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Coconstruction et mise à l'épreuve d'une séquence d'enseignement articulant orthographe et production textuelle : collaboration avec des enseignantes et transformation des pratiques

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Thesis

Reference

Coconstruction et mise à l'épreuve d'une séquence d'enseignement articulant orthographe et production textuelle : collaboration avec des

enseignantes et transformation des pratiques

PETRUCCI, Solenn

Abstract

L'objectif de cette thèse est de mieux connaitre les capacités orthographiques d'élèves de 11 et 13 ans afin de proposer dans le cadre de formations continues des outils d'enseignement plus efficaces pour faire progresser les élèves. En adoptant une démarche prétest/posttest, les effets de deux types d'enseignement de l'orthographe ont été comparés : dans le groupe témoin, les enseignant·e·s ont travaillé selon leurs habitudes ; dans le groupe expérimental, les enseignant·e·s ont suivi des séances de formation afin de coconstruire des séquences innovantes de l'enseignement de l'orthographe. Les analyses qualitatives et quantitatives montrent des progrès plus importants chez les élèves de 13 ans appartenant au groupe expérimental, mais elles révèlent aussi, chez les enseignant·e·s, une appropriation très variable des outils développés collectivement lors des séances de formation. En effet, l'analyse des activités menées en classe a mis en évidence une sédimentation des pratiques et une transformation des outils ou catachrèse.

PETRUCCI, Solenn. Coconstruction et mise à l'épreuve d'une séquence

d'enseignement articulant orthographe et production textuelle : collaboration avec des enseignantes et transformation des pratiques. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 1979, no. FPSE 779

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:153942 URN : urn:nbn:ch:unige-1539427

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:153942

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Section des Sciences de l’Éducation

Sous la direction de Glaís Sales Cordeiro et Bernard Schneuwly TITRE DE LA THÈSE

Coconstruction et mise à l’épreuve d’une séquence d’enseignement articulant orthographe et production textuelle : collaboration avec des

enseignantes et transformation des pratiques.

THÈSE

Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en Sciences de l’Education par

Solenn PETRUCCI de

Harfleur (France) Thèse N° 779

GENÈVE

Juin 2021

numéro d’étudiante : 3070830669

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2 Table des matières

REMERCIEMENTS ... 6

INTRODUCTION ... 9

PARTIE 1 : L’ORTHOGRAPHE : HISTOIRE, LINGUISTIQUE ET PSYCHOLINGUISTIQUE ... 14

CHAPITRE 1:L’ORTHOGRAPHE FRANÇAISE : ELEMENTS DHISTOIRE ET DE LINGUISTIQUE ... 14

1. Évolution de l’orthographe française : éléments historiques ... 14

1.1 Un français écrit calqué sur le latin ... 15

1.2 Une longue période d’évolutions et de réformes ... 16

1.3 Vers une orthographe figée et normée ... 17

1.4 Une dernière tentative de réforme aux effets très modestes ... 20

2. Description du système d’écriture français : éléments de linguistique ... 22

2.1 Un fonctionnement linguistique complexe ... 23

2.2 La théorie du plurisystème ... 23

2.3 La question des morphogrammes grammaticaux ... 26

2.3.1 Une zone dangereuse ... 26

2.3.2 La morphographie, un système complexe ... 27

CHAPITRE 2 :L’ORTHOGRAPHE FRANÇAISE : ELEMENTS DE PSYCHOLINGUISTIQUE... 32

1. Comprendre les causes des erreurs d’accord ... 32

1.1 Des erreurs commises en dépit de la connaissance des règles ... 33

1.2 Des erreurs dues à une mémorisation de formes ... 35

1.3 Trois critères pour évaluer le risque d’erreur ... 36

1.4 Catégories d’erreurs ... 36

1.5 Erreurs liées aux structures syntaxiques ... 37

1.6 Éviter les erreurs grâce au mot-pivot ... 38

2. Entrée dans le code écrit et maitrise de l’orthographe ... 40

2.1 Modèles d’acquisition de l’orthographe ... 41

2.2 Comment s’acquièrent les marques du nombre : verbes et noms ? ... 41

2.3 Comment s’acquiert l’accord en nombre dans le GN ? ... 43

2.4 Comment s’acquièrent les finales verbales en /E/ ? ... 44

PARTIE 2 : L’ORTHOGRAPHE ET SON ENSEIGNEMENT ... 47

CHAPITRE 1 :LE NIVEAU DES ELEVES ET LES OBJECTIFS DENSEIGNEMENT ... 47

1. Le niveau en question ... 47

1.1 Une baisse avérée du niveau en orthographe entre 1986 et 2005 ... 48

1.2 Quelques éléments d’explication à cette baisse ... 49

2. Les textes officiels ... 50

2.1 Le plan d’études romand ... 50

2.2 Les instructions officielles françaises ... 52

CHAPITRE 2:DIDACTIQUE DE LORTHOGRAPHE ... 56

1. Des prémices de l’enseignement de l’orthographe à la constitution d’une didactique ... 56

1.1 Aux origines de l’enseignement de l’orthographe ... 57

1.2 L’orthographe, nouvelle discipline scolaire ... 58

1.3 De la dictée traditionnelle à la dictée d’apprentissage ... 59

2. Quelle didactique de l’orthographe pour enseigner la morphographie ? ... 60

2.1 La morphographie s’enseigne-t-elle ? ... 60

2.2 Renouveler l’enseignement de l’orthographe ... 61

2.3 Outils didactiques et activités pour enseigner la morphographie ... 63

3. Place de l’orthographe dans les autres sous-domaines du français ... 67

3.1 Situation d’écriture et situation distanciée ... 67

3.2 Articuler écriture et morphographie ... 68

3.3 Approche intégrée et approche spécifique ... 69

3.4 Ce que nous apprend la didactique de la grammaire ... 70

4. La séquence pour développer les capacités langagières des élèves... 73

4.1 La séquence didactique pour l’enseignement de la production de textes ... 73

4.2 D’autres modèles de séquence ... 75

4.2.1 La séquence en boucle d’Allal... 75

4.2.2 Une séquence qui articule l’enseignement de la grammaire et celui du genre ... 76

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4.2.3 Des séquences centrées sur l’orthographe ... 77

PARTIE 3 : LE TRAVAIL ENSEIGNANT ET LA TRANSFORMATION DES PRATIQUES ... 78

CHAPITRE 1:LE TRAVAIL ENSEIGNANT ... 78

1. L’enseignement, un travail avec des outils... 78

2. Concevoir des outils en adéquation avec les besoins des enseignant·e·s ... 81

3. Avec ou sans accompagnement ? ... 82

4. Un changement immédiat des pratiques ou un développement à long terme ? ... 83

CHAPITRE 2:FORMES DINTERVENTION ET LIMITES DE LA TRANSFORMATION DES PRATIQUES ... 87

1. Le constat d’un fossé entre la recherche et le terrain ... 87

2. Des designs de recherche pour favoriser la collaboration entre enseignant·e·s et chercheur·e·s 88 3. Cerner les pratiques d’enseignement en matière d’orthographe ... 91

