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Paragraphe 2 : Une séparation horizontale souple des pouvoirs en Irak

A. Un pouvoir législatif bicaméral ?

Le régime irakien de séparation des pouvoirs rappelle le fonctionnement britannique, car un régime parlementaire est en vigueur dans chacun de ces deux États. Ainsi, le Parlement représente l’organe central, il est d’ailleurs le premier à être réglementé par la Constitution irakienne. À nouveau comme en Grande-Bretagne, il se compose de deux chambres, le

Conseil des Représentants (1) et le Conseil fédéral (2)548. Cependant, il nous faut garder à

l’esprit qu’à la différence de notre voisin d’outre manche, la doctrine de la souveraineté

545 Pour une comparaison entre le modèle canadien de fédéralisme et les ambitions Kurdes, O’LEARY (B.) et McGARRY (J.), « Constitution et option fédérales en Irak: le défi Kurde », op. cit., p. 11-13.

546 Article 1 de la Constitution irakienne.

547 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), (dir.), op. cit., p. 449. 548 Article 48 de la Constitution irakienne.

106 parlementaire y est limitée, du fait de la soumission des lois à l’Islam. De plus, le multipartisme y est en vigueur. Or, cela aura des conséquences en termes de majorité.

1. Le Conseil des Représentants

Examinons son élection (a), les modalités de vote (b) et ses compétences (c).

a. L’élection

Les membres du Conseil des Représentants sont élus au vote direct, par les irakiens, pour quatre ans. Le nombre de représentants est déterminé par le nombre d’habitants au sein

de l’ensemble de la fédération549. Le mode de scrutin avait été modifié550.

En outre, la chambre basse du Parlement irakien doit élire ses Président et vice-

Présidents551 ; actuellement Mahmoud al-Mashhadani, Khaled al-Atiyya et Arif Tayfour.

Une fois élus, les membres disposent tous de l’immunité parlementaire de juridiction pour la durée du mandat et pour la suite, à moins que le député soit accusé de crime et que le

Conseil (ou le Président du Conseil si le mandat est terminé) décide de lever l’immunité552.

L’Irak est un État au sein duquel de nombreux partis évoluent. Cela aura des conséquences sur l’existence (ou plutôt l’inexistence probable) d’une majorité homogène, nécessaire à la formation d’un gouvernement stable. Par conséquent, lors des élections générales du 15 décembre 2005, 275 représentants ont été élus, dont une forte majorité de

chiites553. On pourrait donc penser que cela permette la formation d’un gouvernement

homogène et stable. Cependant, l’application du multipartisme liée à la cohabitation de communautés divergentes, ne favorise pas la pacification de la vie politique.

b. Les modalités de vote

L’adoption des lois, ce fait, au sein du Conseil des Représentants, à la majorité simple, à condition que le quorum soit réuni, c'est-à-dire que la majorité absolue des députés soit

549 Articles 49 et 56 de la Constitution irakienne.

550 « In the January 2005 balloting, seats were allocated based on the percentage of votes won by tickets won nationwide. However, in the December vote candidates competed for seats by district », cité in « Shia alliance wins Iraq elections », The Guardian, 20 janvier 2006, www.guardian.co.uk/Iraq/Story/0,,1691278,00.html, consulté le 19 mai 2006.

551 Article 55 de la Constitution irakienne. 552 Article 63 (2) de la Constitution irakienne.

553 « Selon les résultats officiels définitifs, l’Alliance unifiée iraquienne restera le principal parti politique au Parlement avec 128 sièges. L’Union du Kurdistan a remporté 53 sièges. Le Front Tawafoq iraquien, une alliance de plusieurs partis qui comprend la Conférence générale pour le peuple iraquien, le Parti islamique iraquien et le Dialogue national iraquien, a obtenu 44 sièges. La Liste nationale iraquienne a remporté 25 sièges et le Front national iraquien (Dialogue), dominé par les sunnites, a obtenu 11 sièges. L’Union islamique du Kurdistan a remporté cinq sièges et le Rassemblement pour la libération et la réconciliation trois sièges. La Liste des progressistes a remporté deux sièges. Enfin, la Liste Al-Rafedeen, le Front turkmène iraquien, la Liste Mithal Al-Aloosi pour la nation iraquienne et le Mouvement Al Ezediah pour le progrès et la réforme ont obtenu chacun un siège », rapport du Secrétaire général des Nations Unies au Conseil de sécurité, en application du paragraphe 30 de la résolution 1546 (2004), 3 mars 2006, S/2006/137, § 12.

