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Profils d’habitants selon leur trajectoire habitante

promesses : quand l’habiter rassure, mais éloigne et expose

Chapitre 4. Un milieu et des habitants en quête d’identité : urbanité et ruralité entremêlées

4.2. Des urbains dans la campagne, des ruraux dans la ville : trajectoires résidentielles trajectoires résidentielles

4.2.4. Profils d’habitants selon leur trajectoire habitante

« C’est une chance de vivre à Lattes. » [Un habitant.] Dix profils d’habitants vont être présentés ci-dessous. Ils conservent (à peu près) la proportion entre anciens et nouveaux venus. Dans cette présentation, nous nous intéresserons aux informations en lien avec leurs trajectoires résidentielles165

165 Pour les caractéristiques sociologiques classiques se reporter au descriptif des enquêtés, annexe 2.

. Les habitants ont été sélectionnés en ce qu’ils sont considérés comme relativement « représentatifs » des différents profils rencontrés.

Monsieur Natura : un natif passionné par l’environnement naturel lattois

Monsieur Natura est issu d’une famille d’immigrés espagnols ayant fuit le régime totalitaire de Franco et venus travailler dans les fermes de la commune. Ses parents étaient agriculteurs. Il a découvert le marais en l’arpentant enfant avec son père, chasseur et pécheur, qui l’y a initié. Très attaché à Lattes, il défend une identité lattoise forte. Revenu au pays pour des raisons familiales après quelques années à l’étranger, il n’envisageait pas de pouvoir vivre ailleurs qu’ici.

Monsieur Lacustran : un natif de la région qui « vit le marais »

Monsieur Lacustran « habite le marais ». Il travaille sur les terres qu’avait achetées son père. Il a toujours travaillé ici mais n’y habite que depuis une dizaine d’année. Sa famille est originaire de la Camargue, il connaît très bien ce milieu de marais dans lequel il se sent bien. Habitué à vivre au rythme de l’eau, il critique les nouveaux venus qui s’établissent ici sans connaitre le fonctionnement naturel du milieu.

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Monsieur Bourbieron : un natif très attaché

Monsieur Bourbieron, retraité du secteur agricole est né à Lattes. Sa famille est établie ici depuis sept générations. Il habite une grande maison familiale sur les terres de ses aïeuls. Passionné par l’histoire de la ville, il est intarissable à son sujet. Il se remémore avec nostalgie ses souvenirs d’enfant lors d’inondations de la plaine. Il dit être très attaché à Lattes et pense cet attachement dépendant de la connaissance fine qu’il en a. Il regrette que les nouveaux habitants ne fassent pas l’effort d’apprendre à connaître davantage le milieu.

Monsieur Jisaiti : un nouveau-venu très intégré

Monsieur Jisaiti habite depuis peu une maison individuelle avec jardin. Il a choisi Lattes pour le compromis entre vie de village et vie urbaine qu’il permet. Précédemment, il était locataire d’un appartement en résidence à Montpellier. C’est en désirant devenir propriétaire qu’ils ont recherché avec sa femme un logement sur Lattes. L’ambiance plus conviviale qui s’en dégage les aurait convaincus par rapport à la tendance sécuritaire des résidences en ville. Le choix s’est également fait pour la proximité à la belle-famille et à la mer ainsi que pour la qualité des services proposés par la commune, notamment en ce qui concerne la scolarité et les activités des enfants.

Madame Partais : une nouvelle-venue « de la ville » qui ne s’est pas ancrée

Madame Partais a habite une maison avec jardin dans le quartier des Jardins de plaisance. Elle habite Lattes depuis sept ans. Mariées et mère de deux jeunes enfants, elle ne travaille plus depuis leur installation ici et s’implique dans la vie associative. Originaires de la région lyonnaise, elle est venue s’installer dans la région suite à la mutation de son mari dans le secteur. Tous deux amoureux de la nature et de grands espaces, ils étaient très attirés par la Camargue. Dans le même temps, ayant longtemps vécu en appartement en ville, ils aiment la vie urbaine. Elle raconte avoir eu le coup de cœur pour Lattes qui réunissait cette « modernité

et la proximité aux étangs et à la mer ». La tranquillité de vie qui semblait y régner les a

séduits. Mais depuis, ils sont revenus sur leur idée. Ils n’arrivent pas à se sentir bien ici. La proximité à la nature fait voir des inconvénients (humidité, moustiques). L’inscription croissante de la ville dans l’agglomération les fait présager que la vie va y devenir de plus en plus « urbaine » et ils souhaitent demeurer en retrait, plus à la campagne. Et surtout, ils trouvent les relations interpersonnelles trop distantes ici, ils ne se sont pas vraiment fait d’amis. Locataires, ils cherchaient à acheter. Ils ont recherché dans le coin mais en désirant quitter Lattes. Ils viennent de signer un compromis de vente pour une maison dans un village voisin, ils doivent déménager dans quelques mois et en sont ravis.