3.1 Quelles pratiques d’enseignement de l’orthographe ? ... 92

3.2 Une difficile transformation des pratiques ? ... 93

PARTIE 4 : PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE ... 96

CHAPITRE 1:PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE ... 96

1. Problématique ... 96

2. Questions de recherche ... 97

CHAPITRE 2 :UNE APPROCHE EXPERIMENTALE PRETEST/POSTTEST AVEC UNE PHASE EXPLORATOIRE... 99

1. Approche expérimentale ... 99

2. Une recherche menée dans un contexte écologique ... 100

3. Une phase exploratoire ... 101

4. Un groupe témoin et un groupe expérimental ... 103

4.1 Composition du groupe témoin et du groupe expérimental ... 103

4.2 Chronologie de recueil des données auprès de chaque groupe ... 105

CHAPITRE 3:DEMARCHE DINGENIERIE DIDACTIQUE ... 107

1. Une ingénierie didactique basée sur la RoC et la RIDCo ... 107

2. Présentation des groupes de formation ... 109

2.1 Groupe R (Primaire, à Genève) ... 109

2.2 Groupe U (Primaire, à Genève) ... 111

2.3 Groupe S (dans le secondaire I, en France) ... 112

2.4 Une collaboration hors du cadre de la formation ... 114

3. Description des séances de formation ... 114

4. Description des deux séquences ... 118

4.1 Description du canevas ... 118

4.2 Description des séquences 1 et 2 ... 122

4.2.1 Séquence 1 ... 122

4.2.2 Séquence 2 ... 128

4.3 Processus d’élaboration des séquences ... 131

4.3.1 Élaboration de la séquence 1 ... 131

4.3.2 Élaboration de la séquence 2 ... 134

4.4 Autres activités ... 134

4.5 Construction ou coconstruction ?... 135

CHAPITRE 4:RECUEIL ET ANALYSE DES DONNEES DES ENSEIGNANTES ... 136

1. Le recueil des données auprès des enseignantes ... 136

1.1 Le dispositif classeur... 136

1.2 Les entretiens semi-directifs ... 137

1.3 Les séances de formation ... 137

1.4 Faire dialoguer les données pour accéder aux pratiques ... 139

2. Analyse des données recueillies auprès des enseignantes ... 140

2.1 Méthodologie d’analyse des entretiens et des séances de formation ... 140

2.1.1 Transana et conventions de transcription ... 140

2.1.2 Catégories et codes... 141

2.2 Concepts et outils pour l’analyse des classeurs ... 143

2.2.1 Tâche et activité ... 143

2.2.2 Catégories d’analyse des classeurs ... 145

Typologie retenue pour la phase exploratoire ... 145

Typologie retenue pour l’ensemble des classeurs ... 146

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4

2.2.3 Une analyse complémentaire autour d’un objet orthographique : le rupteur ... 147

CHAPITRE 5:RECUEIL ET ANALYSE DES DONNEES DES ELEVES ... 149

1. Description et correction des tests ... 150

1.1 Typologie pour la correction de la dictée et de la production écrite ... 150

1.2 Description et correction de la dictée ... 152

1.3 Description et correction de l’exercice 1 ... 153

1.4 Description et correction de l’exercice 2 ... 154

1.5 Description et correction de la production écrite ... 155

1.6 Description et correction du questionnaire métacognitif ... 157

2. Description des tests statistiques ... 159

3. Illustration de la démarche analytique... 163

PARTIE 5 : RESULTATS ... 167

CHAPITRE 1:PHASE EXPLORATOIRE : PRATIQUES HABITUELLES DE LENSEIGNEMENT DE LORTHOGRAPHE ET CAPACITES ORTHOGRAPHIQUES DES ELEVES ... 167

1. Données issues des classeurs ... 168

1.1 Objets enseignés ... 168

1.2 Catégorisation et dénombrement des tâches ... 170

1.3 Unités travaillées ... 173

1.4 Tâches et objets enseignés ... 173

1.5 Synthèse sur les données issues des classeurs ... 174

2. Données issues des entretiens... 174

2.1 Les objets enseignés ... 174

2.2 Les modes de traitement ... 177

2.3 Orthographe et production textuelle ... 179

2.4 Synthèse des données issues des entretiens... 181

3. Données issues des tests des élèves ... 182

3.1 Évolution des résultats en production et en dictée ... 182

3.2 Dominante la plus problématique en production écrite... 183

3.3 Dominante la plus problématique en dictée ... 183

3.4 Fait orthographique le plus problématique en morphographie grammaticale ... 184

3.5 Synthèse sur les données issues des tests des élèves... 185

4. Synthèse sur l’ensemble des données de la phase exploratoire ... 186

CHAPITRE 2:EFFETS DES DEUX TYPES DINTERVENTION SUR LES PERFORMANCES DES ELEVES ... 188

1. Résultats aux tests : cas où le type d’intervention a un effet sur les capacités orthographiques 188 2. Effets du type d’intervention sur les capacités orthographiques des élèves en dictée, en production écrite et dans les exercices ... 209

3. Effets du dispositif sur le rapport des élèves à l’orthographe et leurs réflexions métacognitives 212 CHAPITRE 3:LES CLASSEURS : LENSEIGNEMENT DE LORTHOGRAPHEDANS LES GROUPES TEMOIN ET EXPERIMENTAL ... 219

1. Première lecture des classeurs par enseignante ... 220

1.1 Enseignantes du groupe témoin – élèves de 11 ans... 221

1.2 Enseignantes du groupe expérimental – élèves de 11 ans ... 222

1.3 Enseignantes du groupe témoin – élèves de 13 ans... 224

1.4 Enseignantes du groupe expérimental – élèves de 13 ans ... 224

2. Analyse par objet enseigné et par mode de traitement ... 225

2.1 Analyse par objet enseigné ... 225

2.2 Analyse par mode de traitement : supports, unités, tâches ... 228

2.2.1 Les supports ... 228

2.2.2 Les unités ... 231

2.2.3 Les tâches : activités langagières et métalangagières ... 232

2.2.4 Synthèse sur les modes de traitement ... 240

3. Analyse des supports d’enseignement comportant des rupteurs ... 241

3.1 Classeur de Martine ... 242

3.2 Classeur de Pauline ... 246

3.3 Classeur d’Eva ... 246

3.4 Classeur de Sylvie (année 2018-2019) ... 247

3.5 Classeur de Suzie... 248

3.6 Classeur de Julie ... 250

3.7 Conclusion sur l’analyse des supports comportant des rupteurs ... 254

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5

4. Synthèse sur l’analyse des supports et perspectives ... 256

CHAPITRE 4:ANALYSE DES SEANCES DE FORMATION AUTOUR DE TROIS THEMATIQUES ... 258

1. L’enseignement de l’orthographe et de la production textuelle ... 260

1.1 Groupe U : la difficulté d’articuler l’enseignement de l’orthographe et de la production textuelle ... 260

1.2 Groupe R : la difficulté de travailler l’orthographe en contexte... 265

1.3 Groupe S : le cloisonnement de l’enseignement de l’orthographe ... 269

2. La présentation d’un outil innovant ... 275

3. Le cas du rupteur ... 287

4. Conclusion sur l’analyse des séances de formation ... 296

CONCLUSION ... 298

1.RETOUR SUR LES QUESTIONS DE RECHERCHE ... 298

1.1 Les pratiques habituelles des enseignant·e·s ... 298

1.2 Les effets des types d’approche (comparaison du groupe témoin et du groupe expérimental) . 300 1.3 Ingénierie didactique et adaptation au travail en classe ... 301

2.PISTES A DEVELOPPER LORS DE NOUVELLES EXPERIMENTATIONS ... 303

3.APPORTS POUR LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE DES ENSEIGNANT·E·S ... 305

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 306

LISTE DES TABLEAUX ... 330

TABLE DES FIGURES ... 333

ANNEXES ... 335

TABLE DES ANNEXES ... 335

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Remerciements

Un travail de doctorat est parfois vécu comme une épreuve solitaire. Cela n’a pas été mon cas. J’ai plutôt le sentiment d’avoir vécu une belle aventure humaine. A chaque instant, j’ai été encouragée, entourée et soutenue. Ces quelques remerciements sont donc bien minces comparés à ce que j’ai reçu durant ces quatre années qui viennent de s’écouler.

