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PREMIERE PARTIE

DANS LES ECHANGES REGIONAU

II. ORGANISATION NOUVELLE DES ECHANGES

Depuis quatre siècles, le commerce caravanier qui lie le sud forestier au nord sahélien fait de la sous-région ouest africaine, un espace d’intense activité commerciale. L’avènement des frontières politiques et la naissance des Etats modernes le réorganisent. Sur la base de nouvelles politiques commerciales, fiscales et monétaires, les populations continuent de commercer entre elles. On assiste alors à la naissance d’un autre type de commerce, qui se développe sur les marges territoriales des Etats.

Ce qui distingue le commerce caravanier du « commerce des marges territoriales », ce sont les différentes échelles géographiques auxquelles ils se développent, en fonction des types d’acteurs et d’organisations qui les sous-tendent, des réseaux de communication qu’ils empruntent, des points de l’espace par lesquels ils passent, des fluctuations des politiques étatiques qui les concernent (politique tarifaire, insertion dans une zone monétaire).

II.1 Le cadre institutionnel des échanges

La circulation des personnes et des biens à l’intérieur de notre espace d’étude se déroule dans un espace partagé entre deux zones économiques (UEMOA et CEDEAO) et trois zones monétaires (zone Franc, zone Cédi et zone du franc guinéen). Ces espaces économiques sont régis par des lois tarifaires. Chaque Etat possède ses propres lois en matière d’échanges commerciaux. C’est l’imbrication de ces différentes réglementations que nous allons élucider pour une compréhension des activités économiques que les populations pratiquent à merveille.

La zone franc est composée aujourd’hui de la France et de quinze pays africains. A l’exception de la République islamique des Comores, les quatorze autres pays sont organisés en deux groupes distincts. Le premier groupe est constitué des membres de l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) : le Bénin, le Burkina Faso, La Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo ; le second groupe, des membres de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) : le Cameroun, la République centrafricaine, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale et le Tchad.

80 La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) regroupe tous les Etats membres de l’UEMOA en plus de la Guinée, du Ghana et du Nigeria. Notre réflexion porte sur trois pays de l’UEMOA (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali) et deux Etats hors de la zone franc (Ghana, Guinée)) qui entretiennent des relations commerciales et que notre espace d’étude prend en compte.

La genèse de l’existence de la zone franc montre que cet espace était un instrument de mise en œuvre du pacte colonial entre la France et ses colonies. Son but était d’assurer une organisation et une gestion de la domination rationnelle des colonies (N’Guessan, 2001). La dimension monétaire repose sur le principe de la séparation. La monnaie française ne devait pas circuler dans les colonies, tout comme celle des colonies ne pouvait pas être utilisée en France. Cette double interdiction découlait du fait que l’exportation de monnaies métalliques dans les colonies était considérée comme un appauvrissement de la métropole.

Survient la crise de 1929, qui affaiblit considérablement la France et ses colonies. Pour faire face à l’épreuve de la crise, le Ministère français des colonies soutient qu’il faut imiter l’Angleterre, qui a réussi à créer une solidarité économique avec ses dominions. La situation économique de la métropole et celle des colonies étaient devenues désastreuses. La zone franc fut créée par décrets du 28 août, 1er et 9 septembre 1939, qui établissaient un espace économique à l’intérieur duquel les monnaies étaient convertibles et bénéficiaient des règles de protection commune (N’Guessan, 2001). Les règles de fonctionnement sont précisées dans les décisions du président de la communauté en date du 12 juin 1959. Il s’agit d’une parité fixe entre franc, considéré comme monnaie commune, et la monnaie des Etats membres de la communauté dont le franc des Colonies françaises d’Afrique (CFA) qui sera créé plus tard en 1948. Elles ajoutent une liberté illimitée de transfert des capitaux entre Etats, une mise en commun de toutes les ressources en devises, les réglementations douanières. Les changes doivent être communs aux Etats de la communauté (Neurisse, 1987).

Aujourd’hui la zone franc est devenue l’instrument de conclusion et de réalisation du pacte post-colonial qui sous-tend le développement des Etats africains membres de la zone, avec l’appui de la France. En dépit des moyens institutionnels utilisés, la nouvelle donne réintègre les mêmes clauses que celles de l’époque coloniale que sont la fixité des parités, les comptes d’opérations, la mise en commun des réserves extérieures, le libre transfert des capitaux, la garantie du franc CFA, l’harmonisation des règlements des changes.

