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PARTIE 4 : PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE

1. Le recueil des données auprès des enseignantes

Nous avons recueilli deux types de données auprès de toutes les enseignantes qui ont participé à la recherche, qu’elles appartiennent au groupe expérimental ou au groupe témoin : des traces d’activités réunies dans un classeur et des entretiens semi-directifs.

Ces données sont considérées comme complémentaires, les entretiens venant éclairer le contenu des classeurs. Nous avons aussi procédé à des enregistrements des séances de formation que nous avons décrites précédemment. N’ayant pas effectué d’observation en classe, ces données sont particulièrement importantes pour avoir accès aux pratiques des enseignantes en matière d’enseignement de l’orthographe.

1.1 Le dispositif classeur

Il nous était impossible de recueillir l’ensemble des activités menées en classe tout au long de l’année scolaire pour l’ensemble des classes concernées par notre recherche.

Nous avons donc fait le choix d’effectuer un carottage pendant trois quinzaines (en novembre, janvier et mars). Pour cela, nous avons eu recours au dispositif classeur déjà utilisé lors d’une recherche sur la lecture de Thévenaz-Christen et al. (2014). La consigne suivante a été donnée aux enseignantes en début d’année : «Mettez dans ce classeur tout ce qui, selon vous, relève de l’enseignement de l’orthographe. » Pendant les périodes concernées par la recherche, les enseignantes devaient ranger quotidiennement dans un classeur toutes les traces d'activités qui relevaient, selon elles, de l'enseignement de l’orthographe. Elles ont également indiqué au moyen de mots-clés sur une fiche de synthèse une courte description de chaque activité (Annexe 9 - Annexe 10). Lorsque nous employons le terme activité, il s’agit de l’activité de l’élève telle qu’elle a été planifiée par l’enseignant·e, autrement dit « ce que l’élève est censé faire dans les dispositifs didactiques » (Schneuwly & Dolz, 2009, p. 34). Chaque pochette plastifiée rangée dans le classeur correspond à une activité et chaque activité correspond à une ligne de description sur la fiche de synthèse, ce qui permet de délimiter les activités. L’analyse de ces données s’appuie sur une adaptation de la grille utilisée dans la recherche de Thévenaz-Christen et al. (2014). Elle comporte notamment les catégories suivantes : objets enseignés, supports, tâches. Nous décrirons dans le détail cette grille et définirons chaque catégorie dans la section de ce chapitre consacré aux concepts et outils pour l’analyse des classeurs.

137 1.2 Les entretiens semi-directifs

Deux entretiens ont eu lieu avec chaque enseignante du groupe témoin et du groupe expérimental pour connaitre et comprendre leur enseignement de l’orthographe. Il nous semblait également intéressant de pouvoir accéder à leur rapport à l’orthographe et à leurs représentations de l’enseignement de l’orthographe. La première et la deuxième rencontres ont pris la forme d’entretiens de type semi-directif. Le deuxième entretien, celui du mois de juin, s’est déroulé en prenant comme base les traces compilées dans les classeurs.

Au cours du premier entretien qui a eu lieu en septembre, nous avons interrogé les enseignantes sur leur façon d’enseigner l’orthographe habituellement, ainsi que sur ce qu’elles avaient déjà mis en œuvre et sur ce qu’elles avaient l’intention d’entreprendre avec les élèves dans les mois à venir. Il s’agit de pratiques déclarées. Clanet et Talbot (2012) les définissent ainsi :

l’expression pratiques déclarées renvoie […] au discours des enseignants sur leur pratique, à venir ou passée, discours libre ou en réponse à des questions des chercheurs, stimulées par le visionnage de leur propre activité ou pas. Par pratiques déclarées, nous désignons donc le

« dire sur le faire » recueilli à travers le discours des enseignants. (p. 7)

Lors du second entretien qui s’est déroulé en mai ou en juin, l’objectif était de parler des activités placées dans le classeur et de questionner les enseignantes sur les choix opérés.

Nous assimilons ces données à des pratiques constatées, même si aucune observation directe n’a été effectuée en classe. En effet, nous considérons que le discours tenu par l’enseignante sur les données recueillies dans le classeur aide à accéder à l’enseignement de chaque enseignante. Pour Clanet et Talbot (2012, p. 7), les pratiques constatées peuvent être considérées comme : « la connaissance que nous construisons à partir d’observations des pratiques ou d’activités en contextes, observations effectuées par les chercheur·e·s à l’aide de protocoles et d’instruments clairement explicités ». Ces auteurs ajoutent que l’expression « pratiques constatées » est préférable à celle de

« pratiques effectives » parce que cette dernière expression pourrait « laisser penser que nous accéderions à la « vérité » des pratiques » (2012, p. 7).

Les entretiens ont été analysés intégralement lors de la phase exploratoire, mais ils ont été utilisés plus ponctuellement par la suite, car il était impossible de transcrire et d’analyser l’ensemble des enregistrements réalisés. Nous nous y sommes référée ponctuellement pour trouver des réponses que les classeurs ne nous offraient pas.

1.3 Les séances de formation

La quasi-totalité des séances a été enregistrée (Tableau 1). Ont été exclus les discussions informelles et sans rapport avec la formation, les temps de pause, les échanges

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impossibles à transcrire à cause du bruit ambiant et un temps de formation pendant lequel l’enregistreur n’a pas été déclenché (Groupe S - J2).