Je tiens à exprimer toute ma gratitude à Bernard Schneuwly tout d’abord pour m’avoir donné l’opportunité de retourner à l’université en 2014, puis pour avoir accepté de diriger mon mémoire et enfin cette recherche. Sa bienveillance et sa rigueur m’ont accompagnée tout au long de ces années.

Je remercie aussi Glaís Sales Cordeiro d’avoir accepté de codiriger ce travail. Sans son soutien, sa confiance et ses conseils, ce travail n’aurait pas été le même. Au fil de nos séances, mon écriture a gagné en précision et en finesse. A son contact, j’ai appris peu à peu à réfléchir en chercheure.

J’adresse mes remerciements à Catherine Brissaud, membre de la commission, et Jacques Crinon, Jean-François de Pietro et Ecaterina Bulea Bronckart qui me font l’honneur d’accepter de participer au jury de cette thèse.

Merci aux membres de la Fondation Aebli Näf pour m’avoir accordé un subside durant deux années, ce qui m’a permis de réduire mon temps de travail pour me consacrer davantage à cette recherche.

Je tiens à remercier celles sans qui l’accès au terrain aurait été impossible : Sandrine Ramillon, responsable de la formation continue de l’enseignement primaire à Genève, qui a rendu possible les formations dans les écoles genevoises et Odette Turias, IA-IPR de Lettres, qui a rendu possible en France la phase expérimentale.

Merci à Daniel Bain et Gianreto Pini pour leurs conseils très précieux concernant la méthodologie et les analyses statistiques. Merci à Anne Soussi pour ses relectures et ses conseils. Merci à Isabel Valarino du SRED pour son aide dans la maitrise du logiciel Nvivo.

Merci à Christiane Pouly, responsable du centre de documentation du SRED, pour la mise à disposition d’ouvrages.

Merci à mes chefs et chefs-adjoints successifs, M. Fournier, M. Mangin, M. Barnoud, qui ont fait en sorte d’aménager mon emploi du temps pour que je puisse être disponible à la fois pour ma recherche et pour mes élèves.

Merci à Marie-Sylvie Claude pour ses conseils avisés et son soutien amical.

Merci à Claire Palandella de la FPSE qui a fait les transcriptions des entretiens et des séances de formation, à Franck Petrucci (SRED) pour ses conseils concernant les analyses statistiques et à Sylvie pour son aide lors des corrections des tests et pour ses nombreuses relectures.

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Merci également aux coordinatrices pédagogiques et aux enseignant·e·s qui ont accepté de participer à ce projet. Merci à leurs élèves sans qui rien de tout cela n’aurait été possible.

Enfin, je terminerai par les remerciements adressés à mon entourage.

Louis, mon entraineur de course à pied, qui m’a appris que l’abandon n’est pas une option envisageable.

Les filles de mon équipe de course à pied avec qui j’ai découvert le sens du collectif : Titaua, Amélie, Maria, Murielle, Anna, Maryse, Karine et Dom.

Karine, Hélène et Léa, merci les amies pour votre soutien inconditionnel !

Mon mari pour sa patience, sa gentillesse, son soutien moral et matériel. Je lui passe le relai et lui souhaite bonne chance dans cette course de fond qu’est une thèse.

Enfin, j’ai une pensée toute particulière pour mon petit Émile, seul enfant de son école à supplier à voix basse Nina Catach de lui venir en aide lors de ses dictées.

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Personne n'éduque autrui, personne ne s'éduque seul, les hommes s'éduquent ensemble par l'intermédiaire du monde.

Paulo Freire

À mes parents,

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Introduction

La transmission de l’orthographe est un enseignement souvent problématique dont les enjeux sont de taille. D’un côté, la société exerce une forte pression sur les usagers de la langue, fustigeant les erreurs et méprisant ceux qui ne maitrisent pas suffisamment les codes et les normes. D’un autre côté, les élèves sont de plus en plus en difficulté face à l’orthographe et la langue écrite apprise à l’école peut leur sembler quasi étrangère. Nous pensons, par exemple, à l’accord du participe passé avec un complément de verbe antéposé que les élèves de 13 ans doivent apprendre alors que très peu de personnes respectent cette règle dans la conversation courante. Les enseignant·e·s1 sont pour la plupart convaincu·e·s de l’importance d’une bonne maitrise de l’orthographe, mais ils et elles se sentent parfois impuissant·e·s face à l’ampleur des difficultés de leurs élèves, surtout en situation de production écrite. Le temps alloué à l’enseignement de la langue ayant été réduit au fil du temps, il est de plus en plus difficile pour les enseignant·e·s de lui trouver un créneau au milieu d’objets d’enseignement toujours plus nombreux et divers (Gourdet, 2009, cité par Brissaud, Cogis & Totereau, 2014 ; Manesse, 2006). S’ajoute à cela, le sentiment fréquemment exprimé dans les salles des maitres ou des professeurs que le temps passé à étudier l’orthographe ne produit pas assez d’effets probants.

En orthographe, les enseignant·e·s ont tendance à reproduire l’enseignement qu’ils ou elles ont reçu et l’évolution des pratiques semble particulièrement lente. Les conversations entre enseignant·e·s tournent souvent autour du niveau qui se dégrade ou du nombre aberrant d’erreurs dans certaines productions d’élèves ; en revanche, les moyens et outils pour enseigner sont rarement discutés ou remis en question. Qui s’interroge sur la pertinence des pages de manuel traitant des accords avec une leçon puis des exercices d’application ou sur l’intérêt des dictées « flash » largement pratiquées dans certaines classes du primaire ? Et les solutions proposées par les dirigeant·e·s pour améliorer la situation (une dictée par jour !) peuvent rassurer les parents électeurs et électrices, mais sont parfois d’un intérêt très relatif d’un point de vue didactique (Chervel

& Manesse, 1989 ; Manesse & Cogis, 2007).

Partant de ces différents constats, nous avons envisagé de construire un dispositif pour enseigner l’orthographe qui pourrait proposer de nouvelles pistes et qui pourrait être utilisé avec des enseignant·e·s dans les institutions en charge des formations initiale et continue si les résultats de notre recherche s’avéraient prometteurs. Avant de commencer à esquisser ce projet, il nous a fallu comprendre ce qui est problématique dans

1 Nous utilisons l’écriture épicène quand c’est possible essentiellement pour les noms de métiers et les fonctions. Nous recourons au point médian, afin de donner une visibilité au féminin. Par exemple, enseignant·e·s désigne les enseignants et les enseignantes en général. Nous utilisons le masculin enseignant et le féminin enseignante pour désigner en particulier les personnes avec lesquelles nous avons collaboré dans notre recherche. Le groupe témoin et le groupe expérimental ne sont constitués que d’enseignantes.

