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La question des liens entre mobilité spatiale 88 et mobilité sociale…

construction du rapport à l’espace

2.3. Le statut de la mobilité questionné

2.3.1. La question des liens entre mobilité spatiale 88 et mobilité sociale…

La place des individus dans l’espace géographique, et notamment leur lieu de résidence, possède des implications sociales importantes. Les liens présumés entre les caractéristiques de l’espace résidentiel et les difficultés sociales de certaines populations font de la mobilité, à différentes échelles, une solution pour remédier à ces difficultés. La controverse suscitée par cette approche montre la complexité des liens entre mobilité sociale et spatiale (Bacqué et Fol, 2007a ; Fol, 2009, 2010 ; Jouffe, 2007) et nuance l’idée qu’il faudrait « bouger pour s’en sortir ». La formule très évocatrice, présente dans le titre de deux ouvrages, parus en 2004 et 2005 (Le Breton, 2005 ; Orfeuil, 2004), implique un double positionnement : en postulant tout d’abord un lien de cause à effet entre la mobilité spatiale et la réussite sociale (ou en tout cas la sortie d’une situation sociale non désirable) et en affirmant la nécessité de cette forme de rapport à l’espace en vue d’une insertion sociale.

Autant dans le champ des politiques publiques que des publications scientifiques, le manque de mobilité des individus est présenté comme un frein à l’insertion sociale. Partant du constat du rôle croissant de la mobilité dans la société actuelle, plusieurs auteurs notent l’importance, voire la nécessité, d’être mobiles pour certaines catégories de population. La « sous-mobilité » devient ainsi une « question sociale » et la mobilité une « obligation » (Orfeuil, 2010). L’affirmation du rôle de la mobilité dans l’insertion sociale s’inscrit dans un contexte particulier, lié à des évolutions économiques, sociales et techniques. La ségrégation fonctionnelle de l’espace et la distance croissante, au cours du XXème siècle, entre logement et emploi, en lien avec l’essor de l’automobile, a pour conséquence des déplacements accrus pour l’ensemble de la société (Orfeuil, 2004). Ces travaux nous situent ainsi dans une « société de la mobilité », issue des évolutions socio-économiques et technologiques ayant eu lieu depuis les Trente Glorieuses, et notamment l’organisation spatiale permise par l’automobile dans laquelle logements et emplois sont distants (Orfeuil, 2010). Produite par la l’essor de l’automobile et l’augmentation des déplacements, l’organisation actuelle de

88 Dans cette sous-partie, je me réfère à certains travaux utilisant le concept de mobilité pour désigner les déplacements effectifs des individus. Il faut donc comprendre ici la « mobilité spatiale » au sens large, désignant à la fois la capacité des individus à se déplacer et les déplacements effectifs.

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l’espace et de la société, et notamment la distance entre logements et emplois, serait ainsi fondamentalement marquée par la mobilité (Coutard, Dupuy et Fol, 2002 ; Dupuy, 2000). Pour des personnes dont le double choix du logement et de l’emploi est contraint, l’organisation des déplacements quotidiens peut être compliquée. Plusieurs facteurs renvoyant à la fois à la localisation du logement et au type d’emploi se combinent alors. Concernant le logement, c’est la distance aux bassins d’emploi et l’absence ou la faiblesse des transports en commun qui sont un obstacle aux déplacements. Du côté de l’emploi, des horaires décalés ou fractionnés sont aussi à prendre en compte (Jouffe, 2011). Plusieurs chercheurs font ainsi le constat empirique de difficultés de mobilité pour certaines catégories de population. Les « insulaires », individus « fragilisés par les transformations actuelles de la société » (Le Breton, 2005) sont d’abord identifiés par leur appartenance sociale. L’enquête menée auprès de l’association intermédiaire l’Abeille permet à l’auteur de distinguer quatre catégories d’individus pouvant être qualifiés d’ « insulaires » : les femmes isolées avec enfants, les personnes issues de l’immigration, les hommes au faible niveau de qualification, les jeunes. Cette catégorisation sociale se double, pour certains, d’une catégorisation territoriale. Dans son repérage des personnes en situation de difficulté de mobilité, Jean-Pierre Orfeuil évoque ainsi des facteurs sociaux, dont la pauvreté, et d’autres plus spatiaux, comme « l’appartenance territoriale » (Orfeuil, 2010). Trois types d’espaces peuvent être facteurs de difficultés de mobilité : « les zones rurales », « les zones périurbaines » et « les territoires de la politique de la ville ». Dans les trois cas, la dépendance à l’automobile, dans des espaces où les transports en commun sont peu ou pas développés, est évoquée comme un obstacle à la mobilité. Dans le troisième cas, l’auteur évoque aussi les discriminations à l’embauche que peuvent subir les habitants de ces zones et la possibilité d’un repli sur le quartier :

