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Analyse du discours de Catherine Tasca du 20 septembre

Dans le document La géographie de l'art contemporain en France (Page 138-144)

Première partie : L’art contemporain en France depuis

Document 7: Lettre manuscrite de Niki de Saint-Phalle (1990)

II. L’art contemporain dans les politiques culturelles (1959-2004)

5. Art contemporain, culture et cohabitations

5.2. Président de droite, gouvernement de gauche, la politique culturelle redevient plus ambitieuse

5.2.2. Analyse du discours de Catherine Tasca du 20 septembre

Le discours prononcé lors de la conférence de presse du 20 septembre 2000, afin de présenter le projet de budget pour 2001, montre bien que l’action de C. Tasca se situe dans la continuité de celle de J. Lang. La quête du 1% a été une constante depuis 1981, elle a pratiquement abouti. Les trois objectifs majeurs sont la défense de la diversité culturelle, de l'égalité d'accès à la culture et de la décentralisation. Il s’agit donc d’un ministère de combat, dont les bases ne sont toujours pas totalement assurées. Si les deux premiers objectifs correspondent à ceux de J. Lang, nous avons vu que la décentralisation culturelle, dont il fut un des principaux acteurs, n’a pas été accordée de son plein gré, alors qu’elle apparaît ici comme une des priorités de la Ministre :

« Ce budget est en progression de 1,2 % pour l'Etat. A l'intérieur de cet ensemble, les budgets de la culture, de l'audiovisuel et des aides à la presse, présentent des progressions beaucoup plus importantes : 2,6% pour la Culture, 6,1% pour l'audiovisuel et 2% pour les aides à la presse. (…)

Ce sont en effet des progressions supérieures à celles qui ont été enregistrées l'an passé. Nous disposerons ainsi de 415MF de mesures nouvelles pour la culture, et de 1 milliard 183 millions de francs pour l'audiovisuel. C'est donc pour nous, Michel Duffour et moi-même un sujet de satisfaction. Cela signifie en effet que non seulement nous pourrons poursuivre, conforter ce qui existe, mais aussi que nous pourrons ouvrir de nouvelles pistes et soutenir de nouveaux projets.

Ces moyens supplémentaires, qu'il s'agisse du volet culture ou du volet audiovisuel et presse, nous les mettrons au service de la défense de la diversité culturelle, de l'égalité d'accès à la culture et de la décentralisation qui sont les trois objectifs majeurs que nous nous sommes fixés dès notre arrivée dans ce ministère.

Avant d'exposer plus précisément l'utilisation que nous comptons faire de ces moyens nouveaux, constatons ensemble que l'objectif symbolique des 1% est quasiment atteint puisque le budget de la culture représentera, en 2001, 0,994% du budget de l'Etat. Mon objectif sera donc que le budget 2002 ouvre une nouvelle étape. »

Le soutien à la création et aux créateurs est l’objectif de tout ministre de la Culture. Ce discours insiste toutefois sur la restauration des marges artistiques et la relance du spectacle vivant, ce qui rappelle les prises de position de J. Lang en faveur de la prise en compte de toutes les cultures :

« Le budget 2001 vise donc en premier à soutenir la création et les créateurs et nous consacrerons une grande part de nos moyens nouveaux à restaurer les marges artistiques dans le secteur du spectacle vivant à créer de nouveaux lieux de création et de diffusion et soutenir l'essor de nouvelles disciplines ; enfin, à former dans de meilleures conditions les créateurs de l'avenir. Et tout d'abord restaurer les marges artistiques. Nous avions déjà obtenu à cet effet une dotation exceptionnelle de 50MF dans le collectif budgétaire de printemps. Nous disposerons en 2001 de près de 80MF pour poursuivre et amplifier cette relance dans les institutions du spectacle vivant. »

Les ministres de droite étaient très attachés à l’entretien et à la restauration du patrimoine, ceux de gauche… un peu moins. Catherine Tasca prétend satisfaire les partisans de la préservation et de la création. Sur le plan de la défense du patrimoine, elle se démarque de ses prédécesseurs de droite, en insistant sur la nécessité de préserver des réalisations architecturales du XXème siècle :

« Je trouverais en particulier injustifiable de sacrifier la commande publique d'œuvres nouvelles au prétexte que nous manquerions encore de moyens pour restaurer les œuvres anciennes. Ces deux dimensions de l'action du ministère doivent aller de pair et le budget 2001 en est une bonne illustration. (…)

En ce qui concerne le patrimoine, les moyens que nous consacrons à la restauration des monuments anciens sont largement dominants, ils continuent d'ailleurs de progresser à 1 milliard 580 millions, soit 43 millions de plus que cette année. Mais nous ferons une place plus grande à l'architecture du 20e siècle. L'achat de la villa Cavrois, construite par Mallet Stevens, en est un signe. »

Si la période des grands travaux s’est achevée avec le départ de Mitterrand, la Ministre s’inscrit tout de même dans une certaine continuité, en lançant de nouveaux chantiers. Ils font preuve toutefois d’une ambition plus modeste. Notons tout de même que le Centre de la jeune création, dont l’ouverture a été prévue pour 2001, est le premier lieu public important, dédié à l’art contemporain, créé depuis 1991, date de l’ouverture de la Galerie Nationale du Jeu de Paume :

« Au titre des nouveaux lieux de création et de diffusion je citerai le Centre de la jeune création qui ouvrira ses portes en 2001 au Palais de Tokyo et pour lequel nous avons prévu une mesure nouvelle de 5MF.

