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Ma thèse pourrait donc s'envisager ainsi : plus qu’un objet extérieur semant le désordre ou colonisant l’ordre scolaire (qui subirait en cela des mutations sociétales, en raison tant de la massification scolaire nationale que d’un ethnic revival général), je soutiendrai que l’ethnicisation et la discrimination sont des procédés de gestion qui prennent sens dans une logique de (reprise de) contrôle interne (i.e. en rapport à l’interne). Ou plutôt, elle prennent sens dans la circulation entre plusieurs logiques de contrôle identifiables dans le fonctionnement scolaire, qui ne sont pas a priori et toujours coordonnées entre elles et n’ont donc pas un sens unique ou univoque. La discrimination et l’ethnicisation prendraient place à un carrefour, ou plus justement dans un réseau, raccordant à la fois le contrôle disciplinaire relatif à la fonction éducative de l’école, le contrôle institutionnel relatif à la gestion de l’imaginaire de l’Etat-Nation - dont l’école est l’une des institutions historiquement clé –, et le contrôle professionnel à l’égard des arrangements réels du travail. Extérioriser et minimiser l’idée de discrimination (par sa dénégation, par son statut, par sa gestion, et jusque dans les formes du raisonnement sociologique…) relèveraient en conséquence à la fois d’un statut

politique et d’un statut pratique d’objets (main)tenus comme étrangers à l’institution et

dangereux pour elle et pour ses agents. Saisies ainsi, la production et la gestion de discrimination et d’ethnicisation par l’institution scolaire et ses professionnels invitent à mettre la focale sur les procédés de contrôle, sur les activités que l’on peut appeler police des

frontières. Appliquée aux stages, cette approche peut montrer que la discrimination prend place de façon très congruente dans un dispositif éducatif – le stage – pris en tension entre plusieurs logiques, dont la gestion pratique en privilégie certaines au détriment d'autres. La discrimination ethnico-raciale n'intervient pas comme phénomène supplémentaire dans ce schéma, mais comme une des formes de ce fonctionnement banalisé, caractérisée par le recours à l'ethnicisation ou par sa validation dans le travail scolaire. Je montrerai alors que cet ordre, partiellement ethnicisé ou racisé, est directement organisé par des pratiques qui à la fois le maintiennent, le prolongent et en effacent ou banalisent les formes et les traces.

Entre l’école et l’entreprise : la discrimination ethnico-raciale dans les stages Page 34 La première partie de cette thèse est consacrée à poser de façon détaillée mon cadre d'analyse et les points d'appui théoriques, ainsi que le cadre épistémologique et la méthodologie de la recherche. J'aborderai en premier lieu le cadre conceptuel relatif à la catégorisation ethnico- raciale et aux rapports de pouvoir sur ce mode, à une théorie globale des frontières et de leur gestion, et à la discussion du concept de discrimination (chap. I). Après avoir présenté la construction et l'état tant scientifique que politique de la question de la discrimination, je poserai plusieurs éléments d'un cadre théorique susceptible d'appréhender les enjeux de contrôle sur l'imaginaire de l'institution et conséquemment sur le statut attribué aux idées d'ethnicisation et de discrimination (chap.II). Le troisième chapitre présentera les conditions de validité d'une posture de sociologie publique, puis présentera les modalités de construction des terrains et de recueil du matériau soutenant cette recherche (chap.III).

La seconde partie de la thèse met au travail les matériaux et déploie l'analyse, en suivant le schéma suivant. Je montrerai d'abord de façon générale divers procédés d’ethnicisation, leur banalité et leurs effets pratiques dans la gestion des normes, de l’ordre et des frontières scolaires, en m'attachant à leur(s) sens dans l'institution. J’en proposerai un modèle d’interprétation, à partir de la problématique des frontières. Je traiterai dans le même temps des procédés de dénégation du phénomène, à la fois dans leurs formes et dans leur sens (chap. IV). Je m'attacherai ensuite à poser le cadre d'une problématique propre des stages. Ceci, d'abord du point de vue du sens de ce dispositif dans les transformations de l'institution, et dans le déplacement du centre de gravité des politiques publiques vers un référentiel d’insertion. Il s'agira à partir de là de voir l'ordre réel de fonctionnement des stages, de la relation école- entreprise aux procédés de gestion des mises en stage. Je proposerai un modèle de lecture des tensions traversant le dispositif, et dont la gestion pratique conduit à accentuer la logique normalisatrice à l'égard des élèves sous couvert d'un consensus entre l'école et l'entreprise (chap. V). En articulant les deux dimensions précédentes, je montrerai comment est traitée la question de la discrimination dans les stages. On s'intéressera aux procédés de gestion du statut du problème (notamment son invisibilisation) ainsi qu'aux pratiques d'arrangements et de coproduction de la discrimination. En établissant des processus de mise en continuité entre l'école et l'entreprise, via des phénomènes d'ethnicisation, on s'intéressera finalement aux modes de justification et aux pratiques de maintien sous contrôle du phénomène par une action directe sur les élèves (chap. VI). Pour finir, je laisserai la parole aux élèves. Il s'agira de voir ce qu'ils font de l'expérience discriminatoire, et comment ils gèrent celle-ci en relation avec leurs projections dans l'école (chap. VII).

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