• Aucun résultat trouvé

Le modèle démocratique reflète le mode de gouvernance apparu durant l’Antiquité grecque. Il suppose des élections libres et régulières permettant le choix de représentants par tous les citoyens, le pluralisme et le multipartisme, la liberté de penser, d’expression et de la presse. Le siècle des Lumières développa le principe de protection des droits de l’homme. Il introduisit également le principe de séparation des pouvoirs, garantissant la démocratie. La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ainsi que la Constitution américaine du 17 septembre 1787 sont des textes mettant en œuvre ce modèle.

Le modèle démocratique reflète, une certaine philosophie insistant sur

l’épanouissement de tous : le « bonheur de tous »300 ou le développement du « bien-être

général »301 sont ses objectifs. Or, ces aspirations sont universelles302. C’est pourquoi le

contrôle des dirigeants fut prôné en terre d’Islam, dès le XIXème siècle par les mujtahids :

299 MIAILLE (M.), « L’État de droit comme paradigme », in MAHIOU (A.) (dir.), L’État de droit dans le monde arabe, C.N.R.S. Éditions, 1997, p. 27.

300 Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 26 août 1789, préambule.

301 Constitution des États-Unis d’Amérique, 17 septembre 1787, préambule, in RIALS (S.) et BARANGER (D.), Textes constitutionnels étrangers, Que sais-je?, 10ème édition, 2001, p. 33.

302 « Il s’agit là de normes d’application universelle qui ont été adoptées sous les auspices de l’ONU et qui doivent donc constituer le fondement normatif de toutes les activités entreprises […] en vue de promouvoir la justice et l’état de droit. Les normes de l’ONU ont été élaborées et adoptées par les pays du monde entier et

69 « ils ont estimé que l’oumma musulmane devait pouvoir contrôler les souverains dont elle reconnaîtrait la légitimité. Et c’est donc presque naturellement qu’ils ont repris des idées qui venaient d’Europe via la Russie et probablement via le Caucase, des idées constitutionnalistes, qui ont probablement été introduites par des Arméniens en Iran puis dans les villes saintes irakiennes. Ce fut alors le début du constitutionnalisme religieux, c'est-à-dire de l’idée selon laquelle le pouvoir des souverains musulmans doit être lié par une Constitution et un Parlement qui permettent à l’oumma musulmane de donner une légitimité islamique à un pouvoir qui, en l’absence de l’imam caché, est normalement illégitime »303.

La soumission de l’État à la volonté du peuple n’est pas un fonctionnement étranger en Irak, mais il resterait alors importé d’Europe et mis en œuvre pour lutter contre le colonialisme. Il est, cependant, adapté et modifié, puisque le constitutionnalisme religieux fonde la Constitution sur la charia.

Pour ce qui est des droits de l’homme, certains sont universels et d’autres sont plus ou moins importants en fonction de la culture et des nécessités. La protection de la famille et du mariage permet d’illustrer ce propos. De telles institutions sont des noyaux primordiaux et particulièrement protégés par des textes comme la Déclaration du Caire sur les droits de

l’homme en Islam304 ou les nouvelles Constitutions afghane305 et irakienne306. Ces mêmes

noyaux ne reçoivent pas la même protection en Europe. Certains définissent ce phénomène

par la notion de « réappropriation de l’universel par le particulier »307. Nous constatons, en

conséquence, qu’une protection différenciée est, dans certains cas nécessaire. Est-ce possible pour la démocratie ?

Pour certains, la démocratie et les droits de l’homme ont leur origine en terre d’Islam, puisque le Coran appelle au respect de la liberté de religion et de culte, au respect du droit des minorités et insiste sur la prise de décision en commun. Ceci tend à démontrer qu’il s’agit bien de valeurs universelles. Cependant, pour plusieurs raisons, le modèle démocratique a été

diffusé dans nos deux États, par le rayonnement du modèle occidental308.

incorporées à l’ensemble des systèmes juridiques des Etats membres […] De la sorte, ces normes possèdent une légitimité dont ont ne saurait dire qu’elle caractérise les modèles nationaux exportés », Rapport du Secrétaire général, S/2004/616, cité in DAILLIER (P.), « Les opérations multinationales consécutives à des conflits armés en vue du rétablissement de la paix », op. cit., p. 396.