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l’orthographe française, et aussi dans son enseignement/apprentissage. De plus, une connaissance de l’histoire de l’enseignement de l’orthographe et un état des lieux des pratiques habituelles nous ont semblé être des préalables indispensables au développement de nouveaux outils.

Considérée comme particulièrement complexe par les linguistes (Jaffré & Pellat, 2008), l’orthographe française que nous connaissons actuellement est le résultat d’une longue évolution. Cette écriture de type alphabétique est en grande partie phonographique, avec cependant une bonne dose de sémiographie. Dans le modèle de Catach (1978), inspiré des travaux de Gak (1959/1976), notre orthographe est décrite comme un système régulier et cohérent. Cette théorie a eu un retentissement très important et a servi de point d’appui pour le courant de la didactique de l’orthographe qui se développera par la suite.

Une décennie plus tard, un autre pan de la recherche a fait de l’acquisition de l’écrit son objet d’étude. Avec le développement de la psycholinguistique, il a été possible de décrire les différentes procédures d’apprentissage de l’orthographe et de mieux cerner ce qui pose problème aux élèves en situation d’écriture (Fayol & Largy, 1992). L’acquisition de l’orthographe grammaticale a été particulièrement étudiée et les objets orthographiques les plus problématiques ont pu être pointés.

A partir de là, une didactique de l’orthographe est née pour répondre à la question de l’enseignement de l’orthographe. En effet, apprendre l’orthographe a longtemps consisté à copier des textes, avant que des exercices (la cacographie, puis la dictée) viennent s’ajouter au début du XIXe siècle. La démarche inductive s’est ensuite imposée dans les classes (rapide observation d’un fait orthographique, leçon, puis exercices d’application) et a donné l’occasion aux éditeurs de publier pléthore d’ouvrages comme le Bled. Grâce aux apports de la linguistique, une didactique de l’orthographe s’est développée avec Orthographe : avec ou sans dictée coordonné par Chaumont (1980), Didactiques de l’orthographe de Jaffré et Catach (1992) et Savoir orthographier d’Angoujard (1994). Des recherches pour proposer de nouveaux dispositifs didactiques ont vu le jour, basées principalement sur la compréhension du système orthographique et la réflexion des élèves. Dans les travaux les plus récents, l’utilisation du métalangage et sa mise en relation avec les compétences orthographiques des élèves semblent particulièrement prometteuses (Fisher & Nadeau, 2014).

Une des propositions didactiques expérimentées à la fin des années 1990 nous intéresse particulièrement, car elle articule l’enseignement de l’orthographe à celui de la production textuelle (Allal, Rouiller, Saada-Robert & Wegmuller, 1999). Peu de recherches depuis ont donné l’occasion de mettre en œuvre dans les classes des séquences grâce auxquelles il est possible de réfléchir aux bénéfices d’un travail sur l’orthographe en situation d’écriture (Viriot-Goeldel & Brissaud, 2019). Or, quelle est la finalité de l’apprentissage de l’orthographe sinon de maitriser l’orthographe en situation d’écriture ? Apprend-on l’orthographe pour être « bon en orthographe » ou pour pouvoir être compétent en situation de production écrite ? Puisque l’enseignement classique (reposant sur des dictées et l’apprentissage des règles grammaticales et leur application dans des

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exercices) n’offre pas la possibilité à tou·te·s les élèves de suffisamment maitriser l’orthographe, de nouvelles expérimentations seraient souhaitables en prenant appui sur la connaissance des difficultés posées par la langue et sur les difficultés d’apprentissage qui en découlent. Les enseignant·e·s déplorent très fréquemment que les élèves connaissent les règles, mais ne les appliquent pas quand ils ou elles écrivent. Or, on peut se demander : à quel moment ce transfert est-il exercé spécifiquement ? Quelles activités permettent précisément de favoriser l’automatisation des procédures ? Les difficultés spécifiques à l’orthographe française pointées par les linguistes sont-elles travaillées en classe ? Si une somme de règles apprises et des exercices d’application ne suffisent pas, d’autres outils didactiques doivent être pensés. Le dispositif qui est au cœur de cette recherche - à savoir une séquence d’enseignement de l’orthographe - fait de la production textuelle le lieu de réflexion privilégié pour travailler l’orthographe. En faisant de la production textuelle le point de départ et le point d’arrivée du travail sur le fonctionnement de la langue, la compréhension du système orthographique et la maitrise des savoirs langagiers en situation de production écrite pourraient être facilitées. C’est l’idée que nous défendons à travers cette recherche.

Au moment de concevoir le design de recherche, nous avons pris en compte les constats de différent·e·s chercheur·e·s qui déplorent un impact limité des travaux en didactique sur les pratiques (Brissaud, 2011 ; Cogis, 2008). Nous avons donc exploré la littérature traitant de la collaboration avec des enseignant·e·s pour choisir un design qui tenterait de dépasser le fossé chercheur·e/praticien·ne et faciliterait l’appropriation des outils coconstruits avec les enseignant·e·s. Est-ce que la connaissance des pratiques habituelles de ces dernier·e·s garantirait la construction d’un nouvel outil qu’ils ou elles pourraient s’approprier ? Autrement dit, si cet outil apparait comme « souhaitable » (Goigoux, 2017) du point de vue du·de la didacticien·ne et du·de la praticien·ne dans le cadre des séances de collaboration, en serait-il pour autant « acceptable » par l’enseignant·e revenu·e dans sa classe ? Est-ce que la formation, l’accompagnement et la coconstruction assurent une mise en œuvre du dispositif en classe ? Est-ce que l’appropriation est ainsi facilitée ?

Pour répondre à ces différentes questions en rapport avec la didactique de l’orthographe et avec les pratiques d’enseignement de cet objet langagier, nous avons noué des contacts avec des enseignant·e·s en France et à Genève ayant des élèves de 10 à 13 ans. Au total, entre septembre 2017 et juin 2019, 36 classes ont été concernées et plus de 900 élèves ont passé des tests visant à mesurer l’évolution de leurs capacités orthographiques au cours d’une année scolaire. Finalement, sur les 29 classes2 pour lesquelles nous avons recueilli des données complètes (prétest, posttest, classeur,

2 Les 29 enseignant·e·s qui ont fait passer les prétests et les posttests à leurs élèves ont reçu un document synthétisant les principaux résultats pour leur classe et pour l’ensemble des participant·e·s.

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entretien de début d’année et entretien de fin d’année), 17 ont été retenues3. Ce sont ces données qui ont été exploitées dans cette recherche.

