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CHAPITRE 6 : RÉSULTATS

6.3. Structure de la relation entre le consommateur et son magasin

6.3.2. Proximité spatiale

La localisation des magasins, au milieu de la communauté, les a transformés en une partie de la quotidienneté existentielle d’un groupe de consommateurs colombiens. Leur omniprésence a contribué à la création et recréation des liens indissolubles entre consommateurs et épiciers. Être physiquement situé à peu de mètres des maisons des membres d’une collectivité reflète une proximité spatiale que Bergadaà et Del Bucchia (2000a) appellent proximité géographique. Pour beaucoup de consommateurs, il serait impossible de vivre sans le magasin à côté de leurs résidences, dans le coin, dans la même rue.

6.3.2.1. Commodité

La commodité – du latin commodĭtas, -tātis – soulignée comme la relation avec le plus de signification pour les consommateurs, est nécessairement associée à vivre bien, au bon goût, au repos et à la facilité (RAE, 2007). Dans la perspective du confort, le consommateur du magasin traditionnel colombien cherche ce qui, en plus de la proximité, l’aide à résoudre ses besoins les plus immédiats, dans la pensée de toujours se sentir bien avec tout ce qui concerne son besoin humain de se procurer ces biens nécessaires à son existence. Et pour cela le magasin joue un rôle important, non seulement par sa localisation proche mais par la procédure opérationnelle de son

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fonctionnement, dans laquelle le consommateur est placé comme l’axe de toute l’organisation.

Les consommateurs des différentes couches expriment leur inclination prononcée pour le confort, associé à ce qui est la bonne vie et la facilité. Les témoignages démontrent l’importance pour le consommateur que l’épicier dispose de tous les produits de base, qu’il soit possible de trouver tout ce qui peut être requis de manière inattendue, et qu’ils soient disponibles quotidiennement :

« Chez moi nous allons donc acheter quelques choses là… il est plus difficile d’aller jusqu’au centre pour acheter quelque chose » (Informateur Manizales, strate haute)

« … c’est là où on trouve tout… et où il y a de tout » (Informateur Neiva, strate haute)

« … ils ont des produits dont à un moment on a besoin et on rend visite quotidiennement au magasin » (Informateur Valledupar, strate moyenne)

Comme caractéristique commune à toutes les couches des villes concernées par la recherche, on souligne l’importance que les consommateurs donnent à la proximité physique comme relation de commodité. Se trouvant dans le voisinage, dans la même rue, dans le coin attenant, à peu de pas de la résidence, le magasin fait partie de l’imaginaire collectif (Bouchard, 2003) que les consommateurs ont par rapport à leur magasin préféré. Cela leur évite des déplacements physiques, mais surtout leur offre de la confiance et de la sécurité en développant la routine dans leur contexte le plus immédiat.

Ses réponses sont convaincantes :

« Je vis à deux rues et demie du magasin, je le fréquente pour sa proximité et pour la sécurité qu’il m’offre » (Informateur Manizales, strate basse)

« Commode comme chez moi… il reste le plus près… » (Informateur Neiva, strate haute)

« On a toujours utilisé le magasin le plus proche… on a toujours besoin du magasin » (Informateur Barranquilla, strate basse)

« Je vais toujours au magasin qui est le plus près de chez moi…à proximité de chez moi… » (Informateur Cali, strate moyenne)

« … je l’aime beaucoup… c’est pourquoi il m’est tellement proche » (Informateur Manizales, strate moyenne)

Comme conséquence logique de cette proximité physique, le consommateur se sent tranquille car il réduit les craintes que produit la vie agitée d’aujourd’hui. La tendance marquée pour la facilité non seulement considère la proximité spatiale, mais insère la proximité obtenue à travers le contact téléphonique :

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« L’usage du magasin est quotidien et même plusieurs fois par jour grâce à sa proximité… et aussi il peut se faire par voie téléphonique » (Informateur Manizales, strate haute)

En ce sens, les magasins comme facilitateur de la vie des consommateurs ont joué un rôle transcendantal puisque avec le service à domicile et la relation étroite tissée entre les épiciers et les consommateurs, on a obtenu une proximité reconnue de manière claire par les informateurs interviewés.

Des aspects en rapport avec la « sécurité » ont été inclus dans cette catégorie, vu la tranquillité que fournit à un consommateur le fait de pouvoir faire ses achats dans son environnement le plus connu, sans devoir se déplacer dans d’autres zones de la ville :

« Je vis à deux rues et demie d’où ce trouve le magasin, je le fréquente pour sa proximité et pour la sécurité qu’il m’offre » (Informateur Manizales, strate basse)

6.3.2.2. Immédiat

L’immédiat, entendu comme quelque chose qui est très proche ou contigu de quelque chose ou de quelqu’un (RAE, 2007), peut être traduit dans une sorte de prolongation des fonctions dans le temps et dans l’espace, régie par une logique de rendement et d’efficacité des opérations effectuées. Le magasin offre au consommateur la possibilité d’acquérir d’une manière immédiate des produits qu’il requiert, et lui permet d’atteindre une fonctionnalité à travers la vitesse et l’approvisionnement opportun, ce qui l’amène à initier ou à continuer avec d’autres activités tout en obtenant le contrôle de son temps.

