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1978-1981 150 000 provisoires et 80 000 autres déplacés

1.1.1.3. Les destructions

Le troisième effet direct de la guerre que nous étudions dans cette partie est la destruction du capital physique : biens d’équipement, automobiles, logements, immeubles, hôpitaux, écoles, entreprises, ports, aéroports, routes, ponts. La guerre au Liban a causé des dégâts matériels très importants étant donné la multiplicité des conflits. Ces destructions ont entrainé une chute de la production nationale et un ralentissement de l’activité économique.

Le secteur du logement a été gravement atteint par les destructions. Des dizaines de milliers de logements ont été détruits. Des milliers de Libanais de toutes les régions ont perdu leurs maisons, ils se sont trouvés du jour au lendemain sur la route, sans aucun abri. Les pertes du secteur de l’habitat sont estimées à 772 millions de dollars

durant les années de guerre222. La vague la plus importante des destructions a eu lieu durant les deux premières années de la guerre. Environ la moitié de ces pertes (44%223) était supportée entre 1975 et 1976.

Concernant le secteur industriel, de nombreuses petites et moyennes entreprises commerciales, artisanales et industrielles ont été détruites ou déplacées. De plus, plusieurs zones industrielles ont été entièrement ou partiellement détruites. D’autres ont été mises hors d’état de produire à cause de la perte des équipements, de la main d’œuvre et des marchés. La baisse de la production de l’énergie électrique a obligé certaines usines à arrêter leur production. Le commerce intérieur et extérieur a été désorganisé en raison de la baisse de la production des industries, de la fermeture des ports et de l’aéroport et des difficultés de transport routier entre les différentes régions libanaises.

Le secteur du bâtiment qui occupait une part importante de la population active a subi le même sort. Le secteur touristique - les hôtels en particulier - a été gravement atteint par la destruction. Il a perdu sa clientèle. Dans l’agriculture et l’élevage, le secteur a été partiellement détruit et mis hors d’état de produire. Les équipements de ce secteur ont été en grande partie détruits ou volés tandis que des milliers d’hectares de vergers ont été coupés.

Plusieurs estimations des pertes ont été faites mais elles ne couvrent pas toute la période de la guerre. Chaque estimation concerne une période donnée de la guerre, exceptée pour la période 1984-1987 où aucune étude sur les destructions n’est faite. La première a été faite par le ministère du plan et elle a couvert les deux premières années de la guerre (1975-1976). La deuxième est faite par la Confédération Générale des Travailleurs du Liban sur la période 1975-1983. La troisième est faite par la Chambre du Commerce et de l’Industrie pour les deux dernières années de la guerre (1989-1990).

Les pertes des deux premières années de la guerre sont estimées à environ 2,5 milliards de dollars. Elles incluent celles du secteur public, du secteur privé ainsi que les pertes en marchandises. Le montant de cette perte énorme surtout si nous le

222 Notons que les destructions des maisons qui ont eu lieu entre 1984 et 1988 ne sont pas recensées. Ainsi, nous considérons

que le montant total des destructions des habitats a atteint les 772 millions de dollars durant la guerre.

rapportons au produit intérieur brut de l’année 1976. En effet, ces pertes représentaient 44,5 % du PIB de 1976224. Les pertes en dollars des différents secteurs sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Tableau No4.1.5 - Estimation des pertes en capital et marchandises en milliers de

dollars (1975-1976)

Pertes du secteur public

Bâtiments et équipements de l'administration 173,250

Offices autonomes 35,640

Ports, aéroports, éléctricité 231,660

Total 440,550

Pertes du secteur privé

Agriculture 99,000

Industrie 495,000

Commerce 330,000

Tourisme (hôtels, restaurants, plages) 59,400

Logement 330,000

Autres 64,350

Total 1,377,750

Pertes en marchandises 660,000

Total Général 2,478,300

Source : Ministère du Plan, (Nous avons converti les valeurs en dollars)

D’abord, nous remarquons que le secteur privé était le plus touché par les destructions. Ses pertes constituent environ 55% du montant total des pertes supportées entre 1975 et 1976. Ce sont les secteurs de l’industrie, du commerce et du logement qui ont subi le plus de dégâts. Ensuite, nous constatons que les pertes en marchandises étaient aussi importantes (27% du total des pertes). Enfin, nous ne pouvons pas négliger les importantes pertes subies par le secteur public, surtout au niveau des ports et de l’aéroport.