D’un point de vue méthodologique, notre recherche s’est déroulée en deux phases. Dans une première phase que nous qualifions d’exploratoire, nous avons collaboré avec des enseignantes pour évaluer les capacités orthographiques de leurs élèves et cerner les pratiques habituelles d’enseignement de l’orthographe de ces enseignantes sans intervenir. Dans une seconde phase, nous avons procédé à la comparaison de deux groupes (témoin versus expérimental) en adoptant une démarche prétest/posttest. Nous avons constitué un groupe d’enseignantes avec qui nous avons collaboré pour mettre en œuvre avec leurs élèves deux séquences coconstruites lors de séances de formation basées sur une articulation entre l’enseignement de la production textuelle et celui du fonctionnement de la langue. Les données recueillies auprès de ce groupe expérimental ont été comparées à celles obtenues auprès du groupe témoin. En plus d’apporter des éléments de réponse à la question qui a servi de point de départ à la conception de notre design de recherche (Quel dispositif didactique proposer pour favoriser les progrès des élèves de 11 et 13 ans en orthographe, plus particulièrement en situation de production écrite ?), nos analyses devraient nous amener à mieux cerner les pratiques actuelles en matière d’enseignement de l’orthographe. La façon dont un nouvel outil est introduit dans la pratique habituelle fait donc l’objet d’une attention particulière. Quelles transformations les enseignantes font-elles subir à l’outil coconstruit en séance de formation ? De nouveaux usages, qui n’auraient pas été envisagés au préalable, sont-ils assignés à cet outil ? Vient-il s’ajouter ou se substituer à des pratiques plus anciennes héritées d’une tradition de l’enseignement de l’orthographe ? Cette recherche porte donc à la fois sur les capacités orthographiques des élèves et leur progression en fonction de différents dispositifs d’enseignement de l’orthographe ainsi que sur les pratiques et leur évolution.

Notre travail comporte cinq parties. Dans la première, nous donnerons les éléments indispensables pour comprendre la complexité de l’orthographe française et les difficultés d’apprentissage que cela engendre. Nous nous baserons sur des travaux traitant des aspects historiques qui permettent de saisir l’évolution de l’orthographe française et l’impact des choix faits notamment lors des différentes réformes. Nous décrirons ensuite le fonctionnement du système orthographique en prenant appui sur des ouvrages de linguistique. Enfin, cette partie se clôturera sur les erreurs orthographiques et sur les processus d’acquisition de l’orthographe.

Dans la deuxième partie, nous aborderons l’enseignement de l’orthographe en commençant par évoquer la délicate question du niveau des élèves : les compétences des élèves sont-elles réellement en baisse comme une majorité d’enseignant·e·s semble le penser ? Le cas échéant, quels éléments explicatifs pouvons-nous apporter ? Nous verrons ensuite ce que préconisent le plan d’études romand et les instructions officielles françaises avant de nous intéresser à la didactique de l’orthographe. Nous partirons des

3 Ces choix seront justifiés dans la partie 4 consacrée à la méthodologie.

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prémices de l’enseignement de l’orthographe, puis nous verrons comment l’orthographe est devenue une discipline scolaire, et enfin nous ferons une synthèse des apports de la didactique depuis les années 1990. Nous porterons notre attention en particulier sur les dispositifs didactiques qui articulent la production textuelle et le fonctionnement de la langue.

Dans la troisième partie, nous réfléchirons aux pratiques d’enseignement de l’orthographe et aux moyens de les transformer. Nous définirons le travail de l’enseignant·e et les outils indispensables à l’exercice de cette activité. Nous discuterons de la façon dont l’introduction d’un nouvel outil peut être un moyen de transformer les pratiques. Nous justifierons également le recours à un design de recherche dans lequel la collaboration entre le·a chercheur·e et les enseignant·e·s est centrale avec l’hypothèse sous-jacente que la coconstruction des outils pourrait être une des clés pour faire évoluer les pratiques.

La quatrième partie sera consacrée à la problématique de la recherche et à la méthodologie. Nous justifierons la mise en œuvre d’une phase exploratoire et décrirons la démarche expérimentale prétest/posttest. Nous présenterons le dispositif d’ingénierie didactique développé et le type de données recueillies auprès des enseignant·e·s et des élèves. Enfin, nous détaillerons les types d’analyses choisies pour traiter ces données.

Dans la cinquième partie, nous consacrerons le premier chapitre aux résultats de la recherche en commençant par ceux de la phase exploratoire qui sont venus compléter ce que nous savions déjà grâce aux ouvrages en didactique mobilisés dans la partie 2 et aux travaux sur les pratiques utilisés dans la partie 3. Ces résultats, qui ont été essentiels pour connaitre les compétences orthographiques des élèves et les pratiques des enseignant·e·s, ont servi de base pour définir le dispositif d’ingénierie didactique. Dans le chapitre suivant, nous analyserons les résultats des élèves pour tenter de déterminer si l’appartenance au groupe expérimental constitue un avantage. Nous chercherons ensuite des éléments de réponse aux questions qui émergeront dans l’analyse des classeurs, qui permettent d’accéder aux pratiques des enseignant·e·s, et dans l’analyse des séances de formation. C’est dans ces deux derniers chapitres, celui consacré à l’analyse des classeurs et celui consacré à l’analyse des séances de formation, que nous aurons la possibilité de trouver des clés de compréhension sur les thématiques qui jalonnent cette recherche.

Enfin, dans la conclusion, nous synthétiserons les éléments saillants de cette recherche et nous proposerons des pistes pour faire évoluer les outils développés au cours de cette recherche.

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Partie 1 : L’orthographe : histoire, linguistique et psycholinguistique

Dans cette première partie, nous allons délimiter le cadre conceptuel sur lequel nous prenons appui pour mener l’expérimentation qui est au cœur de cette recherche. Pour décider du type d’intervention à mettre en œuvre dans les classes, nous avons besoin d’instruments conceptuels pour fonder notre réflexion et définir les dispositifs didactiques qui seront expérimentés. Nous nous baserons sur des éléments historiques, linguistiques, psycholinguistiques et didactiques. Nous décrirons l’évolution de l’orthographe, puis le fonctionnement du système orthographique avant de nous pencher sur les difficultés liées à l’acquisition et à la maitrise de l’orthographe pour comprendre ce qui est problématique pour les scripteurs et scriptrices en général, mais aussi pour les élèves concerné·e·s par notre recherche.

Chapitre 1 : L’orthographe française : éléments d’histoire et de linguistique

Dans ce premier chapitre, nous donnerons des éléments historiques pour comprendre comment et par qui l’orthographe française a été façonnée depuis les premiers textes écrits que nous possédons jusqu’au milieu du XIXe siècle, quand l’orthographe a été finalement figée et a pris la forme que nous connaissons aujourd’hui. Notre intérêt se portera en particulier sur les phases d’évolution et de réforme, puis sur celles où, au contraire, les réticences des institutions, des médias et d’une grande partie de l’opinion publique ont empêché de poursuivre une transformation qui aurait pu s’avérer

« salvatrice » pour tous les usagers de la langue. Nous décrirons ensuite le fonctionnement orthographique en nous référant à la théorie linguistique qui a servi de base pour les travaux de didactique publiés depuis les années 1990 que nous mobiliserons dans cette recherche.

1. Évolution de l’orthographe française : éléments historiques

Réputée complexe à enseigner du côté du maitre 4et difficile à maitriser du côté de l’élève, l’orthographe que nous connaissons aujourd’hui est le résultat d’une longue évolution au fil des siècles. Il faut avoir conscience qu’elle est non seulement le fruit de décisions liées au contexte politique et historique, mais qu’elle est aussi le produit d’un certain immobilisme voire de conservatisme depuis le milieu du XIXe siècle. Un détour par

4 Ce texte tient compte des propositions de rectifications de l’orthographe formulées par le Conseil supérieur de la langue française en 1990.

