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Les mesures fiscales concernant les collectionneurs et les entreprises

Dans le document La géographie de l'art contemporain en France (Page 180-188)

Première partie : L’art contemporain en France depuis

ALLOCATIONS DE RECHERCHE DANS LE DOMAINE DE LA RESTAURATION

6.9.2. Les mesures fiscales concernant les collectionneurs et les entreprises

Ces mesures fiscales ont pour but d’augmenter les initiatives privées dans le domaine artistique. Dans la réalité, ces financements ne sont pas totalement privés puisque l’Etat a renoncé, par ces déductions fiscales, à une partie de ses recettes fiscales. L’intérêt du système réside dans le fait que « l’incitation fiscale exerce le plus souvent un effet multiplicateur sur les dépenses privées. »255.

Les mesures les plus significatives ont été l’exonération des œuvres d’art originales de l’assiette de calcul de l’impôt sur les grandes fortunes, puis de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune, instaurées au cours du premier et du second septennat de F. Mitterrand.

Les dations, conformément à la loi du 31 décembre 1968, autorisent tout héritier, donataire ou légataire, à acquitter tout ou partie de ses droits de succession en remettant à l’Etat des œuvres d’art après évaluation et agrément par une commission spécialisée. Depuis 1973, les dations permettent de régler les droits d’enregistrement sur les donations partages et à partir de 1982, l’impôt sur les grandes fortunes.

Toutes ces mesures fiscales ont permis d’enrichir les collections des musées nationaux. Le meilleur exemple réside sûrement dans la dation Picasso qui a permis la création, à Paris, du musée situé dans l’hôtel Salé. Jusqu’à présent, l’art contemporain a

été assez peu concerné par ces dispositions, les grands collectionneurs n’étant pas encore morts. Nous verrons que certains, comme François Pinault, ont choisi une autre formule, celle de la fondation, pour éviter la dispersion de leur patrimoine.

Le mécénat a eu plus de difficultés à s’imposer. Même s’il existait en France avant que l’on légifère à son sujet, il a toutefois toujours été moins efficace que dans les pays anglo-saxons. C’est pour cette raison, qu’en 1978, Jacques Rigaud crée l’Association pour le Développement du Mécénat Industriel et Commercial (ADMICAL), afin de faire pression sur les pouvoirs publics et d’encourager les chefs d’entreprises à s’engager sur la voie du mécénat. A cette époque, l’opposition de gauche et de nombreux artistes ont réagit sévèrement, craignant que ce système provoque un désengagement (encore plus grand) de l’Etat. Il faut dire que le ministre en charge de la Culture à cette époque, Jean-Philippe Lecat, a été le moins bien doté de la Vème République. A cela, est venue se greffer la revendication, de la part de certains artistes, d’une indépendance vis-à-vis du pouvoir économique. Raymonde Moulin affirme à ce sujet que « …les artistes les plus significatifs des avant-gardes des années soixante et soixante-dix, pourfendeurs du capitalisme, dénonçaient la collusion du gouvernement avec les milieux d’affaires. »256.

Après la victoire de la gauche, en 1981, la méfiance vis à vis des mécènes capitalistes s’est paradoxalement tarie, et nous avons vu précédemment comment Jack Lang a su réconcilier économie et culture.

La loi du 23 juillet 1987, "sur le développement du mécénat" dont le projet fut présenté par Jack Lang, fait reconnaître le mécénat d’entreprise « comme un acte de gestion ordinaire de l’entreprise », elle constitue le cadre général, juridique et fiscal, dans lequel le mécénat évolue. Ces textes prévoient plusieurs possibilités concernant la déductibilité des dons des entreprises consentis à des organismes d'intérêt général :

-Le mécénat sans contrepartie :

Ces dépenses sont déductibles à hauteur de 2,25 pour 1 000 du chiffre d'affaires hors taxes de l'entreprise si les dons sont versés à des œuvres ou des organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

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Ces dépenses sont déductibles à concurrence de 3,25 pour 1 000 du chiffre d'affaires hors taxes de l'entreprise si elles sont destinées : - à des associations ou des fondations reconnues d'utilité publique, - à des établissements d'enseignement artistique publics, ou privés à but non lucratif agréés par le ministre chargé du Budget et le ministre chargé de la Culture, - à des établissements d'enseignement supérieur publics, ou privés à but non lucratif agréés par le ministre chargé du Budget et le ministre chargé de l'Education nationale. Attention : La déductibilité de ces dons n'est admise que si la dépense n'engendre aucune contrepartie immédiate et d'égale valeur, pour le donateur. Source : Admical (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial) et Code Général des Impôts, 2001.

