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Section 2. L’étude de J Stiglitz et L Bilmes sur le coût de la guerre de l’Irak et ses critiques

2.1. Le coût de la guerre pour les Etats-Unis

2.1.2. Le coût total de la guerre

Les auteurs comparent le coût de la guerre de l’Irak aux guerres du Vietnam, de Corée, du Golfe, de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale : la guerre de l’Irak a coûté deux fois plus aux Etats-Unis que la Première Guerre mondiale et la guerre de Corée. Selon eux, le coût par soldat en dollars 2007 était inférieur à 100 000 dollars durant la deuxième Guerre Mondiale, alors que ce coût est passé à 400 000 dollars durant la guerre de l’Irak.

Personnellement, nous trouvons qu’il est évident que le coût par soldat augmente entre la Deuxième Guerre mondiale et la guerre d’Irak puisque le revenu annuel moyen d’un Américain durant cette période a beaucoup augmenté. Le PIB par habitant à prix constants aux Etats-Unis durant la Seconde Guerre mondiale est beaucoup plus faible que celui que nous observons aujourd’hui : le PIB par habitant à prix constants (dollars 2005) en 1940 est de 8 832 dollars et celui de 2008 est de 43 671 dollars35. Nous remarquons ainsi que le revenu par habitant des américains durant

les années 1940 était inférieur à celui des années 2000. Donc il est normal que le coût par soldat ait augmenté depuis la deuxième guerre mondiale.

Selon Stiglitz et Bilmes, l’administration américaine a sous-estimé le coût de la guerre : elle prévoyait que cette opération militaire coûterait entre 50 et 60 milliards de dollars. Elle ne prend pas en compte ni les coûts à long terme en matière de frais médicaux et de pensions d’invalidité des anciens combattants, ni les coûts liés à l’envoi de troupes supplémentaires à l’Irak en raison du prolongement de la durée de la guerre36. L’indemnité de décès, l’indemnité pour l’assurance vie et la pension d’invalidité ont augmenté depuis le début de la guerre et elles ne figurent pas dans les comptes de l’administration concernant la guerre.

35 Données tirées de la base de données « Statistical Abstract ».

36 La méthode de calcul utilisée repose sur la « comptabilité de caisse » qui consigne ce qui a été effectivement dépensé en

Ils estiment que la guerre est entièrement financée par l’emprunt puisque les impôts37 n’ont pas augmenté depuis le début de la guerre. Ainsi, considèrent-ils que les coûts de la guerre sont réels même s’ils sont différés dans le temps : ce sont les générations futures qui vont supporter le coût de cette guerre.

Les coûts économiques et sociaux38 supportés par les soldats américains et leurs

familles pour la guerre d’Irak et d’Afghanistan, n’apparaissant pas dans les totalisations budgétaires, sont de 295 milliards de dollars dans le scénario du meilleur des cas et de 415 milliards dans le scénario réaliste modéré.

Les auteurs ont calculé le coût des soins aux anciens combattants blessés et traumatisés, c’est-à-dire ce que coûte à l’Etat la prise en charge de l’ensemble de ces combattants. Ils considèrent que les pensions d’invalidité et les soins médicaux aux anciens combattants sont parmi les plus importants coûts à long terme. Cette estimation consiste à additionner le montant des pensions d’invalidité fixés par le gouvernement et versés à tous les anciens combattants. Le total des coûts estimés, liés aux anciens combattants, s’élève à 717 milliards de dollars dans le scénario réaliste modéré39 et de 422 milliards de dollars dans le meilleur des cas40.

Le coût total41 de la guerre d’Irak et d’Afghanistan est chiffré, sans y inclure les

intérêts, à 2 016 milliards de dollars dans le meilleur cas de figure et 3 095 milliards dans le scénario réaliste modéré. Ces coûts sont détaillés dans le tableau ci-dessous.

37Les auteurs mentionnent que les impôts des riches ont baissé.

38Somme de la valeur d’une vie statistique-décès (net des prestations décès), de la valeur d’une blessure statistique et les frais

médicaux de la société, de la famille et autres, des autres coûts sociaux moins les prestations d’invalidité.

39 Dont 630 milliards pour la guerre de l’Irak. 40 Dont 371 milliards pour la guerre de l’Irak. 41 Total des coûts budgétaires et sociaux.

