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Président de gauche, gouvernement de droite, les acteurs de l’art contemporain entrent en résistance

Dans le document La géographie de l'art contemporain en France (Page 130-136)

Première partie : L’art contemporain en France depuis

Document 7: Lettre manuscrite de Niki de Saint-Phalle (1990)

II. L’art contemporain dans les politiques culturelles (1959-2004)

5. Art contemporain, culture et cohabitations

5.1 Président de gauche, gouvernement de droite, les acteurs de l’art contemporain entrent en résistance

Suite à la défaite de la gauche aux élections législatives de mars 1986, la France connaît le premier gouvernement de cohabitation dirigé par Jacques Chirac. Les successions de Jack Lang se sont effectuées globalement dans la continuité, tout au moins en ce qui concerne l’art contemporain. En effet, le budget s’est globalement maintenu malgré quelques fléchissements. Avec François Léotard, la part du ministère de la Culture dans le budget de l’Etat est effectivement descendue à 0.81%. Toutefois, c’est beaucoup plus que le budget Lecat, qui n’accordait en 1981, que 0,48% du budget de l’Etat à la Culture. Finalement, les bases de l’aménagement culturel du territoire sont restées en place, et les ministres de droite ou de gauche qui se sont succédés n’ont pas pu, ou n’ont pas voulu, provoquer de ruptures radicales.

François Léotard a tout d’abord tenté de donner une orientation plus libérale à sa politique, en favorisant le mécénat culturel. Il a poursuivi le travail que Jack. Lang avait déjà commencé, en permettant aux particuliers de déduire de leurs revenus, dans la limite de 3% en 1982, puis de 5% en 1985, les dons effectués au profit d’organismes culturels. Cette mesure a ensuite été étendue aux entreprises. François Léotard s’est en fait contenté d’augmenter les plafonds de déductibilité fiscale pour les entreprises et les particuliers. Ces mesures ne peuvent donc pas prétendre constituer une nouvelle politique culturelle, d’autant que les patrons français, à part de rares exceptions, se sont

révélés être de bien modestes mécènes, sans commune mesure avec leurs collègues américains.

Tableau 1 : Les ministres de la Culture entre 1981 et 2000

(Source : Ministère de la Culture)

Certains projets ont toutefois été remis en cause, ou ont failli l’être, comme les

Colonnes de Buren (leur véritable nom est Les deux plateaux) réalisées dans la cour du

Palais-Royal, à Paris. C’est le Président Mitterrand qui a été à l’initiative de cette commande publique194 en 1985, juste avant les législatives de 1986, perdues par la gauche. Le couple François Léotard –Philippe de Villiers195 qui contrôlait alors la rue de Valois, s’est évertué à faire échouer ce projet mitterrandien. Outre la personnalité du commanditaire, les critiques visaient le caractère et la localisation du travail de Daniel

194 Il s’agissait de la première commande publique en France pour Daniel Buren. 195

Secrétaire d’Etat à la Communication.

Date de nomination Nom du ministre Intitulé du ministère 22/05/1981 Jack Lang Ministère de la Culture 20/03/1986 François Léotard Ministère de la Culture et de

la Communication

12/05/1988 Jack Lang Ministère de la Culture, de la Communication, des Grands Travaux et du Bicentenaire 16/05/1991 Jack Lang Ministère de la Culture et de

la Communication

02/04/1992 Jack Lang Ministère de l’Education nationale et de la Culture 30/03/1993 Jacques Toubon Ministère de la Culture et de

la Francophonie 18/05/1995 Philippe Douste-Blazy Ministère de la Culture 04/06/1997 Catherine Trautmann Ministère de la Culture et de

la Communication

27/03/2000 Catherine Tasca Ministère de la Culture et de la Communication

Buren. C’est effectivement la première fois que l’on réalisait en France une œuvre contemporaine, dans un site classé monument historique. Son aspect était également dérangeant, puisqu’il apparaissait totalement incongru, pour une partie de l’opinion publique, de construire autre chose qu’une statue, dans une place ou un jardin public.