« un brassage social plus faible réduit les « liens faibles » avec le reste de la société, le report sur les « liens forts » du quartier contribue à construire une norme spécifique de relégation et un sentiment de « no future », les employeurs développent des comportements discriminatoires » (Orfeuil, 2010).

La discrimination à l’embauche dont sont victimes certains habitants des territoires de la politique de la ville est alors mise en lien avec un comportement propre aux habitants eux-mêmes, ces derniers semblant alors participer à leur propre mise à l’écart. L’évocation du « brassage social plus réduit » s’inscrit dans la problématique des effets de quartier qui sous-tend l’encouragement à la mobilité (Fol, 2010). La nécessaire maîtrise de la mobilité dépasse alors la question de l’accès à l’emploi et s’inscrit dans une volonté de meilleure cohésion sociale. Elle est par ailleurs l’apanage de certains milieux favorisés (des catégories sociales

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identifiables par leur potentiel de mobilité) où l’on apprend très tôt aux enfants à devenir mobiles, notamment par l’organisation de voyages à l’étranger (Réau, 2009 ; Wagner, 2010). Les problèmes liés à l’absence de mobilité de certains individus se posent aussi à une échelle plus fine. L’identification du « stationnement » des jeunes dans les halls d’immeubles comme problème s’inscrirait « dans un monde où la mobilité est à la fois une règle commune et une valeur quasi universelle, qui s’applique à toutes les réalités sociales (les humains, les objets, les matières, les non-humains) (Lussault, 2009, p. 31). Ainsi, au-delà de la non-conformité à la norme d’usage d’un lieu précis (stationnement dans un lieu de passage), cette immobilité est vue comme une non-soumission « aux règles du régime libéral des places et des mouvements, aux normes spatiales d’évitement et d’esquive » en lien avec la « survalorisation de la mobilité » (Lussault, 2009, p. 32). Pour Valentine (Valentine, 1996), l’injonction de la jeunesse à être mobile confinerait celle qui ne l’est pas dans le registre hors-normes.

L’identification de ces populations pour lesquelles la maîtrise de la mobilité semble fragile montre que les individus ne sont pas égaux par rapport à la mobilité. Plus particulièrement, une situation de pauvreté favoriserait son absence, et l’absence de mobilité renforcerait la situation de pauvreté. A l’inverse, la mobilité est présentée comme un moyen de favoriser l’insertion sociale. Dans cette optique, plusieurs actions fondées sur la mobilité comme levier pour l’insertion sont mises en place. A côté de réseaux institutionnels offrant un cadre de

réflexion et de promotion de la mobilité89, des actions locales sont menées pour favoriser la

mobilité des personnes fragilisées, notamment les jeunes (Le Breton, 2005). Le « pôle mobilité » initié par la fédération des maisons de quartier de la ville de Saint-Nazaire (Gachelin, 2007), ou les Ateliers « Mobilité », mis en place par la RATP (Allemand et Mongin, 2008) en sont des exemples.

A partir de la littérature consacrée aux liens entre mobilité spatiale et mobilité sociale et des actions reposant sur la mobilité comme levier pour l’insertion, deux systèmes peuvent être identifiés : celui du « cercle vicieux de l’immobilité excluant » et celui du « cercle vertueux de la mobilité intégratrice » (Jouffe, 2007). Intégrant ce double système, les actions favorisant