303 PLOQUIN (J.C.), « Les chiites d’Irak veulent leur réinsertion politique, entretien avec Pierre-Jean Luizard », in PLOQUIN (J.C.), op. cit., p. 39.

304 Déclaration sur les droits de l'homme en Islam adoptée le 5 août 1990, au Caire (Egypte), lors de la 19ème

Conférence islamique des Ministres des Affaires étrangères, article 5 : « a) La famille est le fondement de l'édification de la société. Elle est basée sur le mariage. Les hommes et les femmes ont le droit de se marier. Aucune entrave relevant de la race, de la couleur ou de la nationalité ne doit les empêcher de jouir de ce droit. b) La société et l'État ont le devoir d'éliminer les obstacles au mariage, de le faciliter, de protéger la famille et de l'entourer de l'attention requise ».

305 Constitution of the Islamic Republic of Afghanistan, 2004 (par la suite, Constitution afghane), article 54. 306 Constitution of the Republic of Iraq, 2005 (par la suite, Constitution irakienne), article 29.

307 BABADJI (R.) et HENRY (J.R.), « Universalisme et identité juridique : les droits de l’homme et le monde arabe », in MAHIOU (A.) (dir.), op. cit., p. 77.

308 Ce paradoxe est souligné également par le Secrétaire général, « Malheureusement l’assistance fournie par la communauté internationale en matière de renforcement de la légalité n’a pas toujours été adaptée au contexte local. On a trop souvent privilégié les experts, les modèles et les solutions de l’étranger – au détriment de la recherche d’améliorations durables et de l’acquisition de capacités durables. […] Une intervention durable et efficace commence par une analyse approfondie des capacités et des besoins nationaux, avec le concours aussi large que possible des compétences présentes dans le pays », Rapport du Secrétaire général S/2004/616, cité in

70 En premier lieu, on peut dater l’introduction de ces principes en Afghanistan, avec la naissance de la monarchie réformiste, en 1923. Après avoir proclamé l’indépendance de l’État, le Roi Amanullah élabora la nouvelle Constitution du 9 avril 1923, « inspirés par la philosophie des Lumières, les constituants de 1923 ont introduit pour la première fois en Afghanistan un début d’État de droit en consacrant constitutionnellement les droits fondamentaux de l’homme, à commencer par le principe d’égalité »309. Toutefois, d’une part,

la Loya Jirga modifia profondément le texte rédigé par le Roi, d’autre part, aucune véritable

séparation des pouvoirs n’était mise en œuvre. Ainsi, la Constitution du 1er octobre 1964

contribue à l’introduction effective du modèle démocratique, par la mise en œuvre d’une monarchie constitutionnelle. On constate par là, que la démocratie et ses corollaires n’étaient pas absents et inconnus de l’Afghanistan. Malgré leur incorporation au sein de textes se situant au sommet de la hiérarchie des normes, deux facteurs de limitation demeurent. D’abord, ils n’ont jamais reçu une application effective. De plus, bien qu’introduits par le Roi Amanullah, celui-ci avait été sensible à la Philosophie des Lumières et en cela, influencé par le modèle développé en Occident. Le conseiller d’État français, Louis Fougère a également

collaboré à l’élaboration de la Constitution de 1964310.

En second lieu, les opérations d’imposition de la démocratie sont un autre facteur de rayonnement. L’incorporation du modèle démocratique dans la Constitution irakienne de 2005 était une volonté de la majorité des partis d’opposition, créés sous le régime de Saddam Hussein. En effet, les communautés irakiennes sont majoritairement en faveur de l’état de droit et du parlementarisme. Cependant, il s’agissait aussi d’une volonté américaine, reflétant

la position des « néo-conservateurs » développée au sein de la Quadriennal defense review311.

Ainsi, les États-Unis avaient un modèle prédéfini pour le nouvel Irak, qu’ils ont imposé.

Paragraphe 2 : Le contenu des dispositions dans les récentes