• Aucun résultat trouvé

« C’est à Fribourg que s’est rouverte en Suisse la Somme de saint Thomas », notait Charles Journet, l’un des artisans du renouveau thomiste des années vingt323

. Avec Paris et Louvain-la-Neuve, Fribourg était en effet devenu un important centre du renouveau thomiste d’avant-guerre. L’Université de Fribourg, fondée en 1889324

, avec ses facultés de théologie et de philosophie, était considérée, jusqu’en 1914, comme le principal foyer d’études thomistes de l’ordre des Frères Prêcheurs325

et elle connut un développement important. La fondation, en 1893, par les pères dominicains de la Faculté de théologie, Thomas Coconnier et Pierre Mandonnet, de la Revue thomiste, contribua encore à accroitre le rayonnement de Fribourg. Il s’agissait bien, tant pour Fribourg que pour d’autres centres de diffusion en Europe, d’un thomisme rigoureux dans l’esprit d’Aeterni Patris (1879), qui était alors, comme le note l’historien Philippe Chenaux, un « néothomisme léonin », qui resta «pour l’essentiel une

320 Ce que relatent plusieurs souvenirs, par ex. : Tadeusz S

KOWRONSKI, Pamietniki 1914–1939, Pruszkow, Rachocki i S-ka, 1999.

321 Jozef Mehoffer, peintre de Cracovie, gagna en 1895 le premier prix du concours pour les vitraux de la

Cathédrale Saint-Nicolas. La réalisation de ces treize verrières s’étendit sur plus de quarante ans de 1895 à 1936. Parmi les premiers vitraux exécutés par Mehoffer : le vitrail des apôtres (1895–1896), le vitrail de Notre-Dame des-Victoires (1896–1897), le vitrail des martyrs (1898–1899), le vitrail de l’Eucharistie (1898–1900), le vitrail des trois Rois (1902–1904), le vitrail des saints (1907–1909). Sur Mehoffer : Gérard BOURGAREL, Grzegorz TOMCZAK, Augustin PASQUIER, Jozef Mehoffer. De Cracovie à Fribourg, ce flamboyant Art nouveau polonais,

(Pro Fribourg, « Repères fribourgeois » 106/107), Fribourg 1995 ; Hortensia VON RODA, Die Glasmelereien von

Jozef Mehoffer in der Kathedrale St. Nicolaus in Freiburg i. Ue., Bern 1995 ; A. ZENCZAK et alii, Jozef Mehoffer

(1869–1946). Un peintre symboliste polonais, Paris 2004 ; Valérie SAUTEREL, « Les Vitraux de Jozef Mehoffer », in La Cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg. Miroir du gothique européen, La Bibliothèque des Arts, Lausanne 2007, pp. 166–180 ; T. STRYJENSKI, « Les Vitraux de Joseph Mehoffer à la cathédrale de Saint Nicolas à Fribourg », in Fribourg et la Pologne, Fribourg 1930, pp. 1–9 ; J.-J. BERTHIER, Les Vitraux de

Mehoffer à Fribourg, Lausanne 1918 ; M. DE MUNNYNCK, Les Vitraux de Mehoffer à la collégiale de Saint-

Nicolas, Fribourg 1914 ; A. CINGRIA, « Le Réveil de l’art religieux en Suisse romande », in La Vie et les arts

liturgiques, 70, pp. 553–338 ; A. CINGRIA, « Les Vitraux du peintre polonais Mehoffer à la cathédrale de Fribourg », Nova et Vetera, Fribourg 1940, pp. 42–56.

322 Claudio F

EDRIGO, « Les Polonais à l’Université de Fribourg » in Papierowa rewolucja. Les éditions

clandestines en Pologne communiste, textes réunis par Claudio FEDRIGO et Jacek SYGNARSKI, Bibliothèque universitaire et cantonale, Fribourg 1992, pp. 211–233.

323 Charles J

OURNET, « Chronique des idées religieuses et philosophiques », Nova et vetera, janvier–mars 1926, t. 1, 84–101, p. 93. Le fruit de l’enseignement de l’Université, le mouvement thomiste en Suisse, favorisé par l’abbé de Saint-Maurice, Mgr Joseph Mariétan (1914–1931) et sous l’influence du philosophe français Jacques Maritain, atteignit les milieux artistiques et intellectuels dans les années d’après la Première Guerre mondiale cf. : Philippe CHENAUX, Entre Maurras et Maritain. Une génération intellectuelle catholique (1920–1930), Cerf, Paris 1999, pp. 107–132.

