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« Es irrt der Mensch, solang er strebt » (Goethe). Ces lignes du prologue de Faust, considérées par Konrad Gorski comme le mot-clé de son autobiographie intellectuelle et souvent citées dans ses travaux scientifiques, sont révélatrices de sa généalogie spirituelle681. Dans son analyse du parcours de Faust, auquel il s’identifie lui-même, Gorski souligne que le critère moral devient déterminant pour le salut de Faust, car l’essentiel ne réside pas dans ses erreurs, mais dans son effort constant, héroïque, pour poursuivre sa quête. À l’exemple de ce personnage littéraire qui finit, selon lui, par symboliser son propre parcours, Gorski fit partie de ces « hommes en recherche », devenant même emblématique de ceux qui, après avoir perdu la foi durant leur adolescence et embrassé d’autres convictions, reviennent finalement à la foi catholique.

De l’enfance pieuse à l’indifférence religieuse

Futur historien et théoricien de la littérature, Konrad Gorski naquit le 22 avril 1895 à Wagry, un petit village situé entre Rogow et Koluszkowa, près de Lodz, dans la Pologne du Congrès682. Son enfance et son adolescence se passèrent dans la piété des traditions patriotiques d’une famille de l’intelligentsia, comme il s’en trouvait tant au tournant du XIXe

siècle683. Son père, Leon Gorski, était issu d’une famille de propriétaires terriens déclassés, qui avait perdu tous ses biens suite aux deux insurrections nationales. La légende insurrectionnelle, et surtout la mémoire de celle de Janvier, à laquelle avaient participé plusieurs membres de sa parenté, constitua un élément important de son éducation, tout comme pour chaque enfant de sa génération. Initialement fonctionnaire de la ligne de chemin de fer Varsovie–Vienne, Leon Gorski gravit les échelons professionnels, tout en gardant un poste à Wagry, puis à Wloclawek en 1898, ce qui lui permit d’assurer un niveau de vie convenable à sa famille. Sa mère, Helena de Rozdzajczer (dont le nom d’origine est Rosteuscher), venait d’une ancienne famille de Gdansk, dont la lignée remontait au XVIe siècle, et appartenait à l’élite intellectuelle de cette ville depuis des générations.

Suite à la mort prématurée de son père, Konrad s’installa avec sa famille à Varsovie, qui devint la ville de sa jeunesse, de sa formation universitaire et du début de sa carrière scientifique.

Reconstruisant son itinéraire intellectuel et spirituel, Konrad Gorski nous livre les étapes du cheminement qu’il suivit pour passer de l’indifférence religieuse au retour à la foi de son enfance684. Élevé dans une famille de tradition catholique, Konrad Gorski vécut une

681 KonradG

ORSKI, « Autobiografia Naukowa », Uczeni polscy o sobie, t. I, ( art. pp. 265-311), p. 265.

682 Konrad G

ORSKI, Autobiografia naukowa, Uczeni polscy o sobie, t. 1, pp. 265–313 ; Literatura polska XX

wieku. Przewodnik encyklopedyczny (Littérature polonaise du XXe siècle. Encyclopédie), t. I, PWN, Warszawa 2000, pp. 202–203 ; ArturHUTNIKIEWICZ, « K. G. », Pamietnik Literacki, (dorénavant Pam. Lit.), R.82 : 1991, c. 3, pp. 271–275 ; IDEM, « Ostatni z wielkich swojej generacji », Więź, 1991, n° 5, pp. 108–111 ; Stanislaw DZIEDZIC, Dialogi Trzy : Maria Dluska, Konrad Gorski, Tadeusz Kudlinski, Krakow 2000.

683 Curriculum Vitae annexé à la demande d’admission à l’Université de Warszawa du 15 avril 1918, AUW, AS

RP 2283 ; KonradGORSKI, Pamietniki, pp. 2–16.

684 Cf. Konrad G

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enfance pieuse. Comme tant d’autres familles polonaises, sa famille avait gardé ses attaches religieuses, par conviction, ou sous l’influence du contexte politique qui favorisait l’identification nationale au catholicisme. Gorski dresse la liste de ses pratiques religieuses de l’époque : prière personnelle, fréquentation des sacrements, première communion, confirmation. C’est au moment de son adolescence, durant ses années de collège, que survint un relâchement de sa pratique, un détachement progressif de la religion qui allait le conduire à perdre la foi.

De 1905 à 1912, Konrad Gorski fréquenta le collège pour garçons de Wojciech Gorski, l’une des meilleures écoles privées de Varsovie685

. Fondée en 1877, pendant les années de la russification, l’école se distinguait par son niveau d’enseignement et ses méthodes didactiques modernes. Elle fut transformée en septembre 1905, après la grève des écoles, en un collège philologique dont la langue d’enseignement était le polonais686

. Konrad Gorski y obtint son diplôme de maturité en février 1913687.

