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Kornilowicz avait certainement un niveau supérieur à celui de ses confrères et peut- être aussi une certaine exigence intellectuelle, née de sa formation universitaire et de ses propres recherches, effectuées lors de son séjour zurichois. Ses notes de lectures et ses réflexions datant des années 1904–1905 dévoilent tout le champ de ses intérêts276. D’une grande ouverture intellectuelle, il s’intéressait notamment aux questions métaphysiques, à la

dans une brochure : Principes de la Démocratie Chrétienne, Warszawa 1906, principes qui furent adoptés par la Commission comme base de travail, cf. S. GAJEWSKI, op. cit., pp. 31–44.

268 Ks. A. W

OYCICKI, Socjalizm a religia, Poznan 1920, p. 75.

269 Ks. Stanislaw M

YSTKOWSKI, Réponse au questionnaire, AWK 42/4.

270

S. GAJEWSKI, op. cit., pp. 21–22 ; W. MEYSZTOWICZ, L’Église en Pologne dans l’entre-deux-guerres, Rome 1944, p. 37. La situation changea avec l’indépendance du pays, on éleva le niveau des exigences : après 1918, les candidats devaient alors posséder le baccalauréat complet et suivre pendant deux ans des cours de philosophie et pendant 4 à 5 ans un cours de théologie.

271

Ks. Z. LOZINSKI, « W sprawie programu naukowego w Seminarium Duchownym » (Concernant le programme scientifique du Séminaire Spirituel), Przeglad Katolicki, 1906, n° 49, p. 755.

272 C’est le cas d’Alexander Kakowski, qui étudia à Rome sous le nom d’Aleksander Dlugosz. Il en fut de même

pour Antoni Szymanski, futur recteur de la KUL, qui étudia sous le nom d’Antoni Hoffen, cf. S. GAJEWSKI, op.

cit., pp. 21–22.

273

Ks. Stanislaw MYSTKOWSKI, Réponse au questionnaire, op. cit.

274 Ks. A. P

LESZCZYNSKI, Dzieje Akademii Duchownej Rzymsko-Katolickiej Warszawskiej, Warszawa 1907, p. 7.

275 Ils ont gardé quelques souvenirs de ces confrères de séminaire, Ks. Wladyslaw L

EWICKI, 8 novembre 1948, AWK 42/3 ; abbé Bronislaw KULESZA, Varsovie 9 mai 1949, AWK 42/3.

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relation entre la science et la religion, à la psychologie, et possédait un large éventail d’approches. Il suivait l’actualité de la vie religieuse, les changements au sein du catholicisme, et était interpellé par les questions polémiques, comme par exemple les études publiées dans les colonnes de la Przeglad Powszechny (Revue Universelle), mensuel jésuite de Cracovie.

En fondant en 1884 la Revue Universelle277, le père Marian Morawski avait

conscience de l’anachronisme de la religiosité traditionnelle et du fossé qui séparait l’intelligentsia de l’Église. Son objectif était de promouvoir la connaissance des principes catholiques et d’analyser les problèmes contemporains de la vie sociale, scientifique et littéraire du point de vue catholique, en proposant un périodique de haut niveau qui s’adressait à l’intelligentsia278

. Et la revue, qui cherchait visiblement à promouvoir un changement et à ouvrir un débat sur la culture sur une large plateforme, réussit à réunir autour d’elle les meilleures plumes littéraires de l’époque, spécialistes en divers domaines.

En vue d’approcher ces milieux intellectuels et artistiques, tout particulièrement sensibles à la question de la liberté et à l’autonomie intellectuelle, l’ambition des rédacteurs de la Revue, était de « montrer que les dogmes de la foi catholique ne limitaient pas la liberté de l’homme de science, de lettres et de l’art » et que le « catholicisme conscient » était « le moyen spirituel où se réalisait pleinement la dignité de l’homme », et un moyen nécessaire pour relever la société279. Par la variété des questions traitées, des angles d’analyses, du choix des collaborateurs et des auteurs, la Revue Universelle se mua, dans ces années du tournant des XIXe et XIXe siècles, en un « organe informel des élites catholiques, qui comprenait la nécessité du dialogue avec les hommes de culture », qui portait le souci de rechercher des valeurs communes, s’adressant tout particulièrement à ceux dont les œuvres véhiculaient des valeurs proches de celles du christianisme280.

