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Présentation chiffrée

Dans le document LA LUTTE CONTRE LA TRAITE ET (Page 94-101)

Le rapport d’Eurostat présente des données statistiques relatives aux victimes de traite, aux auteurs de traite et aux procédures engagées et finalisées.

Les victimes de traite en Europe

Aux termes de la directive no 2011/36/UE du 5 avril 2011, les États membres ont l’obligation de communiquer les données qu’ils ont pu récolter tant sur le nombre de victimes identifiées (celles qui sont formellement identifiées par les autorités compétentes comme des victimes de traite), que sur le nombre des victimes présumées (victimes qui remplissent les critères posés par la directive mais qui n’ont pas été formellement identifiées comme telles par les autorités

9. Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Rapport mondial sur la traite des personnes : résumé analytique, Nations unies, New York, 2009.

10. Ac. Sé, « Dispositif national Ac.Sé », Bilan des activités 2014, Association ALC, Nice, mars 2015.

11. Eurostat, Trafficking in Human Beings, Eurostat Statistical Working Paper, Luxembourg, 2014 12. Les différentes définitions prises en compte dans le rapport d’Eurostat sont celles énoncées par la directive no 2011/36/UE du 5 avril 2011.

compétentes, ou encore celles qui n’ont pas souhaité être identifiées comme des victimes de traite).

Le nombre de victimes

Sur la période 2010-2012, 30 146 victimes ont été enregistrées dans les 28 États membres de l’UE. Le rapport d’Eurostat propose, pour justifier ce décompte, un tableau comparatif détaillant le nombre de victimes par État membre. Si ce chiffre doit être pris avec précaution, compte tenu des différences évidentes dans le mode d’enregistrement des victimes, l’examen de l’évolution du nombre de victimes année par année permet néanmoins de dégager des tendances : le nombre total de victimes de traite, identifiées ou supposées, enregistrées par les différentes autorités sur l’ensemble du territoire de l’UE, est en effet passé de 9 710 en 2010 à 9 438 en 2011 pour atteindre 10 998 en 2012, soit une augmentation totale de 13 %.

Si tous les États membres n’ont pas communiqué leurs chiffres, l’examen du détail des États ayant identifié le plus de victimes laisse apparaître une cer-taine concentration de celles-ci. C’est ainsi qu’en 2012, l’Italie a dénombré 2 631 victimes, soit plus de 23 % du nombre total des victimes de traite, et les Pays-Bas 1 711, soit un peu plus de 15 % de ce nombre total. Entre 2010 et 2012, la France a, quant à elle, vu le nombre de victimes augmenter de 3 %, passant de 726 à 751.

On constate dans certains États une forte hausse du nombre de victimes entre 2011 et 2012 (la Lituanie a connu une augmentation de 554 %, passant de 22 à 144 victimes ; les Pays-Bas une augmentation de 40 % faisant passer le nombre de victimes de 1 222 à 1 711 ; le nombre de victimes au Royaume-Uni a enfin augmenté de 7 %, passant de 1 998 à 2 145), alors que les données statistiques d’autres États montrent une baisse conséquente pour la même période (l’Estonie a ainsi déclaré avoir dénombré 56 victimes en 2011 contre 22 en 2012, et l’Espagne est, quant à elle, passée de 234 victimes en 2011 à 125 en 2012). À titre d’exemple, la diminution remarquée en Espagne s’explique par la modification des limites de l’incrimination. À la définition particulièrement large, englobant un grand nombre de situations, s’est substituée en 2012 une conception beaucoup plus resserrée de l’infraction, excluant, par ricochet, un certain nombre de victimes. À l’inverse, la hausse constatée au Royaume-Uni s’explique par l’inclusion, dès 2011, des « victimes potentielles » dans les fiches communiquées à l’UE, allant ainsi bien au-delà de la définition européenne de

« victimes présumées ». Enfin, une partie des États ayant communiqué leurs chiffres sur l’ensemble de la période connaissent une évolution constante du nombre de victimes, que celle-ci soit à la hausse (comme c’est le cas en Belgique, au Danemark, à Malte et en Autriche), ou à la baisse (à l’instar de la République tchèque, de Chypre, de l’Irlande et de la Roumanie).

Le « profil » des victimes L’origine des victimes de la traite

Au sein de l’UE, 65 % des victimes enregistrées entre 2010 et 2012 étaient res-sortissantes d’un État membre. Les cinq pays d’origine de l’Union européenne

qui comptent le plus de victimes sont, pour l’ensemble de la période concernée par le rapport, la Roumanie (6 106), la Bulgarie (3 043), les Pays-Bas (1 080), la Hongrie (1 046) et la Pologne (976). La France arrive en 6e position avec un total de 491 victimes de nationalité française, étant précisé que les victimes identi-fiées sur le territoire national par les autorités sont majoritairement originaires de Roumanie et de Bulgarie.