Madame Paroissi : une nouvelle venue retraitée qui apprécie la tranquillité et la localisation

Madame Paroissi habite à Lattes depuis cinq ans. Elle est venue s’installer ici pour sa retraite. Originaire de Normandie, c’est la localisation de ses enfants dans le Sud qui l’a motivée à

130 changer de région. Pour le même prix que sa grande maison en Normandie elle a pu s’en offrir une beaucoup plus petite ici. Son choix a été déterminé par la correspondance entre ses envies et la localisation de l’une de ses filles. Lattes lui permettait d’être proche de l’hôpital, de la mer, de la gare. Le calme que proposait le quartier a été déterminant dans le choix de cette maison. Elle se plaît beaucoup ici. Si elle regrette le peu d’animation de la ville, elle trouve que la vie s’y déroule paisiblement, et surtout, elle en apprécie le calme.

Madame Passontan : une nouvelle-venue originaire de la région qui ne s’y plaît pas

Madame Passontan est habitante depuis trois ans. Elle loue une maison avec jardin rive droite avec son conjoint et leurs deux enfants. Le choix de la maison s’est fait en fonction d’un rapport entre les prestations offertes (maison neuve, jardin) et le prix ; ils cherchaient autour de Montpellier. Ils aimeraient pouvoir acheter mais c’est bien trop cher pour eux « dans le

coin », ils cherchent dans un rayon plus large, mais « c’est difficile ». Elle n’aime pas du tout

la vie à Lattes; elle n’y a pas développé de relations amicales.

Monsieur et Madame Commubain : des « ancrés » qui apprécient le modèle périurbain

Monsieur et Madame Communbain habitent ici depuis vingt ans. Ils ont acheté un terrain sur lequel ils ont fait construire leur maison. À l’époque, ils recherchaient plutôt un appartement en ville mais avait finalement opté pour le calme que promettait un « pavillon en banlieue ». La question de la proximité au travail du mari avait participé de leur décision. Lattes proposait une proximité à la ville et à la nature qu’ils appréciaient et apprécient encore. Adeptes du vélo ils aiment par-dessus tout pouvoir accéder à la nature comme à la ville en pédalant. Ils se sentent bien dans leur maison et dans leur quartier, même s’ils regrettent que peu à peu les voisins changent. Ils ont développé des relations d’amitiés avec certains d’entre eux, notamment parce qu’ils ont construit en même temps, ainsi qu’à travers les activités associatives. Ils ont participé quelques temps à la vie politique locale avant de s’en retirer parce que cela ne leur convenait plus. Très impliqués il y a quelques années dans la vie scolaire et associative de leurs enfants, ils continuent d’être actifs dans des associations de la commune. Dans le cadre de cette activité, ils disent regretter la montée de l’individualisme et le désengagement de la vie publique qu’ils constatent. Ils ne se sentent pas vraiment en phase avec les nouveaux habitants qu’ils jugent trop « embourgeoisés ».

Madame Nianaud : une nouvelle-venue retraitée originaire de la région

Madame habite un appartement de Port Ariane dont elle est propriétaire depuis quatre ans. Originaire de Montpellier, elle a vécu pendant 25 ans en ville, à Lyon. À la retraite, elle désirait revenir dans la région pour être à proximité de sa maman. Elle n’avait pas spécialement choisi Lattes, sa recherche se faisait sur toute l’agglomération de Montpellier. Ce sont les prestations offertes par l’appartement qui l’ont convaincu. Elle trouve le quartier de Port Ariane très beau, même si elle regrette qu’il ne soit pas davantage animé. Elle se sent bien dans son logement mais ne se sent pas particulièrement intégrée à la vie lattoise. Elle n’y

131 a pas beaucoup développé de relations, excepté dans l’association culturelle dont elle fait partie. Elle dit avoir eu « du mal à se refaire ici ». Elle est assez critique du type de relations sociales de Lattes, qu’elle trouve très superficiel. Elle critique la « mentalité » du coin où les gens seraient peu enclins à tisser de nouveaux liens.