Dans la relecture de son parcours scolaire, alors qu’il cherche les raisons de sa perte de foi, Gorski invoque à la fois l’éducation positiviste, avec son culte de la science, et les lacunes de sa formation chrétienne688. Il voit une forte contradiction entre son sentiment religieux initial et son éveil à l’esprit critique, fruit de l’enseignement reçu, des lectures étudiées et des contacts noués avec de grands maîtres. Parmi ces derniers, il évoque Henryk Rygier, le premier maître libre-penseur de son adolescence, l’influence de Norbert Barlicki (1880– 1941), l’une des figures centrales du Parti Socialiste Polonais, publiciste, juriste et éminent pédagogue, passionné de littérature, qui devint l’un des acteurs marquants de la vie politique polonaise de l’entre-deux-guerres689

, mais aussi son amitié et ses discussions avec Zygmunt Denter et tout particulièrement avec Marian Massonius (1862–1945), philosophe polonais d’origine russe qui enseignait au collège de Gorski dans les années 1906–1914690

. Ce pédagogue hors du commun, qui allait devenir, avec l’indépendance, professeur à l’Université S. Batory à Vilnius et doyen de la Faculté de Lettres, alimenta sa fascination pour l’art et la philosophie, grecque avant tout, avec Socrate comme maître à penser691. Ces enseignants remarquables jouèrent incontestablement un rôle décisif dans sa quête intellectuelle, dans la formation de son esprit critique, dans son initiation aux penseurs européens et dans sa découverte de divers courants philosophiques. Parmi les auteurs qui contribuèrent à la formation de sa génération se trouvent aussi bien Wilhelm Jerusalem, Feuerbach, Renan,

685 À l’instar de nombreux enfants issus de familles de l’intelligentsia de sa génération, il commença, à l’issue de

la première année passée à l’école gouvernementale russe en 1904, à étudier dans une école polonaise, celle de Wojciech Gorski, choisissant ainsi la nouvelle voie, rendue possible grâce à l’ouverture de l’enseignement privé polonais, en 1905. Cf. Konrad GORSKI, Pamietniki, pp. 22–27.

686 Dans le programme d’enseignement établi par l’administration tsariste pour les écoles polonaises après 1905,

la langue d’enseignement était le polonais, hormis pour le cursus de langue russe, d’histoire et de géographie, dispensés en russe. Cf. sur l’école : Wojciech Gorski i jego szkola, Recueil de textes, Warszawa 1982; Konrad GORSKI, « Jedrzej Cierniak. Kilka wspominen », in Teatralia z lat 1938–1983, p. 210.

687 Swiadectwo ukonczenia Kursu nauk Gimazjum filologicznego, (copie), AUW, AS/RP 2283. 688 K. G

ORSKI, Pamietniki, pp. 70–73.

689

Norbert Barlicki était un militant socialiste du PPS à partir de 1902, puis du PPS Gauche dès 1906, avant de devenir ministre du gouvernement de Jedrzejewicz en 1918, et du gouvernement de Skrzynski en 1938. Il fut l’une des grandes figures de l’opposition démocratique au pouvoir autoritaire de Pilsudski. Accusé dans le procès de Brzesc, il fut emprisonné. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il devint l’un des principaux organisateurs de la résistance anti-nazie. Arrêté par la Gestapo en 1940, il fut tué à Auschwitz-Birkenau en 1941.

690

K. GORSKI, Pamietniki, pp. 70–72.

691 Sous la direction de Marian Massonius, il écrivit quelques opuscules et conférences, dont « O idei w dzielach

sztuki » (Sur l’idée dans les œuvres d’art), publié dans la revue Rus’ ; « Sur la méthode de Socrate », « O znaczeniu pracy dla ludzkosci » (De l’importance du travail pour l’humanité) ; d’après le CV présenté par Gorski à l’Université de Varsovie, AUW, AS/ RP 2283.

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Strauss et Kant que William James et saint Augustin692. Il s’agit donc d’un éventail de lectures très large, souvent chaotique, dans l’esprit du positivisme, qui développa le culte de l’autodidacte, qu’il décrivit plus tard dans son autobiographie comme étant « la maladie du siècle ». Il cite ainsi Kant, en particulier, parmi les lectures qui l’éloignèrent de la foi. La

Critique de la raison pure, qui démontait une à une toutes les preuves philosophiques de

l’existence de Dieu, était alors sa lecture de prédilection693

.

