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institutionnel et pratiques éducatives

Chapitre 4 - L’encadrement des déplacements

1.2. La régulation des relations à l’extérieur

1.2.1. Moyens de communication et de transport

La référence aux moyens de communication et de transport est très hétérogène dans les documents normatifs des quatre établissements. Les mentions faites dans les projets d’établissement sont plutôt rares et décrivent les moyens disponibles pour les adolescents et/ou les équipes éducatives, selon les cas. Alors que tous les règlements mentionnent des moyens de communication, les moyens de transport disponibles sont évoqués seulement dans

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certains d’entre eux. L’analyse de ces éléments décrit dans un premier temps les modalités de déplacements indépendants et de communication avec l’extérieur. Dans un second temps, ces mentions soulignent des enjeux sous-jacents à la question de la relation avec l’espace extérieur. N’apparaissant pas explicitement dans tous les établissements, ces enjeux sont ici relevés et nécessiteront d’être approfondis à travers l’analyse du discours des éducateurs.

a. Moyens de transport

Les règlements et projets d’établissement font globalement peu référence aux moyens de transport disponibles dans les établissements. Absente dans un établissement (foyer 2), cette thématique fait l’objet de quelques lignes dans le règlement des foyers 3 et 4, alors qu’elle est plus largement développée dans le cas du foyer 1. Dans le règlement du foyer 3, la section concernant les véhicules se réfère uniquement aux voitures utilisées par les équipes éducatives, en énonçant quelques règles comme l’interdiction de fumer, boire ou manger dans les véhicules. Cette partie signale aussi l’interdiction pour une adolescente d’être seule dans un véhicule et le fait que « le conducteur est responsable de l’état du véhicule ». Le foyer 4 mentionne dans son projet la répartition des véhicules entre les deux sous-groupes éducatifs et le règlement concernant le nettoyage du véhicule ou le paiement des amendes, assumé par le conducteur. Dans ces deux cas, les règles énoncées concernent l’usage qu’en font les adultes. Pourtant, les documents normatifs évoquent également des moyens de transport utilisés uniquement par les adolescents. À côté des transports assurés par un adulte, le règlement du foyer 1 mentionne la possibilité, pour les adolescents, de se déplacer en deux-roues motorisés,

« mis à disposition » par le foyer108. L’usage du scooter ou du cyclomoteur, soumis à

l’autorisation parentale, est possible dans certains cas. Tous les motifs justifiant l’usage des deux-roues motorisés ne sont pas mentionnés dans le règlement qui donne l’exemple d’un adolescent voulant « se rendre en stage », montrant ainsi que l’usage du deux-roues motorisé est lié à des activités précises, en lien avec l’insertion professionnelle de l’adolescent notamment. Dans le cas du foyer 4, le seul moyen de transport mentionné par le règlement est le transport en commun, appréhendé à travers la question de la mise à jour de l’abonnement mensuel et du paiement des amendes en cas de fraude.

La référence au transport introduit ainsi une différenciation entre les établissements. Absente dans les documents normatifs du foyer 2, la question des transports apparaît dans les trois autres établissements mais ne concerne pas les mêmes modes. Dans le foyer 3, seuls les

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véhicules utilisés par les équipes éducatives font l’objet d’un court paragraphe, insistant sur la responsabilité des adultes par rapport au véhicule. La même idée est soutenue dans le projet d’établissement du foyer 4. Cependant, elle s’allie, dans ce foyer comme dans le cas du foyer 1, à une prise en compte des déplacements autonomes des adolescents, à travers l’usage des transports en commun. Dans le foyer 1, le déplacement autonome renvoie à l’usage de ces derniers mais aussi à la possibilité d’utiliser un deux-roues motorisé.

Le traitement des transports dans les documents normatifs met en évidence certains enjeux sous-jacents. S’ils ne sont pas traités par l’ensemble des établissements, ces derniers révèlent leurs implications, plus ou moins implicites, dans les déplacements quotidiens. Le coût du transport est mentionné de manière explicite dans le cas du foyer 1, dont le règlement précise que « les transports relatifs à la scolarité, aux droits de visite et aux activités sont pris en charge par l’établissement ». Le coût apparaît aussi en filigrane dans le cas du foyer 4 puisque le règlement prévoit les modalités de paiement des amendes en cas de fraude d’un adolescent dans les transports en commun. La question de l’autorisation parentale est également mentionnée dans le cas du foyer 1, mais seulement pour le cas où l’adolescent se déplace avec un deux-roues à moteur. On peut alors s’interroger sur la consultation des parents des adolescents accueillis dans cet établissement lorsqu’ils utilisent d’autres modes de transport. Cette mention questionne également le fonctionnement des autres établissements, pour lesquels l’autorisation parentale n’est pas signalée.

