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CHAPITRE 1 : CULTURE

1.5. Niveaux de la culture

Le débat mis en rapport étroitement avec ces éléments qui font partie intrinsèque d’une culture, a motivé d’intéressants travaux de recherche. Tous essayent d’expliquer et de comprendre son mécanisme d’opération fonctionnelle. L’un d’eux, développé par Schein (1985), a proposé la structure d’« iceberg », dans laquelle il est possible de trouver trois éléments centraux unis par des interrelations constantes entre eux: artefacts et conduite, valeurs et croyances, et le monde sous-jacent (Graphique 1). En ce sens, la culture, comme un système de significations socialement partagées qui dirigent et justifient la conduite humaine, approuve ou condamne des comportements – ce qui est le plus visible – qui à leur tour trouvent des explications « logiques » dans le plus profond, ou centrés dans des valeurs et des croyances, ou dans ce monde sous-jacent qui fournit peu d’explications rationnelles et que personne n’examine mais accepte comme vérités irréfutables (Schneider, 1993).

Figure 1

NIVEAUX DE LA CULTURE (Schein, 1985)

Sur la base de ce modèle, pionnier dans les recherches consacrées à l’étude de la culture, surtout celle des organisations, apparaît postérieurement Hatch (1993) et au travers de sa proposition basée sur une perspective symbolique – interprétative – il imprime un caractère plus significatif et des symboles sociaux au cadre théorique existant. Cette approche de la « dynamique culturelle » a permis que la culture fût considérée, étudiée et analysée dans une dimension beaucoup plus active dans son continu processus de création et de reproduction des postulats, ses éléments et des niveaux qui la caractérisent.

Bien que la perspective de Schein ait été développée pour comprendre toute culture organisationnelle, quelques chercheurs (Schneider, 1993 ; Globokar et Bogdan, 1990) l’ont utilisée dans la mesure où une culture sociale fonctionne de manière très semblable à l’intérieur de toute société. Ainsi, tout comportement humain – dans ce cas de consommation – a une explication qui se retrouve dans le plus profond de sa structure de valeurs et de croyances, ou dans son monde sous-jacent. C’est-à-dire, il n’y a pas

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d’activité humaine qui puisse être comprise sans recourir aux autres deux éléments qui constituent une culture donnée. L’achat d’un bien ou d’un service (comportement), par exemple une voiture (artefact), peut être expliqué ou par la croyance qu’avoir une voiture produit un statut et une reconnaissance sociale, ou par la supposition générale que si une personne travaille dans une importante entreprise, elle y a le droit et l’obligation de l’acquérir (Páramo, 2004).

L’interrelation entre ces trois différents niveaux permet de comprendre ce que signifie la culture dans son processus constant de reproduction entre les aspects sociaux et ce qui est individuel. Le secteur social, en déterminant ce qui doit être fait – ou qui doit le faire – et ce qui est individuel, choisit un comportement dans le dilemme entre continuer avec ce qui est existant ou de nouveaux choix. Ce conflit dans la décision teste la validité anthropologique de tout ce qui n’est pas visible (valeurs et croyances et le monde sous-jacent) parce que mis dans l’âme d’un groupe humain déterminé et nuancé par des paramètres collectifs de vie, contre tout ce qui se trouve dans la pointe supérieure de l’iceberg, dans ce qui est individuel, dans ce que chaque personne a comme option de conduite (Páramo et Ramirez, 2007).

Tout cela est exprimé au travers de la décision de chaque membre d’une culture quand, assumant un comportement de consommateur, il acquiert des artefacts – biens, services, ou tout ensemble – qui requièrent d’avoir eu une signification spécifique – symbole – culturellement acceptée dans ce qui est social et choisi individuellement, dans ce qui est personnel. De cette manière, la dynamique centrale de la culture peut être considérée comme une dialectique de vie. Les aspects sociaux marquent le comportement humain en exprimant l’option choisie par des membres de cette même culture. Cette relation entre les aspects sociaux de la culture cimentés dans la conscience collective d’un groupe humain et les possibilités individuelles d’assumer ou non un comportement individuel de consommation, en acquérant un produit qui a aussi une signification symbolique pour chaque personne, est la base fondamentale sur laquelle a commencé à être visualisé le marketing comme une expression culturelle, depuis ce qui est anthropologique et ce qui est sociologique, traduit dans ce qui est psychologique, dans ce qui est individuel, comme une option personnelle.

