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Entre démocratie représentative et démocratie semi-directe

Paragraphe 2 : Le contenu des dispositions dans les récentes Constitutions afghane et irakienne

A. Entre démocratie représentative et démocratie semi-directe

La démocratie représentative permet aux citoyens d’exercer la souveraineté par l’intermédiaire de leurs représentants, tandis que la démocratie semi-directe ajoute un contrôle des représentants par le référendum. L’Afghanistan et l’Irak oscillent entre ces deux formes, car l’élection des représentants du peuple et le recours au référendum sont tous deux possibles. Il ne s’agit pas de modèles de démocratie participative purs, le recours à l’avis des citoyens n’est pas assez fréquent. Le préambule de la Constitution afghane précise qu’il tend à

établir un ordre juridique se fondant sur la volonté du peuple et la démocratie372, tandis qu’en

Irak, le système de gouvernance est représentatif et démocratique373.

Plusieurs critères doivent être examinés pour le vérifier: l’existence d’élection (2), ou le recours au référendum (3). Mais d’abord, qui a la qualité de citoyen (1) ?

1. La citoyenneté en Irak et en Afghanistan

Le droit d’élire et d’être élu s’applique aux citoyens afghans374. Or, l’article 4 de la

Constitution apporte des éléments importants. Il précise d’abord que la souveraineté nationale appartient à la nation qui l’exerce directement ou à travers ses représentants. En outre, il définit la qualité de citoyen, qui appartient aux nationaux, c’est-à-dire aux membres de toutes

les ethnies afghanes375. Par conséquent, toute personne ayant la nationalité afghane est

considérée comme un citoyen et peut donc voter. La loi électorale du 27 mai 2004 vient préciser les conditions nécessaires pour pouvoir jouir du droit de vote. Elle mentionne, en effet, que l’électeur doit avoir 18 ans, être citoyen afghan, jouir de ses droits civils et politiques et être inscrit sur les listes électorales376.

En Irak, la loi doit être adoptée au nom du people, selon l’article 128 de la

Constitution377. Par conséquent, on pourrait penser que la souveraineté appartient au peuple.

En effet, à la différence de la souveraineté de la nation, la souveraineté du peuple autorise un éventail de citoyens plus important, cette qualité étant reconnue aux membres du peuple et non plus seulement qu’aux nationaux. Or, la notion de peuple est plus vaste que celle de nation, puisqu’un non national peut appartenir au peuple et sera alors détenteurs de droits électoraux. Toutefois, il nous faut étudier deux autres articles de la Constitution, l’article 18 qui réglemente la nationalité et l’article 20 sur les droits en matière électorale. Le premier impose le droit du sang pour l’obtention de la nationalité (par le père et par la mère, ce qui est nouveau) et reconnaît aussi la possibilité de naturalisation. Or, il mentionne que la citoyenneté

372 Constitution afghane, préambule, point 7. 373 Article 1 de la Constitution irakienne. 374 Article 33 de la Constitution afghane. 375 Article 4 de la Constitution afghane.

376 Electoral law, 27 mai 2004, article 13 (1), sur www.unama- afg.org/docs/_nonUN%20Docs/_Electoral%20Docs/Afghan-

Docs/English%20Translation%20of%20the%20Electoral%20Decree%20and%20Law,%20030604.doc. 377 Article 128 de la Constitution irakienne.

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irakienne est un droit pour tous les irakiens et se fonde sur la nationalité378. Par conséquent,

nationalité et citoyenneté fonctionnent ensemble. Le citoyen étant le membre d’un État considéré du point de vue de ses devoirs et de ses droits politiques, les droits en matière électorale appartiennent au citoyen, entendu en Irak comme un individu ayant la nationalité

irakienne379. Il s’agit donc aussi d’une forme de souveraineté de la nation.

2. La tenue d’élections libres et régulières

La tenue d’élections libres et régulières s’étudie par la forme des élections, directes ou indirectes (a), des échéances (b), ainsi que de la promotion de la représentativité (c).

a. Des élections directes ou indirectes

En Afghanistan, le Président de la République, ainsi que la désignation des membres de la Wolesi Jirga (c'est-à-dire, la Chambre basse du Parlement), et des membres des Conseils locaux, fait l’objet d’un vote direct, par les citoyens. La Constitution précise qu’il s’agit d’un

vote libre général, secret et direct380. Par contre, s’agissant d’un régime présidentiel, le

gouvernement est nommé par le chef d’État381. En outre, les membres de la Meshrano Jirga

(en d’autres termes, le Sénat) sont désignés par une élection indirecte ou nommés par le Président de la République. Il n’en demeure pas moins que les organes clés du régime sont élus par les citoyens.

En Irak, un régime parlementaire est établi par la Constitution du 15 octobre 2005. Par conséquent, la désignation des membres du Conseil des Représentants se fait au moyen d’un

vote direct, général et secret382. Le Parlement est l’organe central dans les systèmes

parlementaires, c’est pourquoi il doit représenter l’ensemble du peuple. Le Conseil des

Représentants détient ensuite la compétence d’élire le Président de la République383. Il s’agit

alors d’une élection indirecte. Toutefois, en ce qui concerne le Premier Ministre, il est, en Irak, nommé par le Président de la République en fonction de l’élection qui se sera tenue à la

Chambre des Représentants384. Ensuite, le chef du gouvernement désigne ses ministres.

