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Paragraphe 2 : Une séparation horizontale souple des pouvoirs en Irak

C. Une autorité judiciaire indépendante

2. La Cour Suprême

Examinons le mode de désignation des juges suprêmes (a) et leurs attributions (b).

a. La désignation des juges

Les membres siégeant au sein de la Cour suprême peuvent être recensés au sein de deux catégories, d’abord des juges, puis des experts en droit islamique. La Constitution

renvoie ensuite à la loi pour le nombre de juges et le mode de désignation598.

Cependant, nous pouvons tirer deux conséquences de cet article, la première est que des juges et des experts professionnels y siègeront. Ceci est une garantie pour l’indépendance de la justice. La seconde est que le droit islamique aura sa place au plus haut niveau. Or, tout dépendra de la répartition des sièges entre experts en droit islamique et juges « de droit positif ». Si les premiers sont plus importants ou ont une influence plus grande, le droit islamique prendra davantage de place et l’interprétation de la Constitution ne sera pas la même. Cela pourrait avoir des conséquences sur les dispositions en matière de droit de l’homme, mais aussi sur la mise en œuvre de la démocratie. En outre, la répartition des sièges d’experts en droit islamique entre la communauté chiite et sunnite sera importante pour assurer une interprétation légitime du droit islamique. Une solution serait de répartir équitablement les sièges entre les deux communautés, pour que les décisions soient acceptées de tous.

b. Les attributions de la Cour suprême

La Cour détient plusieurs compétences qu’il faut étudier avec attention, puisque occupant la plus haute position de la hiérarchie judiciaire, ses décisions ne peuvent pas faire

l’objet d’appel. De plus, elles sont obligatoires599, d’où leur importance.

594 Par exemple, Constitution de la République française, 4 octobre 1958, article 16. 595 Article 89 de la Constitution irakienne.

596 Article 91 de la Constitution irakienne.

597 En effet, l’article 90 de la Constitution irakienne, concernant le Haut Conseil Judiciaire, renvoie à la loi. 598 Article 92 (2) de la Constitution irakienne.

113 Quatre séries de compétences lui sont attribuées.

Il s’agit, d’abord, du rôle de gardienne des dispositions de la Constitution600. À ce

titre, la Cour suprême a le pouvoir d’interpréter ce texte, ce qu’elle effectue lors du contrôle de constitutionalité des lois et des règlements. Or, l’article 93 (1) précise qu’elle contrôle la

constitutionnalité des lois et règlements en vigueur601. Ne contrôlant que les normes en

vigueur, on peut penser qu’elle établit un contrôle a posteriori des lois et règlements. De plus, l’article 93 (3) dispose que le droit de saisir la cour appartient à chacun des membres du

Cabinet ou à tout individu y ayant intérêt602. Ainsi, il semble reconnaître le droit aux citoyens

de saisir la Cour, l’exception d’inconstitutionnalité serait alors mise en œuvre. Cependant, l’article 93 (3) n’est pas clair. D’abord, il ne suit pas l’alinéa premier qui réglemente le contrôle de constitutionnalité et ne mentionne pas sa mise en œuvre dans le cadre du contrôle de constitutionnalité. Cependant, si la cour peut être saisie par un citoyen en matière d’application des lois, cela englobe également les questions de conformité des lois à la Constitution et, par conséquent, l’exception d’inconstitutionnalité et le contrôle de constitutionnalité qui devrait s’en suivre. Enfin, il faut noter que les parlementaires ne sont pas des autorités de saisine. Ceci peut se justifier du fait que les citoyens disposent de cette qualité, de même que les membres du Cabinet qui sont issus de la majorité au Conseil des Représentants. De plus, ils pourront le devenir par un amendement de la Constitution, comme ce fut le cas en France.

En second lieu, la Cour suprême est garante de l’unité et des bonnes relations entre les

autorités fédérées et fédérale603. Ainsi, elle résout les conflits entre le gouvernement fédéral et

les autorités fédérées ou décentralisées, de même que les conflits de compétences.

En troisième lieu, la Cour suprême exerce le contrôle de la régularité du vote dans le cadre de l’élection générale604.

En dernier lieu, elle joue un rôle dans la mise en accusation du Président de la

République, du Premier Ministre et des ministres605. La Cour est l’organe qui condamne le

Président pour haute trahison, violation de la Constitution ou du serment constitutionnel. Ici, il existe donc une répartition des compétences entre la Cour et le Conseil des Représentants, puisque la première juge et valide ou non la mise en accusation, alors que le second, la chambre basse du Parlement, prononce la destitution du Président. La mise en œuvre de cette procédure est, par conséquent, bien différente de la procédure d’impeachment américaine,

dans laquelle le Sénat se transforme en haute cour de justice606.

La Cour suprême fonctionne par conséquent de façon classique. On peut toutefois regretter le manque de détail apporté par la Constitution, vu l’importance de cet organe et son rôle majeur en matière de souveraineté et d’unité.

600 Article 93 (1), (2) et (3) de la Constitution irakienne.

601 Article 93 (1) de la Constitution irakienne: « Oversight of the constitutionality of laws and regulations in effect ».

602 Article 93 (3) de la Constitution irakienne: « The law shall guarantee the right of each of the Cabinet, the concerned individuals and others of direct contest with the Court ».

603 Article 93 (4), (5), (8) de la Constitution irakienne. 604 Article 93 (7) de la Constitution irakienne. 605 Article 93 (6) de la Constitution irakienne.

114 Par conséquent, les élections générales constituent une étape cruciale, puisqu’elles permettent, en premier lieu, l’élection directe des représentants du peuple irakien au Conseil des Représentants ; en second lieu, elles laissent place à l’élection indirecte du Président de la République. De plus, les nominations du Premier Ministre par le Président de la République, ainsi que des ministres par le Premier Ministre, pour former le Cabinet, sont alors possibles. Enfin, le Président de la République peut nommer les juges et le personnel nécessaire au bon fonctionnement de l’autorité judiciaire. C’est pourquoi, cette étape a été particulièrement contrôlée par la commission électorale indépendante et par l’équipe internationale

d’assistance électorale607. Néanmoins, la Constitution fait à nouveau des renvois à la loi. Tous

les organes étant liés entre eux, il en va de même en matière de compétence. Il n’y a donc pas de séparation stricte des pouvoirs. C’est ce que nous allons désormais analyser.