Cette monnaie est rattachée au franc français à un taux absolument fixe puisqu’il n’est pas côté sur le marché des changes. Sa parité est restée stable pendant quarante-six ans, à partir de 1948 à 50 francs CFA pour 1 franc français et depuis le 12 janvier 1994, elle est de

81 100 francs CFA pour 1 franc français. Depuis le 1er janvier 1999, date d’entrée en vigueur de la monnaie unique européenne, le franc CFA est relié à l’Euro (Chouchane-Verdier, 2001). Un Euro équivaut à 656,957 francs CFA.

L’appartenance à la zone franc engendre des flux commerciaux importants et la croissance du commerce international. Cette monnaie devient un atout dans les échanges entre les Etats membres mais également entre Etats hors de la zone franc. A côté du franc CFA coexistent d’autres monnaies nationales à l’intérieur de notre espace d’étude, comme le franc guinéen, le cédi et la monnaie ghanéenne.

Le 1er mars 1960, la Guinée crée ses propres institutions monétaires et bancaires et décide de quitter la zone franc dont toutes les anciennes colonies françaises sont membres. Le franc guinéen a à parité avec le franc CFA. Cette monnaie sera remplacée par le syli, éléphant en langue soussou. Pour faciliter les importations des biens nécessaires aux entreprises publiques, il a été décidé de maintenir le taux de change de la monnaie presque inchangé. Ainsi de 1972 à 1984, le taux de change du syli contre le dollar américain est resté le même, soit 22 syli pour 1 dollar. Sur le marché parallèle le taux variait entre 250 et 300 syli pour 1 dollar, démontrant ainsi la nette surévaluation du cours de change officiel (Yansane, 2001).

Arrive la réforme monétaire de 1986, deux ans après la mort du président Sékou Touré. La première mesure prise est de procéder à la dévaluation très prononcée de la monnaie, qui permet de mettre en harmonie les coûts officiels avec les coûts réels du marché. La valeur du franc guinéen, qui se substitue au syli à partir du 6 janvier 1986, est désormais fixée par le jeu de l’offre et de la demande dans le cadre d’un marché des enchères hebdomadaires ouvert le 28 janvier 1986. Ainsi, le taux fixe de change du franc guinéen est de 300 GNF pour 1 dollar américain.

Avant son indépendance, le Ghana appartenait à un système de réserve monétaire, qui consistait essentiellement en un accord de mise en commun des réserves monétaires avec un taux fixe existant entre la livre britannique et la livre ouest-africaine. Après son accession à l’indépendance, il choisit d’avoir sa propre monnaie : la livre ghanéenne alignée sur la livre sterling britannique. Mais en juillet 1965, le Ghana a frappé une nouvelle monnaie appelée le cédi. Cette décision implique que le cédi doit être soutenu par les propres politiques nationales ghanéennes et par les réserves internationales, mais sans l’appui d’aucune réserve venant de l’extérieur. Durant toute la période de 1957-1982, le Ghana a maintenu un régime de taux de change fixe et n’a connu que trois dévaluations en 1967, 1971 et en 1978. Avant 1967, les termes de l’échange des exportations ghanéennes étaient en baisse et la monnaie surévaluée. C’est pourquoi la dévaluation a été décidée le 8 juillet 1967 à hauteur de 30%.

82 Ainsi la valeur de deux cédi s’établissait à 1 dollar Us (Abbey et Jebunu, 2001). Les deux dernières dévaluations intervenues ont fait baisser la valeur de la monnaie respectivement de 44% en 1971 soit 1,82c = 1 dollar Us et à 2,75c = 1 dollar en 1978. Aujourd’hui cette valeur monétaire n’est pas toujours fixe et connaît des fluctuations dues à la loi du marché du moment. Elle a considérablement baissé au cours de cette dernière décennie.

En résumé, l’instabilité internationale des taux de change et le risque de change aggravent l’incertitude et l’inefficacité économique des Etats hors zone franc. Cette instabilité des monnaies par des dévaluations à répétition entrave le développement de ces pays par un arrêt des importations des biens d’équipement. On note aussi que les banques nationales et celles de la zone franc ont des relations mitigées et compliquées qui donnent naissance à une nouvelle classe d’acteurs (monnayeurs).

