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CHAPITRE 5 : MÉTHODOLOGIE ET PROCÉDURES

5.3. Procédures d’analyse

Découvrir le rôle du magasin traditionnel colombien comme un espace de renforcement culturel du comportement du consommateur a exigé la réalisation d’une analyse compréhensive de la propre complexité de la réalité sociale tissée autour du consommateur et de la relation qu’il soutient avec son magasin. Pour cela il a été nécessaire de recourir tant aux examens de type étique dans la recherche d’éléments invariants qu’à ceux de caractère émique, à partir de la propre dynamique desquels des éléments culturels se sont adaptés. Pour les premiers, des analyses ont été faites depuis l’extérieur – outsider – du phénomène, tandis que pour les deuxièmes il y a eu nécessité d’être inséré –insight – parmi les consommateurs consultés.

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5.3.1. Analyses étiques

En sachant que la culture a des composants structurels qui se sont maintenus plus ou moins invariants à travers le temps (Desjeux, 2003), trois des objectifs de cette recherche ont été analysés dans une perspective étique. En accord avec les objectifs de la recherche, il a été possible de décrire les manières dont des variables culturelles peuvent être détectées dans des modèles causaux qui produisent des conduites particulières (Morris et al, 1999) comme celles en rapport avec certains comportements du consommateur du magasin traditionnel colombien. Dans tous ces cas, nous avons essayé de déduire, de manière synchronique indépendante, des facteurs temporels qui relient des éléments constitutifs de chaque ensemble de données que nous avons détecté.

Nous avons toujours recouru à la réalisation des analyses lexiques descriptives (Gavard-Perret et Moscarola, 1998).

Ainsi, l’étude des « représentations mentales » que développent des consommateurs en ce qui concerne le magasin traditionnel dans un contexte culturel spécifique, et la structure de la relation entre « l’acheteur » et son magasin, ainsi que la question si la production expérientielle vécu par le consommateur était une caractéristique culturelle ou sociale dans le contexte du magasin traditionnel en Colombie, ont été développées sous une approche ethnométhodologique (Garfinkel, 1967).

Dans le cas des « représentations mentales » développées par des consommateurs colombiens, on a cherché à induire ce que signifie le magasin traditionnel – l’objet très bien connu « tienda de barrio » (magasin du quartier) – pour eux. L’objectif était de reconstituer l’organisation sous-jacente commune aux consommateurs (Bergadaà, 2006). Notre intérêt était de le dégager de manière synchronique, indépendante des facteurs temporels qui relient des éléments constitutifs de ce concept de « tienda de barrio ». Il s’agit de savoir comment le magasin traditionnel peut contribuer à la construction d’une identité individuelle ou collective du consommateur (Thompson et Hirschman, 1995 ; Murray, 2002 ; Schau et Gilly, 2003).

Pour dégager la structure de la relation entre « l’acheteur » et son magasin, on a essayé de connaître le sens que des consommateurs donnent au monde social dans lequel ils vivent. On a connu le modèle du réseau de significations qui s’attache au magasin traditionnel. La découverte de cette structure a été soutenue par Lévi-Strauss (1974 ; cité par Bergadaà, 2006) quand il dit : « Le principe fondamental est que la notion de structure ne se rapporte pas à la réalité empirique, mais aux modèles construits d’après celle-ci. » Ainsi, nous avons pu proposer une définition pour la structure de la relation entre le consommateur et son magasin traditionnel.

En étudiant la production expérientielle dans le contexte du magasin traditionnel en Colombie, on s’est éloigné des propositions effectuées par des auteurs en management (Gilmore et Pine 2007 ; Pine et Gilmore, 1999) qui indiquent comment mettre en œuvre un marketing expérientiel. Nous avons préféré considérer le magasin de quartier comme l’espace de rencontre de l’épicier et de son client, dans une relation de caractère existentiel. L’expérience a été analysée à partir d’une « sédimentation d’expériences » chez l’individu (Bergadaà, 2006). Peu à peu, cet espace de rencontre entre l’épicier et le consommateur peut se transformer en un « lieu » (Bergadaà, 2006) lorsqu’il acquiert une définition et un sens, lorsqu’il est devenu familier. Ainsi, sous cette perspective, ce

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ne sont pas des acteurs externes qui produisent de l’expérience sur un lieu donné, mais bien les acteurs eux-mêmes.

