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Données démographiques des localités

PREMIERE PARTIE

II. LES MARQUES DE L’HISTOIRE

II. 4. Données démographiques des localités

Les résultats des différents recensements effectués dans les pays, permettent de présenter quelques traits démographiques des localités (Figure 5, p. 63).

Les régions de Bondoukou, Odienné, Korhogo couvrent respectivement 38 300 km², 20 600 km² et 40 323 km², soit 11,8%, 6% et 12,5 % du territoire national ivoirien. Celle de Sikasso a une superficie de 100.000 km². Bobo-Dioulasso et sa région hébergent, au dernier recensement de 1996 effectué au Burkina Faso, une population de 1.851.000 habitants qui représente 18% de la population totale du pays. Elle réunit à elle seule 36,3% des habitants de l’Ouest du Burkina et la ville a dans son périmètre 16,7% de la population de toute la région ouest.

63 Les populations des différentes régions ivoiriennes précitées sont estimées au dernier recensement de 1998 à 219.431 habitants pour Odienné soit 1,4% de la population totale du pays, 514.014 habitants pour Bondoukou soit 4,8% de la population de la Côte d’Ivoire et 949 798 habitants pour la région de Korhogo soit 4,8% de la population nationale.

En revanche, Sikasso représente 1,14% de la population malienne soit 1 538 000 habitants. La région de Bobo-Dioulasso présente une densité de 58,1 hab/km² pour une moyenne nationale de 37,5 hab/km². On note une inégale répartition de la population de ces régions sur l’ensemble des marges territoriales.

Les régions de Sikasso, Bobo-Dioulasso, Bondoukou et Korhogo constituent les zones les plus peuplées. La région d’Odienné s’affiche comme la moins peuplée. Les différentes

64 populations régionales sont disséminées dans de petits villages et leur évolution au cours des dernières décennies laisse apparaître d’une part la persistance d’une faible densité du monde rural, signe d’une émigration qui contribue à aligner le croît démographique régional sur la faible progression des richesses agricoles locales.

Les densités moyennes sont de 88 habitants au km² pour les régions de Sikasso ; de 18,3 hab/km² pour Bondoukou ; 10,65 habitants pour Odienné et 23,55 habitants pour la région de Korhogo. Ces différentes moyennes sont peu significatives car la population se trouve inégalement répartie sur l’ensemble territorial.

II.4.1 Dispersion spatiale de la population

Pour une meilleure appréciation des données démographiques de l’espace d’étude, nous allons analyser les données région par région. Nous procéderons d’abord à l’analyse de la population du Zanzan (Bondoukou), de Sikasso, de celles de Dinguélé (Odienné), de Bobo- Dioulasso et de la population de la région des savanes (Korhogo).

Dans son ensemble, la région de Bondoukou présente trois paysages démographiques contrastés.

Les zones relativement denses ne s’observent qu’au sud, dans les sous-préfectures du département de Tanda où les densités atteignent 30 hab/km².

Les zones moyennement peuplées sont « la nébuleuse » autour de Doropo et la partie sud de Nassian. Enfin, hors de ces aires citées, s’impose « le no man’s land » régional dont les densités sont partout inférieures à 8 habitants au km². Ces zones concernent les vallées de la Volta Noire et de la Comoé qui sont aujourd’hui une zone de colonisation agricole et pastorale. Le parc National de la Comoé renforce aussi localement la faiblesse du peuplement car il couvre près de 31% de l’espace.

Mais aujourd’hui, avec le bitumage de l’axe Bondoukou-Bouna, ce no man’s land semble presque disparu. De gros bourgs comme Flakiedougou, Tiéfrodougou y ont fait leur apparition. De plus, la colonisation agricole y est devenue forte.

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Graphique 1: Re partition de la population de la ré gion de Bondoukou 13% 8% 3% 7% 6% 3% 5% 14% 4% 5% 5% 11% 4% 5% 7%

Bondoukou Sapli Gouméré Sandégué Sorobango T abagne T aoudi Bouna Doropo T éhini Nassian T anda Assuefry Koun-Fao T ransua

Source : RGPH 1998

La répartition de la population par sous-préfectures indique que celles de Bondoukou, de Bouna et de Tanda sont les plus densément peuplées. Elles regroupent près du tiers des résidents de la région. Ce résultat tient à la progression démographique notée dans les communes. A l’opposé, les autres sous-préfectures qui ne sont que de gros bourgs enregistrent les plus faibles effectifs.

