• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 6 : RÉSULTATS

6.2. Typologie de consommateurs du magasin traditionnel colombien

6.2.3. Les « pragmatiques »

En voyant le magasin comme un fournisseur des produits d’une communauté, un ensemble de consommateurs se considèrent eux-mêmes comme pragmatiques (McGovern, 2006) dans leur relation avec le magasin. Ils cherchent toujours à prendre avantage des conditions commerciales (Chesnut, 2003) dans lesquelles sont faites les offres par les épiciers. Ils pensent plus par eux-mêmes et sont mobilisés par leurs propres intérêts. L’interaction qu’ils maintiennent avec le magasin est basée uniquement sur des liens qui les favorisent sur le plan commercial. Les liens sociaux qu’ils établissent non seulement avec les épiciers mais avec leurs congénères sont faibles, et par là même assez fragiles (Granovetter, 1973). Ils ne sont pas intéressés à créer et à maintenir des réseaux sociaux d’aide mutuelle entre les membres de la collectivité à laquelle ils appartiennent.

Les consommateurs pragmatiques détectés sont de 4 sortes : utilitaire, fonctionnel, rationnel, chasseur.

• Le consommateur utilitaire

L’ « utilitaire » est un consommateur qui cherche comme valeurs ajoutées : service immédiat, confort, amabilité, traitement personnalisé, convenance, économie, confiance, familiarité, reconnaissance, service, récréation, respect, affection, amitié, proximité, réciprocité. Il est un consommateur d’une grande complexité. La multiplicité de valeurs ajoutées qu’il cherche dans le cadre de beaucoup de considérations culturelles impose un défi pour qui prétend le satisfaire.

120

« Les amies arrivent avec les petits enfants… alors donc les confiseries dont on a besoin là… on l’a de celui qui veut » (Informateur Manizales, strate haute)

Dans sa vie quotidienne, il se concentre beaucoup sur être servi avec simplicité et rapidité, donc dans son insistance à contrôler le temps il devient exigeant et peu tolérant.

C’est un individu préoccupé par tout ce qui particulièrement le favorise, surtout quand il s’agit d’aspects commerciaux dont il peut tirer bénéfice. Puisqu’il cherche confort, convenance et bons prix, il sera toujours prêt à prendre avantage des petites concessions que les épiciers peuvent lui faire:

« Pourquoi je vais chercher un autre magasin si j’ai celui-là? » (Informateur Barranquilla, strate haute)

Sûrement, à travers le traitement personnalisé, la confiance et la familiarité qu’il établit, sa perspective a des ombres d’utilitariste qui doivent être considérées avec soin au moment de définir les stratégies et les programmes de marketing conçus à son intention :

« Il y a des choses qui manquent à un… de plus petits prix, alors il vient et est approvisionné » (Informateur Valledupar, strate basse)

Dans son rôle d’« intéressé », le consommateur utilisateur en est toujours à recourir à tout type de piège pour prendre avantage de la position privilégiée qu’il a dans la relation qu’il maintient avec son épicier. Comme il ne va ne jamais rien donner en échange de quelque chose qui ne le satisfait pas en un certain sens, il faut être soigneux dans les concessions qui peuvent lui être faites, surtout quand celles-ci proviennent de motivations particulières :

« Parfois certains de mes enfants sont dans la rue et ils souhaitent consommer un certain produit… ils vont et ils lui disent qu’il lui livre le produit » (Informateur Barranquilla, strate moyenne)

C’est un consommateur qu’il faut satisfaire jusque là où c’est économiquement possible, sans perdre de vue que, étant donné que son degré de fidélité est précaire, il abandonnera sûrement son magasin « préféré » quand il trouvera de meilleures options qui coïncident plus avec ses motivations particulières.