Dans la strate haute, par son rythme accéléré de vie, le consommateur établit une relation de caractère immédiat avec le magasin au fur et à mesure que celui-ci assume un rôle de fournisseur dans l’administration de son temps et de ses tâches domestiques:

« La facilité qu’on a de compléter ce qui manque à la maison… un simple appel téléphonique, et immédiatement ils s’occupent de vous et rapidement » (Informateur Manizales, strate haute)

« Au moment où il manque quelque chose chez moi, je vais au magasin » (Informateur Medellín, strate haute)

« Quotidiennement… chaque fois que je vais au magasin j’achète des produits nécessaires du jour… pour une plus grande facilité » (Informateur Neiva, strate haute)

« Nous avons besoin des produits chez nous et nous ne les trouvons pas ailleurs, mais au magasin ils sont vendus » (Informateur Valledupar, strate haute)

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Cette même relation est établie dans la strate moyenne où ce qui est pratique et ce qui est rapide acquièrent un plus grand poids :

« Tous les jours, parfois je prends le "mecatico", des sucreries, des repas rapides et des choses rapides qui sont nécessaires à la maison » (Informateur Manizales, strate moyenne)

« … ce qui se termine dans mes produits, je vais et l’achète en vitesse » (Informateur Medellín, strate moyenne)

Le caractère immédiat apparaît aussi comme fondamental dans la basse strate parce que sa relation est soutenue dans la confiance et la convenance qui facilitent la situation économique des consommateurs.

« J’achète des choses qui sont nécessaires là… même » (Informateur Medellín, strate basse)

« Le nécessaire pour la famille » (Informateur Valledupar, strate basse)

6.3.2.3. Convenance

La convenance, conçue comme le degré de corrélation et de conformité, entre deux parties différentes, obtenu à travers l’ajustement et la convention d’accords entre eux – même si ceux-ci sont tacites – a permis de définir la situation des différentes affaires au détail. Ces accords, régis par des patrons socioculturels liés à partir des bénéfices partagés dans la quotidienneté, sont ceux qui ont donné un sens aux analyses méticuleuses effectuées comme condition préalable pour ouvrir de nouveaux points de vente au détail de la part des grandes chaînes de distribution (Goldman, 1974).

Ces mêmes accords sociaux souscrits au travers du temps, sans que des contrats explicites existent, sont ceux qui ont justifié l’existence de plusieurs magasins dans l’environnement immédiat du consommateur qui les visite de manière assidue ou sporadique en ne tenant compte ni de la taille de leurs installations, ni de son aspect physique, ni de la distribution de leurs espaces intérieurs.

La réciprocité implicite dans la relation entre le consommateur et l’épicier est construite et renforcée dans le temps à travers des pratiques culturelles maniées subtilement par les deux parties et qui sont présentes dans toutes les strates socioéconomiques étudiées:

« C’est celui qui a toujours eu ma confiance, il est en outre celui qui est le plus près. Les services à domicile tardent moins » (Informateur Barranquilla, strate haute)

« … J’arrive toujours en saluant… quand la quinzaine est finie, les "cositas"

me sont vendues et le monsieur me donne crédit quand je n’ai pas d’argent » (Informateur Manizales, strate moyenne)

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« Pouvoir acheter le quotidien, parce que je n’ai pas d’argent pour le marché mensuel » (Informateur Medellín, strate moyenne)

« Nous dialoguons avec le propriétaire du magasin… et quand il faut lui demander une faveur on la lui demande et lui il nous aide avec cela » (Informateur Valledupar, strate basse)

Ces liens de convenance sont renforcés et consolidés au fur et à mesure que les bénéficiaires de cet échange permanent ne sont pas seulement des consommateurs.

L’épicier, pour accorder traditionnellement le crédit comme une de ses pratiques commerciales préférées d’attraction et de conservation de clients, obtient aussi des bénéfices tangibles – même s’il ne le perçoit pas – dans une sorte de convenance mutuelle, comme l’exprime un des informateurs:

« Elle me sert et aussi je la sers et je lui donne une économie pour la fin du mois » (Informateur Manizales, strate haute)

La « réciprocité » comme une partie de la convenance paraîtrait aboutir en une espèce de relation pensée avec une certaine malice et dans le but d’obtenir certains dividendes:

« On achète toujours là pour que, quand tout à coup on a besoin d’une faveur, ils sachent qu’on achète là » (Informateur Barranquilla, strate basse)

La même « facilité » d’accéder au magasin qui a toujours été dans le même endroit procure au consommateur, en plus d’une confiance, un certain degré de convenance vu que les efforts qu’il faut faire ne sont pas trop nombreux :

« C’est celui qui a toujours été de confiance là, il est en outre celui qui est le plus près. Les services à domicile retardent moins » (Informateur Barranquilla, strate haute)

De manière semblable, pour penser aux bénéfices futurs de la même relation, le consommateur accepte avec « complaisance » certaines erreurs de l’épicier, fondées aussi sur l’amitié qu’il maintient avec lui :

« … grâce à la même amitié et à la relation qu’on a avec la Madame, on oublie ces choses… je me sens tellement bien en achetant dans ce magasin, que j’oublie » (Informateur Cali, strate moyenne)