La région du Nord-Est et par delà celle du Zanzan compte trois villes : Bondoukou, Bouna et Tanda. Le taux d’urbanisation atteignait à peine 11% au dernier recensement de 1998. Cette région reste largement rurale avec plus de 70% et le département de Bondoukou détient la plus forte proportion de ruraux (77%), suivi de Bouna (73%) et de Tanda (64%).

Tableau 3 : Population du Zanzan selon le milieu de résidence Milieu de résidence

Départements

Urbain Rural Ensemble

% d’urbains Total 187 877 471 197 659 074 28,5% Bondoukou 57 920 192 213 250 133 23% Bouna 47 303 129 854 177 157 27% Tanda 82 654 149 130 231 784 36% Source : RGPH 1998

La région de Bondoukou (Zanzan) compte 187 877 citadins, dont 82 654 (44%) se répartissent dans les cinq communes du département de Tanda, 57 920 (31%) vivent dans les

66 deux communes du département de Bondoukou, 47 303 (25%) sur les quatre communes de Bouna. Bondoukou, principale ville de la région, concentre la quasi-totalité des urbains soit 57 920 habitants. Sur dix ans (1988 à 1998), Bondoukou s’est accrue de 10 000 habitants. Cette situation s’explique par la forte polarisation des activités administratives et de la production non agricole de la région sur la seule ville.

La forte proportion de citadins (Tableau 3, p.65), dans le département de Tanda est en réalité ventilée dans cinq communes, la plus importante étant Tanda avec 24 000 habitants.

La croissance urbaine de Tanda s’opère au rythme modéré de 3,5% l’an. La ville de Bouna quant à elle regroupe 20 000 habitants. Son taux annuel de croissance est de 3,3%. Ces différentes villes de la région constituent des marchés potentiels de consommateurs au regard du nombre d’habitants qu’elles abritent.

II.4.1.1 La région du Dinguélé (Odienné)

A ce jour, cette région frontalière de la Guinée et du Mali compte 13 sous-préfectures dont 6 font frontière avec les deux Etats. Les populations varient de 66 345 habitants (Odienné) à 23 368 habitants (Gbeléban). Le taux annuel d’accroissement démographique de l’ensemble de la région avoisine les 2,5%. Cette moyenne cache de fortes disparités.

Trois sous-préfectures connaissent des taux supérieurs à 3%, Goulia à la frontière malienne (3,7%), Odienné (3,4%) ville de transit des biens et des personnes soit en partance soit en provenance de la Guinée et du Mali et capitale régionale qui abrite des infrastructures administratives et commerciales de l’ensemble de la région. Bako enregistre 2,4 %. Les autres villes ont une croissance annuelle négative ou quasi-nulle, comme par exemple Seydougou (-3%), Minignan (-0,5%) situées respectivement à la fois aux frontières guinéenne et malienne. Ces deux dernières localités ne sont en réalité que des villes de transit sans équipement pour retenir leur population.

Tableau 4 : Evolution de la population par sous-préfecture 1988-1998

Sous-préfectures Population en 1988 Population en 1998 Taux annuel %

Bako 17 676 21 949 2 Seydougou 5 302 3 808 -3 Gbeléban - 2 368 - Minignan 15 769 15 011 -0,5 Tienko 10 193 12 686 2,1 Goulia 18 653 27 446 3,7 Odienné 28 266 42 693 3,9 Sources : RGPH 1988, RGPH 1998

67 Il apparaît un déséquilibre démographique entre les sous- préfectures du Dinguelé. Le poids d’Odienné est manifeste, avec 30% de la population régionale.

Tableau 5 : Population urbaine et rurale du département d’Odienné

Localités Population 1988 Population 1998 Taux annuel %

Commune d’Odienné 28 266 42 693 4, %

Sous-préfecture Odienné 46 712 64 697 3,3%

Monde Rural 140 988 176 734 2,3%

Ensemble du département 169 764 219 431 2,5%

Sources : RGPH 1988, RGPH 1998

Le faible niveau global d’urbanisation de la région est manifeste. Les chefs lieux de sous-préfectures disposant des attributs de villes sont peu nombreux. On note que sur les 6 villes frontalières, en dehors d’Odienné considérée comme une ville, aucune autre localité du département ne remplit les critères d’un centre urbain. Ces critères sont le poids démographique, la prédominance des activités secondaires et tertiaires et les équipements socio-collectifs et administratifs. Le taux d’urbanisation dans le département se résumait en 1988 au poids démographique d’Odienné, soit 16,7%. Il est passé à 19,4 % en 1998. A cette date, seule la localité de Minignan a acquis le statut de centre « semi-urbain » réservé aux chefs lieux de sous-préfecture ayant une taille comprise entre 4 000 et 10 000 habitants et dont 25% à 50% des chefs de ménage exercent une activité non agricole.