Je citerai également la Cité du patrimoine et de l'architecture qui s'installera comme prévu à Chaillot et dont les moyens montent en puissance dès 2001 avec 5 millions supplémentaires hors investissement bien sûr.

J'y ajouterai, le futur musée du quai Branly qui représente sûrement une lourde charge mais pour un enjeu qui en vaut largement la peine. »

Les ministres précédents avaient fait preuve de peu d’intérêt face à la création artistique numérique, pourtant très active. Fred Forest199, artiste multimédia et fondateur de l’Art Sociologique200, pratique depuis le début des années 80 un lobbying parfois spectaculaire en destination des pouvoirs publics, qui a finalement porté ses fruits. Notons que cette branche de l’art contemporain n’a jamais été, jusqu’à cette déclaration ministérielle, réellement reconnue par l’Institution :

« Je reviendrai plus en détail sur le secteur du multimédia. Mais je veux souligner qu'à mes yeux il ne s'agit pas seulement de nouvelles technologies mais bien de nouveaux vecteurs de création et de diffusion. C'est pourquoi je l'évoque au titre du soutien à la création.

Les projets de création artistique numérique se caractérisent notamment, nous le constatons de plus en plus, par leur caractère interdisciplinaire. (…)

C'est pour éviter cela que le Premier ministre a fait de la lutte contre l'inégalité numérique l'un des objectifs centraux du Plan d'action gouvernemental pour la société de l'information. (…)

Je souhaite bien évidemment favoriser les connexions à bon débit des lieux culturels notamment les bibliothèques tout comme nous améliorerons, je l'ai déjà dit, l'équipement des écoles d'art, car seules des connexions de bonne qualité permettent de développer des usages créatifs de l'Internet . »

La Ministre met en avant le principe énoncé depuis 1959, consistant à favoriser l'égalité de l'accès à la culture. Il nous appartiendra de vérifier si « les inégalités géographiques se sont fortement estompées ». La Ministre préfère insister sur la lutte contre « les inégalités sociales, économiques et éducatives », thème profondément ancré à gauche (beaucoup plus que l’aménagement du territoire). Notons que la gratuité des musées un dimanche par mois n’est pas réellement une nouveauté ; cette mesure était déjà appliquée au musée des Beaux-arts de Nantes, par exemple, depuis plusieurs années. En ce qui concerne l’art contemporain, de nombreux centres d’art conventionnés et la totalité des FRAC sont gratuits. C’est d’ailleurs une des spécificités des lieux de l’art contemporain, traduisant une volonté d’ouverture à un public plus large:

« Notre second objectif sera de favoriser l'égalité de l'accès à la culture. Toutes les études que nous menons, ou qui sont menées par d'autres, montrent bien que les inégalités d'accès à la culture demeurent malheureusement importantes dans notre pays. Si les inégalités géographiques se sont fortement estompées, les inégalités sociales, économiques et éducatives demeurent. La lutte pour l'égalité d'accès à la culture reste donc pour nous une priorité. C'est la raison pour laquelle nous maintiendrons la gratuité d'accès dans tous les musées et les monuments nationaux le premier dimanche de chaque mois. Cette mesure qui est en vigueur depuis le premier janvier 2000, connaît un important succès avec des hausses de fréquentation de l'ordre de 60% en moyenne. »

Le développement de l’enseignement artistique, de la maternelle au supérieur, constitue un des plus vigoureux serpents de mer de l’Education nationale. Jack Lang (Ministre de l’Education nationale en 2000) a effectivement fait de nouvelles promesses dans ce sens. Remarquons que les « ateliers d'expression artistique » ne concernent que les élèves volontaires, qui sont assez peu nombreux. Il faut en effet qu’ils acceptent de venir au lycée le mercredi après-midi, car ces ateliers peuvent difficilement être insérés dans l’emploi du temps normal. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’une préparation de l’option du baccalauréat :

« Lutter pour l'égalité des chances, c'est aussi généraliser une politique d'éducation artistique et faciliter les pratiques culturelles notamment pour les jeunes.

Nous avions eu l'occasion de vous le dire, dès notre arrivée ici. C'est pour nous un acte essentiel de développement de l'action de ce ministère, je travaille actuellement, en étroite liaison avec Jack Lang pour permettre d'assurer une éducation artistique et culturelle tout au long de la scolarité. Nous avons prévu pour notre part 18MF de mesures nouvelles à cet effet qui s'ajouteront aux 147 millions actuellement consacrés à cette politique.

