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Cartes diffusées par Laurent Moriceau (2001)

Première partie : L’art contemporain en France depuis

Document 3 Cartes diffusées par Laurent Moriceau (2001)

En 2000, dans le même esprit, il avait demandé aux habitants de Fontenay-le- Comte, en Vendée, de recopier leurs numéros de téléphone sur des ballons de baudruche. Ceux-ci, dispersés lors d’un lancer assez festif66, ont permis de mettre en relations des personnes à l’échelle européenne, ce que Laurent Moriceau a appelé l’Annuaire Diffus. L’espace couvert par l’œuvre de l’artiste (le réseau) prend ici une dimension dépassant largement celle des pièces habituellement exposées dans les musées.

Photo 32 : Laurent Moriceau : L’Annuaire Diffus de Fontenay-le-Comte, 2000 Cliché : Bernard Renoux, extrait de la brochure du Parcours contemporain, 2000

Le plasticien Fabrice Hybert a également une démarche qui relève de l’esthétique relationnelle. Pour être indépendant des galeries et des institutions, il a créé, en 1994, une SARL nommée Unlimited Responsability (UR). Cette unité de production67 est située dans le 19ème arrondissement de Paris et compte sept salariés. Le site Internet de l’artiste, www.hybert.com, présente les objectifs d’UR :

« En 1994, il crée avec quelques amis la société UR-sarl- afin de favoriser des échanges et de soutenir des projets tant dans le monde de l'art que dans celui de la recherche et de l'entreprise.

L'un des premiers projets d'UR vise, via le commerce, "l'un des piliers de l'Islam", à établir d'autres contacts que ceux de la guerre et du terrorisme avec des pays marqués par une "religion qui limite ou interdit l'image du corps". L'entreprise UR accompagne Fabrice Hybert dans la production de "p.o.f" (prototypes d'objets en fonctionnement), elle produit notamment "radar", (une casquette à double visière à Moscou en 1994) et organise avec l'artiste de nombreux projets comme l'UR FAIR (Lisbonne 1998) ou la transformation de l'ARC, au musée d'art moderne de la ville de Paris en "Hybertmarché" en 1995. Toute l'œuvre de Fabrice Hybert peut être regardée comme une entreprise mettant en réseau des idées et des individus, des savoirs et des savoir-faire dont le dénominateur commun est un certain humanisme entendu comme potentiel humain de transformation.

La SARL Unlimited Responsability est aujourd’hui intégrée dans un réseau mondial par l’intermédiaire d’un club international d’entrepreneurs, Woolways. Son activité déborde

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largement du cadre de la production d’objets ou d’œuvres d’art. Elle consiste aussi à effectuer du mécénat pour d’autres artistes que Fabrice Hybert, mais également à collaborer à la communication interne et externe des entreprises. »

L’esthétique relationnelle ne s’est donc pas limitée à une remise en cause des relations entre le public et l’œuvre d’art. Elle a aussi induit un nouveau rapport à l’espace. La mise en réseau et la participation des différents acteurs priment sur les caractères du lieu. L’espace couvert par l’œuvre d’art, devient très variable, avec parfois une dimension théorique infinie. Cela est rendu possible par des techniques de communication modernes comme le téléphone et l’Internet, bien qu’elles ne constituent qu’un des moyens utilisables pour la mise en relation, qui peut prendre des formes multiples.

La nécessité d’un lieu spécifique disparaît le plus souvent. Le musée, la galerie ou le centre d’art n’apparaissent alors que comme un des éléments, non indispensable, d’une structure plus large et évolutive. Cependant, un « lieu » qui n’est pas nécessairement d’exposition ou d’installation, est souvent indispensable pour permettre de capter un public.

Ces mutations rendent la géographie de l’art contemporain plus évolutive, mais aussi parfois insaisissable.

5. Artistes travaillant sur l’espace public

Les pratiques des artistes intervenant dans l’espace public sont tellement diverses qu’il est impossible de les rassembler dans un mouvement ou un courant particulier, défini par les historiens de l’art. De plus, en ce début du XXIème siècle, les frontières entre ce que l’on appelle les différents groupes, mouvements ou tendances de l’art contemporain68, sont très perméables. Cela rend difficile, voire illusoire toute tentative de classification. Nous pouvons toutefois considérer que l’intervention dans l’espace public, n’en déplaise aux historiens de l’art, constitue une attitude commune à de nombreux artistes, et justifie qu’on les regroupe, au moins dans le cadre de notre travail. Une appellation « art public » semble en effet se répandre dans la littérature spécialisée, c’est d’ailleurs le titre d’une revue (art-public.com), diffusée sur Internet.

Cet extrait du site art-public.com (en 2004) précise quels sont les destinataires de cette revue en ligne :

Aux professionnels (artistes, critiques d'art, conseillers artistiques, chercheurs,

enseignants, etc...) qui souhaitent trouver un centre de documentation vaste et actualisé et des possibilités d’établir des liens avec d’autres professionnels en vue de créer des échanges.