Cherchant à valoriser le dialogue, la revue intervint dans tous les domaines, ce dont témoigne le riche éventail des articles et des essais publiés : littérature, philosophie et théologie, éthique sociale, questions d’actualité dans la vie de l’Église. On y trouvait également des analyses d’ouvrages d’auteurs tant polonais qu’européens. Ces diverses contributions reflétaient bien l’ouverture aux concepts esthétiques contemporains, aux courants nouvellement apparus au sein du catholicisme, à la critique du conformisme religieux, prônant cependant l’ouverture, comme le nota Jagiello, dans les limites qui « ne touchait pas à la colonne vertébrale du système » : le faisceau doctrinal fourni par le thomisme, hostile à tout subjectivisme et irrationalisme281. Cette tendance se renforça au début du siècle. Les articles du jésuite Jan Rostworowski, à forte tonalité polémique, sont bien représentatifs à cet égard. Et visiblement, comme en témoignent ses notes de lectures, Wladyslaw Kornilowicz s’intéressa aux analyses du jésuite282

. Philosophe et théologien, à cette époque professeur de théologie dogmatique, le père Jan Rostworowski283, par ses

277

Sur la revue : Michal JAGIELLO, Trwalosc i zmiana. Szkice o "Przegladzie Powszechnym" 1884–1918, Oficyna Przegladu Powszechnego, Warszawa 1993 ; Encyklopedia wiedzy o jezuitach na ziemiach Polski i Litwy

1564–1995 (Encyclopaedia of information on the Jesuits on the territoires of Poland and Lithuania 1564–1995),

Ludwik GRZEBIEN SJ (réd.), en collaboration avec une équipe de Jésuites ; Wyzsza Szkola filozoficzno- pedagogiczna, Wydawnictwo WAM, Krakow 2004, p. 547.

278 M. J

AGIELLO, Trwalosc i zmiana, pp. 21–29.

279 M.J

AGIELLO, Trwalosc i zmiana, p. 235 ; IDEM, Proba rozmowy. Szkice o katolicyzmie odrodzeniowym i

„Tygodniku Powszechnym” 1945–1953, T. I. Rodowód, Warszawa 2001, p. 50.

280 M.J

AGIELLO, Proba rozmowy, p. 54.

281

M.JAGIELLO, Trwalosc i zmiana, p. 236.

282 Comme le révèle le cahier de notes de ses lectures des années 1904–1905, Kornilowicz lisait la Revue

Universelle (il cite par ex. des articles de l’abbé J. Rostworowski), Notatki : AWK711/2.

283

Jan Kanty Rostworowski (1876–1963) étudia à l’Université de Fribourg avant d’entrer chez les jésuites (1895), puis poursuivit sa formation au sein de la congrégation, en étudiant la philosophie à Nowy Sacz et la

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interventions, donna une forte impulsion à la discussion qui s’engagea dans les colonnes de la

Revue autour des nouveaux courants se faisant jour au sein du catholicisme, concernant les

problèmes actuels brûlants pour l’Église polonaise. Un bon exemple de ces débats reflétant bien l’attitude de la Revue dans ces années-là fut la polémique que Jan Rostworowski engagea autour de la brochure de Marian Zdziechowski284. Nous l’évoquerons dans ses grandes lignes, car elle intéressa visiblement Wladyslaw Kornilowicz.

Philosophe, historien de la littérature, penseur religieux, Marian Zdziechowski (1861– 1938), professeur à l’Université de Cracovie, fut un croyant fervent, vivement préoccupé par la nécessité de la réforme du catholicisme. Il publia, en 1905, une étude Pestis

