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PARTIE 2 : L’ORTHOGRAPHE ET SON ENSEIGNEMENT

3. Place de l’orthographe dans les autres sous-domaines du français

3.4 Ce que nous apprend la didactique de la grammaire

L’enseignement de la grammaire pose un problème similaire à celui de l’orthographe : les élèves sont capables d’apprendre et de répéter les règles, mais se retrouvent parfois en difficulté quand il faut mobiliser ces connaissances en situation d’écriture. Nous nous sommes donc tournée également vers la didactique de la grammaire pour réfléchir aux fondements des séquences qui seraient élaborées dans le cadre de notre dispositif expérimental.

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Par conséquent, un détour par la réflexion de Chartrand sur une possible articulation de l’enseignement des objets grammaticaux et celui du genre nous semble pertinent, même si Chartrand n’étend pas cette démarche à l’orthographe. Chartrand (2008) établit une progression dans l’enseignement du français langue première en défendant l’idée que les genres textuels doivent être un axe organisateur de l’enseignement du français au secondaire québécois. Elle s’appuie notamment sur des publications affirmant la nécessité de décloisonner les activités en classe de français et de travailler aussi souvent que possible les objets à enseigner en relation avec les genres (Bilodeau & Chartrand, 2009). Dans cette progression qui met en relation le genre et les objets grammaticaux, Chartrand (2008) propose que chaque genre soit étudié chaque année par les élèves du secondaire avec une complexité croissante. Les genres écrits et oraux sont mis en relation avec les phénomènes de grammaire les plus fréquemment rencontrés dans chaque genre. Les objets grammaticaux inclus dans cette progression doivent faire l’objet d’un enseignement systématique : ils « doivent être enseignés de façon planifiée, explicite et rigoureuse sur une assez longue durée au moyen de dispositifs et de modalités didactiques variés, autant que possible en liaison avec l’étude des genres de textes » (p. 10).

On notera que l’étude des phénomènes discursifs, textuels et lexicaux ainsi que des phénomènes syntaxiques et de ponctuation syntaxique se fait en relation avec les genres, tandis que les phénomènes d’orthographe et de conjugaison « sont répartis selon une progression interne à chaque objet » (p. 30) sans être reliés à l’étude d’un genre. Ainsi en première année du secondaire, les élèves étudient « la notion de système des accords, les notions de donneur et de receveur et les traits grammaticaux : genre, nombre et accord » (p. 32), puis en deuxième année ils ou elles observent « l’accord du verbe selon la règle générale » (p. 33), enfin en troisième année ils ou elles observent « l’accord du verbe dans les cas particuliers » (p. 33). Chartrand ajoute cependant que ces objets d’orthographe et de conjugaison doivent être travaillés d’une manière systématique et que même s’ils ne sont pas reliés à un genre unique, ils peuvent être étudiés à partir de corpus de textes appartenant à un même genre étudié en classe. Dans cette logique, l’enseignement de l’objet orthographique est organisé selon une progression spiralaire selon des critères internes qui lui sont propres.

Rejoignant les conclusions de nombreux travaux produits dans le domaine de l’orthographe, Chartrand (2016) fait le constat que la leçon suivie d’exercices d’application (type exercices à trous) ne suffit pas pour assurer un véritable apprentissage et elle propose cinq principes pour renouveler l’orthographe grammaticale. L’un d’eux nous intéresse particulièrement, à savoir « articuler connaissances et procédures » (p. 130). Il convient

de penser des activités qui se rapprochent d’une situation d’écriture et dans lesquelles les élèves ont à articuler connaissances et procédures. […] Il s’agit en somme de créer des ponts entre des apprentissages ciblés (par exemple, l’accord verbal) et des contextes réels et variés

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qui demandent la mobilisation de plusieurs savoirs et savoir-faire, ce qui est bien éloigné des exercices traditionnels. De tels dispositifs rendent les élèves mentalement actifs, condition nécessaire à l’apprentissage, tout en favorisant le développement de leur capacité à gérer les diverses dimensions de l’activité d’écriture. (p. 130)

Afin de travailler la mise en application des connaissances en situation d’écriture, Paret (2000) propose d’ « enseigner stratégiquement la grammaire » (p. 31) au moyen d’une séquence d’enseignement de la grammaire, parfois nommée « démarche de découverte » (p. 33), dont certaines étapes nous semblent transposables à l’enseignement de l’orthographe. Les étapes sont les suivantes :

1. L’enseignant·e propose aux élèves de travailler sur des énoncés dans lesquels il faut observer un objet grammatical ou orthographique.

2. L’enseignant·e réactive les connaissances des élèves et fait émerger leurs représentations sur cet objet.

3. Les élèves observent des corpus et formulent des hypothèses sur le fonctionnement de cet objet.

4. Les hypothèses précédemment formulées sont confirmées grâce à des vérifications effectuées dans d’autres contextes et sur d’autres énoncés.

5. Des procédures sont établies par les élèves et l’enseignant·e pour « résoudre des problèmes relatifs à l’utilisation des connaissances nouvelles en situation d’écriture ou de relecture ». Autrement dit, des outils sont créés collectivement.

6. Les élèves font des exercices d’application pour exercer leurs nouveaux savoirs dans d’autres contextes.

7. Enfin, les élèves réinvestissent leurs compétences en situation d’écriture. L’objectif de cette dernière étape est de placer « l’élève en situation de résolution de problème face à son propre écrit, pour qu’il puisse mettre en jeu, en révision, l’ensemble des connaissances et des stratégies acquises pour exercer cette compétence complexe qu’est l’écriture » (p. 33).

Ce qui nous semble intéressant et pertinent dans le cas de l’enseignement de l’orthographe, c’est le « mouvement caractéristique de l’enseignement stratégique » (p. 33) dans lequel l’enseignant·e tout d’abord contextualise les apprentissages, puis décontextualise pour « abstraire le phénomène de son contexte particulier pour le comprendre » afin d’accéder à une généralisation, et enfin recontextualise les savoirs. Ce type de démarche est propice au développement de stratégies cognitives indispensables selon Tardif (1992) pour intégrer les nouveaux savoirs : ces « mécanismes […]

permettent à l’élève d’acquérir, d’intégrer et de réutiliser des connaissances ». Nous retrouvons d’ailleurs le même type de dynamique dans la séquence didactique pour travailler l’oral développée par Schneuwly et Dolz (2009) avec un mouvement « du complexe au simple… et au complexe » (p. 93).

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4. La séquence pour développer les capacités langagières des élèves