-Le mécénat avec contrepartie : le parrainage

A. La déductibilité des dépenses exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation. Ce cas est évidemment le plus fréquent. C'est par assimilation des dépenses de mécénat avec contrepartie (ou parrainage) à des dépenses de nature publicitaire, que le traitement de ces charges comme frais généraux a été rendu possible par une note administrative du 12 avril 1985, complétée par une seconde note du 21 février 1986.

La loi du 23 juillet 1987 a entériné les mesures instituées par ces deux notes, dans son article 10. Ainsi, au terme de l'article 39-I 7° du Code Général des Impôts, sont déductibles, au titre de charges d'exploitation, les dépenses de parrainage engagées par les entreprises dans le cadre de manifestations de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises,

lorsqu'elles sont exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation.

Les dépenses de parrainage sont désormais autonomes par rapport aux dépenses de publicité.

B. La déductibilité des achats d'œuvres d'art

Mesures originales et sans aucun doute dispositions parmi les plus novatrices de la loi du 23 juillet 1987, les deux modes de déductibilité des achats d'œuvres d'art prévus par le législateur s'accompagnent cependant de conditions assez

à ce dispositif :

1. La déductibilité des achats d'œuvres originales d'artistes vivants.

Les entreprises ont la possibilité de déduire les dépenses inhérentes à l'acquisition d'œuvres originales d'artistes vivants sur dix ans (avant 1994, la déduction s'étalait sur 20 ans) et par fractions égales.

- L'œuvre doit être exposée au public. Les entreprises peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au prix d'acquisition de l'œuvre. Par prix d'acquisition, il faut comprendre le prix de revient hors taxes c'est à dire "le prix d'achat augmenté des frais accessoires éventuels et diminué le cas échéant de la T.V.A. récupérable". La déduction opérée annuellement ne peut dépasser par exercice la limite de 3,25 pour 1 000 du chiffre d'affaires hors taxes de l'entreprise, minorée du total des déductions prévues à l'article 238 AA du Code Général des Impôts (versements aux œuvres ou organismes d'intérêt général, aux associations et fondations reconnues d'utilité publique…).

2. La déductibilité des achats d'œuvres d'art données ultérieurement à l'Etat. Les entreprises peuvent également déduire, par fractions égales et sur une période maximum de dix ans, leurs achats d'œuvres d'art, de livres, d'objets de collection et de documents de haute valeur artistique ou historique, dont l'offre de donation à l'Etat a été acceptée.

La principale condition qui s'applique à la déductibilité de ces dépenses réside dans cette acceptation du don par l'Etat. En effet, obligation est faite à l'entreprise de donner l'œuvre à l'Etat à l'issue d'un délai maximum de dix ans (en pratique, cette notion de propriété est restreinte dans la mesure où le bien acquis est insaisissable et incessible et l'offre de don à l'Etat irrévocable). Elle doit par ailleurs exposer l'œuvre au public.

La déduction effectuée ne peut excéder par exercice 3,25 pour 1 000 du chiffre d'affaires hors taxes de l'entreprise. Toutefois l'excédent par rapport à cette limite peut faire l'objet d'un report. En effet, les déductions prévues en cas d'achat de ces œuvres, lorsqu'elles n'ont pu être pratiquées en période déficitaire, sont reportables sur les cinq exercices qui suivent la remise de l'œuvre à l'Etat.

Au contraire, dans le cas d'achats d'œuvres originales d'artistes vivants, aucun report n'est admis.

Source : Admical (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial) et Code Général des Impôts, 2001.

Cette loi sur le développement du mécénat a été complétée par celle du 4 juillet 1990 qui porte création des fondations d'entreprise. La principale différence avec les fondations reconnues d’utilité publique réside dans le fait qu’elles ne peuvent pas faire appel à la générosité publique, et ne peuvent recevoir ni dons ni legs. Ces mesures ont pour objet d’éviter une concurrence entre les deux types de fondations.

Depuis le décret d'application du 30 septembre 1991, cinquante fondations d'entreprise ont vu le jour.