89 Crée en 2000 à l’initiative de PSA Peugeot Citroën, l’Institut pour la Ville en Mouvement est une association loi 1901 qui « interroge sans tabou, met à l’agenda de nouvelles manières de comprendre la mobilité en ville, pour que la mobilité devienne un droit et un plaisir ». Fondée sur le droit à la mobilité comme « droit générique » conditionnant les autres droits, cette association finance notamment des programmes de recherche (http://www.ville-en-mouvement.com/fr/content/livm-comme-projet#sthash.l0Wu4AlC.dpuf). Le Forum Vie Mobile est quant à lui un institut de recherche crée par la SNCF en 2011 et qui offre aussi un cadre de réflexion sur la mobilité afin de « préparer la transition mobilitaire. Il s’agit d’imaginer les bonnes vies mobiles du futur et leur mise en œuvre en repensant l’équilibre entre les déplacements physiques, les télécommunications et le déploiement de nos activités sur les territoires » http://fr.forumviesmobiles.org/page/presentation-lassociation.

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la mobilité des ménages pauvres permettent de faire basculer leur situation du côté du cercle vertueux (Schéma 4).

Schéma 4: Mobilité spatiale et sociale : cercles vertueux et vicieux

Cette chaîne de relations peut être remise en cause à plusieurs endroits (Schéma 5). Schéma 5: D’autres relations entre mobilité spatiale et mobilité sociale

La relation entre exclusion sociale et immobilité peut tout d’abord être remise en cause puisque plusieurs analyses montrent que des populations précaires ou pauvres peuvent être mobiles. C’est le cas des « précaires » étudiés par Yves Jouffe, dont la fragilité économique entraîne une mobilité flexible qui peut être intense. La figure du pauvre ne peut donc pas être résumée à celle de « l’insulaire » décrit par Eric Le Breton (Jouffe, 2007). Si l’on s’intéresse plus particulièrement aux individus jeunes, et notamment aux adolescents, on peut également relativiser le lien entre immobilité et ségrégation sociale. Analysant ce lien, Nicolas Oppenchaïm met en regard les mobilités quotidiennes d’adolescents vivant en Zones Urbaines Sensibles (ZUS) avec les pratiques d’adolescents vivant hors de ces zones. Son enquête montre que les adolescents vivant en ZUS sont moins accompagnés par leurs parents dans la réalisation d’activités et que celles-ci sont moins fréquentes et plus proches du domicile familial que pour les autres adolescents. Ces résultats allant dans le sens d’une plus faible (en distance et en fréquence) mobilité des adolescents vivant en ZUS est nuancée par le constat d’une autonomie et d’un usage précoce des transports en commun, notamment pour les garçons (Oppenchaim, 2009).

Cette remise en cause de la relation univoque entre exclusion sociale et immobilité se double d’une remise en cause de la relation entre mobilité et insertion. En effet, des rapports à

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l’espace tendant vers l’immobilité peuvent être supports de ressources pour des populations pauvres. A travers deux enquêtes menées en France et aux Etats-Unis dans des quartiers pauvres, Sylvie Fol (2010) montre comment le quartier est un « lieu ressource » pour ses habitants. Le rapport à l’espace fondé sur la proximité permet aux individus de bénéficier d’un réseau social dense. Les connaissances dans le quartier permettent aussi la mise en place d’un réseau d’entraide qui peut « compenser leur manque de ressources dans d’autres domaines », notamment celui de la mobilité. S’appuyant sur les travaux de Jean-Noël Rétière, plusieurs chercheurs utilisent la notion de « capital d’autochtonie » pour mettre en évidence « les ressources que procure l’appartenance à des réseaux de relations localisés » (Rénahy, 2010, p. 9), notamment pour les classes populaires. Toujours dans un contexte rural, la faiblesse de la mobilité des allocataires du RMI en Thiérache peut être comprise comme une « adaptation des populations socialement disqualifiées à un contexte de disqualification spatiale » (Bonerandi-Richard, 2014, p. 130).