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présente554. Certains votes ont lieu avec une majorité des deux tiers ou à la majorité absolue ;

cela permettant de leur donner une légitimité plus forte555.

L’adoption des lois intervient durant les deux sessions parlementaires annuelles556.

Des sessions extraordinaires ou des prolongements peuvent se tenir557.

c. Les compétences

Le Conseil des Représentants représente le peuple irakien et ses intérêts dans son ensemble. C’est pourquoi de nombreuses prérogatives lui sont attribuées.

Outre l’élaboration et l’adoption de son propre Règlement558, le Conseil des

Représentants, tout comme de nombreux Parlements dans le monde, approuve les nominations de juges et de membres de Commissions faites par le Président de la

République559. Il vote l’État d’urgence et approuve aux deux tiers de ses membres les

déclarations de guerre560. Il approuve aussi le budget annuel561.

Il dispose également, de deux compétences majeures, l’adoption des lois et la ratification des Traités internationaux. Tout d’abord, les projets, tout comme les propositions de lois sont adoptés par lui. Les premiers sont élaborés par le Président de la République et le Conseil des Ministres. La participation éventuelle du Président, fait de la procédure législative

une pratique originale et souple en matière de séparation des pouvoirs562. Toutefois, la

compétence d’élaboration des projets de lois réapparaît à l’article 80(2) de la Constitution. Elle est alors confiée au Cabinet. Par conséquent, on peut penser que celle-ci sera exercée en priorité par le Premier Ministre et les ministres spécialisés dans la matière légiférée. Les propositions de lois sont élaborées soit par dix députés, soit par l’un des comités créés par le

Conseil des Représentants563. Précisons, pour terminer sur l’élaboration des lois, qu’aucune

navette entre la chambre haute et la chambre basse du Parlement n’est constitutionnellement prévue ; il semble donc que l’élaboration et l’adoption des lois soient réservées à la chambre basse. Ensuite, le Conseil doit donner son accord pour la ratification des traités et accords

internationaux. Il s’agit d’un vote important, puisqu’il se tient à la majorité des deux tiers564.

Ceci peut permettre à l’opposition de bloquer le vote. De plus, il est nécessaire pour tout types de traités et accords, ce qui qualifie l’Irak d’État dualiste.

Enfin, le Conseil élit et destitue le Président de la République. Ceci, rappelle les attributions de la Chambre des Représentants des États-Unis. Elle dispose également du

pouvoir exclusif de mise en accusation du Président de la République565. Toutefois, le

554 Article 59 (1) de la Constitution irakienne.

555 Il s’agit, par exemple des articles 52 (1), 55 et 61 (4). 556 Article 57 de la Constitution irakienne.

557 Article 58 de la Constitution irakienne. 558 Article 51 de la Constitution irakienne. 559 Article 61 (5) de la Constitution irakienne. 560 Article 61 (9) de la Constitution irakienne. 561 Article 62 de la Constitution irakienne. 562 Article 60 (1) de la Constitution irakienne. 563 Article 60 (2) de la Constitution irakienne. 564 Article 60 (4) de la Constitution irakienne.

108 fonctionnement demeure bien différent, puisque le Sénat est bien plus impliqué. De plus, il

dispose d’un rôle dans l’adoption des projets de lois566. L’autre différence majeure entre ces

deux systèmes juridiques est que l’un, les États-Unis ont un régime présidentiel et que le système irakien, est parlementaire.

2. Le Conseil fédéral irakien

La Constitution prévoit en second lieu, la création d’une chambre haute dénommée

« Federation Council »567. Les représentants régionaux et provinciaux y siègeront. Il

permettra la représentation des intérêts des entités fédérées ou décentralisées.

Toutefois, l’article 65 qui le fonde, est bien trop flou. La Constitution renvoie, à nouveau, à la loi pour la réglementation le concernant, sa formation et son élection. Or, la Constitution renvoie ce vote au second mandat de la Chambre des Représentants, c'est-à-dire dans quatre ans. L’Irak, n’est donc pas doté aujourd’hui d’un parlement bicaméral.

Ce renvoi à la loi est dangereux. En effet, ce qu’une loi peut faire, elle peut aussi le défaire. Ainsi l’existence de ce Conseil dépendra de la volonté du Conseil des Représentants. « It is absolutely extraordinary for the Council of the Union to be formed by a law written by the other house. In essence, this gives one chamber of the Parliament absolute authority over the other »568. Ce renvoi souligne le manque de temps et de consensus des constituants.