Somme toute, la formation, les lectures, les figures de maîtres, tout cela contribua à rendre le sentiment chrétien superflu, à créer « une vérité sans preuves », rendant toute sa pratique religieuse mécanique. Gorski note :

Je pratiquais comme autrefois, mais je sentais de plus en plus que le sentiment religieux se desséchait en moi. On aurait pu le deviner vu la faible impression qu’avait laissée sur moi Jasna Gora, mais cela est apparu encore plus fort au printemps, au moment où nous allions recevoir le sacrement de confirmation (...). Je savais que ce sacrement était comme le deuxième baptême et amenait un renforcement de la foi. J’attendais que tous les doutes qui me tracassaient de plus en plus souvent, des doutes concernant la foi, les valeurs de l’Église, disparussent d’un seul coup. Le jour tant attendu de la célébration arriva enfin, nous nous retrouvâmes réunis à l’Église Sainte-Anne à Varsovie, nous nous agenouillâmes près de l’autel et l’évêque apparut (...). Au départ, lorsque je vis l’évêque administrer le sacrement de baptême à mes camarades, j’eus une vague impression, mais quand il s’approcha de moi, cette impression s’évanouit peu à peu et toute cette cérémonie me parut soudain ridicule. C’était difficile d’attendre d’une seule cérémonie qu’elle réveille en moi des sentiments religieux. Un acte rituel ne pouvait pas raviver la foi ni faire revivre un sentiment dont la source s’était tarie et où l’âme végète, enveloppée dans les guenilles des anciennes convictions (…). Ma religiosité se limita alors aux pratiques traditionnelles quotidiennes694.

Cet aveu de Gorski est intéressant, car il indique que la rupture avec l’Église s’était amorcée à cette date. Ce fossé qui se creusait entre sentiment chrétien et formation dans l’esprit positiviste, critique et même antireligieux dont Gorski faisait l’expérience, coïncidait avec le vécu spirituel de bon nombre de ses contemporains. Enfant du positivisme, Ambrozyna Wieczorkowska, qui vint se joindre, dans les années trente, au groupe des jeunes qui gravitaient autour de Kornilowicz, formulait des réflexions similaires695. Baignée dans une atmosphère anticléricale, elle avait connu l’indifférence religieuse à l’époque du collège. Sa formation chrétienne défaillante n’était alors pas capable de résister à l’éveil du scepticisme, caractéristique de l’âge de l’adolescence. De tels exemples d’indifférence religieuse, ou même de perte de la foi, Konrad Gorski en rencontra par ailleurs parmi ses camarades d’école. Du reste, sa foi sentimentale, attachée à la tradition, exercée par habitude, ne résista pas, en fin de compte, à la confrontation avec d’autres systèmes de pensées. Sa rencontre ultérieure avec le protestantisme, suite au deuxième mariage de sa mère avec un calviniste, la découverte de sa propre sensualité, tout cela le conduisit encore d’avantage à s’éloigner de la foi.

Toujours est-il que son évolution spirituelle pendant ses années de collège, marquées par un détachement progressif de la foi de son enfance, fut pour Gorski une période de forte tension intérieure. Dans ses mémoires, il évoque à plusieurs reprises ses tourments et ses combats pour retrouver la profondeur spirituelle, pour poursuivre sa pratique religieuse, avant qu’elle ne cessât complètement. Tout indique que le choix fut douloureux :

Alors que je sentais que, malgré les pratiques religieuses, j’étais près de perdre ma foi et que se réveillait en moi la volonté de la préserver, je commençai presqu’à lutter pour y

692 K. G

ORSKI, Pamietniki, pp. 73–78.

693 K. G

ORSKI, Pamietniki, p. 75 ; IDEM, Moje pokolenie, p. 1667.

694

K.GORSKI, Pamietniki, p. 65.

695 Ambrozyna W

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parvenir (...), pour rechercher des preuves de l’existence de Dieu (…), mais la croyance dans les preuves ne dura pas longtemps, les arguments que j’avais acquis commencèrent à s’effacer peu à peu et finirent par disparaitre. J’ai discuté de ces questions avec Tadeusz Swiecicki, qui m’a avoué qu’il avait perdu la foi. J’ai senti que tout cela n’avait plus de sens. Ainsi s’est terminée la période de ma religiosité enfantine696.

« Une âme en errance »

Lorsqu’il rédige ses mémoires, Gorski avoue que la perte de la foi avait été pour lui un véritable tourment, induisant en lui un sentiment de vide :

L’éloignement de la religion entraîne une disparition de la synthèse de la réalité visible, un manque de compréhension de l’essence même de la vie, de son but et de sa valeur697

.