5.3.2. Analyse émique

L’étude des composants dynamiques de la culture a obligé à développer l’analyse dans une perspective émique dans laquelle on impose des construits dérivés de la compréhension elle-même des « insiders » culturels, c’est-à-dire depuis l’expérience des consommateurs du magasin traditionnel dans leur quotidienneté, dans leur vie quotidienne, en apprenant d’eux et non seulement sur eux (Desjeux, 1997). La perspective émique exige qu’on entre dans le monde des objectifs, des sens et des attitudes ; elle nous « aide non seulement à comprendre la culture ou le langage comme un tout ordonné, mais aussi à comprendre les acteurs individuels dans ce drame vivant, leurs attitudes, leurs motivations, leurs intérêts, leurs réponses, leurs conflits et le développement de leur personnalité » (Pike, 1954). Elle s’occupe de l’analyse de la conduite en termes des intentions, des motivations, des objectifs, des attitudes, des pensées et des sentiments des membres de la culture. Elle est justifiée par la supposition qu’entre l’acteur et l’observateur, c’est l’acteur informé qui peut connaître son propre état intérieur. On a opté pour une position diachronique.

Ainsi, l’étude du rôle joué par la culture et ses dimensions dans la structure de la relation entre « l’acheteur » et son magasin, la découverte d’une typologie

« d’acheteurs » qui distinguerait des créations de valeurs spécifiques sur la base de considérations culturelles et, finalement, la relation existant entre l’attitude temporaire et l’action du consommateur colombien du magasin traditionnel, ont été développées sous une approche phénoménologique (Schutz, 1967).

En regard du rôle joué par la culture et ses dimensions dans la relation consommateur-magasin traditionnel, l’effort des croyances s’est concentré sur la découverte des valeurs et des coutumes que les consommateurs ont reconnues comme une influence constante sur la relation mentionnée. De cette manière, le phénomène étudié a été placé dans la même ligne que la famille d’études de la Culture Consumer Theory, CCT, consacrée à connaître et à comprendre la culture prédominante sur les marchés (Arnould et Thompson, 2005) dans la perspective des dimensions culturelles qu’ils voient toujours dans le processus permanent de construction en ce qui concerne la signification assignée aux objets d’échange, aux parties qui interviennent et aux normes avec lesquelles eux-mêmes sont régis (Spillman, 1999). Les interactions entre des consommateurs du magasin qui fabriquent des valeurs, des croyances et des coutumes prédominantes sont acquiescées par Badot et Cova (1995) en considérant que les liens sociaux établis entre des membres d’une même communauté exercent une grande influence dans la construction de leurs propres vies.

En regard de la découverte d’une typologie « d’acheteurs » qui distinguerait des créations de valeurs spécifiques sur la base de considérations culturelles, nous cherchons à savoir comment des consommateurs ont développé leur vision de la société et de la culture dans laquelle ils vivent par rapport à l’omniprésence du magasin. Nous avons, au travers des aspects phénoménologiques, induit les raisons particulières pour lesquelles les personnes interrogées maintiennent une relation active avec leur magasin

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(Denzin, 1989, 1992). Nous avons cherché à comprendre, par empathie, les raisons qui de manière individuelle guident l’action des consommateurs (Bergadaà, 1990) au travers aussi de l’interaction qu’ils entretiennent avec leurs voisins.

Quant à la relation existant entre l’attitude temporaire et l’action du consommateur colombien du magasin traditionnel, nous utilisons le rapprochement phénoménologique utilisé par Bergadaà (1990) pour étudier le système temporaire des consommateurs, comme un aspect clé de l’action individuelle et du comportement du consommateur, surtout parce que différentes orientations temporaires peuvent induire la consommation de différents produits.

5.3.3. Analyse théorisante

Selon les conditions de la théorie enracinée dans les faits, un processus social spécifique a été choisi pour l’analyse. Des données ont été rassemblées selon des interprétations naissantes, une partie de la révision de la littérature a été conduite après que les données furent rassemblées et les thèmes centraux ont pu émerger des données, plutôt que de les forcer à s’adapter à un cadre théorique préconçu (Glaser et Strauss, 1967).

Toute la recherche a été développée dans le principe de l’interaction circulaire entre la collecte et l’analyse des données, en réalisant une alternance et en interagissant entre les démarches de collecte des données et les épisodes d’analyse des données (Guillemette, 2006). Ces opérations ont été faites « ensemble » du début à la fin; une sorte de

« développement en parallèle » (Holloway et Wheeler, 2002), de simultanéité et de concurrence (Hutchinson et Willson, 2001), un « processus cyclique » (Norton, 1999), une interaction continuelle (Morse et Richards, 2002).

La formulation de la théorie a été faite en tenant compte du fait que la théorie « est dérivée de données compilées de manière systématique et analysées au moyen d’un processus de recherche » (Corbin et Strauss, 1990). Au travers d’un processus de croissance de la connaissance, nous avons obtenu tant le recueil et l’analyse des données sur le terrain que la comparaison constante de celles-ci avec la théorie existante des situations semblables.