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Paragraphe 2 : Une séparation horizontale souple des pouvoirs en Irak

A. Les relations entre les pouvoirs législatif et exécutif

Il s’agit d’abord des rapports entre la Chambre des Représentants et le Cabinet (1), puis entre cette chambre et le Président de la République (2).

1. La Chambre des Représentants et le gouvernement

Deux séries de relations sont à examiner: les moyens d’action de la chambre basse sur le gouvernement (a) et les moyens d’action du gouvernement sur la chambre (b).

a. Les moyens d’action du Conseil des Représentants sur le gouvernement

Dès la formation du Cabinet, la chambre basse du Parlement irakien doit lui accorder

sa confiance609. Il s’agit d’un moyen de contrôle sur la nomination du Premier Ministre et des

ministres. Le Cabinet engage, en outre, sa responsabilité sur son propre programme.

Ensuite, des commissions indépendantes travaillent sous le contrôle du Conseil des Représentants, telles la Haute Commission des Droits de l’Homme, la Haute Commission

électorale ou la commission publique de contrôle de la distribution des revenus fédéraux610.

Celles-ci permettent au Conseil, soit de contrôler l’action du gouvernement, puisque des représentants du peuple y siègent, soit d’obtenir des informations, par exemple en ce qui concerne les finances de l’État. Toutefois, on peut douter de leur indépendance, fonctionnant sous l’autorité du Parlement.

607 Rapport du Secrétaire général des Nations Unies au Conseil de sécurité, en application du paragraphe 30 de la résolution 1546 (2004), 3 mars 2006, S/2006/137, § 29, 30, 31, 32.

608 La collaboration du Conseil fédéral irakien avec les autres organes ne sera pas étudiée. En effet, la Constitution n’est que peu développée à ce propos et il n’a pas encore été créé.

609 Article 76 (4) de la Constitution irakienne. 610 Articles 102 et 106 de la Constitution irakienne.

115 D’autre part, le Premier Ministre et les ministres sont tenus de répondre aux questions

posées par les membres du Conseil611. Il s’agit de questions directes, en matière de politique

générale ou spécifique. La Constitution ne précise pas la régularité des séances réservées aux questions. La pratique indiquera leur efficacité (est-ce que les questions seront dévoilées avant la séance, comme c’est le cas en France ; est-ce que les ministres en prendront connaissance qu’au moment de la séance, comme c’est le cas en Grande-Bretagne ?). Ensuite, 25 des membres du Conseil des Représentants ou un conseiller ayant obtenu l’accord de 25 de ses collaborateurs, ont la possibilité de demander au Cabinet ou à l’un de ses ministres, de venir

s’expliquer et discuter devant le Conseil d’une question de politique générale612.

Enfin, le Conseil peut aussi engager la responsabilité d’un ministre ou du Premier

Ministre. Si la majorité absolue est atteinte613 le ministre ou le Premier Ministre devra se

retirer, le Conseil ayant perdu confiance. Lorsque le Premier Ministre perd la confiance du

Conseil, le Cabinet est responsable solidairement et doit se retirer614. Il s’agit d’un moyen de

contrôle dont l’exercice est difficile, vu l’imposition d’un vote à la majorité absolue. Cependant, elle permet de conserver une stabilité gouvernementale.

b. Les moyens d’action du Cabinet sur le Conseil des Représentants

Quatre séries de moyens d’action sont à la disposition du Cabinet.

Nous venons de l’examiner à travers les questions au gouvernement, le Premier Ministre et ses ministres disposent du droit d’entrer et de parole au sein du Conseil.

Par ailleurs, lorsque le Cabinet est opposé à l’adoption d’une loi au Conseil des Représentants, il dispose de deux moyens d’action. D’abord, il peut saisir la Cour suprême,

alléguant de l’inconstitutionnalité de la loi615. D’autre part, exerçant la compétence

d’exécution des lois, selon l’article 80 (3) de la Constitution, il peut retarder cette mise en œuvre en ne créant pas les infrastructures ou les institutions nécessaires.

De plus, le Cabinet dispose de l’initiative des projets de loi. Il peut ainsi influencer le pouvoir législatif. Sachant que l’origine des lois est le plus souvent gouvernementale dans les démocraties occidentales, on peut penser que cette attribution de l’article 60 (1) s’avèrera importante en termes d’immixtion du pouvoir exécutif dans l’exercice du pouvoir législatif. On peut également se demander si une place véritable sera laissée aux propositions de lois.

Enfin, il dispose de l’initiative de la dissolution du Conseil des Représentants616. La

mise en œuvre de cette prérogative peut, d’une part, être interprétée comme une sanction du Conseil des Représentants, mais elle peut surtout être un instrument stratégique à la

611 Article 61 (7)-A de la Constitution irakienne. 612 Article 61 (7)-B et –C de la Constitution irakienne. 613 Article 61 (8) de la Constitution irakienne.

614 Article 83 de la Constitution irakienne. Cependant, la mise en œuvre de la responsabilité du gouvernement n’intervient que dans trois cas. Lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre de la responsabilité d’un ministre, ce dernier devra avoir échoué à répondre, durant la discussion, de façon satisfaisante au Conseil. La motion de censure sera en outre demandée par 50 membres du Conseil. Pour ce qui est de la mise en œuvre de la responsabilité du Premier Ministre, elle a son origine, soit dans une question de confiance posée par le Président de la République au Conseil, soit dans une motion de censure qui intervient à l’initiative d’un cinquième des membres du Conseil, après une séance de questions.