Aux collectivités (villes, départements, régions, etc...) qui souhaitent publier

l'inventaire de leur patrimoine pour mettre en valeur leur action artistique en matière de commande publique, et inciter le public à la découverte des œuvres.

Au grand public qui souhaite se tenir informé sur les œuvres d’art de l’espace

public et plus particulièrement celles de son environnement immédiat, prendre connaissance des actions réalisées au niveau local et découvrir ce qui a pu être fait ailleurs.

Ce site (payant, le « grand public » est en fait peu concerné) répond principalement à une demande d’information des collectivités qui désirent se lancer dans la commande publique. Il offre en effet, un très large éventail de réalisations, tant sur le plan des choix artistiques (de la Figuration libre de Combas à l’Art conceptuel de Buren) que sur celui des localisations (du parking souterrain à la fontaine, en passant par l’hôpital). Nous retiendrons donc cette appellation art public, qui ne correspond certes à aucun courant artistique reconnu, mais a le mérite de regrouper de façon non ambiguë des œuvres et des artistes dont la pratique polymorphe est en plein développement.

Durant l’Ancien Régime, la plupart des commandes émanant de la puissance publique étaient des statues royales. L’architecture et l’urbanisme étaient organisés autour de ces places royales : place des Victoires, place Vendôme, place des Vosges… pour ce qui concerne Paris.

Au XIXème siècle on a assisté à une véritable vague de commandes de statues, qualifiée par l’historien Maurice Agulhon de « statuomanie ». Cette nouvelle tradition de l’hommage monumental, très présent sous la IIIème République, est confrontée, dès le début du XXème siècle, au problème du manque d’espaces disponibles. Le développement des musées en plein-air, comme au jardin du Luxembourg, à Paris, permet de faire face, en partie, à cette pénurie de places. Cela s’est traduit par une diminution très sensible du nombre de nouvelles sculptures installées dans l’espace public.

Il a fallu attendre l’année 1981, marquée par les nouvelles initiatives du gouvernement socialiste, pour assister à une multiplication des interventions des artistes contemporains dans l’espace public69. Auparavant, les autorités compétentes, au niveau de l’Etat ou des collectivités locales n’ont pas permis aux grands artistes de l’époque de réaliser des œuvres conçues pour être exposées à l’extérieur. C’est notamment vrai pour Paris, alors que dans certaines villes de province comme Grenoble, Dijon et Strasbourg, Vitry-sur-Seine, Chalon-sur-Saône, mais aussi dans le quartier de la Défense et dans les Villes Nouvelles, des politiques de commandes publiques sont mises en œuvre dès la fin des années 1960. La ville de Grenoble, qui possède un musée d’art moderne depuis 1921 a montré à nouveau son intérêt pour la création contemporaine, en étendant, en 1967, le principe du 1% à toutes les constructions municipales. Elle a également organisé, en 1967, dans le cadre de la préparation des Jeux Olympiques de 1968, le premier symposium de sculpture de France. Il s’agissait de réaliser des sculptures pour le Village Olympique et le parc Mistral, situé près de l’Hôtel de Ville. Si les matériaux (pierre, béton, bois et métal) étaient imposés, l’implantation des œuvres était déterminée conjointement par les artistes, les architectes et les organisateurs.

En dehors de ces quelques exceptions, on peut effectivement trouver étonnante aujourd’hui, l’absence de réalisations des grands maîtres de l’art moderne comme Picasso, Braque ou Matisse dans l’espace public. Pourtant, Picasso avait présenté, à plusieurs reprises, des projets de monuments à Apollinaire, à partir de 1927. Ceux-ci ont tous été rejetés par le comité constitué après la mort du poète, en 1918, afin de collecter des fonds pour décorer sa tombe avec une œuvre d’art. Giacometti avait également proposé de nombreux projets de sculptures monumentales, représentant des figures filiformes, d’hommes ou de femmes qui marchent. Tous ont été écartés.

Plus récemment, en 1968, Dubuffet a présenté des photomontages afin de construire sa « Tour aux figures » place Victor Hugo, à Paris. Le projet n’a pas été accepté. Finalement, cette œuvre monumentale a été inaugurée après la mort de l’artiste, en 1988, par le président Mitterrand, à Issy-les-Moulineaux, en banlieue parisienne. Aux Etats-Unis, les commandes de sculptures monumentales ont été plus précoces qu’en France. Si Dubuffet réalise en 1972 un « Groupe des quatre arbres » pour le

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parvis de la Chase Manhattan Bank à New-York, son Salon d’été, qui a pourtant été commandé par la Régie Renault en 1973, n’a toutefois jamais été construit70.

Document 4 : Brochure de présentation de la Tour aux figures (mairie d’Issy les