II.4.1.2 La région des savanes (Korhogo)

Cette région ivoirienne dont Korhogo est le chef-lieu fait frontière avec le Burkina Faso et le Mali au Nord. Elle compte 24 sous-préfectures, dont 8 frontalières du Mali et du Burkina Faso. La population de ce vaste ensemble régional s’élève actuellement à 923 018 habitants, soit 23,56 habitants au km². Son taux de croissance annuel (4,8 %) est supérieur à la moyenne nationale (3,8 %). La zone la plus densément peuplée est celle de Korhogo avec les sous-préfectures Korhogo (46 hbts/km²), Karakoro (62 hbts/ km²). Certaines sous-préfectures sont pratiquement désertes. Dans le département de Ferkessédougou, les sous-préfectures Kong et Koumbala ont moins de 14 habitants au km2 et dans le département de Boundiali celle de Kasséré 16 habitants au km2. Les populations des localités frontalières représentent 549 583 habitants, soit 55,29% de la population totale de la région.

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Graphique 2: Re partition de la population de s localité s frontaliè res de la ré gion de s savane s

39% 6% 15% 7% 10% 2% 8% 2% 11%

Korhogo Diawala Ferkéssedougou Niélé Ouangolodougou Guiembé Kong Kanakono Tengréla

Source : RGPH 1998

On note un déséquilibre entre les sous-préfectures. Le poids de la ville de Korhogo est prédominant, cette localité rassemble à elle seule 39% de la population globale des localités frontalières de son hinterland. Korhogo est suivie de Ferkessédougou (15%), Tengréla (11%) et Ouangolodougou (10%).

Ce déséquilibre démographique s’explique par le fait que Korhogo est la métropole du nord. C’est elle qui polarise cette région. Pour ce faire, la majeure partie des équipements de base, économiques et administratifs sont localisés à Korhogo. Les autres localités ne servent que de relais. Les sous-préfectures sont de petite taille à l’image de celles de la savane ivoirienne. Six d’entre elles comptabilisent moins de 10% de la population.

La région compte 4 villes : Korhogo, Boundiali, Ferkessédougou et Tengréla. Tingréla, localité à la frontière malienne, compte plus d’urbains que Korhogo, Boundiali et Ferkessédougou. Elle compte 48,76% des urbains de l’ensemble de la région suivie de Korhogo avec 34,40%, Boundiali 18,40% et Ferkessédougou 17,02%. Cette situation s’explique par le fait que cette ville est le principal point de transit et de commerce entre les peuples ivoiriens et maliens. C’est une « ville-contact ». Ici le profit motive l’activité des marchands ; leurs déplacements, qu’ils soient temporaires ou durables, sont guidés par la quête permanente de profit. Ils s’installent dans des lieux où ils estiment que leurs affaires peuvent prospérer. C’est pourquoi ils créent des pôles de commerce actifs et attractifs comme à Tengréla, première ville ivoirienne en provenance du Mali. Korhogo est la plus peuplée de la région, 153 951 habitants, car elle concentre la quasi-totalité des urbains des départements (Tableau 6, p.69).

69 Tableau 6 : Répartition de la population de Korhogo selon le lieu de résidence

Milieu de résidence Villes

Urbain Rural Ensemble

% d’urbains Korhogo 153 951 293 542 447 493 34,40 Boundiali 30 044 133 238 163 282 18,40 Ferkessédougou 42 335 206 331 248 666 17,02 Tengréla 31 005 32 572 63 577 48,76 Source : RGPH 1998

II.4.1.3 Population de la région de Sikasso

La population de la région de Sikasso est fortement métissée. Elle est la résultante d’un brassage de populations d’origines très diverses comme nous l’avons évoqué plus haut. Plusieurs facteurs expliquent ce melting pot. En effet les conflits frontaliers avec le Burkina Faso, la rébellion touareg malienne et la sécheresse persistante poussent les populations vers Sikasso et sa région, avec une possible migration vers la Côte d’Ivoire.

Le graphique ci-dessous permet d’apprécier la dynamique démographique de Sikasso et de son hinterland.

Graphique 3 : Evolution démographique de Sikasso et de son hinterland en milliers de personnes

0 20 40 60 80 100 120 "1887" "1891" "1952" "1960" "1976" "1987" "1997" Années E ff ecti fs de la p opu lat io n

Source : Rapport de la mission de l’aménagement du territoire du Mali, 1997

Au regard de ce graphique, nous constatons que la population de Sikasso a connu une croissance en deux phases : une lente croissance de 1887, avec 5 000 habitants en 1887 au moment où le Soudan devient colonie française, et 19 000 habitants à l’indépendance.

