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Une déconcentration qui a fait évoluer la géographie de l’art contemporain

Dans le document La géographie de l'art contemporain en France (Page 128-130)

Première partie : L’art contemporain en France depuis

Document 7: Lettre manuscrite de Niki de Saint-Phalle (1990)

II. L’art contemporain dans les politiques culturelles (1959-2004)

4. Les années Lang : deuxième rupture (mai 1981 mars 1986 et mai 1988 – mars 1993)

4.3. Nouvelles structures au service d’une politique nouvelle 1 Un ministère réorganisé

4.3.3. Une déconcentration qui a fait évoluer la géographie de l’art contemporain

La frontière entre décentralisation et déconcentration n’est pas toujours bien nette, d’autant plus que l’on assiste souvent à la superposition des deux modes d’action. R. Rizzardo, Directeur de l’Observatoire des Politiques Culturelles de Grenoble met bien tous ces concepts en relation : « La décentralisation, c’est l’initiative des collectivités territoriales. La déconcentration, c’est l’Etat qui s’organise dans le cadre régional. Le partenariat contractuel189, c’est, d’une certaine manière, la rencontre entre les deux. »190

Si la décentralisation a été effectivement modeste, malgré la création des FRAC, l’augmentation du budget du ministère de la Culture a permis de renforcer les moyens attribués aux Directions Régionales des Affaires Culturelles (créées en 1972). Les DRAC existaient bien avant l’arrivée de Jack Lang, on peut cependant affirmer que la véritable déconcentration n’a pu se mettre en place, de façon efficace, que lorsqu’elles ont été dotées de moyens financiers et humains suffisants, à partir de 1982. Elles sont chargées de mettre en œuvre la politique du Ministère dans les régions et d’établir des partenariats avec les collectivités territoriales. La création des 22 postes de conseillers artistiques régionaux permet, en théorie, une égale application de la politique ministérielle concernant les arts plastiques, sur tout le territoire.

Les DRAC ont ainsi pu subventionner des institutions, des associations, procéder à des commandes publiques…, notamment dans le domaine de l’art contemporain. C’est par ce biais que les acteurs du terrain ont pu mesurer les effets du doublement du budget de la Culture, et que Jack Lang a acquis une forte popularité. Elles ne se contentent pas de donner des subventions, mais aussi de conseiller les élus locaux. Les exigences des conseillers artistiques des DRAC, visent à tirer les politiques locales « vers le haut », c’est à dire dans le sens des orientations ministérielles. Les négociations sont parfois difficiles entre les différents partenaires aux motivations et aux sensibilités différentes. R. Rizzardo affirme que « placées sous l’autorité des Préfets de région, les DRAC doivent parfois (mais assez rarement) faire prévaloir les objectifs artistiques et culturels sur les « considérations » politico-administratives au demeurant assez naturelles dans la gestion des situations locales. C’est alors que les capacités

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Dans le domaine des arts plastiques, il s’agit de conventions passées entre la Délégation aux Arts Plastiques et les villes visant, le plus souvent, à créer et faire fonctionner des lieux d’exposition, mais aussi à favoriser la création.

d’expertise et de jugement qualitatif ou scientifique sont essentielles (…) pour arbitrer autant que de besoin. »191. Ce contrôle, exercé par les conseillers des DRAC, a favorisé la diffusion de l’art contemporain sur le territoire français. Une municipalité souhaitant obtenir une subvention dans le cadre d’un partenariat (souvent à 50%) avec la DRAC, pour installer une sculpture, ne peut pas passer une commande directement à un artiste local. Elle doit obligatoirement obtenir l’aval de la DRAC, qui a des listes d’artistes homologués, reconnus comme plasticiens contemporains. Voilà pourquoi certains élus préfèrent choisir eux-mêmes un artiste non reconnu, donc a priori moins cher, quitte à se priver de subvention. Ils affirment pouvoir ainsi réaliser de substantielles économies, et surtout simplifier et raccourcir les procédures administratives. On peut toutefois penser que la procédure de la commande publique, a permis de faire vivre de leur art un nombre croissant de plasticiens. Elle a effectivement « tiré vers le haut » une partie des choix des élus locaux qui ne se seraient probablement pas dirigés vers un artiste dit « contemporain ». Ceci montre bien la différence entre la déconcentration, avec le contrôle des services de l’Etat qu’elle implique, et la décentralisation souhaitée par certains élus, mais redoutée par Jack Lang, qui craignait un nivellement par le bas des politiques culturelles locales. Pour, reprendre la formule de P. –A. Four, la doctrine du Ministère a été la « déconcentration des moyens plutôt que le soutien aux expériences régionales »192.

Tout en veillant à la mise en place des FRAC, le Ministère a favorisé la création des centres d’art contemporain en les subventionnant, directement par la Délégation aux Arts Plastiques ou indirectement, par l’intermédiaire des DRAC. Ils se différencient des musées par le fait qu’ils ne présentent que des expositions temporaires. Ils se distinguent aussi des FRAC parce qu’ils n’ont pas vocation à gérer une collection. Une autre originalité réside dans le fait que, contrairement aux musées des beaux-arts, exclusivement urbains, certains centres d’art ont été implantés dans le monde rural, comme celui de Vassivière dans le Limousin, ou de Kerguehennec dans le Morbihan.

Il faut toutefois nuancer ces politiques de déconcentration. David Cascaro rappelle que « …si trente centres d’art bénéficient en 1997 de 18,40 millions de francs déconcentrés, deux centres d’arts parisiens (la galerie du Jeu de Paume et le Centre national de la photographie) obtiennent 20,50 millions de francs de subventions sur

191 Rizzardo (R.) et al. Op. cit. p. 127. 192

crédits centralisés »193. Par ailleurs, tandis que 14 millions de francs des crédits d’acquisition sont déconcentrés vers les FRAC, le FNAC, situé à la Défense, bénéficie à lui seul de 25 millions de francs annuels. De plus, l’inégale répartition des artistes sur le territoire a poussé le Ministère à ne pas déconcentrer la totalité des aides individuelles à la création du FIACRE et à des allocations d’installation. Celles-ci sont donc distribuées principalement dans les grands foyers de concentration d’artistes contemporains et donc, en fait, surtout à Paris.

Nous analyserons ultérieurement les conséquences de la mise en place de ces politiques en faveur des arts plastiques sur le plan de l’aménagement du territoire .

Dans le document La géographie de l'art contemporain en France (Page 128-130)