La deuxième estimation des pertes en capital est faite par la Confédération Générale des Travailleurs du Liban en 1983 et elle couvre la période allant de 1975 à 1983 (huit ans). Le montant total des pertes est de 4,75 milliards de dollars225. Environ la

moitié de ces pertes (52%226) a été causée les deux premières années de la guerre, vu

l’intensité des conflits qui se sont déroulés. L’autre partie se concentre sur l’année 1982, marquée par des vagues de destructions massives d’infrastructures : routes,

224 Le PIB à prix constants de 1976 est de 5,572 millions de dollars selon la base Chelem.

225 Ces pertes sont présentées dans l’annexe 10.

226 Nous obtenons ce pourcentage en divisant le total des pertes des années 1975 et 1976 (2,478 millions de dollars) sur le

ponts et hôpitaux. Le coût des destructions causées entre 1975 et 1983 constituent 55,3% du produit intérieur brut de 1983227. Nous constatons que plus la guerre continue, plus le coût des destructions s’élève et plus sa part devient importante par rapport au produit intérieur brut. Le secteur du commerce et des services a été le plus touché suivi par les équipements publics et le secteur de l’habitat. La destruction des infrastructures s’est avérée très élevée. Un très grand nombre de logements a été aussi détruit durant cette période.

Pour les années 1989 et 1990, la Chambre de Commerce et de l’Industrie a estimé les pertes directes en capital physique à 630 millions de dollars. Ce coût des destructions nous semble faible par rapport à celui des autres années, vu les multiples combats qui se sont déroulés, surtout à Beyrouth. C’est pour cette raison que nous retenons le coût des destructions cité dans une autre source228 et qui est de 1,3 milliards de dollars

entre 1988 et 1990. Durant ces deux dernières années de guerre, le secteur le plus touché par les destructions est celui des infrastructures. À Beyrouth, il y a eu une destruction complète du réseau d’électricité, de télécommunications et d’adduction d’eau. De plus, environ 20 000 habitations ont été endommagées. L’industrie a été aussi touchée par cette dernière vague de destruction : 150 usines ont été détruites. Les charges supportées par le pays en situation de guerre du fait des destructions de guerre peuvent être mesurées par la méthode d’appréciation introduite par J.M Keynes. Cette charge est assimilée à ce qu’il appelle « le coût de reconstitution » : ce sont les sommes qu’un pays consacre à la reconstitution des immeubles détruits et à la fabrication et aux réparations des matériels totalement ou partiellement détruits qui permettent de mesurer les pertes enregistrées par un pays.

Le coût total des destructions du capital physique pendant les seize ans de guerre est 6,046 millions de dollars. Nous rappelons que ce coût n’inclut pas les pertes subies entre 1984 et 1987. Le montant total des destructions des pertes constitue 69% du PIB de l’année 1990229. La perte est colossale et il faut au pays des milliards de dollars pour réparer ce qui a été détruit tout en l’améliorant, pour suivre les progrès

227 Le PIB à prix constants de 1983 est de 8,569 millions de dollars selon la base Chelem. 228 Debié F. et Pieter D. (2003), « La Paix et la Crise : le Liban reconstruit ? », PUF.

technologiques. Nous revenons à cette idée dans notre calcul du coût d’opportunité de la guerre au Liban.

La première conclusion que nous tirons est que la guerre prolongée a des effets directs très élevés. Les pertes en vies humaines augmentent avec la poursuite de la guerre. À chaque fois que de nouveaux combats ont lieu, il y aura des gens qui meurent et qui se blessent. Le nombre des déplacés et des émigrés augmente tout au long de la guerre. En plus, l’émigration ne cesse pas avec l’arrêt du combat. Beaucoup de Libanais ont quitté leur pays entre 1991 et 1995 malgré la reprise économique. Enfin, le montant des destructions varie significativement avec les combats.