1.5.1. Artefacts et conduite

Maintenant, analysons les composants principaux de la perspective culturelle de Schein (1985). Étant dans la pointe de l’iceberg, les artefacts et la conduite concernent tous les aspects du comportement humain qui sont facilement observables, comme les rites, les cérémonies de la vie, les symboles et les mythes, ainsi que les choses qui hantent l’existence humaine et au travers desquelles l’homme comme être culturel atteint ses buts personnels. Les artefacts font référence spécifiquement à tous ces produits qui, étant des symboles d’une société déterminée, entourent l’être humain en transmettant un certain statut qu’ils confèrent à ceux qui les possèdent, en les différenciant face à ceux qui ne peuvent pas les acquérir ou ne souhaitent simplement pas les avoir. Ces artefacts reçoivent une certaine reconnaissance dans la mesure où chaque culture leur accorde un certain symbolisme partagé par les membres de ce même groupe humain. Cela signifie que l’existence des produits en dehors des patrons culturels dominants serait impossible.

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Dans le phénomène de la consommation, les artefacts sont mis en rapport de manière explicite avec l’importance et la pénétration sociale de celui qui a la possession des produits comme emblèmes de reconnaissance collective dans une culture. Par exemple, celui qui possède une automobile de haut de gamme (luxueux) sera mieux vu que celui qui par ses conditions économiques peut seulement acquérir un véhicule de bas de gamme.

La conduite (comportement) se réfère, concrètement, aux actions menées à bien par les membres d’une culture et que la société accepte ou rejette en accord avec des codes admis et pratiqués par ses membres. Si ces actions coïncident avec le règlement établi dans les différents domaines de chaque groupe humain, la culture les stimule et par conséquent les promeut largement et ouvertement. Mais si elles vont à l’encontre des prescriptions culturelles, elles sont vues comme facteurs perturbateurs de l’harmonie et de la coexistence, et elles sont condamnées par la collectivité comme irrévérencieuses et nuisibles pour l’ensemble de la société à laquelle on appartient ou on veut appartenir.

Depuis l’optique du phénomène de consommation, il existe des classes, formes et types de produits qui, pour avoir une plus grande visibilité sociale, donnent des significations symboliques et une plus grande reconnaissance à ceux qui les consomment, ce qui explique pourquoi ils sont disposés à payer des prix plus importants. Les produits de luxe et les produits de marques ayant un plus grand prestige en sont un exemple. Les consommateurs appartenant ou désireux d’appartenir aux couches les plus importantes de la société décident, dans le cadre des patrons culturels dominants, de faire leurs achats dans des centres commerciaux et des magasins exclusifs où les prix sont généralement plus hauts. Là, dans ce qui est appelé « cathédrales de la consommation » par la société américaine, on exprime de manière plus ouverte les différences de classe que les produits reflètent de manière claire et transparente. Le poids que ces points de rencontre entre les consommateurs potentiels et les soumissionnaires ont dans les efforts de marketing dévoilés en leur sein est tel que cette manifestation sociale délimite en même temps les frontières entre les unes et les autres personnes dans une même société, en soulignant de cette façon la consommation par des groupes humains différenciée par des questions économiques et sociales qui dans une culture est perçue et est acceptée comme « normale », quelque chose qui mérite d’être imité par l’ensemble de ses membres.

Comme on le voit, le comportement de consommation, comme option de vie, est une alternative que chaque individu choisit en fonction de ses propres possibilités et en accord avec la perception qu’il a de l’ensemble des récompenses et des punitions auxquelles on peut avoir accès. De la même manière, les produits qu’acquiert chaque personne sont marqués par le symbolisme et le message que chaque personne souhaite envoyer au groupe auquel il appartient ou veut appartenir.

1.5.2. Valeurs et croyances

Comme facteurs explicatifs tant de la conduite humaine que du processus d’acquisition de produits – biens, services, idées – émergent des croyances et des valeurs semi-culturelles dans la conscience collective de ses membres. Ces aspects, qui comportent des connotations éminemment sociales, ne sont pas apparents, puisqu’ils ont été enfouis

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très profondément, à travers le temps, dans l’âme d’un certain groupe humain, et pour la même raison on n’est pas conscient de son existence, de sa capacité d’influencer, de son caractère de régulateur de comportements et d’attitudes individuelles.