Enfin, le traitement inégal de la question des transports dans les règlements d’établissement, notamment l’absence de règles concernant les transports dans deux d’entre eux, interroge plus généralement la place de la mobilité dans la prise en charge. Il est à ce titre intéressant de noter que, même lorsque la possibilité pour les adolescents de se déplacer avec un deux-roues a été vérifiée pendant l’ethnographie, celle-ci n’est pas mentionnée dans le règlement de l’établissement, ce qui confirme l’hypothèse du caractère implicite de la gestion des déplacements dans le contexte de placement. L’analyse de l’usage des différents moyens de transport nécessite donc d’être approfondie, notamment à travers l’ethnographie, car elle affecte directement les conditions de déplacement et sera ainsi développée dans la section suivante.

b. Moyens de communication avec l’extérieur

Les moyens de communication sont quant à eux davantage mentionnés dans le règlement des établissements. Différents moyens sont cités dans les documents (Tableau 17). À l’exception

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du courrier, mentionné seulement dans le foyer 1 et à propos duquel il est simplement précisé que les adolescents peuvent en recevoir et en envoyer, l’usage de ces différents moyens de communication est réglementé.

Tableau 17: Mention des moyens de communication dans les règlements d’établissement Courrier Téléphone foyer Téléphone portable

adolescent Ordinateur/internet

Foyer 1 × × ø ø

Foyer 2 ø × × ø

Foyer 3 ø × × ×

Foyer 4 ø × × ø

Guy, 2014, d’après règlements d’établissement des foyers 1, 2, 3 et règlement de service foyer 4 – Service 4A

Les téléphones fixes sont présents dans différents types de dispositifs. Dans deux des établissements, ils sont plus ou moins explicitement dédiés à la communication entre les adolescents et leur famille. Dans le foyer 1, les parents peuvent joindre leurs enfants et les éducateurs par téléphone. Les enfants peuvent également appeler leurs parents depuis le téléphone situé dans le bureau des éducateurs. Dans le règlement de cet établissement, la communication par téléphone entre les parents et leurs enfants est soumise aux éventuelles limites fixées par le juge. Dans le foyer 2, le téléphone fixe n’est pas cité en tant que tel, mais la règle selon laquelle « chaque jeune a le droit à un appel téléphonique à sa famille par semaine » est mentionnée. Celle-ci sous-entend l’usage d’un téléphone appartenant au foyer puisque ce type de contrôle ne peut pas être effectué avec l’usage des téléphones portables des adolescents, par ailleurs autorisé. La même configuration apparaît dans le règlement du foyer 4 : le téléphone n’est pas cité mais l’autorisation pour les adolescents d’appeler leur famille quinze minutes par semaine suppose l’usage du téléphone de l’établissement. Dans ce foyer, une tranche horaire de 20 heures à 21 heures est dédiée aux appels extérieurs. Enfin, le règlement du foyer 3 mentionne plusieurs téléphones fixes. Un « point phone » correspondant à une cabine téléphonique est ouvert entre 8 heures et 22 heures 30. Le « téléphone du foyer » est par ailleurs mentionné comme étant réservé aux professionnels.

L’usage des téléphones portables est également réglementé, à l’exception du foyer 1 pour lequel ils ne sont pas cités. Ils sont dans la pratique autorisés au moment de l’enquête, mais leur usage par les adolescents est source de débat au sein de l’équipe éducative. Les termes utilisés pour évoquer la possession d’un téléphone portable témoignent d’une certaine méfiance des établissements vis-à-vis de ce moyen de communication. Ainsi, dans le foyer 2

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et le foyer 4, les téléphones portables sont « tolérés ». Dans le foyer 3, la possibilité de posséder un téléphone portable est signalée de manière plus neutre : « les jeunes filles ont la possibilité de posséder un téléphone portable ». Différentes conditions et restrictions sont apportées à la possession et à l’usage du téléphone portable. Concernant sa possession, elle est soumise dans le foyer 4 à l’accord des parents et au dépôt d’un justificatif d’achat. Le règlement de cet établissement n’énonce pas de conditions quant à l’usage du téléphone portable. Dans les foyers 2 et 3, la possession du téléphone portable est libre, mais son usage est interdit à certains moments de la journée. L’interdiction pendant les temps de repas est clairement énoncée pour les deux établissements. Elle concerne également les temps de réunion et les entretiens individuels dans le cas du foyer 3. L’interdiction d’usage du téléphone portable est en outre sous-entendue la nuit. Le règlement du foyer 2 évoque ainsi « un usage excessif les soirs ou à une heure trop tardive » pouvant conduire au retrait temporaire de l’appareil. Le foyer 3 est quant à lui muni de brouilleurs de téléphones, actifs entre 22 heures et 7 heures. Dans le cas du foyer 2, si les adolescentes parviennent à utiliser leur téléphone la nuit malgré ce dispositif, le règlement prévoit la confiscation de l’appareil par les adultes, le temps de la nuit.

Enfin, le règlement du foyer 3 est le seul à faire référence à l’outil informatique. Dans cet établissement, la salle informatique est ouverte de 8h à 22h30. L’usage d’internet est contrôlé grâce au blocage de certains sites et les éducateurs sont invités à être « vigilants » quant à l’usage de l’ordinateur et d’internet par les adolescentes.