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l’Histoire nous semble utile en préambule, car l’orthographe n’est pas une sorte de phénomène naturel ou de monument national qu’il faudrait conserver et protéger à tout prix. Elle est au contraire une forme de construction humaine. Des hommes et des femmes façonnent l’écriture du français et ceux et celles que Catach (1978, p. 72) désigne comme « les responsables de notre orthographe » sont tour à tour les écrivain·e·s, les juristes, les imprimeur·e·s, les grammairien·ne·s et les membres de l’Académie française.

Si les enseignant·e·s et la population en général en avaient davantage conscience peut- être auraient-ils ou elles un rapport différent à la norme et accepteraient-ils ou elles de dialoguer avec davantage d’ouverture d’esprit, par exemple, sur la question des réformes de l’orthographe. Les éléments historiques que nous allons développer dans cette partie nous apparaissent comme un préambule indispensable à cette recherche que nous menons et qui a pour ambition d’apporter des éléments de compréhension des pratiques d’enseignement de l’orthographe et de fournir des pistes pour renouveler ces pratiques.

Notre visée est pragmatique, car nous espérons produire des connaissances utilisables dans les instituts de formation et dans les classes, mais nous ancrons notre réflexion dans l’Histoire de la langue pour essayer d’en appréhender la complexité.

Nous retracerons donc l’évolution de l’orthographe française depuis l’un des premiers textes écrits en français jusqu’à la période contemporaine en prenant appui sur Chervel (2008b) qui décrit avec précision les grandes étapes de l’évolution de l’orthographe. En choisissant de suivre le déroulement chronologique, nous verrons qu’à plusieurs siècles d’évolutions a succédé une période d’immobilisme qui perdure encore à ce jour. Ce n’est pas sans conséquence pour l’enfant qui apprend l’orthographe ou pour l’adulte qui écrit le français : la langue écrite est figée tandis que la langue orale continue d’évoluer. Les publications de Catach (1978, 2001, 2011) seront également largement mobilisées dans cette partie pour leur précision historique, mais aussi pour la vision réformatrice qui les sous-tend.

1.1 Un français écrit calqué sur le latin

Remontons donc aux origines du français écrit. La lecture d’un des plus anciens textes écrits dans notre langue, les Serments de Strasbourg (842), nous montre la dépendance entre le latin et le français. Le premier s’écrit, tandis que le second se parle ; et ceux qui sont en charge de l’écriture des textes, les scribes, passent indifféremment d’une langue à l’autre, utilisant leur connaissance du latin pour transcrire le mot français. Catach (1978, p. 9) illustre ainsi cette situation : « Le clerc qui a transcrit les Serments de Strasbourg parlait déjà français, et écrivait encore latin, ou du moins se servait tout naturellement des usages latins pour écrire le français. »

Concrètement, notre alphabet a été emprunté à celui de la langue latine qui ne permet pas de transcrire avec exactitude les phonèmes français. Si la transcription des consonnes est plutôt simple, celle des voyelles s’avère bien plus problématique. C’est pour cela que notre écriture n’a jamais été véritablement « phonétique » (Catach, 1978,

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p. 7). A la fin du XVIIe siècle, l’Abbé Dangeau cité par Chervel (2008b, p. 89) avait déjà bien identifié cette inadaptation de l’alphabet latin aux besoins de la langue française orale : « Nous avons dans notre langue française beaucoup plus de sons simples que nous n’avons de caractères pour les signifier. […] Il aurait fallu créer des signes nouveaux, à l’imitation des Latins. »

Durant tout le Moyen Âge, les graphies ne sont pas fixées et peuvent varier selon la situation d’écriture : un même mot peut s’orthographier différemment s’il est employé dans un texte littéraire ou dans un acte judiciaire. Deux courants se distinguent, opposant une orthographe savante apparentée au latin et une orthographe qui se rapproche de la prononciation. A partir du XIIe siècle, la justice n’est plus seulement orale : elle prend une forme écrite, ce qui donne lieu à de grandes quantités d’écriture (Beaulieux, 1927). Le latin est d’abord utilisé, puis progressivement au XIIIe siècle à cause de la pénurie de clercs connaissant cette langue, le français fait son entrée dans les documents judiciaires.

Ce nouvel usage du français engendre de grands changements dans l’orthographe. Il se produit selon Jaffré (2009) une « révolution orthographique » (p. 13) qui a pour origine une volonté d’accroitre la lisibilité des textes écrits, notamment grâce à l’introduction de lettres calligraphiques (le y de roy est plus facile à identifier que le i) et à la distinction des homophones par des graphies différentiées inspirées du latin (saint, sain, sein, seing, ceint et cinq). Catach (2001) qualifie cette période de « fureur étymologique ». A cette période, la langue orale continue de connaitre des évolutions, mais la langue écrite se fige. C’est dans les écritures officielles (judiciaires essentiellement) que se diffusent dans toute la France ces graphies latinisantes (Pellat, 2011). Cette orthographe extrêmement complexe est créée et appliquée par les scribes du pouvoir royal.

1.2 Une longue période d’évolutions et de réformes

Avec le développement de l’imprimerie, au début du XVIe siècle, un certain nombre de réformes ont lieu dans le but de simplifier et de normaliser les textes (disparition des abréviations, apparition des signes diacritiques comme les cédilles et les accents).

Pourtant, sous l’impulsion d’imprimeurs humanistes qui prônent un retour à une orthographe calquée sur le latin et le grec (Catach, 2011), les lettres grecques sont réintroduites. La tradition savante l’emporte à la fin du XVIIe siècle. Rien d’étonnant alors à ce que l’Académie française qui a été constituée pour normaliser l’orthographe du français, choisisse le conservatisme pour la première édition de son dictionnaire en 1694, même si elle intègre quelques nouveautés (distinction du j et du v et remplacement de en par an). Mézeray, l’un des membres de l’Académie, revendique clairement cette volonté de conserver l’orthographe des greffes royaux lorsqu’il écrit dans les propositions qu’il fait aux autres commissaires en 1673 : « La compagnie déclare qu’elle désire suiure l’ancienne orthographe qui distingue les gents de lettres d'auec les jgnorants et les simples femmes. » Nous voyons ici que l’Académie souhaite maintenir une orthographe traditionaliste afin de marquer une différence entre les lettrés, les gens du peuple et les

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femmes. Une des critiques que Catach adresse à l’encontre de ce dictionnaire, c’est que lorsqu’il parait, certains points sont déjà dépassés dans les usages. Il a en effet fallu 60 ans à ses auteurs pour élaborer cette première édition et selon Catach (2001),

« l’Académie avait un demi-siècle de retard » (p. 169). Pour cette auteure, ce retard de l’Académie par rapport à l’usage se retrouvera jusqu’au XIXe siècle dans chacune des éditions suivantes.

Dans les Dictionnaires qui suivent, l’Académie intègre plusieurs évolutions importantes pour notre orthographe actuelle. La deuxième édition (1718) adopte un classement alphabétique, alors que la première avait suivi les prescriptions d’Estienne et présentait les mots par familles. La troisième édition publiée en 1740 entérine la suppression des consonnes diacritiques internes (forest devient forêt) et généralise l’utilisation des accents ce qui conduit à la suppression de certaines consonnes désormais inutiles (planette devient planète). En outre, seul le y « étymologique » est conservé : on garde le y dans mystère ou hypocrisie, mais le y devient i dans roi ou lui. Au final, cette édition conduit à une grande réforme de l’orthographe française car elle modernise plus d’un mot sur quatre au total (Pellat, 2011). D’autres modifications seront intégrées au Dictionnaire de l’Académie comme par exemple la suppression du -z en finale dans les noms (amitiez devient amitiés) dans la quatrième édition de 1762 (Jaffré, 2009 ; Pellat, 2011). En résumé, jusqu’à la cinquième édition de 1798, l’Académie oscille entre le maintien d’une certaine tradition et une ouverture à la modernité.