Perniciosissima285, qui, par son titre, évoquait les paroles par lesquelles Pie IX avait dénoncé

les symptômes du libéralisme catholique. Le professeur Zdziechowski, dans son analyse, se plaçait en défenseur du « libéralisme », comprenant sous ce terme une ouverture de l’Église au monde et comme une recherche de la nouvelle conscience religieuse, qui pouvait répondre aux besoins de l’homme contemporain. Il suggérait aussi la nécessité d’une réforme à l’intérieur même de l’Église et d’un approfondissement du savoir religieux de ses ministres, soulignant que la seule apologie correcte et effective de l’Église c’était la sainteté de ses ministres, de ses prêtres qui donnaient corps aux idéaux qu’elle prônait. Jan Rostworowski consacra deux articles pour débattre des thèses du noble professeur. Il prit en considération les analyses et les propositions présentées par Zdziechowski, comme étant l’une des voix du camp catholique, l’une de ces personnes dont « les cœurs sont favorable à l’Église » et portant le souci du changement sous l’influence de l’atmosphère de l’époque286. Tout en reconnaissant qu’un fossé séparait la pensée catholique de ce « que l’on appelle l’esprit de l’époque, la pensée contemporaine », de la culture, et qu’il existait une visible nécessité de changement, le Jésuite soulignait que le renouveau religieux pouvait avoir lieu sans pour autant que l’Église s’accordât au monde. À l’égard des postulats et des plans de réforme que prônaient certains catholiques et les nouveaux courants présentés par Zdziechowski, qui voulaient « réconcilier l’Église avec la pensée contemporaine », l’abbé Rostworowski considérait que le catholicisme avait assez de force en soi pour amener les changements nécessaires. Le catholicisme ne pouvait pas abandonner sa propre construction intellectuelle287 et il avait des ressources profondes : l’un des signes du progrès était la renaissance de l’école néo-scolastique, que Marian Zdziechowski considérait comme « formaliste », exclusiviste, absolutiste288, mais qui était le véritable antidote au subjectivisme et offrait une structure solide à la science catholique. Pour Jan Rostworowski, effectivement, la priorité était l’intégrité de l’Église et de sa doctrine, et il craignait visiblement que l’accommodation à l’esprit du monde, sous l’influence de l’atmosphère de l’époque, pût signifier le renoncement aux principes et aux vérités qui étaient le socle de la doctrine catholique289.

théologie à Cracovie. Il fut professeur de théologie dogmatique à Cracovie dans les années 1904–1912. Cf.

Encyklopedia wiedzy o jezuitach na ziemiach Polski i Litwy 1564–1995, p. 581.

284 Ks. Jan R

OSTWOROWSKI, « Pod dzisiejsza apologetyke. Z nowych kierunkow mysli katolickiej (na tle broszury prof. M. Zdziechowskiego „Pestis perniciosissima”) », Przeglad Powszechny (dorénavant PP), 1905, R. 22, t. 85, pp. 313–333 ; Idem, « Pod dzisiejsza apologetyke. Z nowych kierunkow mysli katolickiej (na tle broszury prof. M. Zdziechowskiego „Pestis perniciosissima”) », PP, 1905, R. 22. t. 86, pp. 29–56 ; sur l'analyse de cette polémique voir aussi : M. JAGIELLO, Trwalosc i zmiana, pp. 265–269.

285 M. Z

DZIECHOWSKI, Pestis perniciosissima. Rzecz o współczesnych kierunkach myśli katolickiej, Warszawa 1905.

286 J. R

OSTWOROWSKI, Pod dzisiejsza apologetyke, PP, 1905, R. 22, t. 85, p. 314.

287 Ibid., p. 315. 288

Ibid., p. 329.

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Cette réflexion de Rostworowski, évoquée dans ses grandes lignes, est représentative de l’orientation de la Revue dans ces années-là, beaucoup plus « combative » dans les discussions idéologiques que dans les premières années de son existence. Cette orientation avait été donnée par le père Morawski, qui opta pour la modération et l’ouverture au débat d’idées. Néanmoins, comme le relève Jagiello, la rédaction de la revue ne renonça jamais à « l’ambition de rester un pont entre les divers courants de la pensée catholique orthodoxe »290. Cette attitude lui permit certainement de jouer un rôle indirect de tribune des élites porteuses du renouveau au sein du catholicisme. Tel fut effectivement la portée de l’enquête lancée par l’équipe de la Revue en 1905.

La Przeglad Powszechny (Revue universelle) convia les notables catholiques de Pologne à lui envoyer leurs opinions sur le programme d’action qu’il convenait à l’Église d’adopter dans ce pays, sur les besoins actuels du catholicisme polonais291

. Dix archevêques ou évêques, de nombreux prêtres et laïcs de marque répondirent à cet appel : 84 mémoires, d’inégale étendue, furent publiés dans les colonnes de la revue sur plusieurs mois. L’enquête eut même un écho, par la filière jésuite, hors des frontières polonaises292.