70 La deuxième phase est plus significative : elle s’accélère de 1960 à 1997. Entre ces deux années la population est passée de 19 000 habitants, à 100 000 habitants. Lorsque nous comparons cette population à celle des régions ivoiriennes et burkinabé en 1997, avec lesquelles elle entretient des relations commerciales (Korhogo, Bobo-Dioulasso et Bondoukou), l’on se rend compte de la faible évolution de sa population. Les raisons ont été évoquées plus haut.

Tableau 7 : Répartition de la population selon le lieu de résidence

Milieu de résidence Ville

Urbain Rural Ensemble

% d’urbains Sikasso 92 000 18 000 110 000 83,63 Kadiolo 7 000 3 300 10 300 67,96 Niéna 5 000 2 700 7 700 64,93 Kignan 5 000 3 572 8 572 58,32 Source : RGPH 1997

Le niveau global de l’urbanisation de Sikasso est appréciable, comme le montrent les différents le poucentage d’urbains de Sikasso (92%), Katiolo (67,96%) et Niéna (64,93%).

Le taux d’urbanisation élevé de la région de Sikasso démontre son importance dans le sous-espace sud du Mali. En effet, cette localité qui est la deuxième ville du pays, est équipée de plusieurs structures étatiques et services décentralisés. Les activités de commerce y sont très nombreuses. En revanche, les deux autres localités ne sont que de gros bourgs, sans équipements d’importance. Ces différentes communes sont de grands centres commerciaux.

II.4.1.4 Population de la région de Bobo-Dioulasso

Les résultats du recensement démographique réalisé en 1998 au Burkina Faso donnent une population totale de 672 114 habitants à la province de Houët dont Bobo-Dioulasso est le chef-lieu. En 1975, elle comptait 308 670 habitants et 581 722 en 1985. Le taux d’accroissement moyen annuel de la population est de 2,95% selon l’INSD (Institut de Statistique et de Développement).

Au recensement de 1996, les arrondissements de Dô, Dafra et de Konsa de la commune de Bobo-Dioulasso ont été assimilés à des villes à part entière. Sur 672 114 habitants, 309 771 sont des urbains, soit 46,1%, et la population rurale est de 362 343 habitants, soit 53,9% de la population totale. La ville de Bobo-Dioulasso accueille à elle-seule 46,1% de la population. Grâce à ses diverses fonctions économique, sociale, administrative et à son fort niveau

71 d’équipement, elle représente un nœud d’échanges important et son influence dépasse largement les limites de son espace périphérique immédiat.

En résumé, sur ces villes reposent les échanges entre les différents Etats de cet espace supranational. Leur poids démographique les prédispose à ce rôle. Le commerce à travers ce territoire se trouve rythmé par Korhogo, Odiénné, Bondoukou, Sikasso et Bobo-Dioulasso, qui disposent de relais en certains gros bourgs comme Sampa au Ghana, Sirana de Beyla en Guinée, Minignan et Ouangolodougou, en Côte d’Ivoire, Niangoloko et Banfora au Burkina Faso.

Au regard des relations qui lient les peuples, le commerce est l’activité qui permet le brassage des populations, brassage opéré à l’époque précoloniale, par un commerce caravanier, et par un commerce maritime à partir de l’indépendance. L’appartenance à une même aire linguistique et religieuse favorise largement une confiance propice au commerce.

II.4.2 Comportement des populations face aux frontières

Les formations sociales et politiques africaines anciennes (royaumes et empires) n’étaient pas conçues comme des territoires d’un seul tenant. Elles n’étaient pas bornées par des frontières linéaires. Des espaces-tampons, zones de faible peuplement, formaient autant de marches de sécurité. Ces formations fonctionnaient par le biais de réseaux d’alliances, d’appartenance, d’allégeance de hameaux, de maisons et de villages, souvent séparés de leur maître par des espaces soumis à d’autres contrôles. Le tracé des frontières était étranger aux pratiques spatiales autochtones. Un nouveau mode d’organisation de territoire s’est imposé, selon lequel la frontière d’une société ne voulait plus dire extension ou implantation possible, mais limites figées à l’intérieur desquelles il fallait se maintenir (Harre, 1996). C’est la frontière, notion qui allait désormais réorganiser les mouvements des populations et faire partie de leur quotidien. Cette notion est devenue un enjeu de la domination coloniale, par la superposition des espaces d’échanges, des espaces monétaires à l’intérieur des espaces politiques nouvellement délimités. Toutefois, les populations que le partage colonial et parfois même des puissances coloniales rivales ont séparées, ne sont pas restées inactives face à cette nouvelle partition et ont franchi les frontières. Les commerçants ont continué à circuler dans ces espaces, dépassant les limites étroites des nouveaux territoires, devenues des opportunités d’échanges, dans la mesure où elles délimitent de nouveaux espaces différenciés par la politique monétaire