324 Sur la fondation de l’Université et son développement : Dominique B

ARTHELEMY o.p., « Les fondements idéologiques et leurs implications », in Roland RUFFIEUX (éd.), Histoire de l’Université de Fribourg Suisse

1889–1989, Éditions Universitaires, Fribourg 1991, t. 1. Fondation et développement, pp. 141–154 ; voir aussi :

URS ALTERMATT, « Anfänge , Krise und Konsolidierung (1889–1914) », Ibid., pp. 75 –136.

325 Dominique B

ARTHELEMY o.p., « La Création de la Faculté de théologie », in Roland RUFFIEUX (éd.), Histoire

de l’Université de Fribourg Suisse 1889–1989, vol. II, pp. 476–483 ; Marie-Humbert VICAIRE o.p., « La Mission du Père Berthier », Ibid., pp. 483–495.

- Page 60 / 721 -

philosophie de séminaire », s’adressant principalement au clergé326. Il faudra attendre les années d’après la Première Guerre mondiale pour que l’intérêt pour la pensée de saint Thomas atteigne le milieu intellectuel plus large « sous l'impulsion de maîtres à penser laïques comme Jacques Maritain et Etienne Gilson »327.

Wladyslaw Kornilowicz étudia à l’Université de Fribourg dans les années 1906–1914. Après avoir suivi quelques cours préparatoires à la faculté de théologie durant le semestre d’été 1906328, il entama, à l’automne 1906, des études régulières en philosophie à la Faculté

de Lettres (Philosophische Facultät) qu’il poursuivit jusqu’à l’été 1909329. Il suivit également durant ces années, en parallèle, les cours de philosophie dispensés à la Faculté de théologie. Dès le semestre d’hiver 1909, il est définitivement inscrit à la faculté de théologie330.

Il apparaît que Kornilowicz s’est agrégé immédiatement à ce climat universitaire, fort motivant, c’est au moins ce que l’on peut déduire du ton enthousiaste de ses premières impressions. Il écrivit à ses parents :

Je suis le cours – Je suis enchanté de Fribourg – Je ne regrette pas de n’être pas à Zürich, j’aurais pu penser que là-bas il y a quelque chose d’incroyable. Ici le professeur, avant d’obtenir une chaire, a bien réfléchi et étudié dans le silence du monastère et ensuite, quand il devient professeur, il ne fait rien d’autres qu’étudier – il faut connaitre avant de juger331.

C’est un fait que le corps enseignant était composé de grandes figures dominicaines de diverses nationalités, qui constituaient des références en matière de renouvellement des études thomistes au XXe siècle. Parmi ces professeurs de philosophie, qui avaient imprimé leur marque au thomisme enseigné à Fribourg et qui avaient introduit Kornilowicz « dans l’amour de saint Thomas », se trouvait Gallus Maria Manser (1866–1950), un dominicain suisse, auteur de Das Wesen des Thomismus. Cet enseignant, considéré comme le principal thomiste de l’époque, dispensait des cours d’ontologie, de métaphysique et de logique (1906–1908)332

. Un autre personnage marquant du « thomisme intransigeant »333 était le dominicain belge Marc-Marie de Munnynck (1871–1945), doyen de la Faculté des Lettres au temps de Kornilowicz. Ce disciple de Mercier, formé à Louvain et appelé à Fribourg en 1905 comme professeur de cosmologie, de psychologie et de critériologie334, sut captiver l’intérêt du public

326 Philippe C

HENAUX, Entre Maurras et Maritain, p. 17.

327 Ibid., p. 18.

328 Il suivit par exemple le cours de théologie naturelle du professeur S

CHLINKER, cf. Notes de cours du Prof. SCHLINKER /Theologia naturalis, semestre d’été 1906 : AWK/712/1. Voir aussi par exemple les cours en histoire de la philosophie, donnés par SCHLINKER : Notes de cours du prof. SCHLINKER, Socrate, 1906, AWK/712/2.

329 Liste des étudiants : Kornilowicz n°immatriculation 2710, Autorités, professeurs et étudiants, Université de

Fribourg, Semestre d'hiver 1906-1907, Fribourg, Imprimerie et Libraire de l'Œuvre de Saint Paul, Fribourg 1906, p. 29. Sur la section philosophique de la Faculté de Lettres cf. Guido KÜNG, Ruedi IMBACH, « Abteilung Philosophie », dans Histoire de l’Université de Fribourg, vol. 2, Les Facultés, pp. 656–671. La Philosophiche

Facultät (Faculté des Lettres) englobe études philosophiques et littéraires à l’époque.