Ils serviront notamment à créer 1600 ateliers d'expression artistique supplémentaires dans les lycées. Au cours de l'année 2001 plus de la moitié des établissements pourront ainsi proposer ce nouveau dispositif. »

Catherine Tasca veut favoriser l'accueil des scolaires dans l'ensemble des institutions du réseau culturel. Nous analyserons les résultats de ces mesures (qui ne font que renforcer l’existant), à travers des exemples précis, afin d’analyser sur le plan quantitatif et qualitatif les publics concernés :

« Nous nous soucions aussi de l'accueil des scolaires dans l'ensemble des institutions du réseau culturel. A ce titre nous consacrerons 4,5MF supplémentaires à la création et au renforcement des services éducatifs dans les musées territoriaux, les centres d'art et l'ensemble des institutions territoriales du spectacle vivant. Faciliter et guider les premiers contacts avec les œuvres sont deux conditions indispensables à toute éducation artistique. »

La Ministre met en avant sa volonté de décentralisation culturelle. Nous avons vu qu’il s’agit, d’un objectif permanent, depuis 1959, mais on insiste désormais sur des actions dans le cadre de l’intercommunalité, en allant dans le sens de la solidarité entre les communes. Elle souhaite corriger les déséquilibres entre les territoires, comme ses prédécesseurs… seule l’échelle d’intervention change, elle raisonne désormais au niveau intercommunal ou au niveau du « pays » :

« Notre troisième objectif concerne la décentralisation culturelle.

Car les deux objectifs précédents auxquels nous allons en 2001 consacrer des moyens nouveaux importants ne peuvent être efficacement mis en œuvre que s’il y a une véritable évolution des rapports entre l'Etat et les collectivités locales. Vous le savez, depuis de nombreuses années, la plupart des collectivités territoriales consacrent une part de plus en plus importante de leurs budgets à la culture et développent une réelle capacité d'initiative et d'expertise. Les deux décennies qui viennent de s'écouler ont été marquées par un partenariat fort entre l'Etat et ces

collectivités qui a produit des résultats incontestables en terme d'aménagement du territoire et de développement des pratiques culturelles.

Mais les récents développements des contrats de ville ou de pays nécessitent une modernisation des modes d'intervention du ministère de la culture et des formes nouvelles de partenariat. Je devrais mentionner aussi les progrès de l'intercommunalité qui vont dans le même sens. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons expérimenter avec des collectivités volontaires de nouveaux protocoles de décentralisation culturelle sous la conduite de Michel Duffour.

Nous les bâtirons à partir d'une réflexion commune et approfondie sur les objectifs, le rôle et les conditions d'intervention de chaque collectivité. Ils auront également pour objet d'améliorer les solidarités entre les collectivités afin de combler les écarts et les déséquilibres entre les territoires. Deux domaines y seront privilégiés : les enseignements artistiques et le patrimoine pour lesquels les collectivités jouent d'ores et déjà un rôle essentiel.

Au nombre de 6 à 8, les protocoles de décentralisation devront permettre sur une période de trois ans et sur un territoire donné de proposer une nouvelle répartition des responsabilités en matière culturelle et d'éclairer une nouvelle répartition des interventions publiques. Nous leur consacrerons en 2001 une enveloppe de 15MF s'ajoutant bien sûr aux interventions des différentes directions et DRAC. »

Ce discours confirme la volonté affichée d’aménager le territoire, après la décentralisation, l’heure est à la déconcentration. Cette action peut effectivement avoir des conséquences sur la géographie de l’art contemporain, si ces transferts d’emplois favorisent l’action culturelle dans les régions. Cela n’est pas évident, car il faudrait alors que ces mesures de déconcentration soient accompagnées d’une augmentation budgétaire :

« (…) Pour accompagner ce mouvement de décentralisation culturelle, nous devons poursuivre résolument la déconcentration de la gestion de ce ministère.

Cela conduit à faire pleinement des directions régionales des affaires culturelles des vrais relais du ministère de la culture en région. Il faut bien entendu leur en donner les moyens humains et financiers nécessaires.

Un nouveau programme de transfert d'emplois est en cours qui porte sur 200 postes en 4 ans. Par ailleurs, en 2001, les deux tiers des crédits déconcentrables le seront effectivement. Ce qui je vous l'assure est sinon une révolution du moins une évolution importante pour la gestion de ce ministère. »

Le discours de Catherine Tasca affiche donc une réelle ambition sur le plan de la diffusion de toutes les cultures, de l’aménagement culturel du territoire et de l’aide à la création. Nous tenterons de montrer dans quelle mesure cette politique a été appliquée et de mettre en évidence ses conséquences spatiales

5.2.3. Michel Duffour et les « Nouveaux territoires de

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