mondial.

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un mouvement d’entrainement pour que les sociétés d’expertise françaises puissent prendre position sur un nouveau marché ; de l’autre, elle montre que l’approche de la coopération décentralisée, par le biais d’une plateforme comme un institut des métiers de la ville, est créatrice d’une synergie positive au sein du dispositif de coopération français.

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