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Paragraphe 2 : Une « société civile » muselée

II. La question de l’éducation

Sans l’accès de tous à l’éducation, la participation, le contrôle du gouvernement et les possibilités d’action par une société civile active sont largement compromis. Participer à la prise de décisions est une chose; mais pour cela, il faut avant tout savoir lire, écrire et compter. Comment une femme pourra-t-elle être autonome et libre si elle ne sait pas lire ? Comment l’évolution des mœurs aura-t-elle lieu si l’école n’inculque pas aux individus, dès leur plus jeune âge, qu’ils sont tous égaux et se doivent le respect ?

790 Rapport du Secrétaire général des Nations Unies au Conseil de sécurité, « The situation in Afghanistan and its implications for international peace and security », 7 mars 2006, A/60/712 – S/2006/145, § 30.

791 Lors des dernières élections, le taux de participation était de 75%, en Irak. Les sunnites se sont également déplacés plus nombreux aux urnes, selon le rapport du Secrétaire général des Nations Unies au Conseil de sécurité, en application du paragraphe 30 de la résolution 1546 (2004), 3 mars 2006, S/2006/137. La même constatation peut être faite sur l’exercice du droit de vote en Afghanistan, selon ROY (O.), « Afghanistan, la difficile reconstruction d’un État », op. cit., p. 47.

792 BOUTROS-GHALI (B.), Renforcement de l’efficacité du principe d’élections libres et honnêtes, 19 novembre 1991, A/46/609, § 76.

152 En Afghanistan, 80% des écoles ont été endommagées par le conflit ; le taux

d’inscription à l’école primaire est de 54,4%793 et 70% des filles vivant en zones rurales ne

sont toujours pas scolarisées794. En outre, seulement 28,7% des Afghans ayant plus de quinze

ans savent lire. Le taux d’inscription au sein des universités est également l’un des plus faibles du monde. Concernant l’Irak, la situation s’est largement dégradée dans les années 1990. Le taux brut de scolarisation combiné, du primaire au supérieur, est de 57% de la population pour l’année scolaire 2001/2002, et le taux net de scolarisation dans le primaire, de

91% pour la même période795. Aujourd’hui, être enseignant est une profession à risque,

puisqu’ils sont nombreux à se faire tuer. Une campagne de violence est menée contre eux. En conséquence, les professeurs, enseignants et intellectuels sont nombreux à arrêter leur travail

et à s’exiler. De plus, les étudiants se mettent en danger en fréquentant les universités796.

Cette situation limite l’action en faveur de la promotion des droits de l’homme et de l’égalité entre les sexes, anéantit les possibilités d’amélioration de la condition de la femme et d’une société civile active. La question de l’éducation est un exemple de l’inefficacité de l’action gouvernementale en matière de service public et de mise en œuvre de la Constitution,

qui insistait pourtant sur la scolarisation des filles797. Comme dans l’ensemble des services

publics, le service de l’éducation est victime, en Afghanistan, du manque de ressources, puisqu’il doit faire face à l’insuffisance d’enseignants qualifiés. Il démontre aussi, pour l’Afghanistan, que la conservation du modèle unitaire échoue à réduire les inégalités entre régions, puisque les disparités régionales en termes d’éducation sont importantes.

Une société civile active ne va pas sans accès à l’éducation, puisque l’école est le seul moyen d’accès au savoir et à la compréhension disponible pour tous. Elle permet une société civile active, apte à contrôler l’action du gouvernement, mais également, la formation d’élites, permettant l’amélioration de la situation économique et représentant le pays dans le monde.

C’est pourquoi, l’Afghanistan Compact, dans le cadre du développement économique et social, impose la mise en œuvre d’instruments permettant l’amélioration de cette situation. Il organise dans un premier temps une aide à l’éducation scolaire et universitaire. Il prévoit l’établissement d’écoles primaires, d’universités pour les filles et pour les garçons et de nouveaux programmes, ainsi que la formation des enseignants. À travers ses programmes éducatifs, il permettra d’accentuer la conscience en matière de droits. Dans un second temps,

il prévoit le recensement des trésors culturels afghans et un programme de protection798. Un

troisième outil est mis en œuvre en Irak, il s’agit de la stratégie d’éducation des électeurs au

793 Rapport du P.N.U.D, « Security with a Human Face: Challenges and Responsabilities », National Human Development Report 2004, disponible sur www.undp.org.af/nhdr_04/NHDR04.htm, consulté le 4 juin 2006, p. 4.

794 Cité par la P.N.U.D., rapport du P.N.U.D., « United Nations Development Assistance Framework (UNDAF) for the Islamic Republic of Afghanistan 2006-2008 », mars 2005, op. cit., p. 14.

795 Rapport du P.N.U.D., Mesurer le développement humain : accroître les choix…, rapport mondial sur le développement humain 2004, disponible sur www.undp.org, consulté le 17 avril 2006.

796 Rapport de la M.AN.U.I. sur la situation des droits de l’homme en Irak, disponible sur www.uniraq.org/documents/HR%20Report%20Mar%20Apr%2006%20EN.PDF, consulté le 5 juin 2006, p. 9 et 10.

797 Constitution afghane, article 44. 798 Afghanistan Compact, op. cit., p. 10.

153 vote, qui permet de leur expliquer le processus électoral et de les sensibiliser à l’importance

de l’élection, à travers la diffusion de brochures et l’organisation de conférences799.

Ainsi, la situation des droits de l’homme et des femmes, en Irak et en Afghanistan, ne s’est pas améliorée, malgré la reconstruction. Celle-ci se répercute en outre, sur le fonctionnement de la société civile. Le non-respect de ces droits de l’homme spécifiques que sont la liberté d’expression et des médias et l’accès à la scolarisation, diminue grandement les chances de voir une société civile active. Ce qui n’est pas de bon augure pour l’état de droit, qui suppose une participation active de tous, tant à la prise de décision qu’en terme de contrôle.

Le dernier pilier de l’état de droit consiste en une justice effective. Étudions désormais son fonctionnement en Irak et en Afghanistan.

Section 3 : une justice effective ?

L’effectivité de la justice peut être analysée à court terme, à travers la mise en œuvre d’une justice transitionnelle (paragraphe 1) et, à plus long terme, par l’activité du système judiciaire (paragraphe 2).