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Des choix résidentiels aux motivations contrastées, des vécus du milieu différenciés

promesses : quand l’habiter rassure, mais éloigne et expose

Chapitre 4. Un milieu et des habitants en quête d’identité : urbanité et ruralité entremêlées

4.2. Des urbains dans la campagne, des ruraux dans la ville : trajectoires résidentielles trajectoires résidentielles

4.2.3. Des choix résidentiels aux motivations contrastées, des vécus du milieu différenciés

« Lattes, c’est la ville. »

[Un habitant.] « On est bien ici, comme à la campagne. »

[Une habitante.]

Pour certains habitants le choix de vie à Lattes a été motivé par un environnement qu’ils qualifient eux d’urbain. Ainsi, par exemple, alors que je discutais des motivations à avoir emménagé ici avec un papa qui, comme moi, accompagnait son enfant au karaté, il me répondit qu’ils voulaient quitter la campagne et qu’ici, et bien « c'est la ville ».

126 Pour d’autres, plus nombreux, c’est à l’inverse la tendance « campagne » de Lattes qui motiva leur installation. La proximité à la nature fut l’une des raisons motivant le choix du lieu de résidence que l’on me cita le plus régulièrement. Pour beaucoup, la proximité de la nature, en opposition à l’agitation de la ville, est associée à la tranquillité de vie, ainsi que le met en mots une habitante ci-dessous.

« Un choix aussi au niveau de la qualité de vie. Ça correspondait aussi à... un moment où on avait envie d'avoir des enfants, […] Avec des enfants, non on s'y voyait pas [en ville], on avait envie de quelque chose... où on puisse sortir… Enfin proche de la nature en fait. »

[Madame Partais, habitante depuis 7 ans sur le départ.]

Des rapports à la nature s'expriment à travers le regain d'intérêt pour ce qui fait « campagne », mais aussi à travers la quête d'un accès à la nature, notamment en ville163

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Sur cette question de la nature en ville, voir notamment la thèse de Hucy Wandrille, dirigée par Nicoles Mathieu et Yves Guermond, « La nature dans la ville et les modes d’habiter urbain. Expérimentation sur l’agglomération rouennaise » soutenue à l’université de Rouen en 2002.

(Frileux, 2012; Paris, 2012). Cet environnement de nature est souvent mobilisé pour justifier d’aimer vivre là. Lorsque les raisons de l'installation ou les avantages de la vie à Lattes sont évoqués, c'est en effet d'abord bien cette « la proximité à la nature » (ou encore plus spécifiquement la proximité des étangs, ou la proximité de la mer) qui apparaît, souvent par la « recherche de la

tranquillité », « du calme », les trois étant très souvent associés. J’observais régulièrement des

scènes traduisant les caractéristiques d’un milieu dit « rural » (Mathieu, 1990). Ainsi, une après-midi d’automne 2009 où, travaillant à la maison, des bruits de sabots m’avait fait relever la tête pour apercevoir par ma fenêtre trois chevaux camarguais en plein galop dans ma rue, qui avaient dû s’enfuir de l’une des parcelles de pâturage en lisière du quartier. Un matin de printemps 2010, alors que je me rendais à mon bureau en voiture empruntant la route qui longe le quartier de Port Ariane, j’aperçus deux jeunes en train de pêcher dans l’un des petits canaux serpentant entre les maisons individuelles. Nombreuses de mes observations permettent d’enrichir ce tableau de « vie à la campagne ».

D’autres associent plus facilement Lattes à un quartier périurbain de Montpellier et disent apprécier la vie à Lattes justement pour cet entre-deux entre ville et campagne. Cette forme d’hybridité entre rural et urbain peut ainsi se retrouver de manière heureuse dans les dires d’un individu, comme l’illustre les extraits de l’entretien cité ci-dessous. Cet habitant alterne plusieurs fois dans la discussion entre les deux qualificatifs de ville et de village, tout en étant partagé sur les avantages et les inconvénients attachés de manière stéréotypique à ces deux modes de vie. Au final il semble que ce soit justement cette forme hybride qui lui convienne où le risque de la vie de village qu’il voit dans un étouffement des relations sociales est justement évité ici où la communauté, élargie, permet une diversité relationnelles.

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« Et donc, maintenant que vous êtes installés ici, quels sont les avantages que vous voyez à la vie à Lattes ?