1.3 Vers une orthographe figée et normée

Nous voici arrivés au XIXe siècle. C’est à cette période que l’orthographe telle que nous la pratiquons aujourd’hui est fixée. En effet, après un retour à un étymologisme que Catach (2011) qualifie d’« outrancier » (p. 39) en évoquant la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie de 1835, il n’y aura plus guère d’évolution entre les éditions de 1878 et de 1932-1935. Selon Chervel (2008b, p. 129), à l’issue de 180 années d’évolution, toutes les améliorations qui pouvaient être faites l’ont été :

Pas de création de signes totalement nouveaux, puisque tous étaient déjà présents dans les casses des imprimeurs, pas de transformations radicales et spontanées : uniquement des résurgences de pratiques anciennes plus ou moins oubliées, la spécialisation de variantes déjà existantes (u et v) dans des fonctions discriminantes, l’emprunt de lettres qui ne servaient qu’à l’écriture du latin, des adaptations, des aménagements de séries, des nettoyages opportuns, des régularisations morphologiques.

Dans la mesure où le matériau de base reste inchangé, à savoir l’alphabet hérité du latin, il n’est pas possible d’aller plus loin et de résoudre l’inadéquation entre le nombre réduit de lettres à notre disposition et la richesse de notre système phonologique. Pour véritablement réformer l’orthographe française, il aurait fallu selon Chervel (2008b), éliminer les lettres étymologiques et créer de nouveaux signes. Ce n’était pas une option

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envisageable au XIXe siècle, et cela ne l’est d’ailleurs toujours pas aujourd’hui. Après les dernières modifications de 1835, la norme orthographique apparait comme unique et prescriptive : une seule graphie est tolérée et les écarts à la norme sont désormais stigmatisés et réprimés (Wynants, 1998).

Interrogeons-nous à présent sur le rôle de l’école dans cette évolution. Quel rapport entretient-elle avec l’orthographe au XIXe siècle ? Y a-t-il eu un impact de la création de l’enseignement de l’orthographe comme discipline scolaire sur l’orthographe elle-même ? Au début de la deuxième moitié du XIXe siècle, l’orthographe prend une place considérable dans la société française et l’école n’est pas étrangère à cette évolution.

L’un des signes est l’importance accordée à cette discipline dans les épreuves du brevet élémentaire qui servent à sélectionner les maitres. Chervel explique ainsi cette relation entre le maitre et l’orthographe (2008b, p. 331) :

La revalorisation du métier d’instituteur, consécutive aux différentes réformes de l’enseignement primaire, et ses fonctions de secrétaire de mairie lui donnent maintenant dans sa commune un prestige nouveau et un pouvoir accru. La connaissance de l’orthographe est, avec d’autres compétences acquises à l’école normale, l’un des principaux instruments de ce pouvoir. Pour toutes les pièces administratives, pour tous les actes de la vie civile, pour la rédaction du courrier administratif comme pour l’arpentage des parcelles, c’est à lui qu’on fait appel. [ … ] D’où son attachement, récent mais solide, à l’orthographe et à l’enseignement de l’orthographe.

Les maitres ont alors tout intérêt à ce que l’orthographe se fige à ce moment-là, car ils font partie du petit nombre de privilégiés à disposer de ce savoir et c’est ce qui leur permet d’asseoir leur pouvoir et leur autorité. L’enseignement du français change de nature : les maitres passent d’un enseignement passif à un enseignement actif de l’orthographe sous l’impulsion de la loi Guizot de 1833. Chervel explique (2008b, p. 130) :

Lorsqu’ils préparent la septième édition de leur Dictionnaire, qui parait en 1878, les académiciens travaillent désormais sous le contrôle des instituteurs et de toute l’école primaire du pays qui n’accepteraient pas facilement de voir remettre en question, sauf pour des rectifications mineures, l’orthographe qu’ils ont si difficilement acquise pour leur compte, et pour laquelle ils ont mis au point une didactique efficace. Ce sont eux qui feront échouer la réforme de l’orthographe de Ferdinand Buisson en 1891.

L’orthographe, désormais normée et figée, prend donc une place prédominante dans la société et dans les savoirs enseignés à l’école.

Une autre explication est à chercher du côté de l’histoire d’après Chervel qui explique l’importance grandissante accordée à l’orthographe sur les autres disciplines par la défaite de 18715. En effet, la conséquence a été une poussée de patriotisme et un regain d’intérêt pour la littérature et la langue française en général dans les classes du primaire

5 Cette explication est cependant à considérer avec précaution, car cette tendance s’observe dans les autres pays européens également.

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et du secondaire. A la fin du XIXe siècle, selon Chervel, (2008b, p. 332) : « C’est l’ensemble de la société française qui communie dans cette même vénération pour l’orthographe de la langue. Toutes les administrations placent très haut la barre pour le recrutement des personnels chargés des écritures. » Il faudra attendre l’arrivée de Ferdinand Buisson à la Direction de l’Instruction primaire pour que l’enseignement du français se renouvelle et se diversifie, par le biais de nouveaux programmes publiés en 1882 et grâce à un arrêté de 1889 imposant un rééquilibrage du volume horaire dédié à chaque sous-domaine du français. L’orthographe prend alors une place plus mesurée aux côtés de la grammaire, la lecture, la récitation et la rédaction.

Revenons à l’évolution de l’orthographe. Après les réformes porteuses du XVIIIe siècle et celles moins fructueuses qui leur ont fait suite, d’autres tentatives auront bien lieu, mais leurs effets seront très limités. Nous pensons aux travaux de la commission de 1867 créée en vue de préparer une simplification de l’orthographe (Jaffré, 2009) ou encore aux arrêtés du Journal Officiel de juillet 1900 et février 1901 qui introduisent un certain nombre de tolérances orthographiques qui seront reprises dans un arrêté du Ministère de l’Education nationale en février 1977 (Catach, 2011) : les enseignant·e·s y sont encouragé·e·s à faire preuve de tolérance sur plusieurs points délicats de l’orthographe (l’accord du complément déterminatif ou le pluriel des noms composés) essentiellement lors des examens. La circulaire de 1901 et l’arrêté de 1977 n’ont en réalité jamais été suivis d’effets (Catach, 2011). En Suisse romande, L’Éducateur, revue éditée par le Syndicat des enseignant·e·s romand·e·s, relaie des demandes de simplifications émanant du corps enseignant en 1901 (Brauchli & Stocco, 2001).