Enfin, d’autres exemples montrent que la mobilité spatiale n’est pas toujours associée à une mobilité sociale ascendante. Le suivi par Cécile Vignal d’une cohorte d’ouvriers ayant subi la relocalisation de leur entreprise relativise le parallélisme entre mobilité géographique et mobilité sociale et invite au contraire à prendre en compte « les coûts sociaux et la dimension humaine qu’impliquent ces formes de mobilité et de flexibilité de l’emploi » (Vignal, 2005, p. 115). La mobilité spatiale peut, en outre, être un facteur ou un marqueur de pauvreté. C’est le cas de la migration ou du vagabondage, cités par Julien Damon comme des formes d’ « extrême mobilité » en lien avec des situations de « grande pauvreté » (Damon, 2004, p. 105). Certaines pratiques déviantes des jeunes sont fondées sur une mobilité particulièrement intense. Ainsi, « les gangs de rue veulent bouger » (Boudreau, 2013, p. 527) car le déplacement est nécessaire à la réalisation de leurs activités illicites mais est aussi associé à un sentiment de liberté. Le déplacement et les compétences qui lui sont associées sont également au fondement des pratiques de graffiti-writers et plus précisément des « bombeurs de train ». Nécessaire à la réalisation des graffitis sur un support mobile, le train, la mobilité est également vécue par les « bombeurs de train » comme une performance et fait l’objet d’une valorisation au sein du groupe (Tadorian, 2009). Dans ces cas-là, la mobilité n’est pas un facteur d’insertion sociale mais plutôt un marqueur de la marginalité.

En observant d’autres catégories sociales, ou d’autres types de rapport à l’espace, on note la relativité des liens entre exclusion et immobilité d’un côté, et insertion et mobilité de l’autre (Schéma 5). L’approche en termes de catégories socio-territoriales révèle bien des inégalités

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face à la mobilité, mais remet aussi en cause la relation de cause à effet entre exclusion sociale et immobilité. Certaines situations montrent que l’exclusion sociale peut s’accompagner d’une mobilité spatiale intense, mais qui n’est pas socialement acceptable.

2.3.2. … à travers l’encadrement social des déplacements des

adolescents : norme et valeur

Liées à l’environnement familial et résidentiel, les modalités de fréquentation des espaces publics par les enfants et les adolescents sont aussi liées aux normes sociales qui régissent l’usage de l’espace, elles-mêmes inscrites dans un ensemble de valeurs. Les adolescents et les jeunes sont particulièrement concernés par l’injonction à la mobilité identifiée plus haut. Celle-ci est liée à la vulnérabilité de cette population mais aussi à la période de transition et de formation dans laquelle elle se trouve. La présence des « jeunes » parmi les « insulaires » d’Eric Le Breton s’explique ainsi doublement : non seulement les jeunes correspondent à une catégorie de population particulièrement touchée par la précarité, mais l’état même de jeunesse fait de la mobilité un enjeu important à ce moment de la vie. L’étape de formation à laquelle correspond la jeunesse implique en effet un rapport spécifique au territoire qui pourrait avoir un rôle à jouer dans la construction de soi (Le Breton, 2005). Au-delà de la « construction de soi », des enjeux plus concrets liés notamment à l’insertion sociale et à la structure du marché du travail interviennent dans l’importance accordée à la mobilité à cette période de la vie.

Pourtant, comme dans le cas des relations entre mobilité et pauvreté, les relations entre mobilité et adolescence sont ambivalentes. L’analyse de la mobilité des adolescents peut ainsi être intégrée au modèle selon lequel les normes sociales, pour certaines concernant directement l’usage de l’espace, régulent les pratiques des individus en fonction de valeurs admises par une société donnée. Les recherches menées sur la prise en charge sociale de jeunes en situation de marginalité permettent de resituer la mobilité dans ce cadre de

réflexion. Bien qu’ils ne concernent pas directement le cas des adolescents placés, ces

différents cas mettent en évidence certaines contradictions autour de la gestion de la mobilité des adolescents et jeunes en situation de marginalité. Trois exemples issus de la littérature révèlent ces contractions :

Dans son article rendant compte des actions en faveur de la mobilité mises en place par le « pôle mobilité » de la fédération des maisons de quartier de la ville de Saint-Nazaire,

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Mélanie Gachelin évoque le rapport des jeunes à l’automobile en termes de « risque » et de danger:

« Est-ce que les jeunes en difficulté sont des conducteurs plus dangereux que les autres ? Certainement et malheureusement. Car ils sont nombreux à avoir des conduites à risque, en particulier la consommation d’alcool et de cannabis. Même au nom de l’insertion et de l’égalité des chances, il n’est pas possible de transiger sur la sécurité » (Gachelin, 2007,

p. 64).