Tableau No 1.2.1- Le coût total de la guerre d’Irak et d’Afghanistan

Coûts en milliards de dollars

Dans le meilleur des

cas Scénario réaliste modéré Valeur d'une vie statistique-

décès (net des prestations

décès) 56 64

Valeur d'une blessure statistique-toutes les

blessures 180 273

Frais médicaux de la société,

de la famille et autres 55 78

(Moins prestations invalidité) -12 -16

Autres coûts sociaux 16 16

Sous-total coûts sociaux 295 415

Coûts en milliards de dollars

Dans le meilleur des

cas Scénario réaliste modéré Total des coûts de

fonctionnement à ce jour 646 646

Coûts de fonctionnement

futurs seulement 521 913

Coûts futurs des anciens combattants (frais médicaux+ pensions d'invalidité+ pensions de la Social Security 422 717 Autres coûts militaires/Ajustements (cachés dans le budget de la défense+ futur

rééquipement+démobilisatio n -économies zones

d'inetrdiction de vol) 132 404

Sous-total coûts budgétaies 1721 2680 Total coûts

budgétaires+sociaux (sans

intérêts) 2016 3095 Coûts socio-économiques(Irak et Afghanistan)

Le coût budgétaire total, corrigé par l’inflation, de la guerre pour les Etats-Unis est estimé à 3 496 milliards de dollars dans le scénario réaliste modéré et à 2 334 milliards de dollars le scénario « le meilleur cas de figure ».

Ce coût inclut le total des dépenses et des crédits concernant les opérations militaires et toutes les « dépenses de fonctionnement » actuelles et futures mêmes celles cachées ailleurs dans le budget42. Il inclut aussi les coûts actuels et futurs de l’invalidité et des soins médicaux prodigués aux anciens combattants rentrés, les coûts de futurs de la remise à niveau de l’armée pour lui rendre sa puissance d’avant guerre, les coûts budgétaires pour d’autres composantes de l’Etat et les intérêts. Ce coût passe à 5 000 milliards de dollars43 lorsqu’il englobe le coût pour l’économie

et l’impact macroéconomique de la hausse du pétrole, du creusement des déficits, de la baisse de l’investissement et du détournement des dépenses de l’Etat.

La principale contestation à Stiglitz et Bilmes est la surestimation du coût de la guerre44. Stephen Davis, Keven Murphy et Robert Topel, professeurs à l’Université

de Chicago, estiment le coût de la guerre à un trillion de dollars (dollars actuel) dans la pire de leurs estimations. D’après leur estimation la plus réaliste, le coût de la guerre est inférieur à la moitié de ce montant. Notons que l’estimation de ces professeurs est jugée crédible par plusieurs sources.

Matthew Goldberg45 considère que Stiglitz et Bilmes ont surestimé le coût des soins médicaux. Il estime que les coûts futurs des soins médicaux, les pensions d’invalidité et les indemnités aux survivants atteindront, jusqu’à 2017, un coût variant entre 10 et 13 milliards dollars. Or, Stiglitz et Bilmes estiment le coût des anciens combattants blessés à 900 milliards de dollars. Il existe donc une grande différence entre ces deux estimations.

Pour Edgar Browing46, les auteurs ont surestimé le coût de la guerre de l’Irak ; pour lui ce coût ne dépasse pas les 473 milliards de dollars pour les cinq premières années. A son avis, Stiglitz et Bilmes ont fait des scénarios irréalistes ainsi qu’un double

42 Dans le budget de la défense, de la Social Security, du département de travail et du HUD (le département du Logement et

de l’Aménagement Urbain).

43Coût économique total.

44 Ces critiques sont citées dans Lott J. (2008), « Is It really a three trillion dollar war », Fox news, Monday, June 16. 45 Député et assistant du directeur de la sécurité nationale.

compte. Ils ont compté dans leur estimation à la fois les dépenses de guerre et le paiement des intérêts sur l’argent emprunté pour financer ces dépenses. Comme les contribuables sont concernés, ils se soucient de ce qu'ils doivent payer. Si l'argent est emprunté, on ne peut pas compter à la fois la dépense actuelle et les paiements d'intérêts futurs parce que les contribuables ne doivent pas payer maintenant pour les dépenses actuelles. C'est seulement quand ils remboursent l'intérêt qu'ils paieront vraiment la facture.

Nous reprochons aux auteurs le fait de donner les chiffres sur le coût total de la guerre sans les rapporter à un indicateur donné, comme par exemple le produit intérieur brut, afin de pouvoir réaliser l’ampleur de ce coût.

Le coût total de ces opérations militaires dans le scénario le plus optimiste (le meilleur des cas) est de 2 016 milliards de dollars soit 15,4 % du PIB à prix constants de l’année 200847. Par contre, dans le scénario réaliste modéré, ce coût est de 3 096

milliards de dollars : il représente alors 23,26 % du PIB à prix constants de l’année 2008.

Toutefois, il faut rappeler que ce coût est le coût actuel et futur c'est-à-dire qu’une partie du coût n’est pas encore supportée. Il faut peut être rapporter le coût total de la guerre d’Irak sur le PIB des États Unis des années futures.