Traitement fiscal

L'article 5 de la loi de 1990 précise que : "les versements faits au bénéfice d'une fondation d'entreprise ouvrent droit à déduction dans la limite globale de 2,25 pour mille du chiffre d'affaires de la société versante, même si la fondation porte le nom de l'entreprise".

L’administration a dû admettre en conséquence que dans une circulaire fiscale du 28/2/92 : "cette précision a pour effet de permettre aux entreprises de bénéficier des avantages fiscaux prévus en faveur du mécénat, alors même que la condition liée à l'absence de contrepartie directe ou indirecte pour le donateur n'est pas satisfaite". La même instruction précise par ailleurs que : "la fondation d'entreprise ne doit pas réaliser des opérations lucratives (...). Dès lors, il est interdit aux entreprises fondatrices la recherche de contreparties immédiates et de valeur égale à leur action de mécénat dans le cadre d'une fondation d'entreprise".

Source : Admical (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial) et Code Général des Impôts, 2001.

En 2003, le gouvernement a fait du développement du mécénat une priorité. Une réforme a été proposée par le ministre de la Culture et menée conjointement par le ministères de l’Intérieur et de l’Economie et des finances :

- Le premier axe a pour objectif de développer le mécénat par un renforcement substantiel des incitations fiscales.

- Le deuxième axe vise à favoriser le mécénat des entreprises par un doublement de l’encouragement fiscal.

- Le quatrième axe tend à accélérer et simplifier la reconnaissance d’utilité publique.

Cette réforme a été mise en place par l’adoption, le 1er août 2003, d’une loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations, et par des mesures mises en œuvre en janvier 2004 par voie de circulaires ministérielles. Voici ces principaux caractères de la nouvelle législation :

• Une réduction d’impôt de 60 % sur le montant de l’impôt sur les sociétés : Pour les dons affectés aux œuvres et organismes d’intérêt général.

• Dans la limite d’un plafond de 0,5 % du chiffre d’affaires :

avec possibilité d’utilisation de l’excédent (si dépassement du seuil) pour le paiement de l’impôt dû au titre des cinq exercices suivants. Le report est identique en cas d’exercice non bénéficiaire.

Le dispositif se substitue au mécanisme antérieur de déduction du résultat imposable. • Des contreparties possibles de la part de l’organisme bénéficiaire :

Les organismes bénéficiaires des dons peuvent associer le nom de l’entreprise versante aux opérations réalisées. Les entreprises peuvent ainsi bénéficier de contreparties, dès lors qu’il existe une disproportion marquée entre le don et la valorisation de “la

prestation” rendue. Le montant des contreparties autorisées est aujourd’hui limité à 25% du montant total du don.

• Une stabilité juridique et fiscale pour l’entreprise :

L’organisme bénéficiaire émettant un reçu fiscal peut, s’il le souhaite, demander confirmation de l’administration fiscale au préalable, pour vérifier le caractère d’intérêt général de son action.

• Des mesures supplémentaires pour les entreprises engagées dans le mécénat

culturel :

Par ailleurs, lors des discussions du projet de loi devant le Parlement, le Ministre de la culture et de la communication a confirmé l’éligibilité au mécénat des actions à l’étranger “dès lors qu’elles sont effectuées par des organismes basés en France ayant vocation à œuvrer à l’étranger ”.

La loi du 1er août 2003 ouvre donc une large voie au mécénat d’entreprise en doublant quasiment l’avantage fiscal par rapport à la situation antérieure.

• Bénéficiaires :

-Les fondations ou associations reconnues d’utilité publique.

-Les œuvres ou organismes d’intérêt général, sans condition d'agrément : entrent dans cette catégorie les associations loi de 1901 dont la gestion est désintéressée. (celles non assujetties à la TVA - en totalité ou par secteurs -, ainsi que celles assujetties qui ont pour activité principale, le spectacle vivant, la musique et le cinéma).

-Certains établissements d'enseignement publics ou privés agréés. -L’Etat, ses établissements publics, et les collectivités territoriales. • Pour les œuvres originales d'artistes vivants :

Les achats d’œuvres originales d'artistes vivants sont désormais admis en déduction du résultat imposable des entreprises. L’obligation d’exposition au public de ces œuvres est limitée à la durée de l’amortissement du bien (5 ans) et vise désormais tous les "lieux accessibles au public". Les œuvres originales d’artistes vivants sont en outre exclues de l’assiette de la taxe professionnelle.