L’image du catholicisme qui apparaît à la lumière de ces enquêtes des représentants de l’élite catholique du pays était fort critique. La remise en cause du conformisme religieux, du manque d’approfondissement théologique et de toute sorte de carences du catholicisme traditionnel prédominait. Le professeur Stanislaw Krzyzanowski contestait le catholicisme populaire et conservateur, mettait en garde contre l’antisémitisme qui est « non chrétien » et prônait la justice dans les relations sociales293 ; Cecylia Plater dénonçait un christianisme « routinier », « superficiel » et « coutumier »294, « une religiosité étroite » et « la religiosité populaire, sentimentale » ; alors que Czerkawski critiquait les liens entre le conservatisme et le catholicisme. C’est là qu’il voyait l’influence néfaste sur le travail pastoral au sein des couches populaires ; or cette alliance implicite conduisait à la subordination des buts pastoraux aux intérêts d’un parti politique, ce qui fait que le prêtre, ne pouvant s’opposer à la hiérarchie, « renonçait au travail social » et « s’enfermait à l’église et à la sacristie », intellectuellement et socialement295. Marian Zdziechowski dénonçait le « cléricalisme » qui signifiait « l’identification des intérêts de l’Église » aux « intérêts de la hiérarchie »296 et prônait la nécessité d’une réforme dans la formation du clergé et dans le programme de l’enseignement de la catéchèse à l’école297. Tous les auteurs s’accordaient sur la nécessité de

l’approfondissement de la culture religieuse. Comme défi le plus urgent apparaissait la nécessité de conquérir l’intelligentsia en faveur du catholicisme. Pour mettre un terme à l’éloignement de l’intelligentsia du catholicisme, selon Marian Zdziechowski, il fallait sérieusement réformer la formation religieuse du clergé et des catholiques, l’ouvrir au dialogue avec la culture contemporaine. L’évêque Lipkowski, quant à lui, voyait, comme voie pour relever la société, la nécessité d’organiser la force de « l’intelligentsia catholique laïque » et du jeune clergé, dans des mouvements ou associations qui constitueraient un noyau

290 M. J

AGIELLO, Proba rozmowy o katolicyzmie, p. 60.

291 Après parution dans la Revue Universelle (1906, t. 89–90 R: 23), les opinions furent réunies en un volume :

Dzisiejsze Zadania Katolicyzmu w Polsce. Ankieta „Przegladu Powszechnego” (Devoirs actuels du catholicisme

en Pologne. Enquête de la Revue Universelle), Krakow, Imprimerie L. Anczyca i Spolki, 1906, in-8°, XVI–514 pages.

292 En France, la revue Études publia un article qui tâchait de faire la synthèse des grandes lignes du renouveau

qui se dessinait à travers cette enquête faite par les jésuites polonais : « Le Programme du catholicisme en Pologne », Études, 20 novembre 1906, R. CIX.–16 ; t. 109 / 1906, pp. 509–530.

293

Dzisiejsze Zadania Katolicyzmu w Polsce. Ankieta „Przegladu Powszechnego”, p. 146.

294 Ankieta Przegladu Powszechnego. Dokonczenie, PP, R 23, t. 90, juin 1906, pp. 1–18, ici, p. 11. 295 Dzisiejsze Zadania Katolicyzmu w Polsce. Ankieta „Przegladu Powszechnego”, p. 302. 296

Dzisiejsze Zadania Katolicyzmu w Polsce. Ankieta „Przegladu Powszechnego”, p. 289.

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permettant de porter la réflexion et l’action, tout en soulignant comme priorité la connaissance approfondie de la théorie de la question sociale298. Les analyses allaient pour la plupart dans deux directions, celle du renouveau de l’éthique individuelle et sociale. L’urgence des questions sociales interpellait plusieurs intellectuels catholiques299. Selon Marian Zdziechowski, les catholiques devaient prendre en mains les réformes sociales dans l’esprit du Magistère, afin de faire sortir les couches ouvrières de l’influence socialiste300.