Malgré des ajustements différenciés en fonction des établissements, l’analyse des sections relatives aux moyens de communication révèle une volonté commune de contrôler les communications de l’adolescent avec l’extérieur. Par ailleurs, l’observation ethnographique a montré l’enjeu que représentent la possession et l’usage du téléphone portable par les adolescents. L’autorisation de posséder et d’utiliser un téléphone portable est ainsi débattue au sein des équipes éducatives, le téléphone portable étant notamment perçu comme un vecteur d’attraction des adolescents vers l’extérieur. Cette dimension apparaît dans les documents normatifs puisque l’introduction des téléphones portables dans l’établissement est citée comme principale cause de l’augmentation des fugues dans le foyer 2. Ainsi, les outils de communication sont mis en lien avec les déplacements quotidiens des adolescents et plus particulièrement avec les déplacements non autorisés. Les déplacements quotidiens sans accompagnement d’adultes sont en effet eux aussi règlementés.

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1.2.2. La réglementation des « sorties »

Les déplacements à l’extérieur du foyer sont traités dans les règlements d’établissement grâce au terme générique de « sortie ». Tous les règlements comportent une section spécifique concernant les sorties, avec quelques variations dans la manière de les nommer : « sorties à l’extérieur» dans le foyer 1, « sorties » dans le foyer 2, « sorties de l’établissement » dans le foyer 3 et enfin « sorties extérieures » dans le foyer 4. Au-delà de ces dénominations, il est intéressant de questionner la définition de la sortie. En effet, les sorties ne sont pas régies par les mêmes conditions dans les quatre établissements de l’enquête. Nous nous intéressons donc dans un premier temps aux éléments qui décrivent la sortie dans les règlements d’établissement et qui permettent de comprendre comment la sortie est définie. Dans un second temps, les règles énoncées sont analysées et comparées afin de contribuer à caractériser les établissements selon les conditions qu’ils offrent en matière de déplacement. La définition des sorties dans les règlements est tout d’abord analysée à travers une grille construite a priori, reprenant les éléments utilisés traditionnellement pour qualifier les déplacements quotidiens. Ces indicateurs concernent la destination de la sortie, appréhendée à travers le lieu et le motif de destination, la fréquence, l’accompagnement et enfin le mode de transport. Cette grille d’analyse montre que les éléments de définition du déplacement quotidien ne sont que rarement mentionnés dans les règlements d’établissement (Tableau 18). Ainsi, le lieu de destination du déplacement, sa fréquence et le mode de transport utilisé ne sont jamais mentionnés. Le mode d’accompagnement est seulement précisé dans le cas du foyer 1, qui évoque des « sorties autorisées non encadrées » et du foyer 2 pour lequel le règlement indique que « les sorties après le repas du soir sont interdites sauf accompagnées par un éducateur ». Dans les autres cas, on peut supposer que le terme même de « sortie » désigne implicitement une sortie sans accompagnement d’éducateur. Il est cependant significatif de remarquer que les sorties accompagnées de pairs ne sont pas mentionnées dans les règlements.

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Tableau 18: Qualification des sorties dans les règlements des établissements selon les caractères traditionnels des déplacements quotidiens

Destination-lieu

Destination-

motif Fréquence Accompagnement

Mode de transport Foyer

1 ø ø ø Sortie non- encadrées ø

Foyer

2 ø ø ø

Sauf accompagné d’un

éducateur ø Foyer 3 ø Justification de l’emploi de temps École ou apprentissage Demandes exceptionnelles Sorties occasionnelles ø ø Foyer 4 ø ø ø ø ø

Guy, 2014, d’après règlements d’établissement des foyers 1, 2, 3 et règlement de service foyer 4 – Service 4A

Cette analyse à partir d’une grille construite a priori montre une prise en compte du déplacement à l’extérieur qui ne répond pas aux indicateurs traditionnels de description des déplacements quotidiens. Elle gagne ainsi à être complétée par l’analyse a posteriori du contenu des sections relatives aux sorties (Tableau 14).

Celle-ci met en évidence la manière dont la sortie est considérée et comment elle est définie par les établissements. L’analyse des conditions de sorties sans éducateur révèle des similitudes entre les quatre établissements tout en montrant la spécificité de certains d’entre-eux dans la définition de la sortie autorisée. Un invariant concerne tout d’abord la modalité d’organisation de la sortie. Dans tous les établissements, pour être autorisée, une sortie sans éducateur doit être organisée selon une modalité spécifique. Non seulement les quatre établissements mentionnent l’organisation préalable de la sortie comme condition de son autorisation mais la modalité d’organisation requise est en outre la même : la sortie doit faire l’objet d’une demande et d’une autorisation de la part de l’éducateur présent. Les foyers 1, 3 et 4 évoquent ainsi la nécessité pour le jeune d’obtenir « l’autorisation » de l’éducateur avant de sortir, tandis que dans le foyer 2 « les sorties se négocient avec l’éducateur […] ». Cette autorisation de l’éducateur est, dans le cas du foyer 1, la seule condition clairement définie dans le règlement de l’établissement. Dans les autres foyers, elle est soumise à d’autres conditions qui sont l’âge du jeune et le moment de la journée.

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