L’objectif est aussi de favoriser la création de fondations, beaucoup moins nombreuses en France que dans les pays anglo-saxons est allégeant leur fiscalité. La loi prend en compte trois types de fondations :

Les fondations reconnues d’utilité publique :

Les biens qui y sont affectés le sont de façon irrévocable. La fondation reconnue d’utilité publique a donc le caractère d’une institution pérenne dont la reconnaissance fait l’objet d’un décret en Conseil d’Etat. Les revenus de la dotation initiale complétés éventuellement par des dons, ressources extérieures et rémunération de services rendus assureront son indépendance et garantiront son fonctionnement régulier.

Les fondations d’entreprise :

Les fondations d’entreprise favorisent un mécénat d’entreprise durable. Elles se distinguent de la fondation reconnue d’utilité publique par une durée de vie limitée et une capacité juridique moins étendue. Elles ne peuvent pas recevoir de legs, ni faire appel à la générosité publique, mais peuvent, depuis 2003 bénéficier des dons de leurs salariés. (cf ci-dessous). Elles sont constituées après une simple autorisation administrative lors de leur constitution.

Les fondations abritées :

A ce jour, une dizaine de fondations reconnues d’utilité publique – dont la Fondation de France, l’Institut de France, la Fondation du Patrimoine… ont inscrit dans leur statut la possibilité d’abriter des “comptes fondations”. Leurs donateurs effectuent un versement à caractère irrévocable en vue d’une œuvre d’intérêt général dont l’établissement reconnu d’utilité publique sera chargé de la fonction de gestion directe. Tous les dons effectués sur ces comptes bénéficient des avantages fiscaux attachés aux fondations par cet intermédiaire. Cette formule permet une mutualisation des frais de gestion.

La loi du 1er août 2003 allège la fiscalité des fondations reconnues d’utilité publique Les fondations reconnues d’utilité publique ont une imposition sur les revenus provenant de la gestion de leur patrimoine au taux réduit de 24 % ou pour certains revenus immobiliers de 10 %. Elles bénéficient d’un abattement sur le montant de l’impôt sur les sociétés qui est porté de 15.000 euros à 50.000 euros.

Les fondations d’entreprise peuvent désormais recevoir les dons de leurs salariés. Les salariés d’une entreprise fondatrice ou des entreprises d’un groupe auquel appartient l’entreprise fondatrice bénéficient désormais de la réduction d’impôt de 60 % prévue au dispositif général s’ils versent des dons individuels à la fondation de leur entreprise.

Source : http://www.culture.gouv.fr/, 2004

Ces mesures rentrent dans le cadre d’un désengagement de l’Etat qui ne concerne pas que le secteur culturel. Le 17 décembre 2002, le Premier ministre, Jean- Pierre Raffarin, a effectivement annoncé que « L’Etat n’a plus le monopole de l’intérêt général ». Cette attitude nouvelle, dans un pays marqué par une forte implication de l’Etat dans le domaine culturel, a été perçue très inégalement par les acteurs de l’art contemporain. La plupart d’entre eux s’inquiètent toutefois des risques d’une dérive

idéalisé. Le gouvernement semble vouloir clairement s’inspirer du modèle des Etats- Unis, et y a d’ailleurs organisé un voyage d’étude, à l’initiative du département des affaires internationales du ministère de la Culture, en janvier 2003. La France, qui fait figure d’exception sur le plan de l’implication de l’Etat dans le domaine de l’art contemporain, est très en retard au niveau du mécénat. En 2003, la France comptait 600 fondations (33 pour l’art contemporain), l’Allemagne, 2 000, le Royaume-Uni, 3 000, et les Etats-Unis, 12 000. Actuellement, les grands mécènes de l’art contemporain sont peu nombreux. Le nombre de fondations a toutefois tendance à augmenter depuis quelques années. L’annuaire du CNAP257 en recense 41 en 2004. En juin 2004, deux nouveaux lieux ont ouvert à Paris, profitant de la nouvelle loi sur le mécénat : il s’agit de la Maison Rouge, la fondation Antoine de Galbert (12ème arrondissement) et du siège social de LVMH, avenue Montaigne (8ème arrondissement), qui présente aussi des œuvres d’art. La fondation de François Pinault, sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt, devrait constituer l’exemple français le plus remarquable, à l’horizon 2006.

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