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GUERRE AU LIBAN (1975-1990)

Section 3. Guerre 1975-1990 : causes, déroulement et conséquences sur le plan politique

3.1 Les principales causes

Le conflit régional qui a commencé en 1948 avec la création de l’Etat d’Israël et la guerre israélo-arabe en 1967 ont profondément marqué la scène politique libanaise. Au début des années 1970, les Libanais étaient divisés en deux parties: les anti- impérialistes, défenseurs de la résistance palestinienne et les pro-occidentaux s’opposant à la résistance palestinienne armée depuis le Liban.

166 Quartier chrétien de la banlieue est de Beyrouth. 167 Vingt sept travailleurs palestiniens ont été tués.

Des facteurs externes (le conflit régional) et internes (le confessionnalisme) sont à l’origine de la guerre, même si les premiers ont joué un rôle plus important. Le facteur essentiel qui a conduit au déclenchement de la guerre est l’arrivée des Palestiniens en grand nombre au Liban depuis 1967 et l’organisation de leurs activités militaires contre Israël depuis ce territoire. L’Organisation de Libération de Palestine a installé ses bases militaires au Liban après avoir été chassée de la Jordanie en septembre 1970168. De plus, les multiples attaques israéliennes ont beaucoup aggravé

la situation politique au Liban.

La montée en puissance non seulement des capacités militaires de l’armée palestinienne au Liban, mais aussi de son rôle, a posé plusieurs problèmes pour les puissances régionales et internationales. Cette présence a menacé la stabilité des régimes arabes car les populations ont montré beaucoup d’empathie avec le sort des Palestiniens. Elle a aussi beaucoup préoccupé les Etats-Unis, premier allié d’Israël. La résistance palestinienne depuis le Liban était un moyen d’entraîner Israël dans des hostilités générales, d’autant plus qu’elle refusait d’évacuer les territoires occupés en 1967. Ces différentes situations amènent les acteurs régionaux et internationaux du conflit au Moyen-Orient à contrôler l’évolution de la situation du Liban. Tout au long de la guerre, Américains et Soviétiques, Palestiniens et Israéliens, Iraniens et Irakiens, Syriens, Français, Italiens et Britanniques se heurtent sur le territoire Libanais.

Comme nous l’avons déjà dit, ces facteurs politiques régionaux et internationaux ne sont pas les seules causes de l’éclatement de la guerre en 1975. Il existe aussi des facteurs sociopolitiques internes. « La lutte menée par les cercles dirigeants musulmans au nom de l’affirmation de droits musulmans face aux privilèges chrétiens, poussa les couches défavorisées des communautés musulmanes à réclamer leur place au soleil face aux notabilités traditionnelles urbaines chez les sunnites et rurales chez les chiites »169. Les chrétiens libanais se sentent menacés par l’islam et les Libanais musulmans se sentent écraser par la domination chrétienne. L’OLP a profité du mécontentement d’une partie de la population. Elle a soutenu les parties

168 En 1970, les combattants palestiniens présents en Jordanie appellent au renversement du pouvoir Hachémite. L’armée a

alors massacré les combattants et les civils sans distinction et les a chassés de la Jordanie. Ces évènements sont connus sous le nom de « septembre noir ».

libanaises s’opposant à l’hégémonie maronite en contrepartie de leurs appuis dans sa présence militaire au Liban et dans son combat avec le gouvernement.

Les facteurs économiques tels que les inégalités de développement entre les régions libanaises et les inégalités socio-économiques, que nous allons développer dans le chapitre suivant, ont joué un rôle secondaire dans le déclenchement de la guerre. Toutefois, les bénéfices économiques tirés par les différentes parties en guerre ont constitué le principal facteur de persistance de la guerre. Le second facteur qui explique la persistance de la guerre est l’intervention des puissances étrangères, à la fois en envoyant des aides financières et militaires aux milices et en intervenant directement dans les combats.

