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PARTIE 4 : PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE

4. Description des deux séquences

4.3 Processus d’élaboration des séquences

Lors de la deuxième séance de formation, les enseignantes du groupe R ont produit à partir du canevas une séquence qui a ensuite subi de légères modifications avec le groupe U. C’est ce processus d’élaboration que nous allons décrire à présent. Nous ne reviendrons pas sur les détails, comme les discussions sur les consignes par exemple,

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mais nous développerons les aspects qui sont centraux dans notre recherche, notamment l’importance du choix du texte. D’une part, l’articulation de l’orthographe et de la production textuelle devrait favoriser le transfert des connaissances en situation d’écriture. D’autre part, selon les textes sélectionnés, les occurrences de l’objet orthographique travaillé seront plus ou moins nombreuses.

Les enseignantes du groupe R se réfèrent à leur expérience et à leur connaissance des élèves pour faire leurs choix, notamment concernant les textes qui servent de support : certains extraits apportés par la formatrice comme celui du Lion de Joseph Kessel sont écartés car jugés trop difficiles. Une enseignante propose Tom Sawyer de Mark Twain, mais personne ne va dans ce sens. Elles craignent de « perdre » les élèves avec des textes trop difficiles. Une des phrases des exercices de l’étape 6 fait réagir Julie : « la rosée émaillait de perles les feuillages et les hautes herbes ». Elle dit : « une phrase que je comprends pas pour l’expliquer ça va être difficile ». Concernant le choix du texte, elle dit que ça va finir par être « Astrapi ». Dans les entretiens du mois de septembre, le manque de vocabulaire des élèves dans cette école a déjà été souligné par plusieurs enseignantes et il apparait ici comme un obstacle pour prendre des textes littéraires comme supports.

Étant donné qu’aucune des propositions de corpus ne leur convient, la formatrice intervient et leur propose comme solution d’écrire elles-mêmes les textes qui serviront pour les activités d’observation de l’étape 2 de la séquence. Les enseignantes choisissent alors de reprendre un texte de L’Ile aux Mots en le modifiant : elles ajoutent des adjectifs pour rendre le travail sur les chaines d’accord plus riche. Elles finissent donc par reprendre un texte qu’elles connaissent déjà dans un moyen d’enseignement utilisé par toutes. Remarquons que ce texte raconte un match de foot et ne correspond donc absolument pas à la définition du genre « récit d’aventure », car le lieu où se passe l’histoire n’est pas situé « ailleurs » et l’action n’a rien d’inhabituel. Les enseignantes le modifient légèrement pour tenter de se rapprocher des caractéristiques du genre. La conclusion d’une des enseignantes est répétée deux fois : « il est parfait ce texte ». A la fin de la séance de formation, la formatrice reviendra sur l’écriture de ce texte pour essayer de le faire modifier encore. En effet, la première version du texte produit par les enseignantes ne correspond pas à la définition du récit d’aventure.

En outre, les textes proposés par la formatrice comportaient des anaphores et des chaines de référence (Schnedecker, 2019) s’étendant sur plusieurs phrases afin d’entrainer les élèves à traiter les difficultés orthographiques sur l’unité texte. C’est pour cette raison que le choix fait par les enseignantes s’avère problématique.

Durant leur deuxième séance de formation, les enseignantes du groupe U préfèrent reprendre ce qui a été déjà construit par l’équipe de l’autre groupe au lieu de repartir du canevas et de construire leur propre séquence. Du point de vue de la formatrice, l’option choisie est préférable car, même si de légères modifications seront effectuées, les séquences obtenues devraient être à peu près similaires dans les deux groupes.

133 La séquence leur est présentée ainsi :

I29: donc c'est bien parce qu'en fait ça a: déjà fait une première: base: il y a déjà eu un premier cycle de réflexions / et puis là ça fait une nouvelle modification: ça fait une nouvelle version de la séquence↓

Martine justifie ainsi la décision de l’équipe de repartir de la séquence faite par le groupe R, et non du canevas :

vous avez: pas mal passé du temps et de réflexion sur les exercices:

Pour cette enseignante, le fait que cela ait été réalisé par d’autres enseignantes suffit à légitimer la séquence et ne l’incite pas à la questionner ou à la modifier :

et puis ils ont pas été: vite photocopier dans un truc: il faut du travail de réflexion et de choses comme ça

Les enseignantes du groupe U ont d’abord relu attentivement le canevas et la séquence construite par le groupe R qui l’accompagne. Elles ont ensuite commencé à apporter les modifications qui leur semblaient pertinentes. Les discussions vont porter essentiellement sur trois points : le niveau de difficulté des exercices, la pertinence des phrases d’amorce pour les deux productions écrites (étapes 1 et 8) et le tableau des terminaisons.

Le niveau de la majorité des exercices est jugé trop facile. Certains ne serviront qu’aux élèves les plus jeunes, en 5P et 6P. Les exercices choisis par l’équipe du groupe R correspondent au niveau des élèves estimé par leurs enseignantes. Il n’est donc pas étonnant que les enseignantes du groupe U aient besoin de réajuster la difficulté des exercices pour leurs élèves qui sont, d’après elles, davantage en situation de réussite.

Ensuite, les enseignantes du groupe U s’interrogent sur les phrases d’amorce choisies pour les exercices de production. La formatrice leur explique alors la logique, sans donner son avis, et essaie de justifier les choix faits par l’autre équipe tout en expliquant que d’autres possibilités existent.

I: bien leur choix c'était de: proposer une situation vraiment difficile au début: en production initiale: pour voir toutes les difficultés

Ens?: mm

I: et puis ensuite: en production finale: une situation qui était: qui était plus simple: après moiH enfin j'en ai discuté avec eux et avec elles: mais je ne peux pas imposer non plus ma vision↓

29 Ens.? désigne une enseignante dont l’identité n’a pas été identifiée dans les enregistrements. I désigne

la formatrice-chercheure.

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Cela aboutira à la modification de la phrase d’amorce de la situation finale. Ce choix est pertinent et améliore la qualité de la séquence.

Au final, les modifications apportées par le groupe U à la séquence faite par le groupe R sont mineures :

- Dans les étapes 1 (production initiale) et 8 (production finale), le nombre de phrases à écrire est remplacé par le nombre de mots ;

- Dans l’étape 4 (production simplifiée), le travail facultatif sur les anaphores est supprimé. Il ne figurait pas dans le canevas d’origine, mais il avait été ajouté pour répondre à la demande des enseignantes du groupe R.

- Dans l’étape 8 (production finale), la phrase d’amorce est modifiée pour être cohérente avec celle de l’étape 1 : nous retrouvons le même temps et la même personne.

Cette séance de formation a permis à ce groupe de prendre connaissance de la séquence et de l’adapter aux élèves, mais nous pouvons nous interroger sur son appropriation : Martine, qui est la seule à rester dans le groupe expérimental jusqu’à la fin, ne mettra en œuvre que partiellement cette séquence.

4.3.2 Élaboration de la séquence 2

En ce qui concerne la séquence 2, la formatrice fournit une deuxième séquence déjà prête lors de la troisième séance de formation : les textes choisis correspondront ainsi au genre choisi, mais la séquence sera très peu exploitée par les enseignantes, car le temps leur a manqué.