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Le processus de typification des connaissances à travers la transformation des jugements de familiarité et de fiabilité

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 108-111)

La transformation du couplage structurel entre l’acteur et l’environnement : le rôle des artefacts et la typification des

2. La transformation du couplage structurel entre l’acteur et son environnement : la typification des composantes de l’expérience

2.2. Le processus de typification des connaissances à travers la transformation des jugements de familiarité et de fiabilité

Après avoir présenté la théorie générale de la catégorisation de Rosch, nous allons nous centrer sur la théorie de la typification des connaissances qui structure le programme de recherche du cours d’action. Cette théorie de la typification permet de rendre compte de la façon dont des éléments issus des cours d’action passés sont actualisés dans le cours d’action actuel de l’individu (Theureau, 1992) et particulièrement la façon dont les connaissances s’actualisent et se transforment dans le flux de l’activité des acteurs (Sève, 2000; Terré, 2015). Le processus de typification des connaissances se caractérise par la construction et la transformation de connaissances sous deux dimensions principales au cœur du couplage acteur-environnement : le repérage d’éléments de familiarité entre les situations et l’évolution du jugement de leur fiabilité.

Les connaissances sont des éléments de l’expérience qui permettent d’agir dans des situations familières : elles sont situées et contextualisées dans les situations dans lesquelles elles ont été construites (Lave, 1988; Terré et al., 2016). Ces connaissances se construisent, se mobilisent et se transforment au fil des expériences des individus sur le mode de la typification (Durand et al., 2002; Terré, 2015; Theureau, 1992, 2015), c’est-à-dire par l’identification d’un

faisceau de ressemblances et de différences entre plusieurs expériences (Sève & Leblanc, 2003).

Ces ressemblances sont repérées par des « jugements » de familiarité que les individus portent sur les situations leur permettant de reproduire des actions typiques qui se sont révélées efficaces dans d’autres situations. Ces jugements de familiarité ne sont pas uniquement des jugements cognitifs : ils sont incarnés dans le couplage sensori-moteur de l’acteur avec son environnement, c’est-à-dire dans un couplage perception-cognition-action. Ces jugements de familiarité sont donc aussi des jugements perceptifs, dits de « ressemblance », qui permettent la reconnaissance de configurations de situations. Cette identification de configurations de situations se fait en lien avec des connaissances opérantes pour ces situations. Ce qui semble donc important dans le processus de typification concerne surtout les « jugements de degré de prototypicalité » par l’individu (Rosch, 1978, p. 37), qui se font à partir de l’identification de ressemblances ou de dissemblances (Mervis & Rosch, 1981).

Cette question de la familiarité dans le processus de typification des connaissances peut être également caractérisée par des « constellations de types » (Dougherty & Keller, 1982) lorsque les types actualisés sont relatifs à une même famille de cours d’action (Theureau, 2004). Les types actualisés dans des cours d’action d’une même famille peuvent être soit très précis, c’est-à-dire appartenant à des familles « très étroites » : les types sont alors « relativement contextualisés ». Soit les types actualisés peuvent être plus variés, c’est-à-dire appartenant à des familles « plus larges » : ils sont alors « relativement décontextualisés » (Theureau, 1992, p.

266). Par exemple, l’augmentation de la familiarité du type est identifiée lorsqu’un type est actualisé dans une situation et qu’il est « relativement décontextualisé » par rapport à la famille de situations, c’est-à-dire que la situation est un peu éloignée de la situation typique. L’acteur élargit alors la fiabilité de sa connaissance dans une situation plus éloignée de la situation typique dans laquelle le type a été construit ou actualisé, et participe ainsi à augmenter la familiarité du type. Cette augmentation de la familiarité est donc pleinement liée à ce qui fait signe pour l’acteur dans la situation, et à ce qu’il repère comme élément familier dans la situation.

La typification des composantes de l’expérience des acteurs et notamment des connaissances permet également d’augmenter leur fiabilité. En effet, la typification des connaissances induit une meilleure efficacité de l’action immédiate des acteurs tout en diminuant le temps nécessaire à cette action par l’appui sur la familiarité des situations rencontrées pour apporter une réponse déjà éprouvée dans des situations familières (Sève &

Leblanc, 2003). Ces jugements de familiarité permettent ainsi à l’individu d’être plus efficace et de renforcer au fil de ses expériences la fiabilité de ses connaissances. Le fait de s’appuyer

sur cette familiarité lui permet de réduire la composante interprétative de l’activité et donc le temps nécessaire pour agir (Sève, 2000). Les connaissances ne portent pas de valeur « vrai ou faux comme en logique formelle » mais elles sont « plus ou moins fiables » selon le nombre de validations et d’invalidations antérieures (Sève & Leblanc, 2003, p. 68). La confiance que les acteurs accordent à leurs connaissances dépend de ce nombre de validations ou d’invalidations, face à l’incertitude de la situation : « lorsqu’ils observent un événement qui valide une connaissance construite antérieurement, la fiabilité de celle-ci augmente » (op cité, p. 68). Le processus de typification se caractérise donc par l’évolution de la fiabilité des jugements de familiarité, que ce soit dans l’augmentation de cette fiabilité par des validations successives, ou dans la diminution de cette fiabilité par plusieurs invalidations. Cette fiabilité renvoie donc à la confiance dans les jugements et les interprétations de l’acteur, et pas uniquement dans les connaissances : c’est la confiance dans le couplage entre une situation et une connaissance qui évolue au cours des expériences d’un individu. L’apprentissage en EPS peut ainsi être envisagé comme une activité de typification à partir d’expériences antérieures et de reconnaissance d’éléments familiers avec des situations déjà rencontrées (Sève & Gal-Petitfaux, 2015).

Cette conception enactive des connaissances (Terré, 2015) met en avant leurs caractéristiques incarnées et insiste sur le rôle du couplage acteur-environnement dans le processus de typification des connaissances. En effet, le repérage des traits familiers et des configurations de situations se fait en lien avec les types et les jugements de familiarité et de fiabilité de l’individu. Ce couplage pose inévitablement la question de ce qui fait signe pour l’acteur lorsqu’il agit, et de la façon dont il transforme ces repérages et ces configurations de situations. Les études qui se sont intéressées à l’analyse du processus de typification dans ses dimensions de fiabilité et de familiarité des connaissances mettent en évidence trois modalités permettant de caractériser ce processus : a) la construction de connaissances (Durand, 2007;

Durand et al., 2006; Theureau, 2000), lorsqu’une connaissance nouvelle apparait dans le cours d’action de l’acteur ; b) l’augmentation de la validité ou de la familiarité, lorsque l’acteur accorde plus de confiance à ses jugements de typicalité (Durand et al., 2006; Sève, 2000) ou étend ses jugement à des situations familières plus larges ; c) la diminution de la fiabilité du type ou l’invalidation (Rossard, Testevuide, & Saury, 2005; Sève, 2000), lorsque l’acteur accorde moins de confiance à ses jugements de typicalité. Nous présentons chacune de ces modalités et la façon de les identifier dans le cours d’action de l’acteur, qui nous servirons ensuite d’appuis méthodologiques dans l’analyse de nos matériaux.

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