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Les troubles politiques des années soixante

GUERRE AU LIBAN (1975-1990)

Section 1. Histoire du Liban : de l’indépendance jusqu’à la veille de la guerre civile

1.4. Les troubles politiques des années soixante

Au milieu des années 1960, la situation du Liban se dégrade. Deux facteurs sont à l’origine de cette dégradation de la situation : la relance de la question des eaux du Jourdain et la création de l’Organisation de Libération de la Palestine en 1964. En effet, les Israéliens ont dérivé par canalisation une partie des eaux du Jourdain vers le Néguev au sud d’Israël.

En effet, la gestion de l’eau au Proche-Orient est une des principales causes du conflit israélo-arabe. En plus, elle est à l’origine de l’intervention israélienne dans les affaires politiques libanaises. L’instabilité politique au sud du Liban permet aux Israéliens de mettre la main sur les ressources hydrauliques de la région133. En 1954,

Ben Gourion134 « a proposé au gouvernement israélien de susciter des troubles

confessionnels au Liban conduisant à l’émergence d’un Etat chrétien et, sous entendu, permettant à Israël de s’étendre jusqu’au Litani. Mais le gouvernement rejette cette position aventureuse. Il n’en reste pas moins que l’idée demeure dans l’inconscient politique israélien. Elle se comprend aussi dans le contexte des plans d’aménagement des ressources hydrauliques du bassin du Jourdain »135.

Les Etats arabes s’opposent à la dérivation des eaux du Jourdain et organisent sous l’égide de Nasser le premier sommet arabe au Caire en 1964. Ils décident ainsi de détourner les eaux du Jourdain en territoire arabe et donc de couper l’approvisionnement d’Israël. Ils créent par la même occasion un commandement militaire arabe unifié face à Israël. Suite à cette décision, des troupes égyptiennes et syriennes demandent leur stationnement sur le sol libanais. L’Etat libanais requiert que les travaux de dérivation commencent d’abord en Jordanie et en Syrie et que le stationnement des forces arabes y compris des forces palestiniennes ne se fasse qu’à la demande du gouvernement avec approbation préalable du Parlement.

133 Le Liban accuse Israël de convoyer l’eau du Litani vers son territoire.

134 Il fut le premier Premier Ministre israélien entre 1948 et 1953 et puis entre 1955 et 1963. 135 Cité dans F.Mermier et E.Picard: « Liban une guerre de 33 jours », La Découverte, Paris, 2007

Mais les choses vont tourner autrement pour le Liban. Les parties nationalistes arabes poussent à une action ferme du Liban dans la question du détournement des eaux alors que FATH136 commence ses opérations de sabotage contre Israël depuis le territoire libanais. Le gouvernement libanais commence à prendre des mesures pour limiter les activités des Palestiniens mais sans véritable succès. L’armée israélienne lance un raid de représailles le 28 octobre 1965 et détruit un village du Liban-Sud. Durant la guerre de 1967137, le Liban coopère avec les autres pays arabes. La

principale conséquence de cette guerre pour le Liban est l’entrée 400 000 réfugiés palestiniens sur son territoire et leur installation dans plusieurs camps. Ces camps sont contrôlés par les forces de sécurité libanaises et les services publics sont assurés par l’Agence des réfugiés de la Palestine de l’ONU ou l’UNRWA. Après cette guerre, la tête de l’Organisation de Libération de la Palestine s’installe en Jordanie avant de se déplacer au Liban en 1970 après les évènements de septembre noir.

En mai 1968, à la suite des opérations menées par le FATH depuis le Liban-Sud, Israël bombarde les villages frontaliers libanais faisant plusieurs morts. Le bombardement des villages reprend en octobre de la même année. Les Israéliens multiplient aussi les survols aériens du Liban-Sud et diligentent des incursions au Liban prenant pour prétexte la protection de ses habitants frontaliers. En décembre, Israël lance un raid contre l’aéroport de Beyrouth en représailles à une attaque terroriste deux jours plus tôt à Athènes contre un appareil de la compagnie El Al138.

Treize avions de diverses compagnies aériennes arabes sont détruits ainsi que différentes installations aéroportuaires139.

En septembre 1969, les organisations palestiniennes répliquent aux bombardements du Liban-Sud par des tirs de roquettes sur les villages frontaliers israéliens. Le secteur est mis en feu pour plusieurs jours. En octobre, Israël mène la première opération terrestre de représailles contre un village libanais. L’armée libanaise tente mais sans succès de prendre le contrôle des camps tenus par les organisations

136 Acronyme inversé de Harakat al Tahrir al Watani Al Filastiniya, Mouvement de libération nationale de la Palestine. Cette

organisation a été créée dans la clandestinité au Liban. A savoir que FATH a commencé d’abord ses opérations depuis la Cisjordanie mais en lançant ses communiqués de presse depuis Beyrouth.

