• Aucun résultat trouvé

En regard de la dimension relationnelle (dr)

CHAPITRE 6 : RÉSULTATS

6.4. Le rôle de la culture dans la structuration de la relation entre le consommateur et son

6.4.3. Coutumes

6.4.3.2 En regard de la dimension relationnelle (dr)

« Je demande d’autres prix » (Informateur Barranquilla, strate haute)

6.4.3.2 En regard de la dimension relationnelle (dr)

Le constant échange social et culturel entre consommateurs et épiciers a donné un sens aux coutumes pratiquées par tous dans une dimension relationnelle (Grossetti, 1998).

On s’est habitué à voir comme faisant partie de la vie quotidienne le fait d’envoyer les enfants au magasin, de se référer au magasin le plus proche, de visiter le magasin de la rue, d’y aller avec toute la famille, d’y aller pour s’amuser, de s’y retrouver avec les voisins, de visiter le magasin qu’ont choisi les ancêtres familiaux, de visiter le magasin préféré, de voir le magasin comme une partie du quartier. Dans toutes ces rencontres

154

émergent clairement les liens sociaux et les tissus personnels autour de la proximité que tous professent envers les magasins.

dr.1) « Envoyer les enfants au magasin »

La coutume des parents d’envoyer leurs enfants faire la « commission » au magasin apparaît comme une partie de la tradition colombienne devenue une pratique quotidienne dans toutes les couches sociales. Les évidences sont claires :

« J’envoie l’enfant, je lui dis "mijo"… va et apporte une telle chose…

clairement l’épicer lui donne deux ou trois choses » (Informateur Manizales, strate basse)

« … je les envoie mais peu fréquemment » (Informateur Barranquilla, strate haute)

Pour aucun Colombien le magasin n’est un lieu étranger. Tous ont plutôt été éduqués sur ce qui signifie le magasin où, en général, se trouve le « voisin », l’épicier, la personne qui rend service. Cela est dû en partie au fait que l’obéissance se trouve enkysté comme valeur dans le processus de formation sociale, coïncidant pleinement avec les découvertes d’Acevedo (2005) :

« Parfois on envoie les garçons au magasin » (Informateur Barranquilla, strate moyenne)

« Quand je suis occupée, que je ne peux pas, j’envoie les fils… » (Informateur Valledupar, strate basse)

« J’envoie fréquemment mon fils aussi »… « Je vais avec ma femme et mon fils » (Informateur Cali, strate basse)

« J’envoie mes fils quand ce sont peu de choses que je dois acheter » (Informateur Medellín, strate moyenne)

« Depuis très jeune je vais au magasin faire les commissions »… « Oui, ils en envoient généralement toujours un »… « Oui, ma maman depuis très jeune m’a enseigné à aller au magasin » (Informateur Barranquilla, strate moyenne)

« … celui qui a cinq petites années je l’envoie pour qu’il s’habitue à être indépendant, à collaborer » (Informateur Cali, strate haute)

dr.2) « Faire référence au magasin le plus proche »

Une autre des coutumes qui contribuent à ce que les magasins continuent d’exister est le

« bouche-à-oreille » qui est répété avec insistance quand les magasins accomplissent leur tâche de manière efficace. Les consommateurs recommandent ces magasins qui satisfont leurs propres besoins, mais surtout quand ceux-ci se trouvent près de leur lieu de résidence :

155

« … plus que tout…on cherche là d’abord, mais s’il n’y en a pas… on va chez un autre magasin » (Informateur Cali, strate haute)

« … le préféré pour moi est celui-ci… pour les services qu’il me rend, on y trouve depuis une aiguille jusqu’à ce que je souhaite trouver, bon assortiment… c’est une espèce de mélange » (Informateur Cali, strate moyenne)

dr.3) « Visiter le magasin de la rue »

Comme le magasin a toujours été dans chaque quartier, dans chaque coin et sur chaque trottoir, la coutume de le visiter avec une certaine périodicité continue à exister chez les Colombiens. Cette fréquence est quotidienne, hebdomadaire, bimensuelle ou occasionnelle. Acevedo (2005) a découvert que, plus basse est la couche sociale à laquelle appartient le consommateur, plus fréquente est la visite.

« Dans chaque rue il y a au moins deux magasins » (Informateur Barranquilla, strate moyenne)

« Il y a plusieurs magasins… celui-ci est très près ("cerquita") » (Informateur Medellín, strate haute)

« Il y a toujours des magasins… dans chaque coin il y a un magasin… » (Informateur Valledupar, strate basse)

dr.4) « Aller toute la famille »

Après s’être converti en un point de rencontre sociale, une bonne partie de la famille visite le magasin sans craintes, avec sécurité, par plaisir, par divertissement, ou à la recherche des « petites commandes » ou pour acquérir « beaucoup de sucreries ». Ce divertissement et ce plaisir éprouvés par les consommateurs ont différentes manifestations. Tandis que pour certains une visite devient une occasion de converser avec quelques amis au rythme de quelques verres de liqueur, pour d’autres c’est un espace qui est visité simplement par goût, par plaisir.