330

Liste des étudiants : immatriculation n°2710, in Université de Fribourg. Autorités, Professeurs et Étudiants, Semestre d’hiver 1909–1910, Fribourg 1909, p. 30.

331 Carte postale du 25 mai 1906, Korespondencja ks. Kornilowicza z Rodzina : AWK/54. 332 Guido K

ÜNG, Ruedi IMBACH, « Abteilung Philosophie », pp. 658, 661 ; Notes du cours du Père MANSER (en latin) : Ontologia, 1906 ; Metaphysica (s.d.), De Logica (1907–08), Metaphysik und logische Probleme (s.d.), Notatki ze studiow filozoficznych we Fryburgu (1906–1909), AWK/712/1.

333 Küng et Imbach qualifient le thomisme enseigné à la Faculté par Manser, de Munnynck et Rohner de

« strengere Thomismus » et de « Ganzthomismus », cf. R. IMBACH, G. KÜNG, op. cit., p. 658. Sur ce point, voir aussi : Ph. CHENAUX, Entre Maurras et Maritain, p. 28.

334

DE MUNNYNCK o.p., Notes de cours : Cosmologia (s.d.) cf. Notatnik ze studiow filozoficznych 1906–1909, AWK/712/1 ; DE MUNNYNCK, Notes de cours, Psychologie (des sujets divers sont traités en latin : la vie, l’âme immortelle, la théorie de la connaissance, la peur (partant de Bergson), Intellectus, Habitus ; Cours : De Origine

Judiciorum (les Opérations de l’Intelligence, le Jugement, l’Inconscient), (1908) en français ; Criteriologia

- Page 61 / 721 -

estudiantin. Le rayonnement de son enseignement et de toute sa personne dépassait largement les murs des salles universitaires, donnant ainsi naissance à des « lieux informels ». Maria Kalkstein (future sœur Teresa en religion) retrace les rencontres qui avaient lieu dans le salon de Plater-Buyno, avenue des Pérolles. Tous les dimanches, le « five o’clock tea » réunissait autour du Père de Munnynck un petit groupe d’étudiants et d’invités, en majorité d’origine polonaise, pour « des discussions sur des questions philosophiques, sociales et religieuses »335. Parmi les habitués de ces rencontres, dont Maria Kalkstein se rappelle les noms, se trouvaient quelques séminaristes, dont les abbés Kornilowicz, Wojtkiewicz, puis Woroniecki, ainsi que des étudiantes, comme Helena Paszkiewicz, Elzbieta Kiersnowska (future femme d’Estreicher).

Il est possible de reconstituer la chronologie des cours suivis par Wladyslaw Kornilowicz, complétés d’ailleurs par des lectures approfondies, car les nombreux résumés de cours et d’exposés conservés dans les archives de Kornilowicz à Laski sont pour la plupart datés.

L’enseignement de la philosophie était nettement dominé par la philosophie thomiste, enseignée en latin, et par l’histoire de la philosophie : une étude fouillée et systématique de tous les systèmes philosophiques, assurée par les pères Manser (éthique et histoire de la philosophie médiévale) et Leo Michel (1857–1919), dominicain d’origine hongroise, en histoire de la philosophie moderne336. Le programme comprenait l’étude de la cosmologie, de la psychologie, la lecture critique des auteurs, la métaphysique, la logique337. Signalons simplement leur caractère méthodique et la recherche approfondie du thomisme, ainsi qu’une grande ouverture aux divers systèmes de pensée.

Kornilowicz s’intéressait tout particulièrement à la critique du positivisme, au bergsonisme et à la psychologie338. Il approfondit également les divers problèmes éthiques grâce au cours de philosophie morale (éthique et histoire de la philosophie moderne) donné par le professeur Michel et à ses lectures diverses339. Cette forme d’enseignement, si on suit attentivement les notes des cours, proposait une vision du monde bien précise visant à former l’intelligence dans un esprit thomiste: précision dans les termes, clarté dans les définitions, mise en valeur du caractère réaliste de la philosophie du Docteur commun. Il s’agissait bien de forger une vision intégrale de la réalité et de l’homme, réhabilitant la nature et sortant du fidéisme. Mais, tout autant, cet enseignement visait à ouvrir les perspectives d’un nouveau dialogue avec d’autres systèmes philosophiques. Ayant reçu cette solide formation, Kornilowicz était alors bien préparé pour entamer ses études de théologie.

