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Evolution de la croissance

GUERRE AU LIBAN (1975-1990)

Section 1. Histoire du Liban : de l’indépendance jusqu’à la veille de la guerre civile

2.2. Evolution de la croissance

Depuis l’indépendance, le Liban a connu des périodes de forte croissance économique avec des ralentissements de temps en temps souvent associés aux perturbations politiques que le pays a subies. Le taux de croissance dans les années cinquante est estimé puisque les statistiques officielles du PIB n’existent que depuis 1960. Selon Makdissi, il est de 7,5%146 sur l’ensemble des années 50 et selon d’autres estimations,

il varie entre 6% et 8% entre 1950 et 1956.

A partir de 1950, le Liban connaît une période d’essor économique qui sera faiblement interrompue par la guerre civile de 1958. Cette croissance s’explique par l’afflux de capitaux et d’hommes d’affaires en provenance de Syrie, d’Egypte et

d’Irak après les différents troubles politiques dans leurs pays, où se succèdent les coups d’Etat militaires et s’effectue un processus de nationalisation. Cet afflux de capitaux est encouragé par la loi sur le secret bancaire adoptée en 1956 et aussi par l’absence de contrôle des changes, au contraire des autres pays arabes de la région. A cela, s’ajoutent les remises des émigrés libanais à leurs familles dans le pays. De plus, les réfugiés palestiniens au Liban et les ouvriers saisonniers syriens ont constitué une main d’œuvre à bon marché qui a permis aux entreprises d’être plus compétitive. Enfin, la livre libanaise est une monnaie forte qui s’apprécie continuellement ce qui a permis l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages puisque une partie des produits de consommation sont importés de l’étranger.

Cette période est caractérisée comme nous l’avons déjà dit par une interférence gouvernementale minimale dans l’économie, une orientation de la politique publique tendant à assurer un maximum de liberté au secteur privé, à servir les intérêts commerciaux et à donner la priorité à la communauté des marchands 147 excepté lors

des années du mandat de Fouad Chéhab (1958-1964). Le président Chéhab a dirigé pendant quelques années la politique économique du pays au profit de la justice sociale148. Durant son mandat, les dépenses économiques et sociales ont fortement

augmenté, les administrations du développement se sont multipliées et les dépenses publiques représentent l’équivalent d’un tiers du revenu national149. Trois domaines sont particulièrement concernés par cette réaffectation des dépenses : celui des infrastructures physiques, de l’action sociale et de l’action en faveur des secteurs productifs.

La relance de l’économie reprend à la fin des années 60 et jusqu’à la première moitié des années 1970. Durant cette période de forte croissance, le taux d’inflation a été maintenu à des niveaux très bas : 2,3% selon l’administration centrale de la statistique. Ce faible taux d’inflation s’explique par une politique monétaire restrictive et par la bonne tenue de la livre libanaise face aux principales devises. Et c’est au début des années soixante-dix que l’inflation a commencé à s’accélérer du fait d’une forte expansion du crédit bancaire et de la hausse du coût de l’énergie. La croissance au cours de cette période est représentée par le graphique ci-dessous.

147 Sayigh Y. (1978), “The Economies of the Arab World”, New York, St Martin Press. 148 Corm G. (2005), « Le Liban contemporain : Histoire et société », La Découverte, Paris.

Graphique No 3.2.3 - L’évolution du PIB réel du Liban entre 1960 et 1974

Source : Valeurs tirées de la base de données Chelem et mises sous cette forme par nos soins.

Le taux de croissance annuel moyen des années 60 est de 4,51% et celui de la première moitié des années 1970 est de 5,8%150. Entre 1965 et 1973, il est entre 6 et

6%151 et de 5,36% si nous le calculons à partir des données du PIB à prix constants

de la base Chelem. Après un faible ralentissement de l’économie au milieu des années 1960, l’économie croît rapidement en 1970, son taux est de 6,6%.

Le principal facteur de la relance économique des années 1970 est l’afflux des capitaux libanais et arabes dans les banques libanaises. Les raisons qui motivent cet afflux de capitaux sont : les pertes que les détenteurs courent de leurs placements dans les sociétés d’investissements étrangers dont leurs cours d’action ont chuté depuis 1968 de 30 à 40% et les baisse des taux d’intérêt offerts par les banques américaines et européennes. Le secteur de la construction a bénéficié de cette augmentation des crédits à l’économie. L’année 1972 se solde par un « boom » sans

149 Dagher A. (1995), « L’Etat et l’Economie au Liban : Action Gouvernementale et Finances Publiques de l’Indépendance à

1975 », Cermoc, Beyrouth.

150 Nous avons fait le calcul de ces taux en utilisant le PIB réel de la base de données chelem. 151 Makdisi S. (2004).

précédent de l’économie152 avec un taux de croissance de 12,16%. De plus les exportations ont augmenté et les recettes douanières ont progressé (13,3%).

C’est à partir de l’année 1973 que la croissance commence à ralentir (son taux de croissance passe à 4,70%). En fait, cette année connaît deux évènements majeurs qui ont affecté l’économie de différentes façons. Il s’agit d’abord du premier affrontement opposant l’armée libanaise à la résistance palestinienne au mois de mai et ensuite de la guerre israélo-arabe d’octobre. Les événements du mois de mai ont causé des dégâts matériels et l’arrêt de l’activité économique puisque la frontière syrienne et l’espace aérien syrien sont fermés pour plus de 3 mois aux produits en provenance du Liban pénalisant ainsi les secteurs de transit et de l’exportation. De plus le secteur du bâtiment a été touché à cause du départ de la main d’œuvre syrienne. Ces évènements ont coûté 200 millions de livres libanaises soit environ 76 millions de153 dollars selon les estimations de la chambre de l’industrie et du

commerce. Les pertes dues à la fermeture des frontières sont estimées à 600 millions livres libanaises soit environ 230 millions de dollars.

En résumé, nous pouvons dire que le fait d’octroyer au Liban un rôle de paradis fiscal et bancaire avec une faible intervention de l’Etat dans les affaires sont les principales causes de la croissance économique des années d’avant guerre. La période d’avant guerre est une période d’essor économique. Malgré cet essor économique, cette période se caractérise par un creusement des écarts sociaux et par une aggravation des problèmes sociopolitiques.