72 Sur la base de l’appartenance à une confrérie religieuse, à une communauté marchande et à un même peuple dans des espaces qui dépassent le cadre des Etats, inscrits à l’intérieur des frontières-limites, les acteurs économiques et sociaux ont alors mis en place d’importants réseaux. Proches des frontières ivoiro-guinéenne, ivoiro-malienne, ivoiro-burkinabé et ivoiro- ghanéenne, les villes de Korhogo, Odienné, Tingréla, Bondoukou, Sikasso et Bobodioulasso se sont très impliquées dans le commerce régional.

Cette imbrication des réseaux marchands ivoiriens, guinéens, maliens et ghanéens a des racines dans l’histoire. Elle obéit aussi à des raisons d’ordre culturel. Les gens du Dinguelé, de basse Gambie, de la Guinée forestière, du Mali, du Burkina Faso et du nord de la Côte d’Ivoire forment en effet un même sous-groupe, celui des Malinké. Celui-ci s’étend sur un très large espace au Mali, en Gambie, au Burkina-Faso et dans le nord de la Côte d’Ivoire. Ces marchands à la recherche de l’or, de la cola puis des produits européens, ont bâti tout un ensemble de réseaux à l’intérieur des régions frontalières. Les groupes marchands du vieux commerce ont, à toutes les époques, largement puisé dans les ensembles malinké, sénoufo et koulango.

Au début du 20ème siècle, tant le Dinguelé (Odienné), que les régions des savanes (Korhogo) et celle du Zanzan (Bondoukou) sont traversées par des voies commerciales reliant les régions sahéliennes aux villes forestières ivoiriennes. Bondoukou, Odienné et Korhogo étaient les plaques tournantes du commerce ouest-africain durant l’époque coloniale. Le commerce malinké y était florissant et prospère grâce à leur situation de « ville-carrefour », postée à l’intersection de diverses pistes caravanières ou s’échangeaient des noix de cola, des bandes de coton tissées, de la poudre d’or, du bétail du Mali, des couvertures, du sel, du poisson fumé, du fer et des cauris. De plus, les paysans venaient vendre dans les localités précitées des produits vivriers, approvisionnant ainsi les villes et les marchands de passage.

Aujourd’hui, la frontière reste un vecteur de dynamisme économique local. Elle crée des marchés qui servent de lieux d’approvisionnement. Les populations ivoiriennes, ghanéennes, maliennes et guinéennes continuent d’entretenir des échanges commerciaux par la fréquentation régulière des marchés frontaliers ; nombre de ménages résidant à Bondoukou, à Korhogo ou à Odienné s’approvisionnent directement au Ghana, au Mali, en Guinée et au Burkina-Faso en divers biens manufacturés.

Ces villes frontalières sont des espaces de transit pour divers produits provenant des régions forestières de la Côte d’Ivoire et partant vers les pays sahéliens et le Ghana. Inversement, des biens d’importation ou fabriqués dans les pays précités et destinés au marché abidjanais, bouakéen et à celui de San-Pédro au sud-ouest traversent les villes, comme

73 le bétail par exemple. Cependant, la fonction commerciale et de transit de villes frontalières comme Odienné, Korhogo et Bondoukou est fortement affectée par l’état du réseau routier qui les relie aux pays limitrophes. Malgré d’importants investissements, ces voies de communication ne sont pas praticables en toutes saisons.

Conclusion

Les territoires transfrontalièrs sont des espaces assez homogènes. Cette homogénéité se traduit par l’histoire, la sociologie et la culture auxquelles s’ajoute une dimension ethno- religieuse. Ainsi, malgré l’apparition des frontières politiques linéaires, la pratique de la langue véhiculaire dioula et de l’islam comme religion rapproche les populations, qu’elles soient ivoiriennes, guinéennes, maliennes, burkinabé ou ghanéennes. Les marges territoriales nord, espace de notre étude, évoluent dans ce contexte. Les frontières ne signifient ni rupture socioculturelle, ni éloignement commercial. Un peu partout, des relations familiales subsistent, entretenues par des fêtes communes. Le long des frontières, les échanges sont quotidiens. L’appartenance à la même famille linguistique et religieuse favorise les amitiés et les mariages transfrontaliers. Elle suscite des rencontres professionnelles, le commerce ambulant et la contrebande.

74 POLITIQUES MONETAIRES ET DOUANIERES