Ces quelques idées qui parcourent les colonnes de la revue donnent un aperçu de l’atmosphère qui régnait dans les milieux catholiques de l’époque, qui aspiraient à réconcilier l’Église et la pensée catholique avec la culture contemporaine. C’est dans ce contexte intellectuel des débats et des tentatives de changement portés par cette « première génération de l’intelligentsia catholique »301, qui, dans les années d’avant-guerre, sema les graines du

renouveau du catholicisme et dont les figures de Zdziechowski, Krzyzanowski ou Cecylia Plater-Zyberek restent représentatives, qu’émergea la nouvelle génération catholique, celle de Wladyslaw Kornilowicz.

Ces questions interpellèrent certainement le jeune étudiant Kornilowicz. Sa présence au sein de petits groupes d’étudiants et de jeunes prêtres qui se réunissaient à Varsovie autour de Cecylia Plater Zyberek l’illustre bien. Issue du milieu aristocratique originaire de Courlande (Inflanty) et de Lituanie, Cecylia Plater-Zyberek (von Syberg) (1853–1920)302 fut élevée dans la propriété familiale de Passy, près de Varsovie, achetée par ses parents pour élever leurs enfants dans la tradition nationale. Le fervent attachement à la foi catholique et la tradition de deux insurrections nationales furent les piliers de l’éducation de la fratrie Plater- Zyberek. Cecylia reçut une éducation soignée grâce à l’enseignement privé, une éducation religieuse approfondie soutenue par des aumôniers de famille et une lecture assidue en matière de philosophie et de théologie. Après avoir terminé sa formation à l’école des sœurs du Sacré-Cœur à Poznan (1866–1870), elle décida de se consacrer au travail social. Ses premières initiatives, entreprises auprès des familles et des enfants dans la propriété familiale à Schlossberg en Courlande datent de cette époque. Déterminée à en faire son engagement à vie, elle chercha à se former dans ce domaine. Les voyages dans divers pays européens, mais surtout un séjour de 3 ans à Paris, lui permirent de se familiariser avec diverses initiatives sociales. Elle visita les institutions caritatives et suivit une formation artisanale, ce qui lui donna un bon bagage. Jadwiga Zamoyska, auprès de laquelle elle chercha conseil, puis l’idéal de la congrégation secrète fondée par Honorat Kozminski, dédiée au travail d’éducation de la jeunesse féminine, lui fournirent le modèle de son futur engagement. En étroite collaboration avec Jozefa Chudzynska, Cecylia Plater-Zyberek créa sa première fondation à caractère social. En 1883, elle fonda à Varsovie l’Institut d’artisanat destiné à la jeunesse féminine, qui devint plus tard (entre 1916 et 1918) un collège féminin à vocation humaniste de huit classes. La jeunesse y fut élevée dans l’esprit catholique et social et éduqué dans l’objectif de se consacrer au travail patriotique.

298 Dzisiejsze Zadania Katolicyzmu w Polsce. Ankieta „Przegladu Powszechnego”, p. 4. 299

Marian ZDZIECHOWSKI, « Zadania katolicyzmu w chwili obecnej », Przeglad Powszechny, 1906, t. 89, n° 266, texte publié dans : Marian ZDZIECHOWSKI, Wybor pism, pp. 104–110 (cité d’après ce dernier).

300 M. Z

DZIECHOWSKI, Wybor pism, pp. 105–106. Dzisiejsze Zadania Katolicyzmu w Polsce. Ankieta „Przegladu

Powszechnego”, p. 287.

301 D. O

LSZEWSKI, Oppression accrue et profondes mutations, p. 424.