Pour remplir ce vide existentiel constitué par le rejet de la religion, il chercha une alternative, afin, comme il l’affirme, de « donner un sens à sa vie ». Il note à cet égard :

Je ne pouvais pas vivre dans un univers de chaos, dans un environnement désordonné, dans un monde surgi de nulle part, où l’on ne sait pas d’où l’on vient, où l’on ne connaît ni le sens ni le but de l’existence, c’est-à-dire dans une réalité sans synthèse intérieure. Je ne sais pas ce qui m’a conduit à croire que la philosophie était une recherche de cette synthèse698

.

Choisir la philosophie, considérée comme « l’histoire de la conception de l’univers »699, devint en effet pour Gorski une solution pour mettre de l’ordre dans sa vie

intérieure, pour trouver des réponses à ses dilemmes et calmer ses angoisses existentielles. Il allait poursuivre ses prospections philosophiques en se plongeant dans une multitude d’ouvrages. Il cite en premier Wilhelm Jerusalem et William James700

, dont la lecture reflète ses intérêts pour la question de « la transformation spirituelle de l’homme », ses motivations, son psychisme religieux, mais qui le « guérissent » aussi de son « matérialisme naïf, lui donnent la base pour continuer la quête de connaissances par les efforts de l’intellect pour comprendre l’existence »701.

Au départ, son choix de se consacrer à la philosophie créa un conflit avec sa famille, qui souhaitait le voir embrasser une carrière juridique. C’est la raison de sa parenthèse à l’Université de Dorpat702

, où il étudia le droit dans les années 1913–1915703. Ses études furent interrompues par la guerre et, comme tant d’autres Polonais, sa famille fut évacuée. Après un court séjour à Zmudz, où il travailla comme précepteur dans une grande famille polonaise, Gorski regagna Varsovie à la fin de la guerre, où la vie universitaire reprenait son cours.

Gorski s’inscrivit au semestre d’été de l’année scolaire 1917–1918 à la Faculté de Philosophie de l’Université de Varsovie, à la section littéraire704

. À cette époque, la littérature, la philosophie, l’histoire et la psychologie faisaient partie intégrante du cursus de

696 K. G ORSKI, Pamietniki, p. 72. 697 K. G ORSKI, Pamietniki, p. 124. 698 K. G ORSKI,Pamietniki, p. 73. 699 Ibid., p. 124. 700 Ibid., p. 138 ; K. G

ORSKI, Moje pokolenie, pp. 1668–1669.

701 K. G

ORSKI,Pamietniki, p. 73

702 L’une des raisons incitant les étudiants polonais à aller à l’université de Dorpat, en Russie, était le boycott de

l’Université de Varsovie, suite à la grève scolaire de 1905. Ce mouvement contestataire dura jusqu’à la réouverture de l’institution en tant qu’université polonaise par les autorités allemandes, en 1915.

703 Diplôme décerné à Gorski sur la base des cours suivis à l’Université de Dorpat, Certificat de la Faculté de

droit de l’Université de Dorpat, AUW, AS/ RP 2283.

704

Dossier universitaire, immatriculation du 22 avril 1918, Faculté de Philosophie, section Lettres, AUW, AS/ RP 2283.

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l’enseignement de la Faculté et Gorski disposa ainsi de tout un éventail d’approches. Il bénéficia par ailleurs de l’enseignement de grands spécialistes en la matière : Edward Abramowski et Witwicki en psychologie, Wladyslaw Tatarkiewicz, Kotarbinski, Lukasiewicz, Lechnicki en philosophie, Juliusz Kleiner en littérature705.

L’inscription de Gorski de la Faculté s’apparentait à un nouvel effort pour poursuivre ses recherches philosophiques motivées en partie par sa quête d’apaiser ses angoisses existentielles. Cependant, il connut aussitôt des désillusions quant à la philosophie, dominée par la primauté de la logique dans l’enseignement universitaire et dans le choix des problématiques706. Dégoûté de la philosophie, alors qu’il y cherchait la réponse à ses dilemmes et à ses inquiétudes profondes, Gorski concentra alors toute son attention sur la littérature707. Néanmoins, ses passions philosophiques demeurèrent et il les partagea avec quelques camarades d’études orientés comme lui vers les recherches littéraires, Marceli Blüth, en premier, avec qui il se lia alors d’amitié. On retrouve par ailleurs les deux confrères, nous l’avons vu, dans l’auditoire des cénacles philosophiques de Tatarkiewicz708

.