Au temps de Kornilowicz, la faculté de théologie, ouverte en 1891, vivait une période de grandeur340. Sous la direction du père Pierre Mandonnet, doyen de la faculté pendant

335 S. Teresa K

ALKSTEIN, Wspomnienie du 13 mai 1951, AWK/42/3.

336 Guido K

ÜNG, Ruedi IMBACH, « Abteilung Philosophie », p. 661. Quelques sujets traités : cours de MANSER,

Geschichte der Philosophie (der Patristichen Zeit), 1906 ; Gnosticism, Mitellalteriche Scholastik, Geschichte der Mittelalterlebne Philosophie, 1908), De philosophia in genese et de logica, 1906/1907 ; cours et séminaires de

L. MICHEL, Geschichte der neueren Philosophie (Kant, Descartes), 1908 ; AWK/712/2 ; Geschichte der

Arabischen Philosophie (semestre d’été 1909), AWK/712/2.

337

En métaphysique (Commentaires du livre d’Aristote De Anima), cours de Logique (Logique formelle, Logique et Psychologie, s.d.). Notes des cours de Logique, Métaphysique, AWK/712 /1, aussi notes de lectures, Logik, (Sigwart), Tübingen 1904, AWK/712/2.

338 Notes de cours et de lectures de Bergson (par ex. Essais sur les données immédiates de la conscience),

Notatki ze studiow filozoficznych 1906–1909, AWK /712/2 ; Notes sur divers systèmes philosophiques et philosophes en ordre alphabétique (ex. Kritik des Wesens der idee nach den Positivisten) : Szkice do pracy

ogolnych pojeciach, AWK/712/2.

339 Notes de l’éthique (Etica generalis, Ethische Problemen, prof. L. M

ICHEL, 1907/1908), AWK/7134.

340

« La recherche et l’enseignement », in Roland RUFFIEUX (éd.), Histoire de l’Université de Fribourg Suisse

- Page 62 / 721 -

plusieurs années et titulaire de la chaire d’histoire de l’Église (1891–1918), Kornilowicz suivit le cursus systématique de l’histoire de l’Église, ainsi qu’une étude historique du thomisme. Rénovateur de la pensée médiévale, dans ses livres et dans ses cours, Mandonnet aborda par le biais de l’histoire les grandes controverses de la philosophie médiévale et appliqua à la lecture des textes de saint Thomas les méthodes de l’exégèse biblique contemporaine341

. Plus que de suivre les commentaires de la Somme par Jean de Saint Thomas, il chercha à introduire ses étudiants à la lecture du texte même des écrits de saint Thomas, en leur faisant découvrir la vitalité de sa pensée. Apprécié pour ses enseignements, il resta toujours proche des étudiants, participant même à leur réunions342.

En exégèse, la faculté jouissait de la présence de plusieurs spécialistes, notamment un éminent bibliste, le dominicain tchèque Vincenz Zapletal, qui y enseigna à partir de 1893 l’exégèse de l’Ancien Testament. Mais le maître de Kornilowicz en exégèse fut principalement le dominicain français Ernest-Bernard Allo (1873–1945), qui enseigna à Fribourg à partir de 1905 l’exégèse du Nouveau Testament, après avoir enseigné la théologie dogmatique au séminaire syro-chaldéen de Mossoul et à l’École biblique de Jérusalem343. Kornilowicz accorda également une place importante à l’apologétique sous la houlette du dominicain allemand Albert M. Weiss (1844–1925), auteur d’une célèbre Apologie des

Christentums, dont l’enseignement semble laisser sur lui son empreinte344.