La combinaison de ces facteurs entraîne le développement d’une économie souterraine très importante et donne lieu à des activités de contrebande intenses au niveau des frontières avec les pays voisins, notamment avec la Côte d’Ivoire.

II. 2 La réglementation tarifaire douanière

La réglementation tarifaire douanière varie selon les pays. En effet, en dépit des évolutions enregistrées, les lois sur le commerce extérieur des Etats dans notre espace d’étude comportent une assez forte dose de protectionnisme de leur marché intérieur, une fiscalité élevée pour certains produits importés. On note également une difficile cohabitation des règlements tarifaires propres aux Etats avec ceux ratifiés dans le cadre des politiques d’intégration.

La nouvelle tarification douanière dans le cadre de l’UEMOA coexiste avec celle du régime de droit commun propre à chaque Etat. Ainsi des droits de douanes appliqués au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Ghana, en Guinée et au Mali ne sont pas en adéquation avec ceux de l’UEMOA. Les droits de douanes sont plus élevés en Côte d’Ivoire que dans les deux autres pays de l’espace UEMOA (Burkina Faso, Mali). Ils sont de 20% en Côte d’Ivoire, alors qu’au Mali et au Burkina ils sont respectivement fixés à 15% et 16,6%. Pourtant ces pays sont tous membres de l’UEMOA. Cette différence entre les pays s’explique par l’inégal développement, par les charges de l’Etat central. Ces droits de douanes sont moins importants dans les deux pays hors de la zone franc et non membres de l’UEMOA. Ils sont de 15 à 10% en Guinée et au Ghana. Cette situation entraîne la pratique d’un commerce actif aux frontières

83 de ces Etats avec les pays membres de l’UEMOA. En effet, les populations frappées par la détérioration des termes de l’échange, par une crise économique aiguë et par les effets des différents plans d’ajustements structurels, avec pour corollaire les licenciements abusifs dans les administrations publiques et entreprises, trouvent dans ce commerce un exutoire pour la survie et pour la sortie de crise.

Le tableau suivant nous donne une idée de la valeur tarifaire douanière en franc Cfa dans chaque Etat et celle en cours dans l’espace UEMOA.

Tableau 8 : Tarifs douaniers appliqués dans les Etats

Rubriques en % Côte d'Ivoire Burkina Faso Mali Ghana Guinée

Droit de Douane 20 15 16,6 15 10

RSTA 1 0,5 0,5 1 4

TVA 20 15 15 10 10

ASDI 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5

PCS 1 0,5 0,5 0 0

Source : Direction des statistiques et des études économiques de Côte d’Ivoire

Source: Direction des statistiques et des études économiques de Côte d‘ivoire Abréviations : ASDI : Acompte sur divers impôts

TVA : Taxe à la valeur ajoutée RSTA : Redevance statistique

PCS : Prélèvement communautaire de Solidarité

A cette tarification douanière, il faut ajouter celle de l’UEMOA. Cette tarification apporte des évolutions notables en matière d’intégration des mutations au fonctionnement du

Graphique 4: Tarification douanière dans les Etats en relation

0 5 10 15 20 25 Côte d'Ivoire Burkina Faso

Mali Ghana Guinée Pays Val eur e n % Droit de Douane RSTA TVA ASDI PCS

84 commerce régional. Ainsi, note-t-on la mise œuvre du Tarif Extérieur Commun (TEC) de l’UEMOA. Entré officiellement en vigueur depuis le 1er janvier 2000, le tarif extérieur commun de l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest est une réforme dans le cadre de la facilitation des échanges commerciaux. Les taxes permanentes sont consignées dans le tableau suivant :

Tableau 9: Répartition des droits de douane dans l’espace UEMOA

Catégorie Catégorie 0 Catégorie 1 catégorie 2 Catégorie 3

Taux% 0 5 10 20

Produits concernés biens sociaux essentiels médicaments biens de première nécessité Intrants et produits biens de consommation finale préservatifs, livres matières premières

de base,

Intermédiaires et tout autre produit non repris ailleurs

biens d'équipement

intrants spécifiques

Source : Commission douane et tarifaire de l’UEMOA, avril 2002

N.B : Les catégories représentent la classification des gammes de produits élaborée par