302

R. BENDER, « Chrzescijanska mysl i dzialalnosc spoleczna w zaborze rosyjskim w latach 1865–1918 »,

Historia katolicyzmu społecznego (Histoire du catholicisme social en Pologne), Ośrodek dokumentacji i studiów

społecznych, Varsovie, 1981, p. 241 ; voir aussi : Chyliczanka Jubileuszowa 1931, Wyd. Sekretariat Kola Chyliczanek, Warszawa luty, 1931 ; B. ZALUSKI, « Cecylia Plater Zyberkowna », Zycie i dzaialalnosc

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En 1891, Cecylia Plater-Zyberek acquit le domaine de Chyliczki, proche de Varsovie, où elle ouvrit l’École industrielle (économique) professionnelle pour jeunes filles issues des couches populaires303. En créant ce « foyer de travail féminin, forge de la pensée et du cœur »304, l’objectif pour elle était double. D’une part, il s’agissait de donner une bonne

formation et une préparation pratique aux femmes pour qu’elles fussent capables de prendre elle-même en main la gestion de leur propre exploitation agricole, ce qui était important dans un pays comme la Pologne, à caractère majoritairement agricole. De l’autre, il s’agissait de former les jeunes femmes dans un idéal moral et religieux, basé sur la conviction de sa fondatrice que c’était par « la renaissance de la femme » que passait le chemin du renouveau de la famille et de la société305.

L’instruction, le travail socioculturel resta en effet l’un des domaines importants d’engagement de Cecylia Plater-Zyberek. Elle prit une part active aux combats menés pour l’école polonaise dans les années 1905–1907 et devint l’un des piliers du mouvement féminin catholique, initiatrice et cofondatrice de plusieurs associations : Association Catholique des Femmes, Association des Propriétaires Terriennes ( Associations des Fermières) .

Dans ses divers champs d’activés, Cecylia Plater-Zyberek porta une attention toute particulière à la jeunesse catholique, groupée autour d’une revue mensuelle intitulée Prad (Le Courant), l’un des groupes les plus dynamiques du royaume de Pologne dans les années précédant la Première Guerre mondiale306.

Les débuts de ce mouvement remontaient aux années 1903–1904307. Wladyslaw Kornilowicz, alors encore étudiant à Zurich, participa à l’une des premières rencontres informelles chez Cecylia Plater-Zyberek, qui réunit environ 15 personnes, dont quelques jeunes étudiants (dont les amis de Kornilowicz, Wladyslaw Tatarkiewicz, Eugeniusz Jarr et Edmund Elter), au début de l’année 1904308. C’est lors de cette réunion, au cours des

discussions autour de la nécessité de moderniser et d’approfondir la culture religieuse polonaise, que naquit l’idée d’une association qui soutiendrait le travail d’approfondissement religieux parmi la jeunesse. Au départ, réunis autour de Cecylia Plater-Zyberek à Varsovie, un mouvement catholique se mit en place, presque illégal et à demi séditieux, qui demeura longtemps clandestin en raison des persécutions russes. Il se regroupa ensuite autour de l’Association catholique des Amis de la Jeunesse, créée officiellement en 1906 (à cette date, faisant suite à l’oukase de tolérance, fut émis l’acte permettant la fondation d’associations catholiques).

L’objectif de l’Association, qui était de promouvoir le renouveau religieux, était d’influencer la jeunesse par la jeunesse elle-même. La base de ce travail provenait des cercles éthiques d’autoformation organisés au sein de la jeunesse estudiantine. Ils avaient le caractère de réunions hebdomadaires avec des conférences sur les questions religieuses, philosophiques, sociales suivies de débats, où l’on discutait des problèmes actuels de la société. L’association fournissait également une aide financière aux étudiants. Des bourses

303 Sur sa vie et son œuvre : Chyliczanka Jubileuszowa 1931, Wyd. Sekretariat Kola Chyliczanek, Warszawa

luty, 1931.

304 Chyliczanka Jubileuszowa, introduction (par l’abbé A. W

YREBOWSKI), p. 4.

305 C. P

LATER-ZYBEREK, O emancypacji i rownouprawnieniu kobiet (De l’émancipation et de l’égalité des femmes), Warszawa, 1893, p. 35.

306 D. O

LSZEWSKI, Oppression accrue et mutations, p. 424.

307

La plupart des informations sont tirées d’un texte d’une conférence présentée le 18 X 1917 : Zarys

Dzialalnosci Katolickiego Stowarzyszenia Przjaciol, ksztalcacej sie mlodziezy meskiej : od zalozenia do obecnej chwili, (Esquisse de l’activité de l’Association catholique des Amis de la Jeunesse), Varsovie 1918 (brochure,

15 p.), Fonds Pax Romana / B. 3 /Statuts des Fédérations 1921–1930 / Pologne.

308 Edmund E