Ainsi, si le fait d’être jeune et en difficulté implique d’être particulièrement mobile, cette mobilité est par ailleurs appréhendée comme un risque. L’attribution de pratiques déviantes aux individus concernés (décrits simplement comme jeunes en difficulté) justifie cette crainte face à leur mobilité. L’opposition entre deux ensembles de valeurs, l’égalité des chances et l’insertion d’un côté, et la sécurité de l’autre, est au fondement de la gestion de la mobilité des jeunes en difficulté.

Djemila Zeneidi parle ainsi à propos de la catégorie des « jeunes en errance » d’une « mobilité dévalorisée » (Zeneidi, 2010, p. 221). Son analyse de la construction « idéologique » de cette catégorie d’une part, et la retranscription du sens attribué à cette mobilité par les jeunes eux-mêmes d’autre part, révèle « une mobilité en décalage par rapport aux logiques sociales en vigueur » mais qui n’en est pas moins nourrie par une « capacité d’appropriation » de l’espace et des « repères » pour les jeunes en question (Zeneidi, 2010, p. 230).

Le caractère conflictuel de l’usage de l’espace urbain est également souligné dans d’autres contextes, et notamment celui du Canada. La question de la norme sociale est centrale dans l’approche que Michel Parazelli propose des jeunes de la rue à Montréal. A l’instar des « jeunes errants » français, la rue représente pour eux « une possibilité de se réaliser comme sujets en s’appropriant des lieux où se retrouvent des jeunes partageant les mêmes aspirations » (Parazelli, 2010b, p. 207). La rue comme espace de socialisation entre cependant en contradiction avec les représentations des gestionnaires urbains. Celles-ci reposent sur un « imaginaire écosanitaire » montrant « la revitalisation urbaine et les problèmes qui en découlent comme relevant d’un milieu naturel. […] et qui permet de légitimer un certain nombre d’actions répressives auprès des jeunes de la rue et de leurs traces » (Parazelli, 2010b, p. 215). On voit bien ici que l’intervention sur « les normes du savoir vivre en ville » (Parazelli, 2010b, p. 205) repose sur un système de valeurs spécifiques aux aménageurs, antagoniste avec celui des jeunes de rue.

Ces travaux montrent donc que la prise en charge sociale des adolescents et jeunes en situation de marginalité s’appuie essentiellement sur l’évaluation du déplacement dans sa

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conformité à la norme, sans prendre en compte toute la dimension de la mobilité. La norme selon laquelle l’individu doit être mobile semble donc subordonnée à d’autres normes, concernant l’usage qui est fait de cette capacité. Ces exemples illustrent bien la complexité de la norme de mobilité. L’acceptabilité sociale de la capacité à se déplacer dépend de la conformité de la pratique spatiale à un ensemble de normes dépendant du lieu concerné, de la temporalité, de l’activité réalisée, du nombre de participants et de leurs caractéristiques sociales, définissant leur légitimité dans l’espace public.

Schéma 6: La gestion des pratiques spatiales juvénile marginales

Si l’on admet une norme de mobilité fondée sur une capacité, donc une action potentielle, se pose alors la question de sa mise en œuvre et donc, dans le cas de la mobilité, du déplacement. La traduction de la mobilité dans le déplacement s’inscrit dans un ensemble de normes qui détermine l’acceptabilité du déplacement. Si, dans l’absolu, la capacité de déplacement est une norme, l’acceptabilité de son opérationnalisation dépend à son tour de sa compatibilité avec un ensemble de normes, et notamment des normes concernant l’usage de l’espace. Dans ce sens, des normes de mobilité peuvent être identifiées : normes juridiques concernant par exemple les modalités de l’automobilité (limitation de vitesse) ou normes sociales concernant les modalités et temporalités de la mobilité quotidienne de certains groupes sociaux : la

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nécessité que les enfants soient accompagnés dans leurs déplacements jusqu’à un certain âge ou la spécificité de la mobilité des femmes la nuit par exemple. Plus que la capacité de déplacement (définition retenue de la mobilité), c’est bien ici le déplacement en lui-même qui répond à une norme.

Finalement, la réception sociale des pratiques spatiales des adolescents dépend de leur conformité à la norme d’usage de l’espace, entre mobilité et immobilité. L’étude de l’usage du réseau de transport en commun RER par les adolescents et les jeunes amène ainsi Alain Vulbeau et Michel Kokoreff à différencier trois types de mobilités des jeunes: les « mobilités

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