Madame Algebain : une nouvelle venue qui s’y plait

Madame Algebain habite le quartier des Jardins de plaisance depuis deux ans avec son mari et ses deux enfants. Ils ont acheté une maison avec jardin pour laquelle ils ont eu le coup de foudre. Originaires de Paris et après y avoir vécu en appartement quelques années, son mari a demandé sa mutation dans une plus petite ville : ils aspiraient à un mode de vie moins stressant, un cadre de vie plus tranquille au quotidien avec les enfants. Le choix de Montpellier est un pur hasard mais cela convenait bien car ils y avaient de la famille. Une proche qui vivait sur Lattes au moment de leur recherche de logement leur a dit : « Si vous

devez être à proximité de Montpellier, de l’aéroport, de la plage, l’idéal, c’est Lattes », ils ont

suivi son conseil et recherché ici, bien qu’en première idée ils désiraient plutôt habiter un petit village. Mais leurs recherches dans ce type de commune ne les a pas convaincu, la vie n’y était « pas pratique ». Ici tout est aménagé pour faciliter le quotidien, particulièrement avec des enfants. La vie lattoise les a séduits. Le quotidien y est très agréable avec les enfants. Ils se déplacent beaucoup à vélo, apprécient de vivre beaucoup dans le jardin grâce au climat et trouvent l’ambiance très paisible. Au début, elle s’y sentait tellement bien qu’elle avait le sentiment d’être en vacances tout le temps. La situation entre Montpellier et la mer est parfaite pour leurs activités professionnelles et de loisirs. De plus, contrairement à ce qu’elle pensait a priori pour cet espace résidentiel, elle a développé des relations autour des activités des enfants. S’ils ne connaissent pas tous leurs voisins, et n’ont même jamais vus certains d’entre eux, ils ont désormais un petit réseau de connaissances et d’amis à Lattes. Elle n’a pas trouvé d’inconvénient à habiter ici pour répondre à ma question.

L

es argumentations des lattois sur leur lieu de résidence mettent en évidence la grande liberté de choix qui l’a préfiguré. Les habitants ont eu le choix de s’installer et en ont tout autant pour repartir. Dans cette liberté, le choix ne s’est pas forcément arrêté sur un lieu mais plus souvent sur les prestations offertes par le bien ou son environnement direct. La justification du choix peut se faire tout autant par une rhétorique de la ville que par une rhétorique de la campagne, confortant le caractère hybride du milieu que l’observation de sa matérialité traduisait.

La « ville desserrée » qualifie les territoires en formation de nos sociétés contemporaines où la mobilité caractérise la vie urbaine. Dans cette idée de la « ville desserrée », Samuel Bordreuil (Bordreuil, 2000) interrogeait le lien social qui correspond à ces nouvelles formes d’urbanité. Si cette mobilité, qui exalte la figure du citadin comme « être de locomotion »

132 (Joseph, 2000), a toujours été partie prenante du mode de vie urbain, sa transformation dans les « bassins de trafics » aurait des effets sociaux importants. Dans cet espace urbain moins dense, le déphasage entre résidence et territoire qui s'y développe produit « une ville archipel, (…) un espace clivé dans lequel émergent des îlots résidentiels, des enclaves, fondés sur la

sérialité et sans d'échanges au milieu » (p. 177). Pour Samuel Bordreuil, dès lors, ni le prisme

du territoire, qui relie la construction identitaire aux modes d'appropriation territoriale, ni le « prisme des côtoiements », centré sur l'analyse de la diversité des situations d'engagement dans les espaces publics ne parviennent à rendre compte des effets sociaux de ce desserrement de la mobilité : « Les graphes de mobilité sont [...] moins centralisateurs que par le passé.

Ainsi non pas la mobilité, ni le desserrement, mais la mobilité desserrée peut ouvrir la possibilité d’un tri socio-spatial des mobilités. Pour aller du faubourg au village, au "centre central" via les centres secondaires, [...] il n’y avait pas plusieurs chemins. Ce "grand collecteur" des mobilités que tous devaient emprunter structure moins que par le passé les cheminements. Il y a place pour une "ventilation" sociale des trajets. Les bassins de trafic feraient se chevaucher des courses qui ne se croiseraient plus guère, dérobant les mobiles à leur exposition mutuelle. À l’horizon pointe la figure d’une nouvelle hyperclasse, dont la vitesse serait le seul territoire [...]. La circulation, autant que la sédentarité, fabriquerait du territoire. » (p. 179) Le partage d'un même lieu de résidence ne joue plus un rôle aussi

important qu'autrefois dans la construction des identités et les rencontres se font de plus en plus rares et incertaines et « coproduire l'espace commun comme hospitalier exige alors plus

de la part des acteurs » (p. 179). La quête d’identité tant sociale que territoriale qui se donne

à voir à Lattes tend à amener de l’eau au moulin de cette analyse ainsi que nous allons le voir dans la continuité de ce chapitre.

4.3. Des liens au milieu différenciés par le temps qui prédisposent les

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