Le chantier est arrêté au début 1986, suite à une plainte des adversaires du projet auprès du tribunal administratif qui ordonne un sursis à exécution, alors que les travaux étaient presque achevés. Finalement, malgré les campagnes de presse orchestrées notamment par le Figaro196, le tribunal exige l’achèvement du chantier, en raison du droit moral de l’artiste. Les palissades de bois qui protégeaient le chantier se sont progressivement couvertes de graffitis traduisant les opinions divergentes du public. Ces planches ont été exposées pendant l’été 2002 au Centre Pompidou, à l’occasion de l’exposition de Daniel Buren « Le musée qui n’existait pas ».

L’œuvre de Daniel Buren, imposée au gouvernement de cohabitation, n’a finalement jamais été inaugurée.

Cet épisode est significatif de l’orientation donnée par François Léotard, qui a voulu rompre avec la politique d’innovation de son prédécesseur et mettre l’accent sur le patrimoine et les enseignements artistiques. C’est ainsi qu’au printemps 1988, pour bien marquer sa différence, à quelques mois des élections législatives, il a décidé de lancer une souscription publique pour permettre l’acquisition du Saint-Thomas de Georges de la Tour par le musée du Louvre.

Les réticences de François Léotard face à l’art contemporain n’ont pas entraîné la remise en cause des FRAC qui avaient été toutefois très controversés, au début des années 1980. En 1986, ils étaient déjà bien ancrés dans le paysage culturel des régions, qu’elles soient tenues par la droite ou par la gauche. Finalement, cette politique initiée par Jack Lang a satisfait la plupart des élus locaux qui, une fois passées les protestations de circonstances, sont devenus des acteurs motivés de l’aménagement culturel du territoire.

Photo 41 :Fragment des palissades du chantier du Palais Royal présenté en 2002 à l’occasion de l’exposition de Daniel Buren, « Le musée qui n’existait pas » au Centre Pompidou, Paris

Cliché : Teodoro Gilabert (2002)

Photo 42 : François Léotard accusé de trahison, Centre Pompidou, Paris Cliché : Teodoro Gilabert (2002)

Photo 43 : Les deux plateaux de Daniel Buren, une œuvre qui montre la difficulté mais aussi l’intérêt de la confrontation entre le patrimoine et l’art contemporain. Elle semble aujourd’hui bien acceptée par le public. Cet espace était auparavant un parking réservé à la Comédie Française et au Conseil d’Etat, Paris

Cliché : Teodoro Gilabert (2002)

La loi sur les enseignements artistiques, qui a été préparée depuis le début de la première cohabitation, a été votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale et le Sénat le 6 janvier 1988. Si elle avait été réellement appliquée, ce qu’un vote à l’unanimité aurait pu laisser supposer, elle aurait constitué une des bases fondamentales de la démocratisation de la culture. Elle prévoit en effet de rendre obligatoire les enseignements artistiques qui « contribuent à l’épanouissement des aptitudes individuelles et à l’égalité d’accès à la culture », dans les établissements scolaires. Il s’agissait, pour François Léotard, de « prolonger, pour les disciplines de la sensibilité, l’œuvre que la République a réalisée pour les disciplines de l’esprit par les lois de Jules Ferry »197. Toutefois, cette loi n’est toujours pas appliquée en 2004, puisqu’il n’y a eu aucune programmation financière et que tous ses textes d’application ne sont pas encore parus.

La réélection de François Mitterrand en mai 1988, suivie de la victoire de la gauche aux législatives, met fin à cette cohabitation et le couple F. Mitterrand – J. Lang

197 François Léotard, lors du vote de la loi, cité par Jean-François CHAINTREAU et Dominique JAMET, in

fonctionne à nouveau jusqu’en 1993. La victoire de la droite aux législatives de 1993 entraîne une deuxième cohabitation jusqu’en 1995. Jacques Toubon est ainsi nommé ministre de la Culture et de la Francophonie. Amateur d’art, le nouveau ministre ne remet pas en cause les politiques définies par son prédécesseur en faveur de l’art contemporain. Il n’innove pas réellement dans ce domaine, mais il met cependant en place une convention interministérielle visant à développer les enseignements artistiques et engage d’importants travaux, au centre Pompidou et dans des musées de province.

5.2. Président de droite, gouvernement de gauche, la politique

Dans le document La géographie de l'art contemporain en France (Page 130-136)