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DEUXIEME PARTIE

N. B : (7) correspond aux sept jours de la semaine grégorienne J (1) date de la tenue du marché dans le cycle

II.1 Produits vivriers

Les produits vivriers sont des produits de complémentarité et de solidarité qui répondent aux problèmes de tensions alimentaires qui pourraient surgir entre pays frontières. Les échanges de ces produits se font entre les espaces qui diffèrent par la production agricole et qui suscitent des complémentarités exploitées par les circuits marchands. Ces produits vivriers alimentent des échanges dits capillaires entre des villages situés de part et d’autre des frontières dès que des tensions alimentaires apparaissent. Les prix ont été relevés sur un échantillon de treize produits et sur des marchés urbains départementaux, des villes secondaires et sur les marchés ruraux frontaliers (Graphique 6, p.130).

130

Graphique 6 : Prix des produits vivriers sur les types de marchés 0 100 200 300 400 500 600 700 800 Tin g re la S ika ss o K o rhog o So k o Sa m p a B ond ouk o u O d ienn é So k o ro

Les différents marchés

P ri x en f ra n c cf a et p a r k il o g ram m e

Pomme de terre Gingembre Beurre de Karité

Source : Office d’aide à la commercialisation des produits vivriers, mai 2002

Le graphique présente les prix de trois produits sur différents marchés, la pomme de terre, le beurre de karité, et le gingembre, pris sur un échantillon de treize produits couramment consommés. Ce choix a été fait pour montrer les écarts de prix sur les types de marchés et les zones de leurs productions : marchés de proximité (Soko, Sokoro et Sampa), marchés secondaires (Tingréla) et marchés départementaux à caractères régionaux (Sikasso, Korhogo, Bondoukou et Odiené). Les prix diffèrent d’un type de marché à l’autre, d’un marché frontalier rural à un marché de ville secondaire et à un marché départemental à vocation régionale. Généralement, les prix sont plus élevés sur les marchés départementaux. (Korhogo, Bondoukou et Odiénné), les marchés frontaliers ruraux (Soko, Sokoro, Sampa) et des villes secondaires (Tingréla). L’exemple du beurre de karité, du gingembre et de la pomme de terre rend compte de la différence de prix entre les marchés : le prix du beurre de karité est de 704 francs CFA à Bondoukou, 480 francs à Tingréla et 175 francs Cfa à Sokoro.

Ce différentiel prix sur les aires marchandes trouve son explication dans l’importance des lieux de commercialisation. Les prix sont élevés sur les marchés des agglomérations de grande importance démographique et administrative. L’effet distance et les contraintes liées à l’accessibilité des espaces marchands restent également les facteurs qui contribuent à accroître les écarts de prix dans les différentes localités. Les agglomérations rurales frontalières sont

131 généralement moins accessibles. Plus le commerçant parcourt une distance importante pour se ravitailler, plus le prix du produit est élevé sur le marché final. En outre les prix sont moins élevés dans les zones de production. Le prix de la pomme de terre dont l’aire de production se situe autour de Sikasso est de 430 francs Cfa à Sikasso et de 641 francs Cfa à Korhogo.

Une autre explication sur le différentiel prix réside dans la différence de réglementation tarifaire douanière, fiscale, monétaire. Il faut ajouter les obstacles liés aux problèmes de règlement des transactions, à la multiplication des faux frais de route à payer à chaque barrage routier. Un autre fait important à relever est que même s’il n’existe pas de droit de douane sur les produits locaux dans l’espace UEMOA, l’agent de douane en poste décide au cas par cas. Il peut laisser le produit entrer sur le territoire librement ou le taxer. C’est lui qui fait que les prix des produits locaux sont plus élevés sur le marché ivoirien que sur celui du Mali et du Ghana, notamment à Korhogo, Odiénné et Bondoukou, à Sampa au Ghana et à Sikasso au Mali.

La période à laquelle nous avons effectué nos relevés est également un facteur important qui mérite d’être souligné. Cette période va de mars 2002 à juillet 2002, début des récoltes de l’igname, pomme de terre, manioc, maïs, banane plantain, tomate et gingembre. Les prix constatés sur les marchés sont les prix du début de la commercialisation de ces produits. En revanche, en période de pleine campagne de distribution, les prix chutent de 30 à 50% depuis les zones de production jusqu’aux marchés finaux.

Il est important de savoir que lorsque les marchés se tiennent le même jour dans un espace donné, les prix des produits ne sont pas les mêmes sur les différentes aires de commerce des localités. Il faut attendre deux, voire quatre heures, selon la localisation du marché, pour que les prix s’uniformisent.

Tel a été notre étonnement de voir l’exemple des marchés autour de Ouangolodougou. A l’ouverture des marchés de Zégoua, de Niangoloko et de Ouangolodougou à 10 heures le samedi 22 mars 2002, les prix des produits locaux de consommation courante étaient différents. Le prix de la pomme de terre était de 550 francs Cfa par kilogramme à Ouangolodougou, mais il était de 250 à Zégoua et à 300 à Pogo. Cette différence à travers les marchés frontaliers autour de Ouangolodougou est liée à l’obstacle des barrages routiers et à l’état des voies de communications. Le temps mis pour franchir ces obstacles retarde la diffusion rapide des prix sur les marchés. Ces obstacles entraînent également des difficultés d’approvisionnement des différents marchés par les commerçants qui finissent par céder au découragement et à abandonner leurs marchandises aux différents postes de contrôle, ce qui ne favorise pas la diffusion rapide de l’information « prix » sur les différents marchés aux

132 même heures. Les commerçants venant de Ouangolodougou sont obligés d’affronter les forces de contrôle et sécurité aux différents barrages routiers, de braver l’état des voies de communication pour accéder aux autres marchés qui se tiennent le même jour.

Les commerçants qui n’arrivent pas à franchir les postes de contrôles ont élaboré des stratégies en créant des marchés aux différents postes de contrôles et tout le long des axes routiers où se trouve un barrage des forces de sécurité et de l’ordre. Ainsi, de nouveaux espaces de pratiques de commerce naissent le long des axes routiers : « marchés-barrages » qui ont comme clientèle les passagers et comme acteurs les petits vendeurs à la sauvette appelés « les banabanas ». Ils proposent leurs articles aux passagers des véhicules. Les articles proposés sont généralement des œufs cuits, du pain, des fruits et légumes, quelques tissus et produits artisanaux, des boissons gazeuses, des cigarettes, des produits laitiers, de la banane plantain et douce, des tubercules (manioc, igname, la patate) et des céréales (riz, mil et maïs sorgho) et surtout des produits manufacturés prohibés. Les prix de ces produits peuvent varier du simple au double selon la capacité du client à marchander. Ces articles sont vendus soit en tas, soit à l’unité selon le désir du client. Ces marchés sont également les lieux de toutes sortes de pratiques, comme la prostitution, trafics en tout genre, alcoolisme et corruption.

Avec la crise ivoirienne qui a engendré la partition du pays entre le Nord et le Sud, les prix des produits locaux agricoles ont flambé non seulement dans les zones sous occupation rebelle mais également sur les marchés des principaux états limitrophes. Ainsi, en février 2003, le prix de la banane plantain dont la zone de production est en zone forestière est passé de 4 200 francs Cfa le sac à 16 000 Cfa au marché de Sikasso.

Les prix des produits locaux agricoles diffèrent d’un espace marchand à un autre à cause de plusieurs facteurs qui concernent la localisation des marchés, l’état des axes routiers, la réglementation tarifaire et douanière et les barrages routiers qui sont des obstacles à la libre circulation des informations en matière de prix à travers les espaces transfrontaliers.