De plus, 26 % des victimes identifiées ou présumées avaient en 2012 la nationalité de l’État qui les avait enregistrées. Ce chiffre est en baisse, dans la mesure où il était auparavant de 29 % (2010) et de 31 % (2011). En France, ces « victimes nationales » représentaient, en 2012, 18 % du nombre total de victimes, alors que la Roumanie et la Bulgarie déclaraient la même année 100 % de « vic-times nationales ».

Enfin, les cinq pays hors Union européenne qui comptent le plus de victimes ayant leur nationalité enregistrées dans les pays de l’Union sont le Nigeria, le Brésil, la Chine, le Vietnam et la Russie 13.

L’âge et le genre des victimes de la traite

Concernant le nombre de victimes selon l’âge, la directive no 2011/36/UE du 5 avril 2011 regroupe différentes mesures spécifiques aux enfants, au vu de leur particulière vulnérabilité, et précise en ce sens que les enfants doivent être accompagnés en qualité de « personnes vulnérables 14». Afin d’améliorer les connaissances sur le phénomène de la traite des êtres humains sous l’angle de leur âge et pour aborder plus spécifiquement la traite des enfants, une nouvelle catégorie d’âge a été introduite dans la collecte des données. Les États membres doivent désormais renseigner l’Union européenne sur le nombre de victimes de traite enregistrées, selon qu’il s’agit d’un adulte ou d’un enfant et, de manière plus précise, en effectuant un distinguo entre différentes tranches d’âge.

Graphique 9. L’âge des victimes

Source : Eurostat 2014

13. Les chiffres donnés pour ces nationalités sont en valeur absolue. Il faudrait les rapprocher du nombre d’habitants par pays pour avoir aussi une représentation relative.

14. Les enfants sont ainsi définis pour des raisons évidentes liées à leur âge : le niveau de maturité et la forte susceptibilité à être l’objet de pressions de la part de figures d’autorité que sont les parents ou plus généralement tout adulte. Les enfants doivent aussi être considérés comme vulnérables pour toutes les raisons existantes et appliquées aux adultes, comme leur niveau socio-économique, leur statut de migrant, leur incapacité, etc.

2 % 17 %

36 % 45 %

0 - 11 ans 12 - 17 ans 18 - 24 ans

25 ans et plus

Les enfants représentent environ un cinquième des victimes de traite entre 2010 et 2012. Cela dit, le rapport d’Eurostat formule une mise en garde en précisant que les chiffres relatifs à l’âge des victimes sont à prendre avec précaution, dans la mesure où plusieurs États n’ont pas communiqué de données complètes sur la question.

Par ailleurs, la traite ne vise pas indifféremment les hommes et les femmes. En effet, sur les trois années envisagées :

– 74 % des victimes étaient des femmes, – 22 % étaient des hommes,

– les 4 % restants correspondant à la part de victimes pour laquelle le genre est inconnu.

La ventilation des victimes selon l’âge et le genre laisse apparaître, une fois encore, une surreprésentation des femmes parmi les victimes, quel que soit leur âge. Parmi les mineurs, les filles représentent en effet 13 % des victimes et les garçons 3 %.

Graphique 10. L’âge et le genre des victimes

Les formes de traite et d’exploitation subies

À la demande du Conseil « Justice et affaires intérieures » de l’Union européenne, les formes de traite des êtres humains ont été détaillées à l’intérieur de deux catégories majeures que sont l’exploitation sexuelle et l’exploitation du travail.

La catégorie « exploitation sexuelle » comprend les sous-catégories suivantes : la prostitution dite « de rue », la prostitution en vitrine et les maisons closes, les bars de striptease, l’industrie pornographique, les services d’escorte et les agences de mannequin, ainsi que les salons de massage. La catégorie « exploitation du travail » comprend les activités liées à l’agriculture, la construction, l’industrie textile, la restauration et l’hôtellerie, la surveillance et la pêche. À ces deux grandes catégories vient s’ajouter la catégorie « autres », laquelle comprend l’esclavage ou la servitude domestique, la mendicité forcée, les activités crimi-nelles forcées et le prélèvement d’organes.

Femmes 67 % Filles 13 %

Hommes 17 %

Garçons 3 %

Source : Eurostat 2014

Graphique 11. Les formes de traite en Europe en 2012

La majorité des victimes de traite l’est de l’exploitation sexuelle (69 % sur la période 2010-2012), vient ensuite le travail forcé (19 % sur les trois ans) et enfin la catégorie « autres » regroupant les différentes formes précitées (13 % pour ces formes de traite).

Graphique 12. Les formes de traite en fonction du genre des victimes au sein de l’UE

Si les femmes sont, de manière générale, plus touchées par le phénomène de la traite, le type de traite subi diffère également en fonction du genre : sur l’ensemble de la période considérée, 85 % des victimes féminines ont subi des faits d’ex-ploitation sexuelle, alors que cette infraction ne concerne que 14 % des victimes masculines. À l’inverse, le travail forcé constitue la première forme de traite subie par les hommes, dès lors que 64 % en sont victimes, contre 7 % chez les femmes.

Les auteurs de traite en Europe

En application de la directive no 2011/36/UE du 5 avril 2011, les États membres ont communiqué leurs données sur les personnes suspectées d’être des auteurs d’actes de traite des êtres humains (dans le rapport : suspected traffickers) 15 par nationalité, par genre et par âge.