Quant à sa formation littéraire, Gorski la compléta sous l’égide de professeurs de l’étoffe de Jozef Ujejski, de Bronislaw Gubrynowicz, mais surtout de Juliusz Kleiner, son mentor, et dont il devint l’un des disciples les plus brillants. Gorski revendiqua toujours sa filiation intellectuelle vis-à-vis de Kleiner, « son maître et son premier guide dans le champ de la connaissance scientifique de la littérature »709. Sa rencontre avec ce philologue d’une érudition philosophique très étendue, novateur en littérature et connaisseur de la textologie, fut brève mais décisive710. Il suivit ses cours pendant deux semestres, avant que Kleiner n’obtînt la chaire professorale à l’Université de Lvov711. Doté d’une vaste culture en

littérature européenne, ainsi que de profondes connaissances en histoire et en théorie des arts plastiques et de la musique, Kleiner influença clairement l’approche méthodologique et l’orientation des intérêts scientifiques de Gorski712

. Le terrain choisi par Gorski portait sur l’histoire de la littérature. Il chercha à situer sa recherche dans le large contexte du

705 Il suffit d’évoquer à ce sujet certains des cours suivis par Konrad Gorski. Au semestre d’été de l’année

universitaire 1917/18, il suivit par exemple les cours d’Abramowski (psychologie expérimentale), de Kreczmar (Histoire de la Grèce), de Kotarbinski (Méthodologie générale), de Juliusz Kleiner et de Tatarkiewicz. Durant le semestre d’été 1920, il assista aux cours de psychologie de Witwicki, de littérature de Szorber, Gubrynowicz et Ujejski, et d’histoire de la littérature grecque de T. Zielinski, cf. Karta Wykladow i wykladowcow, AUW, ibid.

706 Parmi les cours suivis il y a la Méthodologie générale, par Kotarbinski (semestre d’été de l’année scolaire

1917/1918), la logique, la logique d’Aristote et la théorie des connaissances de Locke à Berkeley et Hume, par Lukasiewicz et Kotarbinski, ainsi que la logique, par Lukasiewicz (semestre d’automne de l’année scolaire 1919/ 20 ; automne–été 1920/1921), Cf. Registre des cours, AUW, ibid.

707 Konrad G

ORSKI, Przedmowa, Rozwazania teoretyczne, p. 12.

708 Au séminaire de Tatarkiewicz, les sujets abordés étaient très divers ; ils allaient de la phénoménologie à

l’analyse de la psychologie religieuse, en passant par l’étude de l’œuvre de Max Scheler, Der Formalismus in

der Ethik und die materiale Wertethik, ou de James, cf. K. GORSKI, Pamietniki, p. 124.

709 Dans son livre Poezja jako wyraz (1946), résultat de longues recherches dans le champ de la théorie littéraire,

où Konrad Gorski tentait d’établir sa propre théorie de la poésie, il exprima sa dette de reconnaissance envers le professeur Juliusz Kleiner, son maître à penser.

710 Dans les années 1913–20, les méthodes d’appréhension de la littérature marquèrent un tournant. Grâce à

l’approche de Juliusz Kleiner, Kazimierz Woycicki et Zygmunt Lempicki, les éléments de didactisme moral ou de commentaires littéraires furent en effet supprimés des objectifs historico-littéraires.

711 Gorski suivit les cours de Juliusz Kleiner au semestre d’été 1917/1918, puis au semestre d’automne

1919/1920 (l’Œuvre de Slowacki à l’époque de sa maturité artistique, Ignycy Krasicki et son époque, Théorie et méthodologie des études littéraires, Histoire du romantisme polonais). Pendant l’année universitaire 1918/1919, les cours furent suspendus, la plupart des étudiants ayant été mobilisés et envoyés sur le front militaire.

712

JuliuszKLEINER, Rec. : K. GORSKI, Literatura a prady umyslowe. Studia i artykuly literackie, Warszawa 1938, Pam. Lit., 1938, pp. 314–316 ; HUTNIKIEWICZ, op. cit., p. 272.

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développement de la culture européenne, par une étude approfondie des courants intellectuels et culturels de diverses époques713.

Quant à son évolution spirituelle, Konrad Gorski, dans sa relecture des années d’études qui avaient suivi son éloignement de la foi, puis dans sa description rétrospective de son activité scientifique qui suivit, insiste sur le fait que l’acquisition des connaissances scientifiques était toujours accompagnée par ses investigations métaphysiques et motivée par des interrogations existentielles. Et il apparaît bien que sa propre quête du sens de la vie, son intérêt pour la transformation intérieure de l’homme, née de son histoire personnelle, se refléta dans ses travaux scientifiques. Ses premiers textes écrits sur des thèmes littéraires, dans