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GUERRE AU LIBAN (1975-1990)

Section 1. Histoire du Liban : de l’indépendance jusqu’à la veille de la guerre civile

2.1. Contexte général

Depuis l’indépendance du Liban en 1943 et jusqu’au début des années 1970, le Liban vivait d’une façon générale dans un climat de stabilité politique et de forte croissance économique. La croissance économique remarquée durant cette période apparaît, pendant les années cinquante, dans les différentes branches du secteur tertiaire141 et à

partir de la fin des années soixante, elle est remarquable dans l’industrie. Durant cette période, « le Liban réussissait à se développer bien plus vite que la plupart des pays de la région »142. Il est devenu un important centre culturel, financier et industriel.

Durant cette période, l’Etat a adopté une politique de libéralisme économique qui limite son intervention dans l’activité économique et qui favorise l’initiative privée. En effet, le rôle économique de l’Etat libanais n’a jamais été prépondérant. Il n’intervient que dans des domaines très spécifiques tels que l’offre des services publics et la commercialisation du tabac. Des mécanismes régulateurs sont mis en place pour certaines activités comme le prix de certaines denrées alimentaires, les frais du transport et la production du tabac.

L’économie libanaise est de type libéral, elle est ouverte sur l’extérieur sans aucune restriction sur les transferts de capitaux avec un taux de change flottant. Toutefois le taux de change de la livre libanaise, est caractérisé par une stabilité relative durant cette période143. La politique économique libanaise nourrissait jusqu’en 1974 deux objectifs principaux : le premier est la maintenance d’une stabilité financière relative et le deuxième est l’encouragement des efforts économiques du secteur privé en lui fournissant l’opportunité et les modalités et de l’expansion économique144. Il faut savoir que la construction des infrastructures occupait une place importante dans le

141Commerce, administration transports, activités financières et immobilières, services aux entreprises, éducation, santé,

action sociale.

142Sayigh Y. (1978), “The Economies of the Arab World”, New York, St Martin Press.

143Entre 1952 et 1971, l’appréciation trimestrielle moyenne de la livre libanaise par rapport au dollar s’est située autour de

0,05%.

144Makdissi S. (1979), “Financial Policy and Economic Growth: The Lebanese Experience”, New York, Colombia University

budget. Les dépenses du ministère des travaux publics et du transport constituaient 26% des dépenses totales en 1966 et 16% en 1973. Il est vrai que les dépenses de construction ont baissé entre 1966 et 1973 mais elles restent parmi les plus élevées. Elles sont dépassées par les dépenses de défense et d’éducation qui se montent respectivement à 23% et 19%.

L’instabilité politique occasionnelle n’a pas trop affecté la situation économique du pays. En effet, lors de ces évènements, nous remarquons une faible baisse du taux de croissance. Les données disponibles sur les principaux indicateurs économiques ainsi que sur la situation économique des ménages sont rares. Dans cette section, nous nous basons sur des chiffres et des données tirés de quelques études réalisées sur l’économie libanaise avant la guerre.

À l’aube de l’indépendance, la majorité de la population libanaise vivait dans les montagnes avec pour activité économique principale l’agriculture. La société était largement rurale et artisanale. Jusqu’au milieu des années cinquante, l’agriculture a joué un rôle majeur dans son économie. Ainsi, le Liban exportait essentiellement des produits agricoles, notamment des agrumes, des pommes et des légumes. Dans les années 1950, la part des différents secteurs dans le produit national net145 (PNN) est

représentée par le graphique ci-dessous. La contribution des différents secteurs dans la production nationale des années 1960 n’est pas connue. Selon les estimations, cette contribution n’a pas changé de manière majeure par rapport à celle des années 50.

145 PNN= PIB – revenus du travail et de propriété reçus du reste du monde – revenus du travail et de propriété versés au reste

Graphique No3.2.1- La répartition des différents secteurs dans le Produit National

Net dans les années 1950 et 1960

Source : chiffres tirés de « Déficits Budgétaires et Dette Publique : 1964-1984» de André Chaib et mis sous cette forme par nos soins.

À cette époque, les services constituaient 60% du produit national net. Le secteur agricole jouait un rôle important dans l’économie : sa part dans le PNN était de 20%. La part de l’industrie non négligeable s’explique par les efforts des industriels de multiplier et de développer leurs activités.

À la veille de la guerre, la politique économique libanaise consistait à encourager le secteur des services (commerce, tourisme, banque) au détriment des secteurs industriels et agricoles. Ainsi la contribution des différents secteurs dans la production nationale a changé. La part du secteur agricole a chuté à 9% alors que celle de l’industrie a seulement légèrement augmenté puisque le gouvernement a délaissé le potentiel industriel du pays. Ainsi les services continuaient de représenter la plus grande partie du PIB, et l’agriculture et le secteur public ne jouaient plus qu’un rôle secondaire dans l’économie. La nouvelle répartition des secteurs dans le produit intérieur brut à la veille de la guerre est représentée par le graphique ci- dessous.

Graphique No 3.2.2 - Part des différents secteurs dans le PIB en 1974

Source : chiffres tirés de « Bilan des guerres du Liban, 1975-1990 » de Boutros Labaki et Khalil Abou Rjeily et mis sous cette forme par nos soins.

De l’indépendance et jusqu’à la moitié de 1974, le Liban est donc passé d’une économie largement rurale à une économie moderne de services, basée sur le secteur du tourisme, sur le commerce et sur les activités bancaires. Cette nouvelle économie n’a pas pu offrir des emplois aux Libanais qu’ils soient qualifiés ou non.