L’élection des membres du Conseil des Représentants, ainsi que la désignation des membres du Cabinet rappellent le régime parlementaire britannique dans lequel la désignation des Members of Parliament se fait suite à la tenue d’élections générales. Une fois les membres de la Chambre des Communes élus, le chef du parti qui a obtenu la majorité devient Premier Ministre, il désigne alors son Cabinet.

Une Commission de supervision des élections est établie en Afghanistan385. En Irak, la

Constitution prévoit la mise en place d’une Haute Commission électorale indépendante386. La

378 Article 18(1) de la Constitution irakienne. 379 Article 20 de la Constitution irakienne.

380 Articles 61, alinéa 1 ; 83, alinéa 1 ; 138, alinéa 2 et 140, alinéa 2 de la Constitution afghane. 381 Article 71, alinéa 2 de la Constitution afghane.

382 Article 49(1) de la Constitution irakienne.

383 Article 61(3) de la Constitution irakienne. Par ailleurs, les dispositions qui ont trait au Président de la République s’appliquent aussi au Conseil Présidentiel établit à l’article 138 de la Constitution pour quatre ans (« one successive term »article 138(1))

384 Article 76(1) de la Constitution irakienne.

385 Article 61, alinéa 8 et 9 de la Constitution afghane. 386 Article 102 de la Constitution irakienne.

80 Cour Suprême a, dans ce pays, une compétence en matière électorale, elle authentifie les

résultats de l’élection législative387. Le contrôle des élections est donc prévu.

b. Des élections à échéance régulières

Les élections doivent, en outre, se tenir à échéances régulières. L’élection du Président

afghan, ainsi que celle des membres de la Wolesi Jirga se tiennent donc tous les cinq ans388.

Pour la Meshrano Jirga, la durée du mandat varie en fonction de la provenance du

candidat389. En Irak, l’élection du Président de la République390 et des membres du Conseil

des Représentants se tient tous les quatre ans391.

c. La promotion de la représentativité

Les Constitutions promeuvent de façon générale le principe de représentation, en renvoyant à loi électorale. La Constitution afghane renvoie à la loi électorale pour l’adoption de mesures favorisant une représentativité générale et juste de tout le peuple, mais aussi

proportionnelle au nombre d’habitants de chaque province et implicant les femmes392.

Un moyen de mettre en œuvre la représentativité et la participation d’un plus large éventail de citoyens, est d’interdire le cumul de mandas et de limiter le nombre de mandas auxquels un homme politique peut être élu dans le temps. La prohibition du cumul de mandats intervient également: la Constitution afghane interdit aux membres élus de la Meshrano Jirga

de conserver leurs sièges au sein des Conseils provinciaux et de districts393. En Irak, les

députés ne peuvent exercer aucune autre activité officielle394, cette limitation s’applique

également aux ministres395. Pour ce qui est de la limitation des mandats dans le temps, un

exemple nous est donné par l’élection du Président de la République en Irak et en

Afghanistan. Le même Président ne peut être réélu pour plus de deux mandats396.

Par ailleurs, la représentativité est également promue par la participation obligatoire de certains groupes sociaux à la gestion des affaires publiques. En Afghanistan, la nomination de certains membres de la Meshrano Jirga, par le Président de la République, permet la participation de groupes peu représentés et appartenant à des couches sociales ou ethniques

importantes au sein de la société afghane, notamment, les femmes ou les handicapés397. Parmi

les 34 personnes nommées au sein de la Meshrano Jirga, 17 étaient des femmes. Les nomades sont également incités à participer, au sein des Municipalités. En Irak, la Constitution impose

387 Article 93(7) de la Constitution irakienne.

388 Articles 61, alinéa 2 et 83, alinéa 2 de la Constitution afghane. 389 Article 84 de la Constitution afghane.

390 Article 72(1) de la Constitution irakienne. 391 Article 56(1) de la Constitution irakienne. 392 Article 83, alinéa 6 de la Constitution afghane. 393 Article 84, alinéa 6 de la Constitution afghane. 394 Article 49(6) de la Constitution irakienne. 395 Article 77(2) de la Constitution irakienne.

396 Article 62, alinéa 2 de la Constitution afghane ; article 72(1) de la Constitution irakienne. 397 Article 84, alinéas 4 et 5 de la Constitution afghane.

81 la représentation des femmes, 25% d’entre elles doivent être élues pour siéger au sein du

Conseil des Représentants398.

3. Le recours au référendum

Mis à part le recours à l’élection, le référendum suscite la participation. Il est prévu dans la Constitution afghane. Cependant, il est impulsé par le Président de la République. Ainsi, l’Afghanistan se rapproche plus du système de démocratie représentative que participative car, d’une part, les citoyens ne peuvent y avoir recours sans qu’il soit mis en œuvre par le Président, comme c’est le cas avec le référendum local. D’autre part, ce recours n’est prévu que dans le cadre de certains sujets, politiques, sociaux et économiques qui ont

une importance nationale399. Il s’agit donc d’une démocratie semi-directe. Quant à l’Irak,

aucun article de la Constitution ne réglemente le recours au référendum. Mais, il est prévu dans certains cas. Par exemple, sur le plan local, lorsque les entités fédérées ou décentralisées veulent adopter une langue officielle différente ou lorsque une entité décentralisée devient

fédérée et sur le plan national, en cas d’amendement de la Constitution400.

Ainsi, les conditions pour un exercice démocratique de la gestion des affaires publiques sont intégrées à la Constitution. Cependant, sont-elles garanties ?