15. Il est regrettable que le rapport d’Eurostat ne précise pas les critères de cette notion.

67 % 20 %

13 %

Autres

Exploitation du travail Exploitation sexuelle

Source : Eurostat 2014

22 8

64

7 14

85

0 % 20 % 40 % 60 % 80 % 100 %

Hommes Femmes

Autre Travail forcé Exploitation sexuelle Source : Eurostat 2014

Le nombre de trafiquants suspectés

Le nombre de « trafiquants suspectés » au sein de l’Union européenne a baissé tout au long de la période considérée, passant de 4 951 en 2010 à 4 152 en 2011, pour finalement tomber à 4 017 en 2012, soit une baisse totale de 18,86 %. Ce chiffre ne comprend cependant pas les données de certains pays comme l’Irlande, la France, la Lituanie ou le Royaume-Uni, qui n’ont communiqué aucun élément statistique. Si elle doit donc être prise avec précaution, la baisse évoquée plus haut permet néanmoins de dégager une tendance, dans la mesure où les pays qui ont donné leurs statistiques l’ont fait pour les trois années considérées.

Les « profils » des trafiquants suspectés

Graphique 13. Les nationalités des auteurs de traite suspectés dans les pays de l’UE

Graphique 14. Les pays les plus répertoriés comme pays de nationalité des auteurs européens de traite

En moyenne, sur les trois années traitées par le rapport, entre 25 et 30 % des trafiquants suspectés étaient des ressortissants de l’UE, de la nationalité de l’État les ayant identifiés. Pour les années 2011 et 2012, les trois nationalités les plus représentées parmi les trafiquants suspectés étaient, par ordre d’importance, les Nigérians (96 en 2011 puis 90 en 2012), les Turcs (75 en 2011 puis 70 en 2012) et les Albanais (52 en 2011 puis 72 en 2012).

AELE, pays candidats à l’UE 5 % Autres pays européens 2 %

Inconnus ou apatrides 14 %

Asie 3 % Afrique 5 % CELAC 3 %

États membres de l’UE

69 %

Source : Eurostat 2014

Bulgarie 21 %

Roumanie 20 %

Belgique 18 % Allemagne

11 % Espagne 7 %

Autres pays de l’UE 23 %

Source : Eurostat 2014

Parmi les suspects, les hommes sont surreprésentés de manière constante : environ 70 % en 2010-2012 pour 30 % de femmes.

Les procédures engagées et finalisées

Le nombre de trafiquants poursuivis pour des faits de traite a augmenté au sein de l’Union européenne de 8,33 % entre 2010 et 2012, passant de 2 699 à 2 928, pour finalement atteindre 2 924. La Belgique, la France et la Roumanie sont les États membres qui ont engagé le plus de poursuites au cours de la période considérée, avec respectivement 1 756, 1 585 et 1 431 trafiquants poursuivis.

Sur l’ensemble de cette même période, plus de 70 % des poursuites engagées l’ont été pour des faits d’exploitation sexuelle.

Graphique 15. La nationalité des auteurs de traite poursuivis dans les pays de l’UE

Pour 52 %, les auteurs de traite européens poursuivis dans l’Union au cours de la période considérée l’ont été dans leur pays d’origine, 24 % dans un autre État membre, et 19 % sont issus de pays tiers.

Le nombre de décisions rendues dans l’Union européenne pour des faits de traite 16 est successivement passé de 1 565 (2010) à 1 578 (2011), puis à 1 220 (2012). 1 348 condamnations ont ainsi été prononcées en 2010 pour de tels faits. Ce chiffre a par la suite considérablement baissé, tombant à 1 066 en 2012, sans que l’on dispose d’explications à ce sujet. Il est en effet surprenant, voire paradoxal, de constater que, si le chiffre des victimes augmente, celui des condamnations diminue.

Parallèlement au phénomène de concentration des victimes observé plus haut, les condamnations sont, elles aussi, relativement concentrées sur certains États, à l’instar de la Roumanie, qui déclarait en 2012 avoir procédé à 427 condam-nations, soit 35 % du chiffre européen total. La France a, quant à elle, déclaré avoir prononcé 577 condamnations en 2010, puis 511 en 2011, mais n’a pas communiqué ses chiffres pour l’année 2012, alors que ceux-ci auraient pu per-mettre de confirmer les avancées en matière de lutte contre la traite.

16. À nouveau, il est regrettable qu’il n’y ait pas de ventilation plus précise des décisions autres que les condamnations et les acquittements.

États membres de l’UE : 69 % AELE, pays candidats à l’UE : 5 %

Autres pays européens : 2 % Asie : 3 % Afrique : 5 % CELAC : 3 %

Inconnus ou apatrides :

14 % Source : Eurostat 2014

Graphique 16. Évolution du nombre de victimes et d’auteurs de traite au sein de l’Union européenne (chiffres absolus)

Dans le document LA LUTTE CONTRE LA TRAITE ET (Page 94-101)