615 Conformément à l’article 93 (3) de la Constitution irakienne. 616 Article 64 (1) de la Constitution irakienne.

116 disposition du Cabinet et de sa majorité au Conseil. En effet, exercée en période favorable à l’action du gouvernement, elle permettra sans doute la réélection d’une majorité identique.

2. Le Conseil des Représentants et la présidence

Les rapports entre le Conseil des Représentants et la présidence se divisent, à nouveau, entre des moyens d’action du Conseil sur le Président de la République (a), et vice-versa (b).

a. Les moyens d’action du Conseil sur le Président de la République

Le Conseil des Représentants peut, d’une part, choisir le Président par le biais de l’élection indirecte617 et d’autre part, il peut prononcer sa destitution.

Il dispose, en outre, à l’égard du Président, d’un moyen d’information, qui peut s’avérer être un moyen de contrôle, à travers la possibilité de le questionner, une seule

condition pour cela, un vote des Représentants à la majorité absolue618. Or, il s’agit d’une

innovation curieuse, car le Président n’est pas politiquement responsable devant le Parlement619.

Enfin, il prononce sa destitution par un vote à la majorité absolue et après que le Président de la République ait été condamné pour haute trahison ou violation de la

Constitution ou du serment, par la Cour suprême620. S’agissant d’une décision importante

pour la stabilité de l’État, il est normal qu’un partage de compétence entre deux pouvoirs distincts soit instauré. Cela garantit, en outre, la légitimité de la décision.

b. Les moyens d’action du Président de la République sur le Conseil

Le Président convoque, tout d’abord, par décret et après validation des élections

générales, le Conseil des Représentants à sa première session621. De plus, il fait partie des

autorités qui disposent du pouvoir d’appeler le Conseil à une session extraordinaire, il peut

aussi prolonger l’une des sessions parlementaires622. Le Président doit également consentir à

la dissolution du Conseil623, on peut y voir une application de la doctrine du parallélisme des

formes. Cependant, il ne s’agit que d’un consentement à donner, le Président ne dispose donc pas de l’initiative, ce qui limite grandement ce moyen d’action. D’autre part, la Constitution précise que l’initiative des projets de lois appartient au Cabinet ainsi qu’au Président de la

République624. Il pourrait en conséquence intervenir dans l’exercice du pouvoir législatif.

Toutefois, si l’on tient compte de la répartition des fonctions au sein de l’exécutif, il semblerait que cette initiative soit laissée au Premier Ministre.

Par ailleurs, le moyen d’action le plus remarquable sur l’action du Conseil, réside dans la possibilité de bloquer les lois. En effet, le Président de la République doit approuver les lois

617 Article 60 (3) de la Constitution irakienne. 618 Article 60 (6)-A de la Constitution irakienne.

619 « Allowing the interpellation of the president is an odd innovation because the president is not politically responsible to the parliament once elected », BROWN (N.J.), op. cit., p. 8.

620 Article 60 (6)-B de la Constitution irakienne. 621 Article 54 de la Constitution irakienne. 622 Article 58 de la Constitution irakienne. 623 Article 64 (1) de la Constitution irakienne. 624 Article 60 (1) de la Constitution irakienne.

117 votées par le Conseil, selon l’article 73 (3) de la Constitution. On peut, par conséquent, penser que s’il ne les approuve pas, les décrets nécessaires à leurs applications ne pourront être pris et les lois ne pourront être mises en œuvre. L’article 138 (5) de la Constitution, réglemente la matière telle qu’elle sera exercée par le « Presidency Council ». Or, il est bien plus détaillé que l’article 73 (3) et on peut penser qu’il initiera une pratique en la matière, puisque le « Presidency Council » existera avant qu’un Président unique soit élu. C’est pourquoi, il faut prendre en compte les dispositions de cet article. Or, l’article 138 (5)-B établit un droit de

veto sur les lois à disposition du Conseil présidentiel625. En effet, si celui-ci désapprouve une

des lois votées par le Conseil des Représentants, il renverra le texte devant la chambre du Parlement pour qu’il soit à nouveau examiné. Une navette s’instaure alors entre le Conseil présidentiel et le Conseil des Représentants. Adoptée pour la seconde fois à la majorité simple des membres de la chambre, la loi retournera pour approbation devant le Conseil présidentiel. Si celui-ci la désapprouve à nouveau, le texte devra être voté à la majorité des trois cinquièmes pour entrer en vigueur. Cette fois-ci, le Conseil présidentiel ne pourra la désapprouver. Ainsi, le Conseil des Représentants dispose du dernier mot. On peut penser que l’instauration de cette navette se prolongera après la transformation du Conseil présidentiel en un Président unique, car la Constitution établit une compétence d’approbation des lois à la disposition du Président, sans nous donner plus de détails sur les conséquences d’une potentielle désapprobation.

Enfin, il dispose du pouvoir réglementaire626. Or, aucune disposition de la

Constitution ne prévoit la répartition entre les matières réglementaire et législative. Ainsi, tout dépendra de la pratique, si de nombreux domaines sont attribués au pouvoir réglementaire, l’action du Parlement sera limitée. Le régime pourrait alors se voir transformer de facto en régime semi-présidentiel, voire présidentiel.

B. Les relations entre l’autorité judiciaire et les autres pouvoirs