Étant occultes et « derrière les rideaux » de ce que chaque personne fait par rapport à la force qui promeut son comportement, les processus d’analyse et d’interprétation de ce que signifient ces valeurs et ces croyances dans chaque société sont beaucoup plus complexes et, en conséquence, requièrent des méthodologies d’étude qui soient capables d’aborder les êtres humains dans leurs scènes naturelles d’existence. Les croyances sont des affirmations « de fait » de la manière dont sont faites les choses, des affirmations verbales ou mentales du type « je crois ». Les valeurs sont considérées comme « le devoir être », des idéaux, croyances largement admises même si elles ne sont pas logiquement consistantes. Dans la structuration des valeurs et des croyances, le rôle que jouent des institutions sociales est remarquable, particulièrement la famille et la religion (le confucianisme en Chine, le shintoïsme au Japon, l’islamisme en Arabie, le judéo-christianisme en Europe occidentale et en Amérique) et l’État. Ce sont eux qui sont engagés à maintenir et perpétuer le « statu quo » que reproduisent et nourrissent ces façons particulières d’apprécier la vie et d’agir.

Bien que les valeurs soient aussi des croyances, celles-ci diffèrent de celles-là dans la mesure où elles accomplissent les critères suivants (Schiffman, 1997) : a) relativement peu en nombre, b) servent comme guide pour un comportement culturel adéquat, c) durables et difficiles à changer, d) ne sont pas unies aux objets ou à des situations spécifiques, e) très acceptées par les membres d’une société. Quelques-unes de ces valeurs sont influencées par des aspects sociaux (orientées par d’autres, orientées par l’environnement), et d’autres sont influencées par le degré d’appropriation et de respect que chaque individu a pour ce qui est prédominant dans une culture (orientées par lui-même) (Hawkins, 1994).

Ces valeurs qui par leur racine historique profonde ont été installées dans des sphères dominantes d’une société, ne sont pas plus que ces croyances qui avec le temps ont acquis la connotation de vérités absolues et irréfutables et qui pour cela même servent comme patrons de référence pour accepter ou rejeter des comportements, ou qui sont en accord parfait avec eux ou non, selon le cas.

1.5.3. Le monde sous-jacent

Placé dans le plus profond de la conscience collective d’un groupe humain, ce monde sous-jacent représente des suppositions qui sont prises comme vraies et qui par leur immatérialité sont difficiles – presque impossibles – tant à interroger qu’à justifier. Leur condition d’être impliquées dans le plus profond de la nature sociale et humaine transforme ces hypothèses dans quelque chose de presque mystérieux, immuable et éternel. Heureusement pour leur étude et leur compréhension, toutes se montrent plus clairement à travers des valeurs et des croyances dominantes.

Beaucoup d’entre elles sont étroitement associées avec ces aspects qui de l’une ou l’autre manière déterminent ce qui est principalement bon ou principalement mauvais dans le cadre d’un ensemble de normes établies. Pratiquement aucune d’entre elles ne

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donne des explications satisfaisantes depuis ce qui est rationnel et ce qui est « logique », parce qu’une bonne partie de celles-ci a été dans l’âme collective à travers le temps et leur existence paraît tellement normale que tout le monde les voit comme quelque chose d’intrinsèque à la condition humaine de leurs membres.

Comme il peut être vu, c’est dans le monde sous-jacent que les représentations mentales, les catégories et les patrons culturels sont ancrés. En étant associés avec des valeurs et des croyances, ils se transforment et dans une certaine mesure sont la

« raison » inexplicable la plus profonde du comportement humain, accepté, défendu et promu par toute la société. Sous cette perspective, Schein (1985) a fait valoir que bien que les deux premiers niveaux – conduite et artefacts, valeurs et croyances – reflètent la culture, seul le troisième est l’essence de la culture – monde sous-jacent – ce qui, bien qu’il soit très significatif pour comprendre la relation entre culture et consommation, impose un grand défi pour ceux qui souhaitent utiliser leurs arguments comme base pour développer leurs stratégies et leurs programmes de marketing.