L’essentiel du cursus était formé par la théologie dogmatique. Elle était enseignée dans les années 1890–1906 par le célèbre historien dominicain Joachim-Joseph Berthier, fondateur de la faculté de théologie de Fribourg et connu pour son commentaire de la Divine Comédie de Dante ainsi que pour ses travaux sur l’art médiéval en particulier ; elle fut également dispensée par le père italien Reginald Fei (1869–1957). Ce sont toutefois les cours donnés par le dominicain espagnol Norbert Del Prado (1852–1918), auteur d’œuvres sur la grâce et sur la vérité principale de la philosophie chrétienne, qui exercèrent la plus grande influence sur le jeune séminariste. L’enseignement du dogme par Del Prado suivait une certaine logique dans les sujets abordés : Dieu et la création, Connaissance de Dieu, l’incarnation, les sacrements, la Trinité, etc.345. Cet enseignement, qui faisait l’éloge du

341

Son premier livre Siger de Brabant et l’averroïsme latin au XIIIe siècle, 1899, fut salué comme un livre

capital, plusieurs fois réédité. Il y abordait, par le biais de l’histoire, les grandes controverses de la philosophie médiévale. Cf. M. H. Vicaire, « Le Père Mandonnet, o.p., historien de l’Église », in Les Hommes et les Œuvres

de l’Université. Cent ans de recherche scientifique à l’université de Fribourg, Fribourg 1991, pp. 1–20. Sont

conservées de nombreuses notes de cours de l’histoire de l’Église dans le fonds Wl. Kornilowicz des années 1910–11. Quelques sujets de ce cours : Fondation et commencement de l’Église, persécution de l’Église, les hérésies, les pères de l’église, Galilée, Albert le Grand, les dominicains, les franciscains. Kornilowicz suivit entre autres (1909–1910) le cours sur saint Bonaventure, saint Thomas d’Aquin. Il s’agissait de la biographie et de l’œuvre. Pour la littérature, c’est le cours, Le Commentaire de saint Thomas, Notes de cours et de lectures : AWK/7135/1–3.

342 Marie-Humbert V

ICAIRE o.p., « Le P. Mandonnet à Fribourg », Nova et vetera, avril–juin 1938, t. 13, pp. 158–168.

343 Parmi les notes du cours de B. A

LLO, o.p. : AXWK/7131/4–5.

344 L’apologétique du prof. Albert Maria W

EISS, o.p., du semestre d’hiver 1909/1910, AWK/7131/6. Ces questions préoccupaient Kornilowicz, il avait dans sa bibliothèque par ex. l’ouvrage d’Albert Maria WEISS,

Liberalismus in Christentum, Tirer 1914.

345

Notes de dogmes, cours de DEL PRADO o.p., De processione creatuarum a Deo (1911–1912), De

Incarnatione, De Sacramentis (1909/10) 5 cahiers, AWK/713/2 ; Cours de DEL PRADO : De Scientia Dei (selon la Doctrine de saint Thomas) 1911 ; De Deo Trino (St Thomas), 1911 ; De libero arbitrio in Deo et in Angelis (1911–12), AWK/7137/2. Kornilowicz étudia assidûment les ouvrages de Del Prado. Dans sa bibliothèque on le trouve avec l’annotation : « De Gratia et Libero arbitro », Fribourg 1907.

- Page 63 / 721 -

Docteur angélique346, était alors complété par un cours de droit canon, dispensé par l’abbé

Friedrich Speiser (1853–1913)347.

L’atmosphère des années d’études de Kornilowicz fut marquée par la crise moderniste. Et il est judicieux de se demander quel impact la condamnation, en 1907, des écrits modernistes par le Décret Lamentabili sane exitu du 3 juillet et par l’encyclique Pascendi

Dominici Gregis, promulguée le 8 septembre, a pu avoir sur un jeune séminariste. Surtout que

l’Université subissait quelques soubresauts de la crise : un ouvrage du bibliste Vincenz Zapletal entretenait la polémique depuis plusieurs années348, alors que les travaux et les enseignements des pères Mandonnet et De Munnynck étaient eux aussi soupçonnés de modernisme349. L’attitude de Kornilowicz interroge l’historien vu l’intérêt qu’il marquait, on l’a vu, pour la vie de l’Église et les tentatives de renouveau de la vie catholique. Toujours est- il, qu’à défaut d’indices significatifs en la matière, on se contentera de l’absence même d’informations à ce sujet pour penser que Kornilowicz resta à l’abri de la tourmente, trop occupé qu’il était par ses études et par diverses activités pastorales au sein des milieux estudiantins350. D’ailleurs, ses goûts le portaient d’avantage vers la théologie morale351.