Une étude faite sur les causes de la guerre au Liban montre que l’intervention étrangère dans les affaires politiques du Liban et le facteur religion ont poussé à l’éclatement de la guerre en 1975. Cette étude est faite par Makdisi et Sadaka170 en

2005 et elle applique le modèle Collier-Hoeffler171 sur le cas du Liban. Ils étudient

particulièrement les motivations des groupes rebelles participant aux guerres civiles. D’une façon générale, le modèle Collier-Hoeffler relie l’occurrence d’une guerre civile aux variables suivantes : le revenu et la croissance économique, la richesse du pays en ressources naturelles, la taille de la population, le niveau de fragmentation sociale et une variable muette de dominance ethnique. Selon ce modèle, un pays qui connaît une moyenne ou forte croissance économique ne risque pas de subir une guerre. Par contre si le pays est riche en ressources naturelles, il a plus de risque de subir une guerre. Une dominance ethnique et une forte division sociale augmentent le risque de guerre civile.

Makdissi et Sadaka ont testé ce modèle sur le Liban pour l’année 1970 et non pas pour 1974. La probabilité de déclenchement de la guerre en 1974, à la veille de la guerre, ne peut pas être calculée puisque le modèle utilise des données organisées dans un intervalle de temps de cinq ans tout en excluant les années de guerre. Or, en 1975, le Liban était déjà en guerre. Ils trouvent que la tendance générale n’a pas

170 Makdisi S. et Sadaka R. (2005), “The Lebanese Civil War, 1975-90”, dans Understanding Civil War: Evidence and Analysis (Volume2), Washington, World Bank Publications, pp. 59-87.

171 Collier et Hoeffler sont deux chercheurs participant au programme de la Banque mondiale qui a pour objectif principal de

changé entre 1970 et 1974172 et donc le résultat obtenu pour 1970 s’applique à l’année 1974. Makdissi et Sadaka étudient chacune des variables du modèle Collier-Hoeffler. En premier lieu, ils considèrent que la division religieuse au Liban peut être expliquée de deux manières. D’abord, la population libanaise est composée de 18 communautés religieuses mais les maronites, les sunnites et les chiites constituent la majorité de la population (70 à 80%). Ensuite il y a une large division entre les chrétiens et les musulmans. Avant le déclenchement de la guerre, comme nous l’avons dit, les musulmans sunnites demandaient plus d’égalité dans la répartition du pouvoir politique et donc l’augmentation du pouvoir politique de la communauté musulmane vis-à-vis de celui de la communauté maronite. La participation de la communauté chiite au pouvoir devient plus explicite après l’accord de Taëf. La communauté arménienne173 est totalement intégrée dans la société libanaise bien

qu’elle conserve en partie son héritage culturel. Ils concluent alors que le Liban est divisé en deux larges communautés religieuses. Ensuite, la population libanaise est ethniquement (linguistiquement) homogène. Enfin, il n’y a pas de dominance ethnique174 au Liban puisque aucune des communautés ne dépasse les 45% de la

population totale. L’index de la division sociale est la combinaison de l’indice de la division religieuse et de celui de la division ethnique et puisque ce dernier est faible, Makdisi et Sadaka ont considéré que l’index de division sociale est faible et n’a pas joué un rôle dans le déclenchement de la guerre.

En deuxième lieu, le Liban avait le PIB par habitant le plus élevé de la région quand la guerre a éclaté, et donc l’occurrence de la guerre ne s’explique pas par la pauvreté ou la faiblesse du PIB par habitant. Ensuite, le Liban n’est pas riche en ressources naturelles donc ses risques de subir une guerre civile selon le modèle Collier-Hoeffler sont faibles.

En dernier lieu, Makdissi et Sadaka ont trouvé que la probabilité de déclenchement de la guerre au Liban en 1970 est de 2,6%. Cette probabilité est inférieure à celle obtenue pour les pays pris dans le modèle de Collier-Hoeffler (6%). Ils concluent que les principales causes de la guerre au Liban sont d’ordre politique plutôt

172 Seul le PIB a augmenté entre 1970 et 1974. 173 Moins de 7% de la population.

qu’économique et que seule la division religieuse a un rôle déterminant dans la guerre. En plus, les variables économiques prises dans ce modèle tendent à réduire la probabilité de déclenchement de la guerre civile au Liban. Le principal facteur politique est le conflit de l’OLP avec l’Etat libanais qui a suscité les interventions extérieures des autres puissances.