« Quand j’ai du temps j’y vais directement parce que j’aime choisir personnellement les produits que j’achète. Pour le reste… y va quelqu’un du foyer » (Informateur Medellín, strate haute)

« … parfois je les envoie acheter, et ainsi » (Informateur Cali, starte basse)

« Presque tous nous achetons ici » (Informateur Valledupar, strate moyenne)

156

dr.5) Aller au magasin par divertissement (« alguiar », « mecatear », boire de la liqueur, bavarder, écouter de la musique, lire le journal)

Les expressions comme visiter le magasin pour le « mecato », ou s’approcher pour aller seulement à « alguiar » sont une manifestation de ces niveaux de construction de significations que la communauté a acceptées, promues et défendues :

« Pour les "algos" quand nous sommes avec mes compagnons, nous montons jusqu’au magasin ou simplement demandons à domicile » (Informateur Manizales, strate haute)

Depuis cette perspective, « mecatear » est associé à cet aliment qui, sans faire partie d’un régime équilibré rigoureux, apaise la faim ou la soif à tout moment du jour (Páramo et al, 2007b). Le magasin comme « mecateadero » est un point de rencontre entre amis et connaissances où on consomme pommes de terre, gâteaux, « cheetos » et limonades, entre autres.

Dérivé de la consommation de l’« algo » – quelque chose – rapporté aux repas qui sont faits ou en milieu de matinée ou en milieu d’après-midi, les personnes visitent le magasin pour « alguiar ». À la chaleur de la consommation de l’« algo » les consommateurs bavardent avec leurs congénères en renforçant leurs propres relations :

« Ils se saluent… si on arrive assoiffé on boit un petit jus ("juguito") ou une petite limonade ("gaseosita"), on dialogue avec l’épicier » (Informateur Valledupar, strate moyenne)

« … s’il y a dans la vitrine une certaine note, je la lis… rapidement, parce que si je connais quelqu’un, je converse » (Informateur Cali, strate haute)

« Je me mets à parler avec ceux qui achètent ici dans le magasin » (Informateur Valledupar, strate basse)

dr.6) « Se trouver avec des voisins »

La fonction sociale du magasin (Ramirez et Pachón, 2004) est largement ratifiée avec cette croyance généralisée. Transformé en une sorte de club social qu’on visite sans prêter attention à la façon de s’habiller ou à la condition sociale, beaucoup de consommateurs vont se trouver au magasin de quartier avec leurs amis, se réunir entre amis, partager avec leurs voisins, bavarder avec une grande camaraderie et beaucoup de proximité sociale et humaine.

Le magasin est un point de rencontre des consommateurs et des épiciers pour partager, rire, s’amuser et la « passer bien » :

« … je salue la propriétaire qui s’occupe parfois, ou sinon certain voisin très proche de la maison… nous partageons quelques mots ou nous revenons ensemble » (Informateur Cali, strate moyenne)

157

« … clairement, j’aime bavarder… on converse, on rit, on parle de temps en temps » (Informateur Cali, strate moyenne)

En profitant de la proximité que le consommateur a avec l’épicier, émergent les plaisanteries, des "chascarrillos", les blagues :

« ... je "mamo gallo" (suce coq) à l’épicier » (Informateur Valledupar, strate haute)

dr.7) « Aller au magasin qu’ont choisi les ancêtres »

Comme une partie de l’héritage social que reçoivent les consommateurs du magasin de quartier, on a consolidé la coutume de continuer à s’approvisionner dans le magasin où les pères, les grands-parents l’ont fait. Il s’agit simplement de répéter un patron de comportement dans lequel le consommateur se sent confortable, ils le connaissent et ils le reconnaissent comme membre d’une famille honorable à laquelle ont appartenu ses ascendants.

Cette tradition familiale se reflète d’une manière claire dans une fidélité qui s’est peu modifiée dans le temps :

« J’ai un magasin auquel je vais toujours. Seulement dans des cas exceptionnels j’achète dans un autre magasin »… « Ce magasin a été choisi par mes ancêtres » (Informateur Barranquilla, strate moyenne)

dr.8) « Le magasin comme une partie du quartier »

L’existence des magasins tout au long de l’histoire colombienne est tellement évidente qu’on pourrait difficilement concevoir un quartier ou une communauté sans la participation de ceux-ci dans leur expérience quotidienne. Les consommateurs se sont habitués à les voir de tous côtés, à se mettre en rapport avec eux, à échanger avec eux. Dans l’imaginaire collectif, il n’y a pas d’espace pour leur disparition. Ils font partie indissoluble du voisinage, de la communauté :

« … on est toujours habitué… on a toujours vécu à côté d’un petit magasin ("tiendita") »… « Il fait partie fondamentale des quartiers » (Informateur Barranquilla, strate basse)

dr.9) « Aller au magasin préféré »

Pour des raisons de proximité sociale et individuelle, les consommateurs ont pris l’habitude d’avoir un magasin chez qui ils préfèrent s’approvisionner. Dans quelques cas un magasin se transforme en préféré pour des questions d’affinité personnelle entre consommateur et épicier. Dans d’autres parce que le « fiao » (crédit) fait que croisse la confiance mutuelle. De toute façon, il est assez difficile qu’un consommateur change le magasin de ses préférences, si ce n’est qu’il arrive un évènement hors de son contrôle.

Cette préférence n’est pas toujours associée à la proximité physique :

158

« Oui… il y a un autre magasin plus près ("cerquita") que celui-ci, mais le préféré pour moi c’est celui-ci » (Informateur Cali, strate moyenne)

6.5. La production expérientielle dans le contexte du magasin traditionnel de la