Cet intérêt marqué pour la théologie morale, au-delà de ses penchants personnels, était certainement influencé par les figures marquantes de ses professeurs, qui avaient joué, selon le Père Bochenski, un grand rôle dans le renouveau de la théologie morale catholique352. Bien que le dominicain hollandais Jordan van Langen-Wendels (1867–1928), réputé pour ses cours à la faculté dans les années 1900–1923, eût très peu publié, c’est lui qui exerça la plus forte influence sur les étudiants de cette époque. Les cours de théologie morale, accompagnés de travaux pratiques, abordaient les diverses questions (principes moraux, loi extérieure, conscience morale) à travers les différentes écoles philosophiques, tout en étudiant de manière approfondie la pensée du Docteur angélique353. Le père dominicain allemand Dominik Prümmer, professeur en théologie « morale pratique », dans les années 1908–1931, considéré comme l’une des plus grandes autorités dans ce domaine, dut avoir une influence décisive sur Kornilowicz, puisqu’après avoir terminé ses études, celui-ci se lança dans une thèse sous sa direction.

346 Parmi ses notes de cours et de lectures, la plupart constituent une étude approfondie de la doctrine de saint

Thomas, mais aussi les commentaires du Docteur commun, les notes du cours sur l’histoire de la scholastique (Geschichte der Scholastik, 1910–11), AWK/7137/1.

347 Notes (en latin) de droit canon 1910–1911 du prof. Friedrich S

PEISER, AWK/7136/1–7 (les sujets sont divers :

Ecclesia, Ordinum religiosum, Parochia, De administratione reginis).

348

Sur le modernisme à l’Université, voir : Dominique BARTHELEMY,« Les Retombées de la crise moderniste », dans : RUFFIEUX (éd.), Histoire de l’Université de Fribourg, op. cit., t. 1, pp. 148–154. L’ouvrage de Zapletal ayant subi les plus âpres attaques fut Der Schöpfungsbericht der Genesis (1,1–2,3) mit Berücksichtigung der

neuesten Entdeckungen und Forschungen erklärt, publié à Fribourg en 1902, puis réédité en 1911.

349

Ibid., p. 153.

350 Pour Kornilowicz ce furent des années très studieuses et il prit alors le temps nécessaire pour préparer ses

études. Son collègue d’étude Jacek Woroniecki se souvient : « les études n’étaient pas faciles pour lui, alors il ne se dépêchait pas pour passer les examens, il allongeait le temps pour se préparer sérieusement et bien passer les examens. »

351 Parmi ses notes, ont été conservées celles concernant la pensée de Pestalozzi, de nombreuses notes sur des

sujets variés relatifs à l’éthique. Il prépara même une intervention sur Pestalozzi donnée au « cercle » des théologiens à l’Albertinum en 1910. Notes de l’éthique (Pestalozzi), AWK/ 7134/ 2.

352 P. M. B

OCHENSKI, Une lettre souvenir, AWK/ 42/1.

353

Dans le fonds Kornilowicz, ont été conservés les 4 cahiers des cours donnés par le père LANGEN-WENDELS au semestre d’hiver 1909–1910 (cours De Justitia), et au semestre d’été 1910 (De Temperantia). Les cours sur différentes écoles philosophiques (Aristote, Cicéron, St Thomas, Kant, Hegel, l’école du positivisme) AWK/7133 / 1–2, 4, Doctrine de saint Thomas (non datées, 1909–1912) : Moralitas, Temperantia, Jejunium,

- Page 64 / 721 -

Wladyslaw Kornilowicz reçut le diplôme de « baccalauréat de Sainte Théologie » le 18 mars 1912, avec la mention « Summa cum laude ». Ce titre précédait la licence, qu’il obtint le 20 juillet 1912354. Et il entama aussitôt alors ses recherches doctorales en théologie morale sur la question de la Prudentia, qui furent cependant interrompues par la Première Guerre mondiale. De ces recherches, on a conservé plusieurs documents et résumés, qui mettent en évidence le travail très minutieux, érudit et méthodique accompli durant ces deux années de préparation355.

Au bout du compte, ses études théologiques et philosophiques à l’Université de Fribourg, sous la direction de savants réputés, puis ses recherches doctorales donnèrent à Kornilowicz une connaissance rigoureuse de saint Thomas et lui ouvrirent de larges horizons philosophiques. Plus encore qu’une solide formation intellectuelle à l’école dominicaine, ses longues années permirent à Kornilowicz d’émerger dans ce climat du renouveau de la pensée catholique, dont l’un des éléments essentiels fut le retour au Docteur commun. Sa fascination