La vie de village, tout ça, nous on aime bien. [ …] A Lattes, tu connais les gens. Tu sais qui fréquentent tes enfants, si tu as des affinités… ben, tu créé de nouveaux liens. C’est bien. Enfin, moi cela fait parti des points positifs. Après… moi je ne sais pas si on peut vraiment dire que Lattes c’est un village. Parce que bon… il y a 18 000 habitants, à peu près… Et bon… ça se construit encore. [ …] À plus long terme, quand on y sera depuis plus longtemps peut-être que le côté village sera aussi un inconvénient […] pour l’instant cela ne pose pas de problème parce que tu as du flux, il y a des gens qui viennent, qui vont, en termes de flux démographique. »

[Monsieur Jisaiti, habitant depuis 1 an]

Le périurbain, la ville ou la campagne ne signifient pas la même chose pour tout le monde. Là où le milieu lattois pourrait procurer un sentiment de tranquillité de vie de village pour les personnes qui précédemment vivaient en milieu urbain et se sont installés à Lattes en faisant le choix de l’éloignement de la ville vers « la campagne »; il pourrait a contrario procurer un certain malaise chez les personnes ayant jusque là habité en milieu plus rural et ne trouvant finalement pas à Lattes véritablement les caractéristiques « rurales » qu’ils pensaient y avoir retrouvé, plus à proximité de la ville. Les personnes installées de longues dates quant à elles, regrettent un développement vers davantage de caractéristique de l’urbain, qui ne correspond pas à ce qu’elles avaient choisi comme milieu de vie lors de leur installation il y a trente ou quarante ans, ou s’éloignant de leurs souvenirs d’enfant pour ceux y ayant grandit. Cette question rejoint alors le sujet de la transition du rural vers l’urbain de ce milieu, avec le rapport entre les anciens, de tradition rurale et les nouveaux, de tradition plus urbaine. Quand les premiers vivent ce milieu pour ce qu’il est, les seconds reproduisent un mode d’habiter plus urbain ici. Sencébé et Hilal (2002) ont ainsi noté une différence du vécu du périurbain entre « les périurbains habitant la campagne à l’abri de la ville pour lesquels les lieux font

liens et ceux qui habitent la campagne proche de la ville pour lesquels les liens font lieux »

(2002, cité par Berger, 2012). Morel-Brochet (2007) a montré que les espaces périurbains sont plus fréquemment associés à la campagne par opposition à la ville. Pour Althabe164

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« La résidence comme enjeu », dans Althabe G., Marcadet C., de la Pradelle M., Sélim M (dir.), Urbanisation et enjeux quotidien, Paris, l’Harmattan, 1993, p.13-69 ; cité par Langumier (Langumier, 2012: p.149).

(1993 : p.50) l’habitat périurbain est conçu comme un espace de loisirs en rupture avec l’espace urbain dominé par le travail. La dominance du registre « ludique » que nous observons sur le terrain – et que nous détaillerons plus loin – pousse à inscrire Lattes dans cette lecture. Au-delà des nombreuses positions théoriques pour qualifier le mode de vie dit « périurbain » ici ce qui retient l’attention c’est la difficulté à qualifier le milieu de vie en première couronne d’une grande ville. Cette difficile qualification fait état de sa malléabilité, son changement de formes récents et encore en cours. Milieu à la tranquillité villageoise pour certains, où l’on connaît ses voisins et où la campagne est omniprésente, il est vu comme résolument urbain par d’autre, où connaître ses voisins devient de plus en plus difficile et où les aménagements

128 de la ville prennent le pas sur la végétation. Une des hypothèses explicatives de ces qualifications changeantes du milieu pourrait résider dans la diversité des trajectoires habitantes. Les points de vue varieraient en fonction de la durée de vie ici. Ainsi que l’a démontré (Morel-Brochet, 2007) dans une étude comparative sur les modes d’habiter périurbain, à la ville ou à la campagne, l’histoire habitante des individus, leur « sensibilité

géographique singulière » (Morel-Brochet, 2012: p.70) c’est-à-dire les éléments de l’histoire

personnelle qui forment le rapport à l’habiter, influencent fortement les représentations et comportements en matière d’habitat. S’intéresser aux trajectoires habitantes, questionnant l’identité locale et leurs liens au milieu va ainsi nous permettre maintenant de qualifier plus précisément les profils habitants lattois.

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