En 1904, le Conseil supérieur de l’Instruction publique désigne une commission pour l’élaboration d’une réforme sérieuse. Pourtant, l’année suivante, les propositions de Ferdinand Brunot que Chervel (2008b, p. 125) décrit comme un « ardent militant de la simplification et de la rationalisation de l’écriture » ne seront pas suivies d’effets. D’autres projets de réformes ont vu le jour au XXe siècle (Dauzat en 1939, Beaulieux et Beslais en 1952), mais là aussi ce furent des échecs. Après sa première tentative en 1952, Beslais a été à la tête d’une seconde commission entre 1960-1965 qui œuvra en s’appuyant sur trois critères : l’efficacité, la modération et la simplicité (Catach, 2011). Le Rapport général sur les modalités d’une simplification éventuelle de l’orthographe française proposait la simplification des lettres grecques, la normalisation de l’accentuation (évènement) et la simplification des consonnes doubles. Une fois encore, cette tentative de réforme sera vaine : une campagne de presse fera échouer le projet avant même sa publication et la commission ne sera pas suivie par l’Académie. En 1967, plusieurs projets émanant de

« phonétistes » (Brunot, Blanche-Benveniste et Chervel) proposent une réforme radicale de l’orthographe : elle pourrait être purement et simplement supprimée. Cette réforme phonétique qui a l’ambition d’en finir avec une orthographe au caractère aristocratique et passéiste ne sera pas suivie d’effet. Les principes d’une réforme rationnelle de l’orthographe de Thimonnier (Wynants, 1998) n’auront guère plus de succès : ces propositions qu’on peut qualifier de modestes (Thimonnier propose de modifier

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l’orthographe de 228 mots, tandis que les propositions du rapport Beslais portaient sur 2 000 mots) seront en partie acceptées par l’Académie avant d’être finalement rejetées.

Pourtant, en 1976, sous l’impulsion de René Haby, alors ministre de l’Education nationale, certaines propositions de Thimonnier seront reprises en vue de faire preuve d’une plus grande tolérance vis-à-vis des écrits produits par les candidats aux examens et aux concours organisés au sein de son ministère. Cet arrêté relatif à la simplification du français ne sera pas appliqué (Brauchli & Stocco, 2001).

Nous voici arrivés aux années 1980 où une réforme semble à nouveau possible. C’est ce que réclament dix linguistes parmi lesquels Nina Catach et Maurice Gross dans un manifeste paru dans Le Monde le 7 février 1989. Cette fois, l’opinion se déclare plutôt favorable à une réforme modérée dans un sondage paru dans le magazine Lire en 1989 et les professeur·e·s interrogé·e·s accueillent de façon positive une modernisation de l’orthographe. Tous les signaux sont au vert pour lancer un nouveau projet. Michel Rocard, le Premier Ministre français de l’époque, en sera à l’origine.

1.4 Une dernière tentative de réforme aux effets très modestes La dernière grande tentative de réforme date de 1990, lorsque des Rectifications de l’orthographe proposées par le Conseil supérieur de la langue française ont été publiées au Journal officiel6. Comme pour les réformes proposées par Dauzat, Beaulieux et Beslais que nous venons d’évoquer, ce fut un échec relatif et le conservatisme l’emporta. Ces propositions de rectification qui sont prudentes et modestes concernent moins de 800 mots au total ; leur objectif est avant tout d’éliminer « un certain nombre d’anomalies et d’absurdités » selon les membres du Conseil en charge de rédiger ces propositions. C’est Michel Rocard qui a commandé ce travail au Conseil supérieur de la langue française. A l’époque, l’opinion publique semblait plutôt favorable à une simplification de l’orthographe.

Des linguistes et des hommes politiques s’engagent en faveur d’une réforme. Des ouvrages sont publiés pour appuyer ce mouvement, comme le désormais classique Les délires de l’orthographe (1989) de Catach qui fait de l’introduction de ce livre un véritable plaidoyer pour une révision du code orthographique. Pourtant, dès leur publication, ces propositions ont donné lieu à une vive polémique qui s’exprime dans la presse, notamment dans Le Figaro et France-Soir. De nombreuses voix s’élèvent contre la réforme, comme celle de la Société des agrégés qui s’est opposée très fermement au projet. Au final, ces propositions ont été très peu appliquées et dans la postface de l’ouvrage de Manesse et Cogis (2007), Chervel juge très sévèrement le destin de ces rectifications de 1990 : il parle d’ « échec » (p. 247). Selon lui, seuls événement et certaines formes de futur ont été intégrés aux dictionnaires et donc adoptés. Lorsqu’en 2016 certains manuels scolaires, suivant les recommandations ministérielles, ont appliqué les rectifications notamment concernant les traits d’union et les accents

6 Journal officiel du 6 décembre 1990

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circonflexes, la polémique a repris et les mêmes arguments d’opposition ont été remobilisés.

Selon les pays, le succès de ces rectifications est variable. Il semble qu’elles aient été plus largement adoptées dans certains pays francophones (Jaffré, 2006a). En Suisse romande, les enseignant·e·s qui s’expriment dans l’École libératrice et l’Éducateur en 1988 et 1989 se félicitent de l’évolution des mentalités concernant l’orthographe (Brauchli

& Stocco, 2001) et lorsqu’un Vadémécum est diffusé dans les établissements scolaires des cantons francophones, les enseignant·e·s accueillent favorablement les propositions (Wynants, 1998). Cependant, le rapport est vivement critiqué, car les Suisses francophones n’ont pas été consulté·e·s, contrairement aux Québécois·e·s et aux Belges.

Il serait intéressant de voir dans quelle mesure cette brochure est connue des enseignant·e·s et si elle est mise en œuvre dans les classes en 2021. Toujours selon Wynants, en Belgique et au Québec, l’accueil fait aux rectifications est plutôt bon.

Comment expliquer alors cette forte résistance en France, alors que des associations et des revues font connaitre les rectifications et que l’Académie intègre les rectifications dans l’édition en cours de son Dictionnaire ? Il faut déplorer que le ministère de l’Education nationale semble ignorer les rectifications jusqu’aux programmes du primaire et du collège de 2007 et 2008. Or, on sait que l’enseignement a un rôle important à jouer dans l’intégration et l’application des réformes. Plane (2006) désigne les établissements scolaires comme une « instance de régulation et de transmission ». Nous voyons que dans le cas des rectifications de 1990 l’école a plus agi comme une « force de conservation de l’orthographe » (Plane, 2006, p. 17) que comme un acteur dans la transmission de la réforme. Comparons avec la réforme de l’orthographe décidée en Allemagne en 1998 et finalement appliquée en 2005 : malgré une opposition virulente d’une partie de la population (certain·e·s citoyen·ne·s sont allé·e·s jusqu’à porter plainte contre l’État qu’ils et elles accusaient de porter atteinte à leurs libertés individuelles) et des médias, la réforme a été intégrée aux programmes scolaires : selon Jaffré (2006b),

« les jeunes générations apprennent désormais une orthographe sensiblement différente de celle apprise par leurs parents. » Il apparait clairement que le système scolaire aurait pu jouer un rôle déterminant dans la diffusion des rectifications de l’orthographe.

Pour comprendre les raisons des échecs rencontrés par tous les projets de réformes que nous venons d’évoquer, nous nous référons à un mémoire de licence rédigé en 2001 par Brauchli et Stocco. Nous y trouvons les arguments suivants pour expliquer les résistances vis-à-vis d’une simplification de l’orthographe :

- une assimilation entre langue et culture, interdisant ainsi toute modification ; - une sorte d’attachement à certains mots : Brauchli et Stocco (2001, p. 27) citent

les descriptions que Bernard Pivot fait des mots rhinocéros et éléphant ; - la satisfaction que l’on peut éprouver en maitrisant des mots difficiles ;

- le refus d’abandonner une orthographe que l’on a apprise au prix de tant d’efforts ; - la peur que la langue française soit dépossédée de sa poésie ;

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