Pour les groupes U et R, l’enregistreur a été installé sur la table des enseignantes ayant des élèves de 8P et qui participaient au groupe expérimental pour essayer de garder une trace d’un maximum d’échanges se déroulant entre elles. Pour le groupe S, nous avons disposé deux enregistreurs pour capter simultanément les échanges parmi les enseignantes qui ont des élèves de 12 ans et celles qui ont des élèves de 13 ans. En effet, au moment où s’est déroulée cette séance de formation, nous ne savions pas encore que seul·e·s les élèves de 11 et 13 ans seraient retenu·e·s pour la recherche.

Tableau 1 - Détail des enregistrements - séances de formation

Lieu Date Durée Contenu Participant·e·s

Groupe U

J1 - 16 octobre

0H58m32 Questions d’organisation - Présentation de la recherche - Discussion sur les

représentations des enseignant·e·s

7 participantes dont Martine, Paola et Pauline

0H31m38 Apports théoriques sur les difficultés des élèves - Résultats de la phase 1

0H8m44 Pourquoi les élèves font-ils des erreurs ? 0H15m01 Explication sur les erreurs des élèves 0H31m57 Genre textuel et orthographe

J2 - 3 décembre

3H23m31 Intégralité de la séance : Travail par groupes autour de thématiques déjà abordées lors de la 1ère séance - Présentation du canevas - Travail sur la séquence 1

J3 - 27 février

0H31m42 Apports théoriques et activités pratiques 1H09m19 Retour sur les expérimentations faites

depuis la dernière séance et bilan de la séquence 1 - Collaboration sur la

1H23m03 Questions d’organisation - Présentation de la recherche -Discussion sur les

0H41m56 Explication sur les erreurs des élèves J2 - 20

novembre

3H29m14 Intégralité de la séance : Travail par groupes autour de thématiques déjà abordées lors de la 1ère séance - Présentation du canevas - Travail sur la séquence 1

1H05m37 Apports théoriques et activités pratiques 20 participant·e·s dont Eva, Julie et Mathilde 0H34m59 Collaboration sur la séquence 2

(enregistrement de 8 enseignantes qui ont

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0H09m41 Présentation des enseignantes 13 participantes dont Lisa, Julia, Katia et Cloé

1H06m57 Apports théoriques

1H08m05 Présentation du canevas - Travail sur la séquence 1 (enregistrement de 2

enseignantes qui ont des élèves de 12 ans - hors groupe expérimental)

1H19m12 Travail sur la séquence 1 (enregistrement de 3 enseignantes qui ont des élèves de 13 ans - 2 font partie du groupe expérimental) J2 - 14

janvier

2H11m31 Retour sur les expérimentations faites depuis la dernière séance et bilan de la séquence 1

1.4 Faire dialoguer les données pour accéder aux pratiques

Dans le chapitre 1 de la partie 5, nous avons fait le choix de partir des traces concernant les pratiques pour remonter vers le discours en supposant que les entretiens viendraient éclairer ce qui n’était pas interprétable à la seule lecture du classeur. Notre démarche repose sur l’idée que les enseignant·e·s pourraient ainsi justifier leurs choix en termes de supports et de tâches notamment. L’enseignant·e choisit les faits orthographiques à enseigner en amont du travail réalisé en classe en fonction des recommandations du plan d’études romand. Il ou elle doit ensuite penser l’activité de ses élèves et la concrétiser au moyen d’outils sémiotiques. C’est ce cheminement que nous allons tenter de reconstituer au moyen des traces réunies dans le classeur et des entretiens portant sur ces traces.

Nous accédons au travers du discours à des pratiques déclarées, à savoir le « discours des enseignants sur leurs pratiques » (Clanet & Talbot, 2012, p. 7), en nous focalisant ainsi sur le «dire sur le faire». Quant au classeur, il s’agit d’un outil qui permet d’accéder à des pratiques constatées lorsqu’il est complété par le discours de l’enseignant·e. Nous ne cherchons pas à opposer les unes aux autres, mais tentons de les faire dialoguer.

Concrètement, nous commencerons par décrire les données récoltées à l’aide du classeur en nous intéressant aux objets enseignés, puis à leur mode de traitement. En d’autres termes, il s’agira de décrire ce qui est enseigné dans les classes et comment.

Ensuite, nous procèderons à une analyse des données recueillies lors d’entretiens menés en début et fin d’année avec chaque enseignante. Nous essaierons de voir dans quelle mesure les constats sont les mêmes d’un degré à l’autre. Enfin, que ce soit dans l’analyse des classeurs ou dans celle des discours, nous essaierons de porter une attention particulière à deux thèmes en particulier. Tout d’abord, nous nous intéresserons au lien entre orthographe et production textuelle, question centrale dans notre travail de doctorat.

Nous défendons en effet l’idée que pour aider les élèves à progresser en orthographe, il

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faut les entrainer à transférer en situation d’écriture les connaissances acquises dans les phases d’observation et dans les exercices. Ensuite, l’enseignement de l’orthographe grammaticale retiendra aussi toute notre attention, car nous avons pu voir dans le chapitre 1 de la revue de la littérature que la morphographie est une zone du plurisystème qui concentre de nombreuses difficultés pour les élèves de 11 et 13 ans.

2. Analyse des données recueillies auprès des enseignantes