Consommateur fonctionnel

Le consommateur « fonctionnel », à la différence de l’« utilisateur », ne cherche ni de la confiance ni de la reconnaissance dans sa relation avec l’épicier, mais il voit le magasin comme un complément à ses demandes qui doivent être satisfaites avec rapidité et promptitude. Il cherche confort et caractère immédiat comme valeurs ajoutées dans le cadre culturel du contrôle du temps et de quelque chose de facile :

« … je me sens bien, confortable… un avec le magasin et l’épicier, me sens tranquille, il est près de tout » (Informateur Medellín, couche moyenne)

121

Par l’essence de ses comportements, ce consommateur tend à considérer le magasin comme un fournisseur de produits qu’il exige de manière complémentaire comme une partie de la chaîne de distribution de produits au détail, et peu ou rien comme un emplacement social où les voisins peuvent se réunir pour parler de la quotidienneté de leur vie :

« Je… le fais par proximité, sitôt que… on a fini quelque chose avant ce qui a été budgété » (Informateur Cali, strate haute)

Dans son rôle d’« afanado », ce consommateur fonctionnel n’attend pas d’être servi et chaque seconde qu’il passe dans l’intérieur du magasin lui paraît une éternité. Il n’établit jamais de conversation avec une personne qu’il ne connaît pas ; celles avec lesquelles il maintient certaine proximité, faiblement il échange une salutation. Il entre et sort du magasin le plus rapidement possible. « Il va à ce qu’il va » :

« Simplement je vais, j’achète et déjà je sors et si je suis accompagnée, je parlais un petit instant – momentico – mais y rester non » (Informateur Manizales, strate moyenne)

Parfois on le voit comme quelqu’un d’accéléré qui se déplace par l’intensité de ses propres angoisses, et par conséquent il exige d’être servi de manière immédiate, sans délai. Il exprime sa nervosité dans chacun des actes d’achat qu’il effectue dans le magasin, puisqu’il ne paraît jamais avoir du temps pour décider de manière tranquille et calme. En général, il a l’habitude d’« aller au grain » sans traiter de sujets autres que ceux de ses propres nécessités.

Consommateur rationnel

Le consommateur « rationnel » cherche l’immédiat, l’économie, la reconnaissance et le service comme valeurs ajoutées les plus significatives dans le cadre de considérations culturelles, associées à la convenance, au respect, à la fraîcheur et à la tradition. Son comportement est marqué par la recherche permanente de termes d’échange qui favorisent son budget, qui lui facilitent la vie, qui lui permettent d’être servi rapidement sans devoir faire de plus grands efforts et surtout, qui le traitent avec déférence en prenant en compte la confiance qu’ils doivent avoir en lui, non seulement comme personne mais comme consommateur :

« … quand me manque quelque chose je le fais pour éviter d’aller à l’Olimpica » (Informateur Barranquilla, strate haute)

Beaucoup de ces consommateurs sont du type « professionnel », en cherchant confort, immédiateté et amabilité. Tout cela encadré par le traitement personnalisé, service, contrôle du temps et respect comme considérations culturelles plus significatives :

« Moi… il paraît… l’expérience très bonne avant tout parce qu’ils me donnent du crédit, ils ont confiance. En plus… un peut être glissé » (Informateur Medellín, strate moyenne)

122

C’est un type de consommateur qui, pour avoir fait un certain parcours à travers la structure éducative du pays, a une conception plus « cognitive » du rôle qu’il joue comme dernier lien de la chaîne qui existe entre les agents de l’offre – fabricants, concurrents – et ceux de la demande – consommateurs, acheteurs et clients.

Consommateur chasseur

Le consommateur « chasseur » cherche uniquement l’économie comme valeur ajoutée que les magasins de quartier peuvent lui fournir. C’est le consommateur classique qui se maintient à la chasse d’occasions qui peuvent lui être offertes pour en tirer avantage. Sa fidélité est inexistante, et il est à l’« ombre du meilleur enchérisseur ». Là où il trouve de meilleures conditions de vie, toujours il pense prendre « la meilleure tranche ».

« … si je n’ai plus rien à acheter et je n’ai pas besoin de plus chez moi, à moins qu’il y ait une bonne promotion par là, toujours je garde davantage d’argent… j’achète la promotion » (Informateur Cali, strate basse)