137 Cette guerre oppose Israël à l’Égypte, la Syrie et la Jordanie du 5 au 10 juin 1967. 138 Compagnie aérienne israélienne.

139 Le conseil de sécurité condamne à l’unanimité cette action israélienne et adopte la résolution 262 du 31 décembre 1968.

Selon cette résolution, « le Liban a droit à une réparation appropriée pour les destructions qu’il a subies et dont Israël a reconnu d’être responsable ». Toutefois, cette résolution n’a pas fixé les modalités de réparations des dommages causés.

palestiniennes. L’Egypte, la Syrie et la Libye s’opposent à cette tentative de prise du contrôle des camps palestiniens par l’armée.

Nous pouvons constater d’après les évènements que nous venons de citer que la situation du Liban devient de plus en plus difficile à la fin des années 1960. D’un côté, le gouvernement libanais n’a pas les moyens de contrôler l’activité des organisations palestiniennes qu’il a accueillies sur son territoire. En plus ces derniers reçoivent le soutien des parties politiques musulmanes et progressistes qui proclament la solidarité totale avec ces organisations ; ce qui rend difficile toute tentative de contrôle des activités des fedayin140 palestiniens. D’un autre côté, les pressions

israéliennes sur le Liban se multiplient.

Cette crise se termine par la signature le 3 novembre 1969 des accords du Caire qui reconnaissent aux Palestiniens le droit de mener leur lutte armée depuis le Liban tout en respectant la souveraineté de l’Etat libanais. Malheureusement, après ces accords l’Etat libanais se trouve incapable de faire respecter sa souveraineté. Les parties chrétiennes commencent à s’armer et les affrontements se multiplient entre l’armée libanaise et les combattants palestiniens jusqu’au déclenchement de la guerre le 13 avril 1975.

Malgré tous les événements que nous venons de citer, l’environnement politique au Liban depuis l’indépendance et jusqu’au milieu des années 1970 est considéré comme stable. La liberté d’expression et d’opinion est garantie, les partis politiques sont nombreux, les élections parlementaires sont libres et se passent dans les délais législatifs, l’élection d’un nouveau président et le changement du conseil des ministres se font tranquillement et sans aucun problèmes. Le Liban était le centre de refuge de tous les dissidents politiques arabes ainsi que des intellectuels.

Tous ces évènements qui ont eu lieu de temps à autre n’ont pas empêché le développement économique du Liban durant ces années là. Le pays a connu depuis les années soixante et jusqu’au milieu des années soixante-dix une forte croissance économique que nous expliquerons en détail dans la section suivante.

Section 2 : La situation socio-économique au Liban durant les

années qui ont précédé l’éclatement de la guerre (1950-1974).

Nous pouvons qualifier la stabilité politique avant 1975 comme étant relative. Le pays a connu une forte tension avec Israël d’abord en 1948 et ensuite en 1968, une mini guerre civile en 1958, plusieurs affrontements entre l’armée libanaise et la résistance palestinienne présente au Liban durant les années 1970. Pourtant, tous ces événements n’ont pas ralenti le processus de développement économique au Liban. Le seul effet qu’ils avaient sur l’économie était une légère baisse du taux de croissance de l’année où l’événement a eu lieu ; l’année suivante, nous assisterions à une reprise de la croissance.

Nous détaillerons l’évolution de la croissance et du développement économique et social au Liban durant les années d’avant guerre dans cette section. Notre principal objectif est de voir comment l’économie libanaise a pu se développer au cours de ses années malgré les problèmes politiques auxquels elle faisait face et l’instabilité régionale caractérisée par le conflit israélo-arabe.

A cette époque, la croissance s’adaptait à l’instabilité sans dégâts majeurs et ce ne sera jamais le cas après le déclenchement de la guerre. En effet, la guerre va rendre l’économie plus fragile aux évènements politiques et va changer aussi le rôle et les préoccupations de l’Etat. Après 1991, tout incident politique va déstabiliser l’environnement économique. Avant la guerre, l’Etat donnait une importance particulière aux domaines sociaux tels que l’éduction et la santé. A titre d’exemple, les dépenses dans le domaine de l’éducation constituaient 14 % des dépenses budgétaires en 1965 et 22% en 1974. Durant la guerre, ces dépenses ont chuté pour atteindre 13% en 1980. Même après la fin de la guerre, ces dépenses restent faibles : elles constituent 8% en 1991 et 9% en 2005.

Depuis le déclenchement de la guerre, l’Etat s’intéresse en premier lieu à la reconstruction de l’infrastructure détruite durant les combats. Le projet de reconstruction n’a pas porté ses fruits en matière de développement. Comme nous allons voir dans le chapitre suivant, le Liban n’a pas pu récupérer son niveau de croissance d’avant guerre.

La présentation des caractéristiques de l’économie libanaise, sa comparaison dans certains domaines avec les pays de la région et de l’histoire du pays, nous permet de justifier les scénarios utilisés, dans le chapitre suivant, pour le calcul du coût d’opportunité de la guerre.